Maintenant

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : PWP, foursome, M/M/M/M, érotique, romance.

Résumé : Des douches des vestiaires. Ou de la nécessité de suivre ses pulsions lorsque, après avoir consciencieusement veillé à ne jamais montrer son homosexualité dans le milieu du sport, l’on voit son coéquipier se diriger vers les douches avec un clin d’œil significatif à son intention.

Liens vers les différents chapitres

MaintenantEncore

Maintenant

Les plastrons et les épaulettes claquèrent tandis que Victor pénétrait dans les vestiaires avec les membres de son équipe. Le public criait toujours au-dehors, hurlait, acclamait. La sueur coulait sous leurs casques. Il se posa lourdement sur le banc, ôta lentement ses protections et, plus progressivement encore, commença à se dévêtir, prenant son temps, marquant des pauses. Les autres se bousculaient en s’amusant et l’euphorie de la victoire les rendait plus surexcités qu’ils ne l’avaient été avant le match. Victor, lui, resta à l’écart de ça.

Petit à petit, il les vit se déshabiller, passer les uns les autres à la douche, remettre leurs vêtements de ville, puis sortir. D’autres équipes avaient pris leur suite, dehors, comme en attestaient les applaudissements des spectateurs et les appels au micro du commentateur. Seul Victor resta assis, encore en short, tandis que ses coéquipiers quittaient la pièce. Il attendait toujours de se retrouver seul avant de se laver. Ce n’était pas quelque chose qu’il se laissait aller à faire avec les autres. Il réagit à leurs boutades habituelles concernant sa pudeur présumée en faisant semblant de s’en amuser. Colin, cependant, n’était pas encore sorti. Il tâcha de faire comme s’il ne voyait pas son corps nu. Il fixa ses pieds, attendant.

Il détestait les passages aux vestiaires comme d’autres haïssent les fêtes de fin d’année, ou tous ces autres moments pour lesquels il était attendu un état d’esprit. Ce qu’il aurait dû éprouver, il le savait : l’impatience, la peur, l’exaltation, la franche camaraderie, les effusions viriles, frappes sur l’épaule, et l’amitié tellement dénuée du moindre sous-entendu qu’on pouvait se palper les fesses sans qu’il y ait là de geste déplacé. Pourtant, chez lui, tout était déplacé : ses pensées, lorsque son regard se posait sur les corps nus de ses camarades, ses réactions physiques lorsque ceux-ci le touchaient, ses perceptions lorsque l’un d’eux lui souriait d’une manière qui aurait pu signifier toute autre chose qu’une simple expression d’affection… Surtout avec Colin. Colin dont les sourires en coin semblaient toujours porter en eux un second degré, Colin qui ignorait la pudeur, Colin qui devait être le seul type au monde capable de faire des étirements, entièrement à poil, à l’intérieur des vestiaires, Colin qui était resté seul, dans la pièce encore saturée d’odeur de sueur alors que les clameurs du public noyaient toute possibilité de conversation dans un désordre sonore.

Puis Colin se redressa et, lorsqu’il se positionna debout face à lui, Victor put voir que son sexe affichait un début d’érection. Surpris, il releva le visage, reconnut l’un de ses habituels sourires en coin, alla jusqu’à chercher son regard… Et patienta.

Soudain, l’attente ne fut plus si pénible. Elle était devenue fébrilité, ferveur, instant suspendu dans le temps où tout était possible, où le moindre acte serait porteur d’une signification plus forte que tout ce qui avait pu se produire précédemment : provocation ou moquerie… invitation, peut-être. La porte des vestiaires s’ouvrit à ce moment et, si Colin attrapa sa serviette pour s’en entourer rapidement le bassin, il ne se dirigea vers les douches qu’après lui avoir lancé un clin d’œil.

Victor eut un temps d’hésitation. Il le regarda passer derrière la paroi carrelée, plus loin.

Alors, aussi négligemment que l’imposait l’arrivée de leurs collègues, il se leva. Son regard effleura le sol, se releva lentement vers les deux hommes qu’il salua de la tête, se dirigea vers l’endroit où Colin avait disparu. Il sentait son pouls battre si distinctement dans ses tempes que sa tête lui tournait.

Une fois arrivé à l’entrée de la douche, il se posa contre le mur pour profiter du spectacle qu’il découvrit. Adossé au carrelage au fond de la pièce, Colin avait renversé la tête sous l’eau chaude et son sexe était, cette fois, entièrement dressé. Un nuage de vapeur commençait à se diffuser au sol et les cris du public assourdissaient jusqu’au tapotement des gouttes à ses pieds, les isolant. Victor n’hésita pas. Sa respiration s’était accélérée et son esprit n’était plus fixé que sur le corps qui se dressait face à lui. Le sexe tendu qui l’appelait. D’un pas mesuré, il marcha vers lui, ôta en chemin son short qui ne dissimula plus sa propre érection puis, une fois parvenu à sa hauteur, d’un coup, il tomba à genoux. Comme en extase. Et prit sa hampe dans sa bouche. C’était ce qu’il voulait, ce qu’il avait crevé de faire toutes les fois où il l’avait vu nu devant lui. Les doigts de Colin entrèrent dans sa chevelure, s’y serrèrent, et il enfourna profondément sa verge, suça, aspira, se gava de cette chair chaude qu’il désirait en lui, la faisant glisser sur les parois de sa bouche, la surface de ses lèvres, la possédant comme il aurait aimé qu’elle le possède. Ses mains se crispaient sur les fesses de son partenaire, palpaient les muscles à sa portée, y enfonçaient les doigts, tandis qu’il continuait à aller et venir le long de son sexe et que l’eau leur tombait toujours dessus.

Il aurait aimé prendre sa propre verge dans sa main, mais il ne savait pas s’il pouvait se le permettre. Peut-être que Colin n’avait besoin que de drainer l’excitation née de leur match, peut-être qu’il n’acceptait sa bouche que parce qu’elle lui procurait ce qu’une femme aurait pu lui offrir ; il ignorait si le voir dans sa masculinité, avec ses gestes et ses besoins d’homme, risquerait de le faire fuir. Il ne se posa pas plus de questions. La chair dans sa bouche l’échauffait profondément et il accéléra ses allées et venues, jusqu’à ce que Colin resserre les doigts sur son crâne et jouisse dans un mouvement de hanches et une avancée plus vive des reins. Au comble de l’excitation, il avala ce qui se présenta à lui, conscient que son propre sexe pulsait d’envie. Lorsqu’il relâcha celui de Colin pour relever le visage, il fut surpris de le voir regarder ailleurs : derrière lui, avec un sourire amusé. Aussitôt, il se retourna. Les deux hommes qui étaient entrés dans les vestiaires — deux joueurs d’une autre équipe — se tenaient à l’entrée de la douche, nus également, et ils le fixaient avec une inclinaison particulière des lèvres.

Leurs sexes, à eux aussi, étaient dressés.

Alors, Victor sut ce qui allait se passer. Et l’attendit avec une profonde fébrilité. Le premier avança, lui présenta sa verge, comme il était encore à genoux devant celle de Colin. Et, puisqu’il ne désirait rien de plus, il s’empressa de la prendre dans sa bouche, tandis qu’il tendait la main pour caresser dans le même temps celle du deuxième joueur. Longuement, il aspira, conscient au fond de lui-même qu’il était en train d’enfreindre toutes les règles qu’il s’était fixées durant toutes ses années dans le milieu du sport : celle de ne jamais coucher avec un autre joueur, celle de ne jamais montrer son homosexualité… Les autres membres de son équipe, de plus, n’étaient pas loin. Il ignorait ce que pourrait raconter Colin après un tel évènement, il ignorait ce qu’il pourrait se produire si d’autres entraient. Sur le moment, pourtant, il s’en moquait. L’excitation, violente, embrumait son cerveau et il suça avec délectation, passa d’une verge à l’autre, les prenant chacune leur tour dans sa bouche, caressant l’autre pendant ce temps… Colin se tenait à côté de lui, passant par moment les doigts dans les mèches trempées de ses cheveux, descendant sur sa joue, en des gestes si doux et si troublants qu’il finit par lâcher la hampe qu’il aspirait pour presser son visage dans sa paume, se gavant de son contact.

Un signe le fit alors se relever et il suivit l’invitation de son partenaire à s’appuyer contre le mur. Sans le lâcher du regard, il y posa les deux mains, inclina les reins et écarta les cuisses. Son excitation était à son paroxysme et son sexe si tendu qu’il le sentait pulser. Il laissa tomber son visage vers l’avant et ferma les paupières, dans l’attente et l’envie. Des mains se posèrent sur ses hanches, le faisant haleter et pousser de réflexe vers l’arrière. La première verge qui s’enfonça à l’intérieur de lui, aidée par l’eau qui persistait à s’écouler sur eux, le fit gémir. Il voulait ça, oui, c’était tout ce à quoi il avait toujours rêvé lors de ces temps de silence dans les vestiaires, lors de ses contemplations discrètes des corps nus de ses camarades, lorsqu’il les voyait partir se laver en se débrouillant toujours pour être trop lent ou trop rapide pour les y croiser… Il serra les dents sur ses lèvres alors que le sexe qui le pénétrait coulissait dans son corps, frottait contre sa prostate, provoquant en lui des éclairs de plaisir qui éclataient en d’innombrables piques qui se propageaient jusqu’à l’intérieur de son ventre. Les va-et-vient suivirent, s’intensifiant et le faisant presser de plus en plus fortement les mains contre le carrelage pour ne pas glisser, serrer ses lèvres l’une contre l’autre pour s’empêcher de gémir, retenir parfois sa respiration. Il ne savait toujours pas s’ils le voulaient en tant qu’homme ou en tant que corps à leur disposition et craignait que toute manifestation trop nette de sa virilité — sa voix comprise — casse ce qui était en train de se produire. Alors, il retint ses manifestations d’extase tant qu’il le put, jusqu’à ce que le plaisir pulse même à l’intérieur de sa tête, jusqu’à ce qu’en de longs coups de reins, plus hachés et plus rudes, l’homme qui se trouvait derrière lui atteigne la jouissance…

Lorsqu’il se retira, il ne bougea pas de posture. Pas le moindre instant, il ne resserra les cuisses ou redressa son torse. Seulement, il attendit. Son sexe gouttait d’excitation et tout son corps était tendu dans l’attente et le désir de ce qui allait suivre.

Enfin, un autre homme le prit : le deuxième joueur qui était entré dans la douche. Il le comprit en voyant Colin s’approcher de son visage. Il releva le sien vers lui, le fixa malgré la force de son trouble. Lorsque Colin s’empara de ses lèvres, il se versa entièrement dans leur baiser, tordant le cou pour rester au plus proche de lui, pour en avoir plus, pour garder plus longtemps son contact. Et il gémit quand celui-ci se rompit, autant de frustration que de plaisir parce que le sexe qui le pénétrait venait de se presser contre la partie la plus sensible de son anatomie et que des décharges d’extase le lançaient dans tout son corps. Le rythme s’intensifia et il haleta, souffla, frémit tandis que les poussées se faisaient plus rapides. Son sexe était dressé à son plus haut niveau, si dur, presque douloureux tant il avait envie de jouir. Il aurait voulu l’empoigner, lui offrir la caresse qui lui manquait pour se propulser vers la jouissance, mais il craignait de se permettre ce geste et il peinait de toute façon tellement à se maintenir sur le carrelage glissant qu’il ne risquait pas de s’y appuyer d’une seule main. Les coups de reins se firent plus rapides, percutant à chaque fois la masse de son corps qui lui procurait le plus de plaisir, et il serra les dents alors que son partenaire progressait vers l’orgasme. Quand il sentit une main s’enrouler autour de son sexe, il rouvrit des yeux embués pour découvrir le visage de Colin auprès de lui, surpris qu’il le caresse soudain.

Quelques mouvements suivirent, aussi rapides et puissants que ceux en lesquels l’homme derrière lui le pénétrait et, d’un coup, il jouit. Violemment. Le plaisir explosa dans tout son corps, l’emplissant des traînées incendiaires de l’extase, et le vidant en même temps : de sa semence, de son énergie… Au point qu’il ne parvint à rester appuyé contre le mur que parce que l’homme derrière lui le maintint en place.

Lorsque celui-ci eut atteint son orgasme à son tour, Victor glissa au sol, finit étendu sur le carrelage, l’eau tombant toujours sur sa peau et lavant son corps comme les traces de leur étreinte, emportant tout dans un tourbillon liquide.

En sentant l’eau s’arrêter de se répandre sur son visage, Victor rouvrit les yeux. Colin venait de fermer le robinet et il se tenait au-dessus de lui, des gouttes tombant de sa chevelure et sinuant sur sa chair. Une brume de chaleur persistait dans la salle, enveloppant son corps comme un halo. Elle ne tarderait pas à se dissiper. Un petit sourire en coin était revenu sur les lèvres de son coéquipier et, de nouveau, son sexe affichait un début d’érection. Victor songea qu’il était le seul à ne pas l’avoir pénétré. À cause du brouhaha persistant, Colin s’accroupit pour lui parler à l’oreille.

