Au nom d’Épicure

Autrice : Magena Suret.

Genres : Duo M/F, tranche de vie, soft.

Résumé : Les yeux rivés sur le livre, Théo faisait de son mieux pour ignorer Marion. Elle détestait ça.

Au nom d'épicure

Les yeux rivés sur le livre, Théo faisait de son mieux pour ignorer Marion. Elle détestait ça.

— Théo, chantonna-t-elle.

— Non.

Son ton, plus sec qu’il ne l’avait voulu, ne sembla pas la décourager : son chemisier atterrit sur l’oreiller près de lui, bientôt suivi par son soutien-gorge. Théo les ramassa de sa main libre pour les jeter au sol, comme s’il n’était pas intéressé. Il fit semblant de réajuster ses lunettes pour détourner un instant le regard de sa lecture, mais s’y replongea vite lorsqu’il aperçut Marion, la tête renversée en arrière, une main sur sa gorge et deux doigts de l’autre titillant un mamelon. Il allait lui prouver qu’il pouvait être plus têtu qu’elle.

— Allez, j’ai envie de me coucher.

— Rien ne t’en empêche, rétorqua-t-il en tapotant l’espace vide à côté de lui.

— Épicure me fait penser le contraire. Ce qui est un comble, si tu y réfléchis.

— Pas tant que ça. Si on ne souffrait pas un peu, on ne tirerait aucun plaisir du reste.

Théo retint un sourire en levant le nez de son livre : l’agacement de Marion était visible, mais il n’était pas prêt à céder. Elle aussi semblait déterminée à lui faire abandonner sa lecture puisqu’elle se reprit vite et le gratifia d’un sourire narquois. Puis elle profita d’avoir son attention : elle se déhancha doucement pour faire glisser sa jupe et sa culotte. Théo la regarda alors qu’elle enjambait les tissus et venait s’asseoir près de ses pieds.

— Je dois finir ce chapitre, Marion, lui dit-il d’une voix plus suppliante. Je ne peux pas arriver demain en cours sans l’avoir au moins lu.

— Les élèves adorent avoir des remplaçants pour ne pas avoir à suivre le programme. Amène-leur des coloriages.

— À des terminales ? s’exaspéra Théo.

Marion haussa les épaules et se laissa basculer en arrière, en appui sur ses coudes. Théo se força à retourner à sa lecture, mais sa concentration était perdue. Il n’était même plus sûr de savoir où il s’était interrompu. Les mots n’avaient plus de sens.

Ses abdominaux se contractèrent au contact des orteils glacés et il dut se retenir pour rester impassible. Malgré la surprise, il sentait sa résolution vaciller. Marion retenait de plus en plus son attention. À chaque fois que son regard glissait des lignes d’écriture aux courbes de ses jambes, son excitation devenait palpable. Il plia un genou pour camoufler son érection, mais son geste ne lui attira qu’un nouveau « Théo », soupiré plus sensuellement.

— Donne-moi dix minutes, okay ?

Il était à deux doigts de gémir de frustration quand Marion acquiesça. Son soulagement fut néanmoins de courte durée : il n’avait pas lu un paragraphe qu’elle poussait un nouveau soupir, empli de contentement. Une fois de plus, Théo oublia Épicure pour contempler Marion.

À l’autre bout du lit, juste hors de sa portée, elle en avait eu assez de l’attendre et avait décidé de commencer sans lui. Elle avait les yeux fermés et, devant ses lèvres, deux doigts qu’elle s’amusait à lécher d’une langue de chat. La main de Théo se crispa sur le livre. Il imaginait son sexe à la place de ces doigts. Marion devait y penser aussi. C’était un jeu commun entre eux : qu’elle affole le bout sensible de sa verge et qu’il la prive du poids de son sexe sur sa langue. Au premier qui craquerait. Théo n’avait pas honte d’admettre qu’il était souvent celui qui s’impatientait ; Marion avait bien plus de volonté que lui dans ces cas-là.

Le frottement du talon sur son érection le ramena à l’instant présent. De sa main libre, il saisit la cheville de Marion et l’obligea à rester immobile. Elle ouvrit les yeux et le fixa :

— Tu ne lis plus ?

Elle voulait se moquer, mais son souffle était plus court. Théo ne lui répondit pas, se contenta d’observer la main qu’elle avait glissée entre ses cuisses. Le rythme de ses caresses sur son clitoris était calme. Pour l’instant. Ils s’étaient déjà regardés se masturber à plusieurs reprises. Et il avait toujours ressenti un mélange de fierté et de jalousie à la voir maîtriser ainsi son propre plaisir : elle était capable de le faire monter très vite, de le faire durer de longues minutes ou d’atteindre l’orgasme en quelques mouvements de poignet lorsqu’elle l’avait décidé.

