Ainsi sombre la chair – Statu quo

Statu quo

Je n’étais donc ni réellement séparée d’Ayme, ni réellement avec lui, et on habitait encore ensemble. Oui, c’est un concept, je le sais. A vrai dire, je ne savais plus vraiment dans quoi on était, si ce n’était qu’Ayme avait accepté toutes les barrières que j’avais finies par ériger entre nous, ce qui faisait qu’on ne se parlait plus, qu’on ne se touchait plus, qu’on ne dormait plus dans la même pièce, et qu’on ne se croisait quasi même plus.

J’ai employé le terme de « colocataires », nous concernant. Pourtant, ça ne valait rien, et je le savais. J’aurais dû quitter Ayme. Vraiment. C’était celle-ci, la seule vérité. Le « moi » d’avant l’aurait fait. Le moi d’avant ne savait pas encore à quel point l’idée même de le faire allait s’apparenter à un arrachage de ma poitrine et de mon âme. Je ne pouvais pas me résoudre à abandonner les petits morceaux de verre cassés qui restaient de notre couple. Et puis, c’était un deuil, qu’il vivait, c’était juste un putain de deuil, alors pourquoi il durait depuis quatre ans, ce putain de deuil ? Ce n’était pas censé être juste une phase ? Bien sûr, ce connard – parce que là-dessus, c’était vraiment un connard – d’Ayme refusait de faire une psychothérapie. Aller voir un psy, c’était admettre qu’il avait un problème, et c’était aussi avoir à en résoudre d’autres, parce qu’il y en avait d’autres, plus anciens, bien sûr. Je les connaissais. D’autres auxquels ce deuil s’était mêlé. Mais c’était tellement plus simple pour lui de faire comme si tout ceci n’existait pas…

Alors, on était arrivés à ce statu quo : on avait ce putain d’appart qu’on avait acheté, on avait cette putain de cette relation de merde qui était en train de crever, et donc, on faisait quoi ? Eh bien rien. On restait dans notre merde, dans notre appartement, avec tout ce qui y résidait de toxique, entre nous, mais on y vivait comme collocs. Pas de baisers, pas de contacts physiques, pas de confidences, surtout pas d’exigences, si ce n’était la mienne : qu’Ayme accepte cette forme de séparation bâtarde que je lui imposais.

Statu Quo. Un miracle nous sauverait peut-être.

Et je commençais à coucher avec d’autres. Je crois même que j’essayais de nous tuer plus vite, ainsi. Ou peut-être juste moi. Pas physiquement, mais quelque chose à l’intérieur de moi. J’avais un processus à faire, quelque chose qui ne passerait que par la perte. Je n’étais pas dans le renouveau. Peut-être juste arrivée à ce stade ultime où je ne pouvais qu’admettre qu’il n’y aurait plus jamais rien à reconstruire entre Ayme et moi. Que c’était fichu, que cette connerie de vie nous avait tout pris, et que notre couple était mort entre un accident de voiture aux portes de la Côte d’Azur et une porte vitrée qui s’écroule.

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