– Tu veux rentrer ?

– Où ?

– Chez moi.

Victor apprécia la promesse de ces paroles, la laissa entrer dans son corps et réchauffer autant son bas-ventre que l’intérieur de sa poitrine.

– Maintenant ?

– Oui.

– Maintenant, alors, confirma-t-il.

Il n’avait pas envie d’attendre, puisque Colin le voulait en tant qu’homme.

Maintenant.

Un fiancé presque parfait

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/F, hot.

Résumé : « Tu m’évites. »
[…]
« Oui, admet-il. Constant t’a demandé en mariage et tu as accepté.
— Et alors ?
— Et alors, je me suis dit que tu avais peut-être besoin d’entraînement avant de lui jurer fidélité. »

Un fiancé presque parfait

Comme chaque matin, devant le miroir de la salle de bains, il apporte la touche finale à sa tenue. Il enroule la cravate autour de son cou et sa respiration se fait tout de suite plus rapide. Les extrémités satinées sont nouées de ses mains légèrement tremblantes. Le nœud glisse vers sa gorge et sa bouche s’assèche. La cravate serrée et ajustée, il la lisse de sa paume et se fait violence pour arrêter son geste à l’endroit où attacher la pince. Il a envie de poursuivre plus bas, comme à son habitude, et de s’occuper de son érection.

Les bruits d’agitation qui proviennent du salon l’en dissuadent. Il a un peu trop traîné au lit et s’est fait griller la priorité dans la salle de bains par ses colocs. Bientôt Constant quittera l’appartement pour aller travailler et laissera Fred seul avec Nadia alors qu’il a réussi à éviter le face-à-face depuis près de trois semaines. Le fil de ses pensées le fait sourire : jusqu’au mois dernier, il aurait pris son temps en espérant qu’elle le rejoigne et le trouve ainsi, la main rapide sur sa queue, essoufflé, déjà rouge d’avoir une cravate trop serrée à son cou. Nadia l’a initié à l’asphyxie érotique, et l’a rendu accro. Pourtant, il ne devrait plus y jouer avec elle, même si l’acte est moins savoureux en solitaire.

La porte d’entrée claque. Fred sait qu’il devrait quitter la pièce, simuler qu’il est en retard, se dépêcher de ramasser ses affaires pour quitter l’appartement. Néanmoins, il préfèrerait éviter de parader au milieu de leur salon avec la bosse évidente qui déforme son pantalon. Il se presse un peu plus contre le rebord du lavabo dans l’espoir de calmer son excitation. Ces quelques instants d’hésitation sont suffisants pour ruiner ses résolutions. La porte de la salle de bains coulisse dans son dos et, dans le miroir, Fred voit Nadia s’appuyer contre le chambranle et le détailler de la tête au pied. Il ne se prive pas d’en faire autant – prend note de sa nuisette qui joue sur la transparence, si courte qu’il devine la naissance de son sexe et l’absence même d’une culotte.

Il mentirait s’il prétendait que la situation ne le fait pas frissonner de désir.

« Tu m’évites. »

L’accusation met quelques secondes à prendre son sens tant Fred est perdu dans sa contemplation. Il se retourne pour lui faire face et prend appui sur le lavabo. La position rend son érection encore plus évidente et il s’amuse du bref moment où le regard de Nadia s’y égare. Elle frotte doucement ses cuisses l’une contre l’autre.

« Oui, admet-il. Constant t’a demandé en mariage et tu as accepté.

— Et alors ?

— Et alors, je me suis dit que tu avais peut-être besoin d’entraînement avant de lui jurer fidélité. »

Nadia a un rire léger, comme s’il venait de faire un lapsus à la fois adorable et embarrassant. Elle fait un pas en avant et refait coulisser le panneau pour les enfermer dans la pièce. Fred s’imagine qu’il devrait se sentir menacé, mais le regard gourmand qu’arbore Nadia éveille bien d’autres souvenirs et sensations en lui. Elle s’approche et Fred la laisse s’arrêter à un souffle de son visage. Il ne ressent pas la pression de son corps contre le sien, mais il ne s’en faut que d’un petit pas. Il est certain que le tissu de son pantalon frôle la peau de Nadia et qu’elle ne cherche qu’à tester sa détermination.

Du bout des doigts, elle joue avec sa cravate, la caressant doucement tout en remontant vers sa gorge. Fred déglutit de façon audible lorsqu’elle en ajuste le nœud, la resserrant encore un peu sous sa pomme d’Adam. La pression n’est pas désagréable – loin de là si l’on devait se fier à son érection – mais il ne peut plus l’ignorer.

« Tu as des problèmes avec ta conscience ? Parce que moi pas. Constant est sans aucun doute l’homme idéal pour me marier. Il est romantique, je suis folle amoureuse de lui et mes parents l’adorent.

— Tes parents m’adorent aussi.

— On pourrait presque croire que tu es jaloux », s’amuse Nadia.

Fred se contente d’un bref geste négatif de la tête. Nadia et lui sont amis depuis trop longtemps pour confondre leur alchimie sexuelle avec de l’amour. Et il pourrait renchérir sur la perfection de Constant. Il se redresse, achevant de coller son corps à celui de Nadia et passe un bras autour de sa taille. Alors qu’il fait glisser sa main sous ses fesses, elle se cambre pour lui faciliter l’accès. Du bout des doigts, il atteint son vagin et le caresse un court instant avant d’enfoncer les premières phalanges de son index et de son majeur. La position n’est certainement pas confortable pour Nadia, mais elle pousse un grognement satisfait.

« Tu es encore trempée, remarque Fred. Tu viens de t’envoyer en l’air avec lui, ça ne t’a pas suffi ? »

Alors qu’il cherche à repérer la serviette la plus proche pour s’essuyer la main, Nadia se dépêche de saisir son poignet pour l’en empêcher. Puis, en un geste agressif, elle porte ses doigts à la bouche et les suce brièvement.

« Il m’a fait l’amour, oui. Mais, même si j’apprécie son côté romantique, j’ai besoin de me faire baiser. »

Fred finit de se redresser et, de sa main libre, saisit Nadia à la taille avant de la faire pivoter pour inverser leurs positions. Il aperçoit une légère grimace de douleur sur son visage lorsqu’il la plaque contre le lavabo, mais elle se remet vite de sa surprise et passe la langue sur ses lèvres tout en poussant un soupir ravi.

« Tu pourrais simplement lui proposer. »

Malgré sa suggestion, il glisse déjà sa main droite entre les cuisses de Nadia jusqu’à son genou, puis la soulève pour l’asseoir sur le meuble. Il la sent se contracter à cause du froid de la surface contre sa peau brûlante ; elle se détend néanmoins rapidement, écartant les jambes pour permettre à Fred de se caler entre. Sans ménagement, il plonge trois doigts en elle et accompagne le va-et-vient sec de sa main de coups de rein prometteurs. Nadia lui caresse la nuque et Fred est certain que, si elle le pouvait, elle ronronnerait de contentement. Toutefois, elle n’est pas encore ivre de plaisir, pas encore réduite à de simples gémissements, et se décide à lui répondre :

« Parce qu’un mec adepte du missionnaire, qui trouve que notre vie sexuelle est pimentée quand je le suce deux fois la même semaine ou qui ne doit même pas savoir que l’anus est une zone érogène va très bien accepter mes requêtes ? »

Vexé qu’elle soit encore si loquace, Fred place sa main gauche au creux des reins de Nadia et l’attire vers lui. Elle se retrouve les fesses presque dans le vide et le dos courbé, avec sa tête appuyée contre le miroir. Il sort les doigts de son autre main de sa chatte et les fait glisser le long de son périnée. Il profite du liquide vaginal qui enduit ses phalanges pour forcer son majeur dans l’anus de Nadia. Dans le reflet du miroir, il voit ses orteils qui se contractent tandis qu’elle gémit de plaisir :

« Putain, ce que ça me manque…

— Dis-le-lui.

— Quoi donc ? Que je veux qu’il me force à me mettre à quatre pattes comme une chienne et qu’il m’encule, qu’il me traite de salope ? Ou que j’adorerais l’attacher et qu’il me laisse l’étrangler quand il jouit ? »

Fred acquiesce sans vraiment y réfléchir. Nadia lui a déjà dit tout ça, et bien plus. Ils ont déjà fait tout ça, et bien plus. Il sait de première main que Constant n’est pas si innocent qu’elle le croit et qu’il pourrait la combler s’ils osaient simplement se parler et tomber les masques. En attendant, il ne va pas se priver de cette opportunité.

« Tu gardes des préservatifs par ici ? »

Il a lâché Nadia pour tenter de déboutonner son pantalon, mais il n’est pas gaucher et il se sent maladroit. La pause un peu trop longue sans réponse lui fait relever les yeux vers Nadia qui le regarde d’un air surpris.

« Tu as couché avec quelqu’un depuis la dernière fois ?

— Un mec, avoue-t-il en s’efforçant de rester vague. On s’est protégés, mais toi et Constant… »

Il s’arrête, surpris à son tour, en réalisant que, malgré son inspection profonde, il n’a pas trouvé la moindre trace de sperme en Nadia.

« Ne me dis pas que vous attendez le mariage pour virer les capotes ? »

Nadia lève les yeux au ciel et le relance :

« Tu veux continuer à jouer les conseillers matrimoniaux ou tu comptes me baiser comme j’en ai envie ? »

Fred sait reconnaître un ton de défi et a bien l’intention de le relever. Il se contente d’ouvrir sa braguette, d’abaisser l’élastique de son boxer et de libérer son sexe. Il s’en saisit d’une main et marque une courte pause, le regard baissé entre leurs corps, alors que son gland repose à l’entrée du vagin de Nadia. Son côté sadique a envie de la torturer un peu, de glisser entre les lèvres, de chatouiller son clitoris et de la faire supplier. Mais il a déjà assez résisté et l’idée de la baiser sans plus tarder l’emporte. D’un mouvement de hanches, il s’enfonce en elle jusqu’à la garde et lui impose aussitôt un rythme rapide.

Pendant deux ou trois minutes, il n’entend que les claquements de leurs corps, les hoquets de plaisir de Nadia et le bruit d’un flacon qui roule au sol. Nadia a les yeux fermés, savourant chaque instant. Elle ressentira les effets de cette baise pendant plusieurs jours : sa tête cogne contre le miroir, le bas de son dos doit frotter le bord du lavabo à chaque mouvement et Fred sent les parois de sa chatte se détendre sous la violence de ses coups de reins.

Alors qu’il va bientôt jouir, ses fesses se contractent et il perd peu à peu le rythme qu’il imposait. Il voit Nadia ouvrir les yeux et le jauger. Elle soulève le haut de son corps et accroche d’une main l’épaule de Fred. Il est obligé d’ajuster leur position, pliant les genoux pour permettre à Nadia de s’asseoir davantage.

Dès qu’il la sent prête, il reprend ses va-et-vient, le besoin de jouir devenant pressant. À peine quelques secondes plus tard, il sent les mains de Nadia caresser sa cravate. Elle s’arrête au niveau de la pince. Fred baisse la tête juste à temps pour la voir la détacher et la jeter au sol. Il s’était habitué à la pression contre sa gorge et se crispe lorsqu’elle se fait plus forte. Nadia fait tourner la cravate pour qu’elle pende dans son dos, entre ses omoplates. Le frottement lui laisse l’impression qu’on lui brûle le cou. Le coude de Nadia se soulève à trois reprises et le tissu comprime de plus en plus sa trachée. Pour l’avoir vu faire de nombreuses fois, Fred sait que Nadia vient d’enrouler la cravate autour de son poing et qu’elle va s’en servir pour l’étrangler. Il espère que Nadia est assez baisée à son goût parce que son propre orgasme est imminent.

Le souffle de plus en plus court à chaque mouvement, Fred chasse son plaisir. Et Nadia est redevenue volubile :

« En fait, tu ne t’inquiètes pas pour mon couple, le nargue-t-elle. Tu aimes quand on s’envoie en l’air mais, si Constant était partant, je suis sûre que tu t’imagines bien entre nous deux. »

L’air se fait rare, précieux, et Fred sent ses jambes flageoler, ses yeux rouler sous ses paupières, mais a encore assez de présence d’esprit pour acquiescer. Constant lui a aussi fait ce genre de remarques et il visualise, en effet, parfaitement la scène : debout, comme à cet instant, avec Constant, les doigts enroulés autour de son cou, qui impose la cadence à laquelle Fred pourrait baiser Nadia. Ou attaché à leur lit avec Nadia et Constant se servant de sa bouche à tour de rôle…

Nadia relâche la tension de la cravate un bref instant, permettant à Fred d’avaler une goulée d’air. Il en profite pour augmenter la rapidité de ses allées et venues. Sous lui, Nadia se tend dans un long gémissement, enfin rassasiée par un orgasme. Le mouvement la fait s’agripper à la cravate et Fred halète sous l’intensité de la pression contre sa gorge. À son tour, il jouit, enfonçant les ongles dans la peau des fesses de Nadia, puis se laisse retomber contre elle.