— Si tu ne te dépêches pas, je vais jouir sans toi, menaça-t-elle.

— Tu n’oserais pas me laisser m’endormir frustré, non ?

Il avait toujours Épicure entre les mains, mais sa lecture était bel et bien oubliée. La lueur malicieuse dans le regard de Marion lui rappela un peu tard qu’elle n’était pas du genre à refuser de relever un défi.

— Si tu finis tes devoirs, tu pourrais me convaincre de te sucer. Ou tu pourrais te branler sur mes seins.

Les deux le tentaient. Sa poigne se desserra de la cheville et il remonta la main le long du tibia de Marion. Celle-ci en profita pour faire de nouveau pression sur son érection.

— Maintenant, tu veux que je lise ? s’amusa-t-il, d’un ton faussement irrité. Alors que tu es vulgaire et que tu mériterais que je te renverse sur mes genoux pour te donner une fessée ?

La perspective sembla plaire à Marion : son majeur s’activa davantage sur son clitoris tandis qu’elle suçait avec avidité deux doigts de sa main gauche. À peine quelques secondes plus tard, il la vit entrouvrir les lèvres, trop proche de l’orgasme pour réussir à se concentrer sur son autre tâche. Avec son index en guise de marque-page, il referma le livre et se concentra sur la respiration de Marion. Le souffle se faisait plus saccadé, les gémissements s’intensifiaient et Théo se redressa légèrement, puis abattit le livre sur la cuisse de Marion. Un petit cri de surprise lui échappa alors qu’elle se cambrait dans sa jouissance. Théo apprécia la vue un moment, puis se réinstalla contre son oreiller et rouvrit Épicure, comme s’il n’était pas affecté par le spectacle.

Distrait, il caressait le mollet de Marion, créant une friction agréable contre son sexe insatisfait. Il ne resterait pas longtemps ainsi, juste les quelques minutes dont avait besoin Marion pour savourer son orgasme.

Il n’avait plus qu’une demi-page à lire quand la jambe se fit moins docile entre ses doigts et un rire léger retentit du pied du lit. Un instant plus tard, Marion l’avait rejoint au niveau des oreillers :

— Je te dis bonne nuit ? ricana-t-elle, en déposant un baiser sur son épaule.

Théo repoussa la couette et lui désigna son érection :

— J’aimerais autant que tu m’embrasses ici.

— Avec la langue ?

Il leva les yeux au ciel, mais soupira vite d’aise quand Marion s’installa entre ses cuisses et enroula les doigts autour de sa verge.

— Rends-moi juste un service, Théo : même si tu as fini, garde le livre, ça m’excite.

Elle lui fit un clin d’œil et le prit aussitôt dans sa bouche. D’une main tremblante, il s’agrippa à son livre : il n’avait pas cédé, mais Marion avait eu le dernier mot. Encore une fois. Et il s’en moquait bien.

Honorer les vivants

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/F, hot.

Résumé : Un enterrement, une amie venue en support, un soutien pas si catholique…

Note : Première variation d’une courte nouvelle écrite en 2014 et publiée à l’occasion du Ray’s Day 2016.

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Première variationDeuxième variation

Honorer les vivants

La main sur la poignée, Astrid attendait que Justine termine de se préparer. En temps normal, elle aurait déjà râlé après son amie et colocataire parce qu’elle les mettait en retard à chercher un paquet de kleenex ; cependant, elle conduisait Justine à l’enterrement de son père et les convenances voulaient qu’Astrid se montre plus compréhensive qu’à son habitude.

D’ailleurs, elle avait hésité à accompagner Justine. Après tout, Astrid ne connaissait personne de sa famille. Depuis cinq ans qu’elles partageaient cet appartement, aucun des proches ne leur avait rendu visite, contrairement aux parents d’Astrid qui ne supportaient pas de ne pas la voir pendant plus d’un mois. Justine elle-même n’avait jamais l’air pressé de se joindre aux événements familiaux, aussi Astrid en avait-elle conclu qu’ils étaient en froid. Pourtant, quelques jours auparavant, elle avait trouvé Justine effondrée et inconsolable. À force de la cajoler, Astrid avait fini par apprendre la nouvelle et avait compris que les relations qui unissaient son amie à sa famille étaient certainement bien plus complexes qu’elle ne l’avait imaginé.