Ils restent ainsi quelques instants, à reprendre leur souffle. Quand Fred relève la tête, il aperçoit son reflet dans le miroir, le visage rouge et les yeux brillants de larmes. Nadia détend ses doigts restés trop contractés sur la cravate, les serrant en poing avant de les desserrer à plusieurs reprises. Puis il se détache d’elle, lui permettant de descendre de son assise peu confortable.

Fred laisse son pantalon lui tomber sur les chevilles et s’en extirpe du mieux possible. Il se débarrasse de sa cravate et s’attaque alors à sa chemise tout en allant dans le salon pour trouver son téléphone. Tandis qu’il fait défiler ses contacts, Nadia le rejoint. Sa nuisette lui colle à la peau, elle a un sein qui s’en est échappé et il est presque certain que la trace humide qu’il devine sur le haut de sa cuisse est son sperme qui s’écoule déjà. Ou peut-être que Nadia a plongé ses doigts en elle avant de s’essuyer négligemment ici. Fred la renverserait bien sur le canapé pour plonger la tête entre ses cuisses et la nettoyer de sa langue. Mais la tonalité du téléphone l’aide à se concentrer sur ses priorités.

« Tu appelles qui ?

— Mon boulot. Pour prévenir que je ne viendrais pas aujourd’hui.

— On va baiser toute la journée ? »

Son ton émerveillé et ses yeux écarquillés le font sourire. Même si la perspective est tentante, il décide d’être plus raisonnable. Il passe son appel sans répondre à Nadia ou la quitter des yeux. Quand il en a terminé, il s’avance vers elle et la sent pratiquement vibrer d’excitation. Il lui tend son téléphone :

« Je vais prendre une douche. Profites-en pour appeler Constant. Dis-lui de rentrer après son cours et de ne pas déjeuner au lycée, les autres profs peuvent se passer de lui.

— Tu vas vraiment insister pour que je lui dise tout ? s’indigne Nadia. Très bien. Mais ce sera ta faute si ça brise mon couple. »

Fred lève les yeux au ciel, mais se retient de pointer en quoi elle serait aussi fautive. Ça n’en vaut pas la peine. Et si la conversation entre Nadia et Constant se déroule comme il l’imagine, ce ne sera qu’à son propre avantage. Ces deux-là se sont bien trouvés. Ils n’ont qu’à descendre l’autre de son piédestal… Fred s’arrête sur le pas de la salle de bains et se tourne pour faire face à Nadia, l’air satisfait par anticipation :

« Laisse-lui une chance puisque c’est le mec parfait, selon toi. Commence déjà par le sexe anal. La semaine dernière, en tout cas, ça n’avait pas l’air de le déranger de me bouffer le cul ou d’y plonger sa queue. »

Sa Chair

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo hétérosexuel, érotique.

Résumé : « Baise-moi. » Elle n’ajouta rien d’autre. Elle voulut qu’il comprenne : ce qu’il y avait derrière les mots, le besoin qui était le sien.

Sa chair

– Qu’est-ce que tu veux ?

– Que tu me baises comme une pute.

 

Alanguie contre la large vitre donnant sur la rue, les épaules serrées dans son manteau et le menton blotti au creux de son écharpe roulée, Emma perçut à peine le tintement de l’ouverture de la porte du café. Elle adressa un sourire doux à Luc en le remarquant. Il portait des gants épais et un pardessus de laine lui conférant un chic très parisien. Un air de magazine, de pages modes glacées, de boutons à défaire et de chevelure à désordonner.

Il s’assit en face d’elle.

– Ça fait longtemps que tu attends ?

– Non.

Elle se décolla de la vitre, essaya d’arborer une expression assurée, mais fixa surtout le marron griffé du bois de la table. Pour dire vrai, peut-être une demi-heure s’était-elle écoulée depuis qu’elle avait posé ses fesses sur le similicuir de la banquette du café, mais cela avait-il seulement une importance ? Elle avait usé ses yeux sur les allées et venues des passants dans la rue pour contenir le flux de ses pensées. Elle avait vécu mille fois dans son esprit, déjà, l’entrée de Luc, les mots qu’ils échangeraient et ce qu’elle attendait de voir découler de leur entrevue. Elle avait senti chacun de ces instants dans son corps, sa chair et dans sa poitrine glacée. Lorsqu’il ôta son manteau, elle suivit du regard les mouvements de ses épaules, devinant les muscles tendus sous le tissu.

– Tu prends un café ?

Elle acquiesça silencieusement, la gorge serrée, et fit fleurir un sourire qu’elle sentit loin d’être assuré. Il mourut dès l’interrogation suivante de Luc.

– Pourquoi m’as-tu appelé ?

Un infime tremblement passa sur ses lèvres.

– Tu le sais.

– Je veux dire… Pourquoi maintenant ? demanda-t-il en balançant son corps vers l’arrière, s’adossant à sa chaise en une posture qui n’avait de l’assurance que l’apparence, sa tension restant clairement perceptible.

Elle ne le lâcha pas du regard. Elle ne voulait pas lui paraître faible ou pitoyable. Un long soupir lui souleva la poitrine et elle salua le répit que lui permit le serveur en arrivant. Luc passa la commande.

Elle finit par détourner les yeux. Le serveur s’éloigna. Machinalement, elle glissa les doigts dans le col formé par son écharpe et le souleva pour y enfouir le bas de son visage.

– Parce que j’ai songé que tu le voudrais, souffla-t-elle.

Cette fois, Luc ne la relança pas et elle lui en sut gré. Elle remarqua juste l’expression d’interrogation qui marqua son visage, comme s’il cherchait en elle les mots qu’elle lui refusait.

La tasse arriva à pic pour réchauffer ses doigts. Elle les y blottit, se les brûlant à moitié.

– Comment va Alex ? demanda-t-il.

– Mal.

Elle haussa les épaules, peu désireuse de poursuivre. La vague de détails qui traversa son esprit ne fut que transitoire : aucun ne méritait de compléter le terme certes lapidaire, mais juste qu’elle avait employé. Aucun n’avait surtout besoin d’être étalé. Elle ramassa son sac, soudain nerveuse.

– On y va ?

Et elle se leva dans la foulée. Si elle remarqua à ce moment-là la tasse qui était restée pleine et chaude encore à sa place, elle n’eut en aucun cas le goût de la vider. Luc, lui, finit la sienne rapidement. Il se dressa à ses côtés.

– O.K., dit-il sans plus la regarder.

J’ai envie d’une queue, de bras autour de moi, de baisers sur ma bouche, mes lèvres, de doigts qui me serrent, du poids d’un corps sur le mien, de souffle dans mon oreille, d’une langue qui s’approprie ce qu’elle veut, et de moi qui prend, et de moi qui donne, et de moi qui ne suis plus que chair entre des mains impatientes.

 L’appartement de Luc se situait dans l’une de ces résidences bourgeoises du siècle dernier qui brillait plus par les vestiges ouvragés de sa façade extérieure que par l’état de ses couloirs. La fenêtre de son salon donnait toutefois sur une cour lumineuse d’où montaient les cris assourdis d’un groupe d’enfants, et le voile de couleur chaude qui recouvrait le vitrage conférait à son intérieur une atmosphère agréable. Emma se laissa tomber dans le canapé de cuir brun, son manteau jeté deux mètres plus tôt et ses doigts étirant déjà le tissu enroulé autour de son cou pour le libérer. En voyant Luc se rapprocher, elle sentit les battements de son cœur se précipiter. Le jeune homme prit le temps de suspendre son manteau à la patère et de faire passer son pull au-dessus de sa tête. La manière dont ses cheveux clairs s’en ébouriffèrent accrocha le regard d’Emma.

– Pourquoi maintenant ? lança-t-il. Tu avais toujours dit « non ».

– Je sais…

Elle voulait qu’il se taise, qu’il ne pose pas plus de questions. Pourquoi faudrait-il mettre des mots sur ce qu’il allait se passer, de toute façon. Négligemment, Luc balança ses chaussures contre le mur. En réponse, elle s’empressa de se débarrasser de son écharpe et de dénouer le cache-cœur qui enserrait son buste. Il l’interrogea :

– Pour ce soir ou pour plus ?

– Pour ce soir.

Elle lui fut reconnaissante de poser la question. Que ce soit clair entre eux, tout de suite. Pourvu qu’il prenne la place qu’elle lui offrait contre sa peau. Qu’il envahisse en même temps son esprit. Qu’il efface même de manière transitoire toutes les ombres qui le recouvraient.

Lorsqu’elle se retrouva en débardeur, son cache-cœur ôté, il s’immobilisa. De réflexe, elle releva les yeux sur lui, le découvrant en train de l’observer avec attention. Elle eut l’impression que celle-ci se porta sur son bras. Elle le considéra à son tour.

– Tu ne l’avais pas, celui-ci, avant, remarqua-t-il.

– Non.

Elle s’attarda sur les détails du tatouage noir sur la pâleur de son épiderme. Il était vrai qu’elle n’avait plus revu Luc, physiquement, depuis un an. Ils avaient été extrêmement proches au lycée, et le fait qu’ils ne soient alors jamais sortis ensemble ne tenait que du concours de circonstances et des mauvaises coïncidences ayant fait que jamais l’un ne s’était jamais trouvé libre en même temps que l’autre. Alex avait été l’un de ces concours de circonstances : un qui durait depuis cinq ans. Comme il semblait hésiter, elle se leva d’un coup et franchit la distance les séparant. À peine fut-il à sa portée qu’elle se jeta à son cou, comme ça, se surprenant elle-même, mais c’était sans importance. Le geste avait été automatique, souverain. Les lèvres de Luc furent aussitôt sur les siennes et elles la dévorèrent. Sa barbe mal rasée brûla son menton, et sa langue s’immisça en elle comme s’il s’était agi de son propre territoire. Et, sur l’instant, ça l’était. Sur l’instant, elle était à lui, à ses désirs, à ses envies, à ses mains et son corps, prête à lui donner tout ce qu’il voudrait, et plus encore : désireuse qu’il s’empare d’elle dans son entièreté.

Baise-moi, retourne-moi, ne me demande pas si je le veux.

 Quand il relâcha ses lèvres, elle agrippa sa chemise pour ne pas rompre leur contact. Elle eut envie de mendier ; sa fierté l’en retint. La bouche de Luc fut aussitôt dans son cou, écartant ses cheveux pour aspirer et mordre sa chair, et tracer une longue ligne dure avec ses dents.

Le souffle qui pénétra dans son oreille se répercuta jusque dans son entrejambe.

– Celui-ci, c’était avant ta rencontre avec Alex, non ?

Troublée par ce rappel à la réalité, elle se laissa néanmoins bercer par la langueur de sa voix.

– Oui, soupira-t-elle.

Elle pencha un peu plus la tête de côté pour laisser le champ libre à Luc. Elle avait fait ce tatouage à peine son bac’ passé : une série d’étoiles qui allaient en grossissant vers son omoplate sans que leur intérieur soit coloré. À l’époque, ça avait symbolisé, pour elle, son émergence en tant que femme : elle avait acquis le droit d’agir par elle-même, acquis celui de se laisser grandir et remplir par ce qu’elle voudrait. La première fois qu’Alex avait suivi de ses lèvres leur tracé, les embrassant et les lapant doucement l’une après l’autre, elle s’était sentie dénudée jusque dans son âme.

Sous les baisers de Luc, elle se pâma. Sa main vint se poser sur son torse, si dur, si plat, si solide sous ses doigts, au contact incroyable, et elle résista à l’envie de la faire glisser plus bas. Luc ne la laissa pas dans l’hésitation. D’un geste rapide, il saisit sa main et la posa directement sur son entrejambe, sur la masse ferme qu’elle y sentit.

Elle l’y pressa, ivre de trouble. Lorsqu’il l’embrassa de nouveau, elle fut tremblante. Luc était partout sur elle, sa langue dans sa bouche, ses mains sur ses fesses, la rondeur surprenante de son sexe nichée dans le creux de sa paume. En des gestes empressés, il la fit reculer et elle l’accepta avec complaisance. Seul son regard resta ancré dans le sien, dernier vestige d’un contrôle qu’elle lui cèderait bientôt, elle le savait, qu’elle languissait de lui abandonner. Ses genoux rencontrèrent le rebord du canapé, pliant dans la foulée. Le visage de Luc la suivit, et ses doigts furent sur sa gorge, et son décolleté, et le léger espace permettant de glisser dans son débardeur… Lorsqu’il prit en main l’un de ses seins, elle se détacha de sa bouche et releva les yeux sur son visage. Sa large paume à la chair légèrement râpeuse lui procurait une sensation d’étrangeté. Elle n’en gémit pas moins lorsqu’il fit doucement rouler son mamelon entre ses doigts. Il le lâcha ensuite pour prendre un temps de pause, suivant d’un air pensif la plume stylisée noire qui reliait l’arrondi de son sein à son épaule en un fin trait.

– Et celui-ci, c’était quand ?

Elle tâcha de reprendre ses esprits et baissa les yeux sur son tatouage.

– Au tout début de notre relation, avec Alex, expliqua-t-elle. Tu ne l’as jamais vu parce que…

Elle ne vit pas d’intérêt à poursuivre. La suite était sous-entendue. Bien qu’ils aient continué à sortir entre amis, avec Luc, elle ne se déshabillait pas devant lui. Et celui-ci relevait de l’intime, témoignant plus que les précédents de ce qui la liait à Alex, parce que, lorsqu’elle avait décidé de le faire, c’était à la suite d’une soirée qui les avait fait s’amuser à s’écrire des mots doux, et d’autres drôles, au stylo sur la peau, et qu’elle avait voulu immortaliser cette connivence si douce à son cœur dans son épiderme. La plume, c’était l’objet donné à Alex pour marquer sa chair de son existence.

Luc n’attendit pas qu’elle développe. Il posa un genou entre les siens sur le canapé, baissa ses vêtements jusqu’à offrir ses deux seins à la morsure de l’air, et se pencha aussi vite sur ses mamelons qu’il s’attarda à lécher et aspirer successivement entre ses lèvres. D’excitation, Emma renversa la tête en arrière et chercha la chevelure de Luc, s’y agrippant. Lorsqu’il se redressa, elle se sentit étourdie, mais accrocha immédiatement la ceinture de son pantalon de ses doigts pour le retenir de s’éloigner. Son regard se reporta sur le visage qui se dressait au-dessus d’elle, fiévreux et curieux à la fois, qu’elle fixa sans ciller tandis qu’elle faisait sauter lentement les boutons de son jean. Le sexe de Luc se glissa aussitôt dans l’interstice, venant taquiner ses doigts, les inviter à s’emparer de lui. Avec fascination, elle contempla l’expression de plaisir qui s’afficha sur les traits de Luc lorsqu’elle le caressa doucement par-dessus le tissu. Elle pouvait sentir les rondeurs de son membre dans sa main, sa dureté et les douces contractions qui le prenaient de temps en temps.

– Emma, souffla Luc en glissant la main dans ses cheveux, les poussant sur le côté, jouant avec eux comme elle jouait de sa hampe.

Elle tira sur l’élastique de son vêtement pour la libérer. Luc ne bougea pas. Il attendait. Sa chair était juste en face de son visage, pulsante et ferme et dans l’attente, elle ne pouvait l’ignorer.

– Tu sais depuis combien de temps j’en ai envie ? souffla Luc.

Son ton doux la surprit.

Elle lui sourit.

– Depuis la terminale ?

– Oui.

Elle connaissait la réponse.

Elle avait éprouvé la même chose depuis ce moment-là.

Luc n’avait manifesté son désir pour elle qu’un an auparavant, lorsque son couple avec Alex avait commencé à battre de l’aile et qu’elle avait fini en pleurs chez lui à lui confier tous ses malheurs, à se déverser dans ses bras, à lui refuser les lèvres qu’il avait penchées au bout d’un moment sur les siennes brûlantes… Bien qu’il le lui ait rappelé depuis, elle l’avait toujours repoussé.

Avec espièglerie, elle tira la langue, la posa sur le bout de sa verge, la retira. Celle-ci en eut un soubresaut d’intérêt. La paume de Luc se glissa plus largement contre sa joue, la caressant avant de finir sur sa nuque. Emma accepta l’avancée des hanches lui faisant face qui s’ensuivit. Elle ouvrit juste la bouche, leva les yeux sur le visage de Luc, et accepta la chair qui se présenta à l’entrée de ses lèvres. Sa surface douce y glissa, entrant, prenant lentement sa place, et le soupir rauque qui résonna derrière à ses oreilles sonna d’une façon si brûlante qu’elle sentit son entrejambe s’en contracter vivement. Les doigts de Luc furent sur son cou, sa chevelure, le pli de son épaule.

Bouge.

Prends ce que tu veux de moi.

Utilise-moi.

 Elle se décolla du dossier du canapé pour gagner plus d’amplitude, s’assit un peu plus en avant, enroula sa main autour de la base du sexe de Luc.

Lorsqu’elle commença à le caresser tout en jouant de sa bouche et de sa langue sur sa chair tendue, il renversa la tête en arrière, pantelant. Ses doigts se posèrent à l’arrière de son crâne, sans pour autant pousser, avant de glisser sur sa joue et de finir sur l’arrondi de ses seins. L’excitation la possédait et elle ne se laissa faire qu’avec surprise quand il s’arracha enfin à sa bouche, pour la repousser en position allongée. Son pantalon se fit enlever, sa culotte avec. Comme Luc ne l’en débarrassait pas, elle ôta elle-même le reste de ses vêtements, se retrouvant nue devant lui. En le voyant faire mine de vouloir enlever son propre jean, elle l’arrêta. Elle ne sut pas comment lui dire qu’elle voulait qu’il la prenne comme une pute, sans égards et sans ménagements. L’idée était choquante même à son propre esprit, mais c’était pourtant ce qu’elle désirait. Elle prit une longue inspiration tout en le fixant.

Puis elle lui dit :

– Baise-moi.

Elle n’ajouta rien d’autre.

Elle voulut qu’il comprenne : ce qu’il y avait derrière les mots, le besoin qui était le sien.

Sur le visage de Luc, elle pouvait lire le doute, l’interrogation, mais aussi quelque chose d’autre : de la frustration, et elle pouvait le comprendre parce qu’il avait toujours espéré d’elle plus qu’une simple séance de baise. Mais l’ombre plus dure qu’elle voyait naissante dans son regard était justement ce qu’elle désirait de lui. Ce avec quoi elle attendait qu’il la possède. Il finit par soupirer et murmurer :

– Viens.

L’instant suivant, il l’attrapait par la main pour la lever du fauteuil et la tirer vers la table du salon. Elle s’y laissa échouer avec envie. Ses jambes se firent écarter, son torse plaquer contre le bois et elle se retrouva tremblante d’excitation. La voix de Luc fut contre son oreille : incendie et déception mêlés.

– C’est ce que tu veux ?

Elle ferma les paupières, espérant que les frémissements de son corps sachent témoigner plus clairement qu’elle ne l’aurait pu à quel point elle attendait qu’il la traite ainsi : qu’il prenne d’elle ce qu’il voulait puisqu’elle ne pourrait lui donner plus. Ses mains, puissantes et masculines, inclinèrent ses hanches, puis écartèrent ses fesses, lui arrachant un feulement d’envie en se sentant si exposée. Un doigt entra aussitôt dans sa chair, ses allers et retours la faisant prendre conscience de sa propre humidité, et d’à quel point elle voulait que Luc la prenne, désormais, qu’il oublie ses égards et s’empare juste d’elle.

– Encore, réclama-t-elle.

Elle sentit un deuxième doigt la combler. Le plaisir la fit haleter et se tordre sous les caresses qui suivirent.

– Encore, gémit-elle peu après.

Un troisième s’inséra, l’ouvrant et l’échauffant, et lui donnant l’impression d’avoir déjà le sexe de Luc en elle. Et lorsqu’il se mit à entrer et ressortir d’elle en des va-et-vient si intenses que les impacts de son poing la firent vibrer, elle se tordit d’excitation.

Elle put à peine reprendre son souffle alors qu’il marquait une pause, poussant fortement les doigts en elle.

– C’est ce que tu aimes ? demanda soudain Luc d’un ton curieux. C’est ce que te fait Alex ?

– Oui.

Elle ne savait pas ce qu’il attendait avec une telle question.

– Baise-moi, supplia-t-elle de nouveau.

Elle se sentait brusquement bouleversée, l’émoi de son corps entrant en résonance avec la perte de repères de son esprit. En sentant les doigts de Luc se retirer, elle se tendit vers lui, mais ses mains la maintinrent bien en place. Ses pouces glissèrent sur ses reins, remontant le long de son flanc pour suivre cet autre tatouage qu’elle savait avoir été masqué jusque-là à sa vue : ces entrelacements et ces autres étoiles, cette fois toutes pleines, qu’elle avait faites un peu plus d’un an auparavant, tout juste avant l’accident qui avait ôté à Alex ses deux parents. Quand elle était revenue de chez le tatoueur, Alex lui avait demandé, tout sourire, pourquoi aucune étoile n’avait cette fois été laissée vide. Emma avait senti l’amour gonfler sa poitrine lorsqu’elle lui avait répondu que c’était parce qu’elle n’avait plus rien qui ait besoin d’être empli. C’était une déclaration maladroite et elle n’avait jamais été douée pour en faire de toute façon, mais Alex avait compris. L’émotion dans son regard le lui avait appris.

En entendant le son du déchirement de l’enveloppe d’un préservatif, elle ferma les paupières. Dans l’attente, son cœur battait à toute vitesse.

– Emma…

– Baise-moi, l’interrompit-elle aussitôt.

L’intonation désespérée de sa voix l’affligea, parce qu’il y avait du besoin, violent, dedans, mais aussi de l’échec. De la tristesse, de la douleur… de la nécessité de combler les fissures de son âme par la possession de sa chair.

La manière dont Luc caressa alors lentement ses hanches la fit ressentir à quel point il aurait voulu qu’ils puissent avoir un autre rapport, plus tendre, et à quel point elle se comportait mal avec lui. Elle ne s’en sentit que plus coupable.

– Prends-moi, souffla-t-elle, au comble de son trouble.

Son front reposait sur ses bras pliés et elle haleta en sentant enfin le sexe de Luc entrer dans son corps, glissant progressivement jusqu’à s’enfouir tout entier en elle. La sensation était satisfaisante, apaisante, bien que curieuse.

Elle tourna le visage vers Luc, mais le premier coup de reins qu’il lui donna lui coupa aussitôt le souffle, ne lui laissant pas la possibilité de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre que le plaisir qu’elle éprouvait. Des va-et-vient suivirent et elle s’offrit enfin réellement à lui, sortant de l’exigence et de la demande, du besoin et de la supplication. Le sexe de Luc éveillait des sensations oubliées, l’incendiant, et elle poussait même contre lui, jouait des reins pour augmenter encore les impacts de ses déhanchements, renvoyant des vibrations de plaisir en elle si vives qu’elles emplissaient jusqu’à sa tête. Puis Luc lança la main entre ses jambes et Emma gémit en le sentant frôler le petit point gorgé de sang qui s’y trouvait.

Un feulement s’échappa de ses lèvres. Ses dents se pressèrent contre ces dernières. Et, lorsqu’il commença à la caresser plus nettement, elle lâcha de longues plaintes et s’écroula sur la table, et ne put plus rien faire d’autre que se soumettre à ses gestes, et aux coups de reins avec lesquels il la comblait, et aux stimulations combinées de son organe le plus sensible qui la laissaient pantelante, se tordant sous ses doigts et ses mouvements de hanches, jusqu’à ce qu’une chaleur intense se mette à gonfler dans son bas-ventre et se renforce, et augmente, et emporte tout. Jusqu’à ce qu’elle ne soit plus que plaisir et jouissance, et qu’elle sente jusqu’au plus profond de son corps l’orgasme la monter vers le haut, la soulever et l’emporter. Alors, elle gémit, et elle haleta encore avec force quand Luc atteint lui aussi l’apogée.

Un temps, ils restèrent immobiles, haletants et en sueur.

Son sexe était encore en elle, pulsant par moments.

Sa tête à elle s’était vidée, son esprit apaisé. Derrière elle, le souffle rapide et haché de Luc la berçait, en une douce complainte érotique et sensuelle.

Après une longue expiration, Luc finit par l’interroger. Il ne sortit pas pour autant de son corps.

– Ça faisait combien de temps ?

Elle se doutait de l’intégralité de sa question, mais elle lui demanda tout de même :

– De quoi ?

– Que tu n’avais plus été pénétrée comme ça ?

Elle haussa les épaules. Sentir sa chaleur en elle était plaisant.

Luc précisa :

– Que tu n’avais plus été prise par une queue.

Elle soupira.

– Des années.

Gênée soudain par sa présence, elle bougea des hanches pour l’inciter à se retirer.