La route jusqu’à l’église se fit dans le silence, ce qu’Astrid regretta. Elle aurait préféré que Justine le comble en lui parlant de ses proches. Du peu qu’Astrid en savait, son amie avait deux frères, mais elle ignorait jusqu’à leurs prénoms. Alors qu’elle s’apprêtait à les rencontrer dans les pires circonstances qui soient, Astrid se rendait compte combien Justine avait été secrète sur son passé quand elle-même avait dû lui raconter sa vie en long et en large.

Le parking était déjà bien encombré quand elles arrivèrent. Astrid était concentrée à trouver une place libre, toutefois elle aperçut le petit signe de main que fit Justine à un groupe sur le parvis. Du coup d’œil qu’elle leur accorda, Astrid ne distingua pas leurs traits, mais elle supposa qu’il s’agissait de la mère de son amie, entourée par ses deux fils. Sitôt la voiture garée, Astrid en descendit et lissa sa jupe. Puis elle patienta quelques instants avant de faire le tour et d’aller ouvrir la portière à Justine. Cette dernière était pétrifiée sur son siège et Astrid retint avec peine un soupir d’exaspération. Elle prit la main de son amie et la força à sortir :

― Si tu n’avais pas envie d’assister à l’enterrement, tu aurais pu venir te recueillir plus tard. Alors, sauf si tu comptes cracher sur la tombe de ton père, je suis sûre que ta famille compte sur ta présence.

— T’es une garce, lui lança Justine d’une voix douce.

― C’est pour ton bien, lui assura Astrid. Et ce n’est pas nouveau.

Les yeux rouges et un léger sourire sur les lèvres, Justine se décida à la suivre docilement. De nombreuses personnes les interceptèrent avant même qu’elles n’atteignent le parvis de l’église. Des amis de la famille, d’anciens collègues, de vagues connaissances… Tous avaient un mot gentil pour Justine et celle-ci les remerciait de façon automatique. À mesure qu’elles approchaient de la famille en deuil, Astrid remarqua que la mère et les frères de son amie n’avaient d’yeux que pour elles deux. Ou plutôt que l’un des hommes semblait la jauger du regard quand l’attention des deux autres personnes se tournait naturellement vers Justine. Astrid aurait pu se sentir vexée d’être considérée de manière aussi méfiante, mais elle reconnaissait une autre étincelle dans ce regard. Et Astrid se doutait que le jeune homme devait se sentir coupable d’éprouver une telle bouffée de désir alors qu’il aurait dû se désoler de la perte de son père. Pourtant, Astrid ne le blâmait pas : le chagrin avait bien des moyens de s’exprimer et se défouler en baisant une inconnue était certainement très libérateur. D’autant que, dans une autre situation, Astrid aurait été la première à dégainer ses atouts pour séduire le jeune homme. Ce dernier était tout à fait à son goût. Les mèches un peu longues tombant devant les yeux étaient l’un de ses points faibles : elle en avait déjà les doigts qui la démangeaient pour dégager ce front. Arrivées à leur hauteur, Justine se retrouva prise dans les bras tour à tour de ses frères puis de sa mère. Son amie eut le temps de présenter Astrid à sa famille, mais pas l’inverse, avant que la veuve n’entraîne sa fille à l’écart.

― Puisque notre mère n’a pas laissé le temps à Justine, commença le plus âgé des deux frères, je crois qu’on va se présenter nous-mêmes. Je suis David, l’aîné. Et voici Benoît, le petit dernier.

Astrid serra la main des deux hommes, s’attardant davantage dans celle de Benoît pour en savourer la callosité. À défaut de pouvoir jouer de ses charmes, elle lança la conversation pour assouvir sa curiosité :

― Justine est plutôt secrète sur sa famille. J’avais un peu peur qu’on ne soit pas les bienvenues, aujourd’hui.

Les deux frères échangèrent un regard entendu, puis David s’excusa :

― Je laisse Benoît s’occuper de vous, je vais me rendre utile pour régler les derniers détails de la cérémonie. Je vous reverrai plus tard.

Astrid acquiesça et ressentit une pointe d’excitation à se retrouver seule avec le jeune homme qui l’intéressait. Celui-ci ne se laissa pas déstabiliser par le manque de subtilité de son aîné et enchaîna :

― Il n’y a pas de secret horrible sur notre famille. Mon père était du genre têtu et on peut dire que Justine tient de lui. Si ma sœur a toujours fait la difficile pour venir nous voir, c’est qu’elle ne supportait pas qu’il remette en question le moindre de ses choix. Comme chaque fois, ça se terminait en dispute si on n’était qu’entre nous, notre mère n’a fini par les laisser ensemble dans la même pièce que lors de réunions familiales.