Lorsqu’elle put se retourner, elle appuya les fesses contre le rebord de la table et fixa Luc. Celui-ci lui tournait le dos et était en train de retirer sa protection.

– Tu le sais très bien : je n’ai jamais plus recouché avec un mec.

– Depuis que tu t’es mise avec Alexandra ? lui demanda-t-il de préciser.

– Oui.

Depuis Alex.

Elle ne pouvait pas dire que « la queue » lui ait manqué. Ce qui lui manquait depuis plus d’un an, c’était plutôt l’attention, les sentiments, la sensation de compter, d’être désirable… Tout ce qu’Alex ne lui témoignait plus à cause de son deuil, pour ne pas dire « dépression ». Cette tristesse insupportable qui pesait sur leurs vies et contre laquelle elle était démunie.

Luc se dirigea vers la salle de bains. Elle-même devrait y aller, aussi. Elle n’était pas pressée. Elle se pencha en arrière jusqu’à sentir le bois contre son dos, s’y allongeant, appréciant son contact sous sa peau.

– Tu vas lui dire ce qu’il s’est passé ? lui demanda Luc de la pièce adjacente.

Elle eut un moment d’hésitation. Elle n’y avait pas réfléchi, évidemment, mais elle répondit :

– Oui.

– Tu devrais vraiment avoir une discussion avec elle.

Il lui avait dit ça sur le ton de l’amitié.

En le voyant revenir vers elle, elle lui sourit. Elle s’en voulait de s’être éloignée de lui, d’avoir fait la morte depuis un an. Luc était son ami, le mec avec qui elle aurait pu être si la vie n’en avait pas décidé autrement, celui qui pour son cœur battait aussi.

– Tu as raison.

Elle se redressa. Poussée par un élan qu’elle refusa de modérer, elle se dirigea d’un coup vers lui et posa les lèvres sur les siennes, cette fois chastement. Lorsqu’il passa les mains dans ses cheveux, elle ne put que constater à quel point il était séduisant, décidément. C’était une honte qu’il ne soit pas encore casé.

Luc ramassa ses vêtements.

– Fais-le.

Elle lui adressa son sourire le plus tendre, le plus affectueux, parce qu’il avait raison et que le fait qu’il se soucie ainsi d’elle était plus qu’elle lui demandait. Lorsqu’il disparut en direction de la douche et que l’eau se mit à couler, elle laissa dériver son regard sur son propre corps, sur toutes les marques qui attestaient de ses années passées avec Alex, des tatouages de son sein, à ceux qui se déclinaient sur ses avant-bras, à la série d’étoiles qu’Alex avait si souvent léchée et embrassée sur le bas de son dos, à… Elle leva son poignet pour en contempler l’intérieur.

Elle était encore perdue dans ses pensées quand son téléphone sonna. Son cœur s’en affola et le remords la prit avec tant de force qu’elle n’osa même pas aller voir qui l’appelait.

Quand la sonnerie s’éteint puis reprit pour la troisième fois, elle trouva le courage de décrocher.

– Alex ?

Une voix mal à l’aise lui répondit, s’inquiétant de son absence.

Elle prit une longue inspiration.

Des aveux seraient à faire, des longues conversations qu’elle avait repoussées mais qu’elle serait désormais obligée d’affronter.

Emma regarda encore son poignet. Cette marque similaire qu’elles avaient inscrite chacune dans leur épiderme, l’unique fois où Alex l’avait accompagnée chez le tatoueur, pour qu’elles se rappellent toujours ce qui les liait, ce qui les rattachait l’une à l’autre.

– Avec qui tu étais ce soir ?

– Avec toi, Alex. Tu sais… Juste avec toi, en fait. Toujours avec toi, dans ma peau, dans ma tête, dans mon corps… Même lorsque tu n’es pas là. Toujours toi.

 Rêveuse, elle contempla la petite ancre marine, inscrite dans le blanc de sa peau, et qui se finissait en un symbole de l’infini, témoin du temps qu’elles s’étaient promis de passer ensemble, un jour où le monde semblait radieux et la vie ne jamais pouvoir les blesser.

– Tu rentres bientôt ? lui demanda Alex.

– Oui.

Elle ne lâchait plus son petit tatouage des yeux. Elle le fixait avec intensité. Cet infini, qui les liait. Cet avenir qu’elles avaient écrit dans leur chair.

Elle souffla :

– J’arrive.

Casting-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo hétérosexuel, érotique.

Résumé : Du culot, Mél n’en manque pas lorsqu’elle se présente pour la première fois au casting d’un tournage porno. Quand un acteur célèbre s’intéresse de très près à sa séance, elle sent cependant que, pour garder son professionnalisme, ce sont bien d’autres ressources qu’elle va devoir trouver en elle…

Casting-moi

La caméra tournait, son objectif dirigé vers le divan sur lequel Mél était assise, inquisiteur.

Debout, le caméraman régla le plan, vérifia l’éclairage et fit la netteté. Puis il leva le nez vers Mél.

– C’est la première fois, alors ?

– Oui.

– Tu es anxieuse ?

Elle jeta un œil à l’acteur qui se trouvait à côté du caméraman. Appuyé du coude à l’épaule de ce dernier, la tête penchée légèrement de côté, il l’observait, mais pas directement : il fixait son image à travers l’écran.

– Non.

Curieusement non, d’ailleurs. D’une manière surprenante, elle ne se sentait presque pas intimidée.

Lorsque l’acteur leva les yeux sur elle, par-dessus la caméra, elle fut néanmoins pétrifiée.

Elle se garda bien de le montrer.

Elle avait déjà eu l’occasion de voir cet acteur à l’œuvre dans quelques vidéos sur le net, en fait. La mâchoire forte, les mains épaisses, et la clarté de son regard tranchant avec sa peau mate, il représentait l’un de ces mecs inaccessibles auxquels on ne se permet guère de songer qu’en fantasmes. En le voyant de si près, elle pouvait pourtant dire que ses films ne lui faisaient pas tout à fait honneur. Ils magnifiaient sa puissance sexuelle, certes, mais sans offrir de fenêtre sur sa personnalité. Elle n’avait pas vu l’amusement dans le regard avec lequel il la dévisageait, sur l’instant.

Elle n’avait pas perçu l’humain derrière l’icône érotique.

Dès les premières images qui étaient passées de lui sur son écran d’ordinateur, elle avait éprouvé pour lui un attrait inédit. Elle n’était pas spécialement amatrice de cinéma pornographique, mais l’une de ses amies lui avait envoyé des liens par email en la priant de toute urgence de les suivre. Son principal argument, de choc, avait été le fait qu’enfin, il y avait de quoi baver sur un protagoniste masculin, sans que celui-ci ne soit réduit aux seuls gros plans de son sexe, argument dont Mél avait pu vérifier la pertinence avec émoi. Dans le tout premier film, il initiait au sexe hard une jolie brune tatouée de partout. L’image léchée et l’aspect décadent de l’ensemble lui avaient particulièrement plu. Dans le dernier, il se faisait chevaucher alternativement par trois superbes amazones dont les expressions de plaisir n’égalaient pas, en intensité, la sensualité des siennes.

Les jours suivants, elle avait eu des retours d’excitation qui l’avaient fait se liquéfier dans tous les lieux les moins appropriés, jusqu’à la caisse de la supérette, rien qu’en repensant à certaines scènes de ces films. Caïn, parce que là était son nom de hardeur, y était magnifique de prestance et de force érotique ; pas le genre de type qu’elle se serait attendue à rencontrer en se présentant dans cette petite boîte de vidéo, donc, et certainement pas qu’elle aurait imaginé s’arrêter ainsi devant sa prise de vue.

Qu’elle puisse garder sa contenance, sur l’instant, avait même de quoi la sidérer. Quelqu’un pouvait lui expliquer comment on était censé faire face à un type vous ayant offert au moins quatre fabuleux orgasmes par procuration ? Si elle affichait une maîtrise d’elle-même, celle-ci n’était que toute défensive, face à l’individu devant lequel elle se trouvait.

– On va commencer simplement, reprit le caméraman. Tu vas te déshabiller et puis te caresser. Tu peux faire ça ?

Mél répondit oui de la tête, sans lâcher Caïn du regard. Celui-ci leva sa tasse de café à ses lèvres, tout en reportant son attention sur l’écran de la caméra, de l’autre côté de l’objectif, le coude toujours posé sur l’épaule du professionnel qui la filmait.

La situation était inédite pour elle, mais sans s’éloigner trop encore de ce qu’elle connaissait. Cela faisait plusieurs années, déjà, qu’elle s’exhibait pour des photos de nus. Sa rencontre avec le milieu du sexe s’était faite progressivement, d’abord en posant comme modèle auprès d’étudiants aux Beaux-Arts, puis en se dirigeant peu à peu vers des prises de vues moins sages. Elle avait laissé sa campagne natale pour monter poursuivre ses études dans une université parisienne. Les loyers étaient chers, les logements minuscules, et les quelques extras qu’elle se faisait ainsi lui permettaient de vivre décemment. Lorsque l’un de ses photographes habituels lui avait parlé d’un casting vidéo pour une nouvelle production, elle s’était laissée conquérir par la curiosité, sans pour autant déterminer jusqu’où elle voulait aller. Elle avait juste décidé de faire l’essai.

Sans montrer sa gêne — ses séances de nu répétées avaient fini par la réduire, mais sans jamais l’éteindre pour autant —, Mél se déshabilla. Elle fit passer son t-shirt Hard Rock Café au-dessus de sa tête, déboutonna son jean râpé, désagrafa son soutien-gorge… Lorsqu’elle fit glisser ce dernier le long de ses bras, elle releva la tête, remarquant que le caméraman avait toujours l’œil fixé sur son écran, mais que Caïn s’était mis à la regarder directement. D’un geste rapide, elle ôta son pantalon puis ses derniers vêtements. Elle n’eut pas honte d’exhiber sa légère toison sombre, pas plus que d’écarter les cuisses en se rasseyant sur le fauteuil. Elle poussa même l’audace jusqu’à poser un pied sur l’accoudoir et fut surprise par la mimique appréciatrice qui se peignit sur le visage de Caïn. Son regard la captivait avec tant de force qu’elle ne parvenait plus à s’en détacher.

Ni lui ni le caméraman ne disaient mot, certainement pour ne pas la mettre mal à l’aise, bien qu’il soit évident que Caïn n’avait rien à faire là. Avec sa tasse dans la main et sa tenue décontractée, il paraissait plus être passé pour saluer des connaissances que dans un but professionnel. Comme elle tardait à se lancer, le caméraman l’interrogea :

– Tu veux que Caïn s’en aille ?

Puis il pivota vers ce dernier.

– Caïn, eh, tu n’as pas des trucs à faire, là ?

Mél observa le sourire faussement innocent que l’acteur lui servit, l’air de dire que, non, il n’avait spécialement envie de bouger.

Elle prit la parole :

– C’est bon. Ça ira.

Ce ne serait pas si différent des photos auxquelles elle s’était accoutumée, après tout : il suffirait d’ajouter le mouvement à la pose, et puis elle ne voulait pas sembler manquer de professionnalisme. Cependant, là n’était pas la principale raison de son intervention pour le faire rester : la vérité, c’était que la présence de Caïn la troublait d’une manière trop exaltante pour qu’elle veuille y échapper.

Lentement, elle posa la main sur son sexe, naviguant vers les reliefs connus de son corps sans lâcher l’acteur du regard. Lorsqu’elle commença à effleurer sa chair sensible, ses paupières se fermèrent néanmoins et sa nuque se crispa vers l’arrière tandis que ses doigts plongeaient en l’intimité de son bas-ventre, en recueillant la moiteur avant de remonter sur son clitoris. La pulpe de ses doigts se pressa contre sa chair érigée par l’excitation et elle l’y fit glisser doucement, mordant ses lèvres sous l’afflux soudain de plaisir. Sa conscience du public l’observant majorait ses sensations.

Son épaule se raidit, sa main s’étira comme pour se délier d’un long engourdissement, et elle ouvrit la bouche pour faire entrer plus d’air dans ses poumons, avant de pratiquer de petits cercles du bout des doigts. Les premiers temps, elle n’osa pas rouvrir les yeux, se contentant d’offrir le spectacle qui lui était demandé tout en se concentrant sur ses propres sensations, puis elle trouva le courage d’affronter la caméra, rencontrant son objectif, proche, dans une vision brutale. Son regard partit de réflexe sur Caïn et elle fut surprise en découvrant la manière dont il la fixait. Contre toute attente, elle eut le sentiment qu’il la désirait. Sa main ralentit et elle adressa une expression perdue au caméraman. Caïn intervint :

– Il faut aller l’aider.

Il souriait en disant ça, comme s’il venait de sortir une bonne blague. Troublée, Mél vit le caméraman tourner un visage gentiment réprobateur vers lui.