― Mince, s’amusa Astrid. Et moi qui m’attendais à des ragots croustillants.

Sa remarque lui valut un sourire en coin et lui dévoila une fossette adorable. Durant leur conversation, Benoît se rapprocha d’elle. Lorsque David repassa pour faire entrer tout le monde dans l’église, Astrid frôlait le bras de Benoît à chaque mouvement.

Elle retrouva Justine aussitôt après avoir franchi les portes. Son amie l’accompagna jusqu’à la première rangée, où Astrid s’installa en compagnie de la famille du défunt.

Bientôt la messe fut terminée. La veuve, ainsi que ses enfants, se placèrent de part et d’autre du cercueil afin de recevoir les condoléances de chacun. Restée sur le banc jusqu’au passage de la dernière personne, Astrid n’avait pas lâché Benoît du regard. Ce dernier croisait le sien dès qu’il le pouvait. Puis vint le tour d’Astrid de passer devant les endeuillés. La mère de Justine et David acceptèrent sa poignée de main. Benoît quant à lui l’enlaça un court instant, posant une main un peu trop bas sur ses reins pour que ce soit accidentel. Justine passa ensuite le bras sous le sien et posa la tête sur son épaule avant de la diriger vers la sortie.

Aux portes de la nef, Justine dut la lâcher pour se mêler à la foule. Astrid lui donna une petite tape d’encouragement sur la fesse avant de la laisser partir. Son amie, tout comme sa famille, se montrait forte, mais Astrid se doutait que ses nerfs auraient raison d’elle à leur retour chez elles.

Astrid entendit le croque-mort dire à la veuve que le cercueil serait prêt à être mis en terre dans une demi-heure et lui demander de patienter pour débuter le cortège. Se retrouvant seule, Astrid s’approcha du livret mis à disposition pour laisser un message à la famille et lut quelques lignes. En se penchant en avant, elle sentit sa jupe crayon se resserrer en haut de ses cuisses et à sa taille, ce qui la fit sourire à l’idée de la marque désormais visible de ses sous-vêtements. Un coup d’œil par-dessus son épaule lui confirma que les yeux de Benoît étaient attirés par la vue qu’elle offrait. Forte de ce constat, elle changea de jambe d’appui, faisant rouler ses hanches lentement. Un autre regard volé lui révéla que le jeune homme avait abandonné son audience pour la rejoindre. Astrid se redressa et fit mine d’avancer vers la sortie. En deux enjambées, Benoît la rejoignit et posa une main au creux de ses reins. Comme seul encouragement, Astrid lui offrit un sourire plein de promesses lorsqu’ils atteignirent le parvis.

Benoît la guida pour contourner l’église. Alors qu’elle se faisait entraîner, en silence, à l’arrière de l’édifice, Astrid s’apprêtait à râler, mais Benoît se tourna pour lui attraper la main et l’attirer dans un baiser passionné. Elle eut à peine le temps de réaliser qu’il posait les lèvres sur les siennes que déjà sa langue s’invitait dans la partie. Trop heureuse d’enfin en arriver aux choses sérieuses, Astrid y répondit avec ardeur, glissant les doigts sous la chemise de son compagnon. La peau moite de ce dernier l’excita encore un peu plus. Les circonstances auraient voulu qu’elle ressente au moins un soupçon de se culpabilité, mais Benoît agissait comme si cela lui était vital et elle n’avait pas l’intention de le priver de ce réconfort. Le côté animal de cette étreinte la faisait réagir de façon positive.

Benoît la fit tourner et la plaqua dos au mur contre la chapelle. A ce moment, Astrid réalisa que sa plainte de semi-douleur s’était perdue, même à ses propres oreilles. Le glas sonnait pour honorer la mémoire d’un homme parti trop tôt. Astrid en profita pour gémir à l’envi. Toujours en embrassant Benoît, elle passa la main entre eux pour frotter de sa paume l’érection grandissante. Malgré le pantalon qui entravait ses mouvements, le jeune homme y répondit en se pressant davantage contre elle et en venant lui-même jouer sur sa poitrine. Les pincements sur ses tétons étaient presque désagréables avec le tissu de son soutien-gorge qui semblait enflammer la zone et, bien qu’elle tente de s’y soustraire, Benoît continua cette caresse. En temps normal, ses amants comprenaient qu’une telle réaction était un signe d’inconfort, néanmoins Benoît choisit de l’ignorer. Astrid comprit alors qu’il se délectait de sa douce torture et qu’il lui infligeait cette légère douleur en réponse à sa propre frustration. L’attitude provocante d’Astrid un peu plus tôt ne jouait pas en sa faveur et elle ne pouvait nier tirer un quelconque plaisir d’être ainsi molestée. Astrid cessa donc de se débattre, acceptant cette punition, pas si déplaisante au final.