– Fous-lui la paix, va.

– Je peux toujours y aller…

Cette fois, l’expression du caméraman se transforma en étonnement.

– Vraiment ?

– Oui.

Caïn paraissait toujours s’amuser. Le caméraman haussa les épaules, plus amical qu’autre chose.

– Vas-y.

Mél était restée coite, suspendue à leur conversation, et elle n’eut même pas le temps d’atterrir que Caïn vidait déjà sa tasse de café pour se diriger vers elle.

– Tu as besoin d’un coup de main ?

Elle ne sut que répondre, impressionnée par la soudaineté de son approche. Elle était à la limite du rictus nerveux, même : on devait lui faire un canular, en fait. Quand le visage de Caïn parvint à quelques centimètres seulement du sien, elle eut un mouvement de recul qui se transforma d’une manière incontrôlable en une tension lascive proche de la liquéfaction, et elle laissa même retomber de côté son genou dans une invitation réflexe à s’étendre sur elle.

Un sourire aux lèvres, Caïn la dévisagea, de ses yeux clairs dans lesquels pointait une note d’amusement. Le reste n’était que faim.

Puis il fit le dernier geste qu’elle aurait attendu sur l’instant : il se pencha brutalement et captura ses lèvres, les pinçant pour attirer son visage à lui, et provoquant en elle un profond affolement alors qu’il l’embrassait avec une fougue aussi vive qu’éphémère.

Elle n’eut même pas la possibilité de se reprendre qu’il saisissait déjà ses deux cuisses pour la tirer d’un coup vers lui, ramenant ses fesses vers le rebord du canapé avant d’embrasser brusquement ses seins, puis son ventre, puis de lui relever tout aussi vite les jambes. Sa bouche fut alors sur son sexe et le gémissement profond qu’elle exhala témoigna autant de sa surprise que de la force du plaisir qui s’empara d’elle.

Le contact de sa langue la fit se cambrer, et sa chair se couvrir de frémissements, tant et si bien que, lorsqu’il la relâcha, elle était moite et offerte entre ses bras, et elle aurait même pu oublier la présence de la vidéo si le caméraman ne s’était pas rappelé à elle.

– Vous voulez aller plus loin ?

Caïn répondit à sa place :

– Oui.

Non seulement elle fut incapable de réagir, mais la vision soudaine de son torse, surgissant de sous son t-shirt enlevé précipitamment, acheva de la projeter dans le vertige.

– Tu as déjà couché avec un mec comme moi ? lui demanda-t-il en continuant à se déshabiller.

Elle le vit défaire sa ceinture, déboutonner son jean, l’ôter, puis exhiber de son boxer un sexe dressé dont elle n’avait guère vu de semblable que de l’autre côté d’un écran. La situation était stupéfiante sur tous les plans… Une seule réponse lui vint :

– Non…

Il l’embrassa de nouveau, saisit son cou d’une main avant de glisser les doigts tout au bas de son ventre pour la pénétrer doucement. Elle se pinça les lèvres.

Le visage de Caïn était tout contre le sien et son souffle lui chatouillait la joue.

– Tu veux ? poursuivit-il.

Elle déglutit. L’excitation se fit plus pressante en elle.

Le caméraman tournait autour d’eux, sa présence devenant envahissante, soudain.

– On peut essayer de faire quelques plans, commenta-t-il.

Elle le regarda, trouvant, sur l’instant, plus facile de lui répondre… plus aisé de se raccrocher aux exigences professionnelles quand les actes de Caïn, dans leur intégralité, l’ébranlaient.

– Oui, dit-elle.

– Tu n’as vraiment jamais eu de sexe pour une vidéo ? insista le caméraman.

– Non…

Elle avait presque perdu l’habitude d’en avoir, en réalité… Du moins, à deux. Ça paraissait fou d’en prendre conscience d’un coup, mais oui : elle se déshabillait pour les photos, elle usait même de sex-toys, parfois, mais dans des images immobiles. Le temps passant, son activité sexuelle annexe avait fini par la couper jusqu’aux rencontres qu’elle aurait pu faire. Il y avait ses études, d’un côté, ses petits boulots de l’autre, et elle était tant prise par l’un et par l’autre qu’elle avait fini par ne même plus se dénuder devant un homme sans que ce soit régi par un intérêt pécuniaire.

Pas que ce soit différent cette fois-ci, cependant. Non ? Elle attendait bien de cette séance qu’elle lui ouvre des portes sur le plan professionnel…

Elle se rendit compte qu’elle ne savait plus. Le fait de se retrouver dans cette séquence d’essai, soit pour laquelle aucune rémunération n’avait été évoquée, la sortait déjà de son cadre usuel ; l’attitude de Caïn avec elle, aussi…

Surtout l’attitude de Caïn, en réalité.

Lorsqu’il se remit à caresser son clitoris, elle gémit plus fortement, les mouvements de ses doigts la projetant au bord de l’explosion. Le caméraman dit quelque chose à ce moment-là, mais elle ne le comprit pas, tant le plaisir la possédait. Elle accueillit juste les lèvres qui plongèrent avec voracité dans son cou comme elle accueillit le déferlement de l’orgasme : avec envie, trouble et abandon, et laissa ses gémissements d’extase s’évader vers les micros qui l’enregistraient.

Elle cherchait encore à reprendre son souffle quand Caïn se retourna vers le caméraman.

– Tu veux quoi ? demanda-t-il.

– Comme tu le veux ! répondit celui-ci avant de s’adresser à Mél : comme tu le veux, toi, aussi.

Elle hocha de la tête, même si elle aurait été bien en peine, alors, de prendre la moindre initiative.

– Tu veux me caresser ? lui proposa Caïn.

Elle baissa le regard sur son sexe, ses yeux s’élargissant aussitôt sous la vision. Ça aurait été une honte de refuser une telle proposition.

– Oui.

Ses doigts s’y dirigèrent même seuls.

Le contact du gland doux, sous son épiderme, suscita un certain émoi dans sa poitrine. Celui de la pesanteur de son membre en induit un qui alla se nicher directement dans son bas-ventre. Lorsqu’elle releva la tête sur le visage de Caïn, elle fut happée par son expression d’envie. Doucement, elle se mit à caresser sa verge, sans lâcher des yeux son regard. Les vagues de plaisir qui le traversaient par intermittence étaient d’un érotisme captivant.

Quand les mains de Caïn se posèrent sur ses épaules pour la renverser sur le canapé, elle se laissa faire avec complaisance. Quand il tira sur ses hanches pour rapprocher son bassin de l’accoudoir, elle n’opposa pas plus de résistance. Elle le suivit juste du regard tandis qu’il allait s’emparer d’une protection et l’enfilait sur son sexe. Le sourire qu’il lui adressa avant de reprendre la parole fut intensément séduisant.

– Je vais y aller doucement.

Elle acquiesça, la gorge serrée.

– Tu as un mec ? lui demanda-t-il soudain.

La surprise l’envahit.

– Non.

– Tu as des aventures ?

Ce questionnement la perturba et elle sentit la gêne crisper ses lèvres. La prise de conscience de la misère sexuelle de sa vie la mettait mal à l’aise.

– Je crois que j’ai perdu l’habitude d’avoir des rapports non tarifés. Enfin…

En se rendant compte du sens de ses mots, elle voulut se rattraper, affligée.

– Je veux dire, je… ne me prostitue pas…

Elle n’insista pas. Elle avait atteint son quota de bêtises sorties pour la journée.

Caïn la fixait plus gravement, les sourcils foncés. Après un temps de silence, il caressa ses seins, suivant leur forme du bout de son doigt. De par la position dans laquelle il l’avait installée, le bassin de Mél était surélevé par l’accoudoir et son corps reposait, abandonné, sur l’assise du canapé.

– Dis-moi si je te fais mal, chuchota-t-il.

– Oui…

Elle le contempla avec fascination alors qu’il glissait les mains sur ses cuisses pour les lui remonter plus haut. L’appréhension se fit en elle en sentant son sexe se positionner à l’entrée de sa chair humide, et elle respira plus rapidement jusqu’à ce que, d’un coup, il commence à la pénétrer. L’intrusion, forte, la fit renverser le visage en arrière en exhalant un souffle de surprise. Caïn engagea cependant son sexe jusqu’au bout et ils se retrouvèrent tous deux, la respiration hachée, à marquer une pause au plus fort de leurs corps mêlés. Puis Caïn se recula et, lorsqu’il se renfonça d’un coup, Mél éprouva une si forte excitation à sentir sa verge ainsi en elle, l’étirant et la comblant, qu’elle ouvrit sur lui un regard dans lequel s’exprimait toute l’intensité de son émoi.

Des va-et-vient suivirent et, si la tension resta particulièrement importante, le plaisir l’accompagna très vite, une sensation massive, autant mentale que physique, qui alla grandissant, la faisant trembler, gémir, alors que les mouvements de Caïn s’accéléraient, faisant s’élever aussi la voix de ce dernier : ces gémissements qu’elle avait entendus dans les vidéos, mais qui lui paraissaient alors si vrais, si purs, si différents, comme s’il vibrait vraiment d’extase à être en elle, comme si la jouissance ne se trouvait plus pour lui qu’à quelques coups de reins. Alors, elle se redressa sur un coude et chercha son contact, lança la main vers l’avant pour tenter de le toucher, elle aussi, et hoqueta en le sentant la soulever brusquement par les fesses. Dans un réflexe, elle s’accrocha à son cou pour ne pas tomber et se retint avec difficulté tandis qu’il allait encore vivement en elle, étirant sa chair de son membre dur et se mouvant plus vite, l’appuyant sur le dossier du canapé où elle peina à trouver un appui pour sa main tandis qu’il s’enfonçait encore et encore en elle. Puis leurs bouches se trouvèrent dans un baiser entrecoupé de râles, et le visage de Caïn ne s’écarta qu’au tout dernier instant pour haleter sa jouissance, tremblant contre ses lèvres sous la force de son orgasme. Il ne ralentit ses mouvements que progressivement. Alors qu’il se retirait d’elle, Mél s’agrippa de son mieux au sofa pour ne pas se casser la figure et accueillit avec stupeur le rire du caméraman ; elle était parvenue à oublier sa présence.

– Tu parles d’un pro, s’esclaffait celui-ci.

Caïn se mit à rire de concert.

– Non, mais je te rappelle que je ne suis pas censé bosser ici !

– Ouais ouais… N’empêche que je t’ai connu plus endurant !

– C’est sûr…

Tous deux furent pris d’une hilarité si forte, et si complice, que Mél put voir des larmes de rire s’échapper des yeux de Caïn.

– Toute une carrière à reconstruire, commenta ce dernier en se débarrassant de son préservatif.

– Au moins…

Le caméraman reporta son attention sur son matériel. Son expression redevint sérieuse et, même, épatée.

– N’empêche que c’était chaud !!! Oh putain !

– Ouais, confirma Caïn, l’air rêveur.

Et, lorsqu’il se tourna vers elle pour lui adresser un sourire, ses yeux brillaient d’une lueur qui la toucha profondément. Elle commençait vraiment à se sentir stupide d’avoir mis tout ce temps sa propre vie sexuelle entre parenthèses.

Elle commençait à se sentir, aussi, stupide de rêver aussi fort, d’un coup, qu’il puisse se passer plus entre eux que cette seule rencontre.

– Va falloir en faire quelque chose, de cette vidéo, reprit le caméraman. On ne peut pas la laisser comme ça.

Mais Caïn ne regardait plus qu’elle, et elle ne pouvait plus se détourner de ses yeux.

– Tu permets qu’on se prenne une douche ? intervint-il.

– Ouais, accepta le caméraman, concentré par la séquence qu’il était en train de repasser, et depuis laquelle Mél pouvait entendre leurs gémissements mêlés.

Elle attrapa dans un élan instinctif la main que Caïn lui tendit.

Il lui sourit.

– Tu viens avec moi dans la douche ?

Mél le contempla, autant captivée par la douceur de son expression qu’hésitante sur ce qu’elle devait répondre. Il n’y avait pas besoin de réfléchir, toutefois. Une seule réponse s’imposait.

– Oui.

Elle lui rendit son sourire.

Et, alors que Caïn lui tendait un peignoir, elle songea que, peut-être, cette douche ne serait pas innocente. Et qu’elle non plus ne serait pas tarifée. Et que c’était bien, aussi, finalement.

Et que c’était très bien comme ça.

Attache-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Érotique, M/M, bondage.

Résumé : Se trouver face à un homme encore excité par la chaleur des combats qu’il a livrés cette nuit est loin d’être synonyme de doux réveil nocturne… mais, si le premier le sait, son compagnon semble bien s’en moquer totalement.

Attache-moi

Un œil au bleu profond…

Ben ferma une seconde les paupières avant de les rouvrir sur le regard amusé qui était posé sur lui. Un léger sourire jouait au coin des lèvres pleines et les mèches blondes qui caressaient ses joues semblaient capter la lueur pâle de la nuit.