Aussitôt qu’elle se laissa aller sous les caresses de Benoît, celui-ci se détacha d’elle et plongea la main dans la poche arrière de son pantalon. Astrid eut un nouveau sourire en le voyant en sortir un préservatif. Elle aussi en avait un dans son sac, mais la prévoyance de Benoît pour ces obsèques le rendait encore plus attirant.

Il la fit se retourner. Maintenant ses mamelons tendus frottaient le crépi de l’église et Astrid était heureuse d’avoir ses vêtements en guise de rempart. Sa jupe étant trop ajustée au niveau des genoux pour être relevée, Benoît en ouvrit la fermeture-éclair et l’abaissa avec sa culotte juste sous ses fesses. Astrid ressentit la fraîcheur de l’air sur sa peau. La température était pourtant élevée, mais son corps était en feu. Les vêtements gainés sur ses cuisses, Astrid ne pouvait pas trop écarter les jambes, mais se cambra pour faciliter la pénétration. A peine avait-elle offert sa croupe que le sexe de son compagnon plongea en elle. Il s’enfonça jusqu’à la garde en un mouvement ample ; Astrid était si mouillée qu’elle en éprouva un bref moment de gêne. Vite oublié quand le tissu léger du pantalon de ville frotta sur ses fesses.

Benoît adopta un rythme rapide dès le début. Au lieu de son bassin, c’était sa ceinture qui claquait les fesses d’Astrid à chaque contact : elle songea qu’elle aurait certainement la peau rouge quand il en aurait fini et qu’elle risquait de grimacer les prochaines fois qu’elle s’assiérait. Toutefois, elle s’en fichait, le plaisir d’être enfin soulagée surpassait ces petits désagréments. Ou peut-être que ceux-ci augmentaient sa satisfaction. S’ils étaient amenés à se revoir, elle pourrait peut-être proposer des jeux plus pimentés à Benoît ; il avait plutôt l’air d’apprécier de la voir si soumise à ses désirs. Et silencieuse puisqu’ils n’avaient pas échangé une parole depuis leur conversation avant la cérémonie. Elle s’imaginait bâillonnée quand Benoît raffermit sa prise sur ses hanches et se mit à la pilonner un peu plus fort. Comme cela arrivait trop rarement pour une première jouissance, elle la sentit monter sans autre stimulation. Elle était persuadée qu’en jouant avec son clitoris, elle pourrait avoir un orgasme mémorable, mais elle n’aurait pas la force d’encaisser les coups de reins furieux de son amant en n’ayant qu’un bras et sa pochette pour la protéger des griffures du mur.

Un ralentissement soudain lui arracha une plainte, mais la pression plus lente et appuyée contre ses parois achevèrent de la faire jouir. Benoît cessa un moment tout mouvement, laissant la vague passer et, quand il la sentit se détendre, reprit sa cadence infernale. Astrid était haletante, le plaisir avait atteint son apogée, mais ne redescendait pas. Son amant la maintint ainsi encore quelques instants avant de succomber à son tour. Sentir éjaculer un homme en elle après un orgasme avait toujours un effet apaisant, comme s’il sifflait la fin de l’acte et l’autorisait à savourer un repos bien mérité. C’était encore plus vrai aujourd’hui ; elle avait la tête qui tournait légèrement et peinait à retrouver son souffle. À peine consciente, elle réalisa que Benoît la rhabillait et refermait son propre pantalon, glissant le préservatif usagé dans sa poche. Il la força à se retourner vers lui et l’enlaça, déposant de courts baisers dans ses cheveux. Astrid se blottit contre lui, souriant de la tendresse insoupçonnée dont il faisait preuve après leur étreinte sauvage. Ils restèrent ainsi quelques minutes, profitant de leur isolement.