Nathanaël était rentré.

Sur son t-shirt trônaient quelques traces de sang séché, et un léger effluve de sueur se dégageait de sa peau, témoignant de son retour précipité du club. Ce n’était pas la première fois que Nat faisait ça : revenir sans même se changer. Ses mains, marquées par les combats de la nuit, glissaient lentement sur son torse, provoquant des frissons sur leur passage.

– Je dormais, se plaignit Ben.

– Plus maintenant.

Une lueur rieuse avait pris place dans les yeux de Nat. Ben tourna le visage vers la fenêtre ouverte, observant l’obscurité qui régnait à l’extérieur et témoignait de la profondeur de la nuit. Un vent léger soulevait le voile blanc cachant la vue sur la ruelle en contrebas.

Installé de tout son poids sur lui, Nathanaël semblait perdu dans la contemplation de ses traits ensommeillés. Quand il appuya sur sa pommette du bout du doigt, la tirant vers le haut pour y dessiner un sourire, Ben grogna, ce qui fit ouvrir les lèvres à Nat dans un rire silencieux. Même s’il apparaissait troublé, comme toujours lorsqu’il rentrait du club, le regard de Nat brillait d’une malice que Ben connaissait bien, tout comme la façon dont ses dents blanches venaient de glisser sur sa lèvre inférieure. Il savait de quoi ces gestes auguraient.

Il se frotta les paupières, ayant encore du mal à se réveiller. Il s’était couché entièrement dévêtu, ne se couvrant que d’un simple drap à cause de la torpeur estivale. En avalant sa salive, il grimaça. Sa gorge sèche le brûlait. D’un coup, il lança le bras sur le côté pour attraper la bouteille d’eau qu’il avait laissée à proximité du futon et il remarqua la manière dont Nat suivit du regard le roulement de ses épaules : comme fasciné. Il se releva sur un coude et étira son cou pour se désaltérer. Lorsqu’il sortit un bout de langue pour s’attarder sur le bord de ses lèvres humides et les débarrasser de l’eau y étant restée, quelque chose de plus charnel brilla dans les yeux de Nat. L’excitation de sa nuit de combats était encore présente, Ben pouvait le voir à chaque instant. Nat le contemplait comme s’il avait été un adversaire à battre, mais dans un affrontement d’une toute autre nature que ceux qu’il avait menés juste avant ; plus sensuelle. Un infime sourire étira un coin de sa bouche. Il appréciait la façon conquérante et bestiale avec laquelle son amant le considérait.

Sa main passa dans sa chevelure emmêlée par la nuit.

– Il est quelle heure ?

Le son bref qui sortit des lèvres de Nat et l’expression taquine qui prit place sur son visage lui en dirent long sur la façon dont il se moquait de ce détail. Un temps, Ben crut revoir le gamin qu’il avait connu, plus jeune, et dont Nat avait gardé le goût de l’amusement malgré les années s’étant écoulées depuis. Les souvenirs de cette époque où tous deux traînaient plus souvent dans la rue que dans un foyer se rappelèrent à lui et il repensa à quel point il avait de la chance de s’en être sorti pour être là et partager ses nuits avec cet homme qui comptait tellement pour lui.

Il bâilla largement, une petite larme de sommeil perlant au coin de ses yeux alors qu’il levait la main devant son visage.

– Ça a été, au club ?

Sa question ne suscita qu’un haussement d’épaules. Il ne jugea pas utile d’insister : Nat en parlerait s’il le voulait et, pour l’instant, son esprit autant que son regard étaient fixés sur son torse dont il suivait les courbes d’un doigt intéressé. Avec sa sensualité naturelle, son amant pencha le visage sur le côté. Ben fut captivé par le mouvement fluide que décrivit une mèche de ses cheveux blonds… mais plus encore par la langue qui effleura ses lèvres, tel un félin se pourléchant devant son futur festin.

– Tu m’as manqué, murmura Nat avec tendresse.

Son haut de résille glissa le long de ses bras bronzés, passant au-dessus de sa tête en ébouriffant un peu plus sa chevelure. Le regard de Ben fut alors attiré par le large bleu qu’il découvrit sur son flanc. Lentement, il y posa un doigt en remontant le long de ses côtes, suivant la trace du coup qui avait dû être particulièrement violent pour être aussi visible. Il pouvait sentir l’adrénaline pulser à travers la tension qui animait Nat, et l’excitation des combats dont son amant ne se gênait pas de lui faire partager le goût, la sueur et même l’odeur du sang qu’il avait ramenés jusque dans leur lit. Son nez se plissa avec gêne. En relevant son torse, il rechercha la source de ce parfum désagréable. Sa main passa sur la tête blonde et s’accrocha au coin de la nuque sur quelques mèches poisseuses collées entre elles. Il tira dessus.

– Tu as encore du sang. Va te laver.

Nat posa un regard chaud sur lui, mais resta silencieux.

– Allez, insista-t-il.

– Pas envie…

Nat ajouta avec une expression de gamin taquin :

– Juste envie de toi.

S’il s’agaça, Ben ne s’étonna pas de son attitude. En ce qui le concernait, faire preuve d’une hygiène élémentaire avant d’entrer dans le même lit que son compagnon était autant un besoin impérieux qu’un acte de respect, mais Nat était un être brut qui ne s’embarrassait pas de ce genre de considérations. Il n’avait pas l’éducation qu’une famille aurait pu lui donner et se fichait bien que son état puisse déranger. Lorsqu’il rentrait, troublé comme à l’instant, tout ce qu’il cherchait était le contact de son corps, l’odeur de sa peau et le besoin de s’enfouir en lui pour calmer l’excitation des combats dans la sueur du sexe partagé.

De l’intérieur de leur chambre, les éclairages de la ville n’offraient qu’une image pâle. La canicule ambiante était à la limite du supportable. Ben essuya d’une main la moiteur de son front avant de voir Nat sourire en regardant le drap masquant à peine la partie inférieure du corps.

– Je vois que tu es content de me voir.

Ben eut un rire bref à cause de la lourdeur de la remarque et murmura un « imbécile » en se redressant pour quémander un baiser.

Nathanaël l’observa, amusé. Puis il se saisit de sa bouche avec envie, mordant passionnément ses lèvres, se reculant pour les lécher d’une langue taquine tandis que son amant se tendait avec envie, ne parvenant pas à attraper sa chair qui le défiait avec jeu. Nat planta alors ses dents dans sa lèvre rebondie avant de la prendre entre les siennes et de pénétrer enfin dans cet antre dont il aimait tant la saveur. D’une main, Ben retint sa nuque et tous deux se laissèrent aller à partager le désir et la plénitude de se retrouver enfin.

La caresse buccale était excitante, mais Nat se sentait joueur. Des deux mains, il repoussa Ben d’un coup, le faisant rebondir sur le matelas, ce qui l’amusa. Après un moment de surprise, une expression supérieure assombrit les yeux de Ben, disant : « essaye de me faire craquer si tu en es capable ».

Avec plaisir…

Ses cheveux ébène épars autour de son visage, sa bouche entrouverte en une invitation et son corps étendu au milieu des plis des draps, Ben le provoquait dans une position que Nat jugea à se damner. Il se redressa alors sur ses genoux et regarda de sa hauteur cet homme qui, allongé sous lui dans une attitude sauvage, lui semblait pourtant juste à sa merci. Avec jeu, ses doigts glissèrent le long de son propre torse, attisant la lueur de désir des yeux de son amant alors qu’il passait le bout de ses doigts sous la ceinture de son pantalon, faisant sauter, un à un dans un jeu lent, les quelques boutons qui le retenaient encore. Ben se redressa avec envie pour embrasser son torse, mais Nat posa une main ferme au centre de sa poitrine pour le faire retomber d’un coup sur le matelas.

– Nat…

Ben avait murmuré son nom dans une plainte brûlante qui ne fit qu’augmenter son excitation. Lentement, il descendit les doigts le long de sa peau, longeant le côté de son pantalon en le baissant à peine, avant de tomber sur le renflement de sa poche où il avait fourré un morceau de corde à la sortie du club et sur laquelle il se bloqua.

Brusquement, il se rassit, s’amusant de la forme gonflée sur laquelle il venait de retomber en faisant souffler son amant, et sortit l’objet de sa poche.

Ben plissa les yeux, méfiant, en voyant Nat absorbé par cette corde.

– Qu’est-ce que tu fous ? demanda-t-il en le regardant la dérouler avec un sourire prédateur.

– Je ne sais pas…

– Nat…

Le regard que celui-ci releva alors sur lui était empli d’un amusement si vif qu’il l’inquiéta. Il essaya de se redresser, mais son amant enfouit soudainement son nez dans le creux de son cou, respirant son odeur. Une langue douce lapa sa peau, juste sous le lobe de son oreille, le faisant soupirer.

– Tu es encore énervé par le club, fit-il remarquer.

Nathanaël rétorqua lentement :

– J’ai envie de t’avoir à ma merci.

Ben tiqua sur ces paroles, mais la bouche avide qui se posa sur la sienne ne lui laissa pas l’opportunité de rétorquer. Dans l’obscurité de la nuit, il se versa dans ce baiser qu’il savoura de tout son être. Nat pencha son visage en léchant la longueur de sa mâchoire.

– Tu m’excites…

À cause de la chaleur des mots, Ben s’abandonna aux mains qui descendaient le long de ses côtes, longeant sa peau avant de remonter en levant doucement ses bras au-dessus de sa tête. En se rendant compte de la position dans laquelle il venait d’être installé, il eut un temps d’arrêt, mais son esprit embrumé par le sommeil et le désir ne lui permit pas de réagir assez rapidement.

Vivement, une corde s’enroula autour de ses poignets.

D’un coup, Nat tira sur l’objet pour les nouer, et il termina son geste en accrochant la corde à la tête du lit dans un sourire conquérant.

– Qu’est-ce que tu fais ?

Nat serra juste très légèrement sa prise, le faisant siffler entre ses dents.

– J’aime que tu te donnes à moi, répondit-il simplement.

Avec inconfort, Ben tortilla ses poignets et pesta en constatant qu’il ne faisait que resserrer les liens qui l’entravaient.

– Putain, j’y crois pas…

Il porta son regard au-dessus de sa tête pour en chercher la faille, mais les baisers voraces qui saisirent cet instant pour attaquer son cou ne lui laissèrent pas le temps de s’y attarder. De tout son poids, Nathanaël s’allongea sur son corps tendu et lécha le creux de son oreille, y soufflant quelques insanités qui le firent soupirer d’envie. La position était désagréable, bien qu’excitante, et ses mains se tordirent sous leurs attaches dans une vaine tentative de les en dégager.

Ben adressa un regard prometteur de vengeances à Nat, ce qui ne suscita qu’un large sourire avant que son amant effleure ses lèvres, lui faisant tendre le cou pour attraper un baiser qui se déroba à lui.

– Allez…, se plaignit-il.

Volontairement, Nat recula son visage. Le feu des combats brûlait encore en lui et il s’amusait bien trop pour avoir envie de s’arrêter. Poussant le jeu un peu plus loin, il descendit frôler le torse de Ben, soufflant sur ses mamelons érigés, survolant sadiquement son ventre puis son membre durci avant de se relever en emportant avec lui le drap. Alors qu’il se reculait de quelques pas, il savoura la vision de son amant dont le contraste entre la position offerte et l’éclat fier et dangereux des yeux était d’un érotisme effrayant.

D’un geste de pieds, il chassa son pantalon tombé au sol et passa une main au milieu de ses cheveux, dans un geste qui lui fit trouver sans le vouloir la portion encore poisseuse de sang. Tant pis. Il adressa à Ben un regard amusé à ce sujet. Puis il revint se placer au-dessus de son corps, dressé sur ses genoux, et se plut à contempler l’envie qui consumait les yeux de son amant.

– Je te ferai me supplier, promit-il.

Ben ne lui répondit que d’un regard provocateur qui signifiait clairement « essaye seulement pour voir » et Nat s’échappa juste au dernier moment d’un coup de reins qui aurait pu mettre en contact leurs bassins. En voyant Ben reposer sa tête sur le matelas avec une grimace de frustration, il ne put se retenir de rire.

Le jeu lui plaisait.

Il se lécha les lèvres avec provocation puis descendit les mains sur son propre torse, caressant ses abdominaux avant de prendre son membre dressé, y apposant quelques mouvements de paume, paupières fermées sous le plaisir, qui arrachèrent un soupir de trop-plein d’envie à Ben.

– Je me vengerai.

L’expression de Ben était tant frustrée que tendrement râleuse. Nat se pencha pour lui susurrer les mots suivants à l’oreille :

– Alors, en attendant, je vais prendre tout mon temps pour te rendre dingue…

Dans la langueur du moment, il sentit son amant s’abandonner. D’envie, il lui lécha la mâchoire avant de capturer ses lèvres dans un long baiser, tendre et suave, qui lui fit oublier un instant le jeu auquel ils s’adonnaient. Lorsqu’il recula son visage, il prit le temps de détailler l’expression de Ben. Les bras lacés en haut du lit en une position lascive, les mèches brunes éparses autour de son visage et une rougeur bien tentante mettant en valeur sa bouche entrouverte, il lui offrait une image incroyablement désirable. Il descendit lentement le long de son torse glabre, à la pâleur rehaussée par la clarté nocturne et embrassa sa peau découverte, appuyant son front contre ses muscles sans pour autant lâcher du regard les yeux posés sur lui.

Quand il titilla de sa bouche les grains de chair sensibles de sa poitrine, les paupières de Ben se refermèrent, mais Nat voulait plus qu’un simple clignement des yeux. Il mordit alors juste un peu le téton fragile, satisfait de voir son amant se tordre dans un juron. La chair avait un peu rougi et il fit glisser sa langue dessus pour en calmer la brûlure, prenant le temps de suivre de la main ses abdominaux de son amant. Ben échappa un souffle d’envie. Nat poussa plus loin le jeu en naviguant cruellement autour de son membre durci et demandeur. Puis il posa juste son doigt sur le bout de son sexe, y dessinant de fins cercles avant de le relâcher tout aussi vite, suscitant un grognement qui lui plut particulièrement. Il lécha alors avec gourmandise son ventre tout en se délectant des halètements de Ben dont le membre avait été trop vite délaissé.

– Nat…

Ben venait de se tortiller en tirant sur ses liens et avait soupiré son nom d’une façon qu’il trouva délicieuse. Brusquement, il attrapa ses hanches offertes de ses deux mains, les tirant autant que l’attache serrée de la tête du lit lui permettait de le faire vers le bas, et ouvrit ses cuisses dans un geste peu délicat. Un bras passa sous l’un de ses genoux qu’il releva en s’allongeant sur son corps, grognant en faisant rouler leurs érections l’une contre l’autre.

– Tu veux que je te prenne tout de suite ?

Un regard noir bien que déjà troublé d’envie lui répondit, le faisant sourire alors qu’il renforçait l’impact de ses mots en un profond mouvement de reins :

– J’ai envie de te faire crier.

Un temps, Ben se laissa étourdir par la voix rauque de Mat. Puis il le défia :

– Parce que tu t’en crois capable ?

Le regard de Nat s’enfonça dans ses pupilles puis son contact s’évanouit. Ses poignets toujours retenus par la corde, Ben inclina son visage pour observer Nat, qui s’était accroupi sur un côté du lit pour rechercher quelque chose. Il profita de cet instant de répit pour examiner la corde entortillée au-dessus de sa tête. Les nœuds étaient solides et il jura entre ses dents en ne parvenant pas à trouver comment s’en détacher. Le bruit d’un tube dont le couvercle sauta attira son attention.

Avec un fin sourire, Nat venait d’ouvrir le lubrifiant et le laissa couler directement sur son sexe, le faisant sursauter à cause du contact froid. Le gel glissa le long de sa chair, s’immisçant progressivement un peu plus loin. Nat posa l’objet à côté d’eux puis se pencha pour l’embrasser tandis qu’il se saisissait d’une main habile de son sexe gonflé. Ben soupira de satisfaction dans sa bouche. Les premiers mouvements de paume le firent se tendre et il laissa son amant prendre possession de son cou alors que la main lubrifiée descendait plus bas encore entre ses jambes, frôlant une de ses fesses en la remontant vers lui.

D’un coup, il se tendit de tout son être tandis que deux doigts le pénétraient.
À cause de l’intrusion, il ne put totalement réprimer le gémissement d’inconfort qui franchit ses lèvres. Nat ressortit ses doigts pour caresser doucement l’entrée qu’il venait de profaner.

– Espèce de brute, râla-t-il, mais sa plainte était plus moqueuse que réellement fâchée.

Les mouvements circulaires qui suivirent ne lui permirent plus de continuer à parler. Il posa juste un regard gorgé de plaisir sur celui, joueur, de Nat, avant que ce dernier ne replonge en lui, aussi profondément qu’il le pût.

Tout en l’observant, Nat s’amusa à entrer et ressortir en des rythmes irréguliers, tournant à l’intérieur en étirant la chair. Le visage crispé de Ben témoignait du plaisir qu’il ressentait. À l’opposé de l’expression supérieure qu’il affichait si facilement, ses yeux s’étaient fermés sous ses caresses, sa bouche ouverte comme s’il cherchait à faire entrer davantage d’air dans ses poumons et son cou s’était tendu de côté dans un geste d’abandon… Nat appuya alors soudainement en plein sur sa prostate, lui faisant brusquement arquer le dos avant de geindre faiblement sous la pression des doigts qui s’enfonçaient juste au niveau de cet endroit.

– Nat…

Captivé, il l’observa perdre pied, sans pour autant s’en sentir rassasié. Il ajouta alors à la sensation de ses membres glissant à l’intérieur de lui celle de sa bouche le long de son sexe tendu. Des plaintes mal retenues et autres envolées sonores emplirent la pièce.

– Nat, je…

Tremblant, Ben peinait pour s’exprimer et Nat saisit cet instant de vertige pour joindre un troisième doigt à ceux le pénétrant déjà, le faisant planter les dents dans ses lèvres.

– Qu’est-ce que tu veux ? chuchota-t-il avant de caresser de sa langue son membre dur.

Un halètement lui répondit :

– Plus… Je veux…

– Dis-le, insista Nat en ressortant ses membres pour se contenter d’agacer l’entrée de son corps.

– Allez…

Ben leva des yeux humides au ciel et éclata d’un bref rire avant de râler franchement.

– Ce que tu me fais, là… je te le ferai payer au centuple.

Nat haussa un sourcil, amusé, puis réinséra d’un coup ses doigts en lui, le faisant se cambrer violemment.

– Allez, prends-moi, bon sang, souffla Ben dans une supplique. Arrête de jouer et baise-moi.

Dans un sourire, Nat frotta son visage contre sa peau avec tendresse.

– Je t’aime, tu sais ?

Un pur ronchonnement lui répondit, mais Nat attendit tranquillement la réaction de Ben. Ben laissa alors échapper un rire léger, comme s’il lui en voulait de le pousser à dire ces mots.

– M… ssi…

– Hein ? insista-t-il, hilare.

Ben râla nettement.

– Moi aussi je t’aime, abruti… et les représailles seront terribles.

En réponse, Nat sourit de toutes ses dents. Il se redressa et tira sur les hanches de Ben, tendant ses bras lacés au-dessus de sa tête avant de soulever un genou pour le poser sur son épaule et mordre avec envie dans la chair ferme. Puis il se positionna entre ses jambes. Durant quelques secondes, il prit le temps de savourer le contact de cette entrée ouverte contre son sexe durci.

Puis il poussa.

Longuement, son membre plongea dans le corps serré qui s’offrait à lui, ses yeux se fermant alors que Ben se cambrait sous l’intrusion. La formidable sensation de pression lui donna le vertige et il s’enfonça lentement, ne s’arrêtant qu’une fois sa chair entièrement entrée.

– J’aime te prendre.

Un léger sourire releva le coin de la bouche de Ben, les yeux déjà partis dans les limbes du plaisir et Nat releva les reins de son amant pour se reculer et se renfoncer plus loin encore à l’intérieur de lui.

Bientôt, tout ne fut plus que chaleur brûlante et, au fond de son esprit, les combats et ses besoins de violence, tout ce qu’il y avait en lui qui le faisait retourner toujours et encore au club, devinrent une brume lointaine, des souvenirs s’effaçant dans l’échange charnel, une image vaporeuse qui s’envolerait bientôt, recouverte de l’odeur de Ben, de la sensation fabuleuse de se mouvoir en lui et de cette complicité qu’il était tellement doux de partager. Il s’accrocha d’une ferme prise à ses hanches et posa son front contre le sien, y déposant quelques gouttes de sueur que la chaleur estivale comme l’acte auquel ils s’adonnaient avaient tirées, tandis qu’il continuait à entrer et ressortir de lui. Leurs bouches se goûtèrent suavement, leurs langues se mêlant dans une longue pénétration qui fit écho à celle qui embrasait leurs corps.

Fiévreux, Nat perdit un regard troublé dans celui maintenant embué de Ben, lui chuchotant à nouveau à quel point il aimait le prendre, puis il se retira brièvement en le regardant… avant de le retourner sur le ventre pour revenir s’enfouir profondément en lui.

– Oh merde, Nat…

– C’est trop bon de te baiser…

Ses mains avides se pressaient sur la taille de son compagnon et il se pencha sur sa nuque où quelques mèches étaient collées de sueur, en embrassant la peau devenue moite.

D’un mouvement tremblant, Ben s’appuya sur ses coudes, le front pressé entre ses bras pliés. De longs soupirs s’échappaient de sa bouche et il frémissait à chacun de ses à-coups.

« Ah… »

« Oh putain… »

Nat se recula pour entrer à nouveau en lui en un profond coup de reins, appuyant sur l’endroit si sensible du corps de Ben qui le fit souffler, grogner et marmonner des jurons non retenus. En voyant les prémices de la jouissance se manifester chez son amant, il glissa la main sous son ventre pour enrouler la main autour de son membre, le caressant vivement, majorant ses gémissements, mais fut gêné d’être privé de la vue sur son visage. Il tira alors brusquement sur l’attache le retenant à la tête de lit, la défaisant sans prêter attention au fait que les poignets de Ben étaient restés liés, et se retira de lui, le laissant retomber sur le matelas avant de le repousser sur le dos. Ses mains se glissèrent sous ses fesses.

– Accroche-toi à moi.

Puis il se releva en vacillant, poussant Ben à passer ses poignets au-dessus de sa tête pour s’agripper dans un ultime effort. Quelques pas titubants suivirent avant qu’il le plaque contre le mur le plus proche, enroulant ses cuisses autour de ses hanches pour se rengainer d’un coup en lui. Dans le plaisir, leurs voix s’étaient mêlées. Son regard plongea alors dans celui de Ben et il fut ébloui par l’image qu’il lui offrait, avec son visage étourdi penché en avant et les mèches humides de sueur qui s’échouaient sur son front.

Son corps était à bout et il n’eut besoin que de quelques mouvements supplémentaires pour parvenir à la délivrance, jouissant de voir celle de Ben se manifester, d’abord, avant de succomber à la sienne.

Un bruit sourd résonna tandis qu’ils s’effondraient sur le parquet. Nat avait accompagné la chute de Ben et le tenait maintenant entre ses bras, sa peau humide se collant contre la sienne.

En de longues respirations, tous deux reprirent leurs souffles.

Le voile de la fenêtre se souleva lentement, un vent léger venant caresser leurs peaux. Nat ouvrit le regard sur celui encore vitreux de son amant, et répondit d’un sourire à la lueur tendrement fâchée qui s’y était affichée. Son regard se posa enfin sur la peau de ses avant-bras.

Et il se rendit compte de l’état dans lequel il les avait mis.

Il grimaça de culpabilité.

Parce qu’il n’avait fait que le tirer et retourner au cours de leurs ébats, la corde s’était tendue à son maximum et n’était pas loin d’entrer dans la chair. Avec gêne, il détacha vivement les liens. Ben se massa douloureusement les poignets dès qu’il en eut la possibilité. De fines traces rouges et peu profondes étaient inscrites sur sa peau pâle et Nat se pencha, penaud, pour en baiser doucement les meurtrissures. Il y aurait des bleus.

– Désolé…

Ben lui lança un regard assassin avant de grogner distinctement.

– Tu peux le dire…

Mais il ne tint guère longtemps à ronchonner. Dans un sourire mordant, Ben posa les mains sur ses épaules et il le plaqua au sol.

– La prochaine fois, c’est moi qui t’attache.

– Sérieux ? s’étonna-t-il.

– Et je te montrerai ce que ça veut vraiment dire de « faire crier quelqu’un ».

– Vantard.

Nat ne cacha pas son amusement. Ben renchérit avec une expression supérieure.

– C’est ce qu’on verra.

Un dernier sourire tendre et joueur plana sur leurs lèvres puis Ben se redressa en pestant pour la forme.

– Ce coup-ci ce n’est plus discutable : on va se doucher.

Le ton autoritaire ne laissait aucune place à un éventuel refus. Nat tira seulement la langue en ébouriffant d’une main sa chevelure.

Alors qu’ils se dirigeaient vers la salle d’eau, il observa le corps qui le précédait et… sentit l’appétit le tenailler en songeant que les dernières paroles de Ben sonnaient comme une bien agréable proposition.