Quand ils firent le tour de l’église et revinrent sur le parvis, la foule s’était dispersée. Il ne restait plus que la famille proche et l’un des membres des pompes funèbres pour guider le cortège. Justine lui jeta un regard suspicieux, mais Astrid se contenta de lui adresser un clin d’œil. Le soupir désabusé de son amie la fit sourire et lui confirma qu’elle ne lui en tiendrait pas rigueur. En revanche, Astrid regretta un instant de s’être laissé emporter avant la mise en terre et la cérémonie au cimetière. Sa petite culotte poisseuse lui rappelait qu’une douche serait des plus agréables. Sa seule consolation était que Benoît aussi allait mariner dans ses sous-vêtements.

Un instant volé avec toi

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/F, hot.

Résumé : Des vacances frustrantes, un site touristique à la vue surprenante, un couple qui se retrouve en pleine nature.

Note : Seconde variation d’une courte nouvelle écrite en 2014 et publiée à l’occasion du Ray’s Day 2016.

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Première variationDeuxième variation

Un instant volé avec toi

Partir en vacances entre amis était chaque année la même aventure. Ils redevenaient un peu adolescents, accueillant à bras ouverts les nouveaux venus qui agrandissaient le groupe. Bientôt, songea Emma, les premiers bébés seraient de la partie aussi. En attendant, la villa louée pour deux semaines en été prenait des allures de colonie. Chacun s’était vu attribué une tâche dès son arrivée et l’ordre régnait tant bien que mal dans la maisonnée. Il y avait bien eu quelques disputes, mais tout se réglait vite et la bonne ambiance reprenait ses droits.

Au bout de cinq jours, Emma ne trouvait à cet arrangement qu’un défaut. Mais de taille. L’abstinence forcée à cause de cette promiscuité en était devenue ridicule. Ce n’était pas comme si vivre en cohabitation devait priver de toute intimité, mais chacune de leurs tentatives s’était soldée par un échec. Benoît le prenait avec philosophie, promettant de rattraper le retard dès qu’ils retrouveraient la solitude de leur appartement. Toutefois, Emma refusait de patienter encore dix jours. Après tout, l’été était normalement l’occasion de se lâcher. Et, jusqu’à cette année, ça n’avait jamais été un problème. Sans la contrainte du travail et de leurs autres obligations, ils auraient dû pouvoir s’envoyer en l’air dès qu’ils en avaient l’envie. Au lieu de ça, ils avaient hérité d’un lit grinçant, de murs si fins qu’on entendait une conversation trois pièces plus loin et d’une seule salle de bains pour dix adultes. Autant dire que le temps passé sous la douche était minuté. Et sans parler du partage des voitures. Rien n’aidait pour leur offrir une opportunité. Elle se rendait bien compte qu’elle perdait en plus en spontanéité ; sa seule obsession était d’avoir un moment privilégié avec Benoît. Qu’il adore son corps et qu’il la fasse jouir. Elle aurait pu se masturber pour soulager ce manque, mais son côté têtu ne serait satisfait que lorsqu’elle aurait son homme nu contre elle, leurs peaux moites de plaisir.

Elle était devenue calculatrice et exploitait chaque occasion pour sauter sur Benoît. Ce dernier ne s’en plaignait pas, même si cela se terminait à chaque fois dans la frustration pour eux deux. Pour éviter d’être pressés par ceux qui attendraient, Emma avait décidé qu’ils passeraient les derniers dans la salle de bains un matin ; la douche coquine avait tourné court après quelques caresses quand ils avaient été privés d’eau chaude. Quelques heures plus tard, elle avait entraîné son compagnon dans la forêt voisine pour une balade digestive mais, alors qu’elle avait le sexe de Benoît au fond de sa gorge et ses mains lui agrippant les cheveux, ils avaient été interrompus par une famille de promeneurs. Jurant contre leur malchance, Emma avait décidé d’oublier toute retenue ou fausse pudeur : le lit ferait bien l’affaire et tant pis pour leurs amis. De toute façon, elle se doutait que certains d’entre eux devaient connaître le même désarroi. Cependant, que ce soit la nervosité accumulée ou les couinements du sommier, Benoît fut pris d’un fou rire et Emma ne put qu’abandonner pour la journée. Son compagnon lui dit qu’il s’arrangerait pour le lendemain et elle finit par s’endormir sur cette promesse.

***

La journée ne commença pas sous les meilleurs auspices. La frustration d’Emma au bout d’une semaine atteignait des sommets et la rendait irritable. Benoît semblait davantage préoccupé par l’organisation de la sortie en groupe que par l’idée d’apaiser cette tension sexuelle. De toute manière, dès qu’elle avait compris qu’ils passeraient encore des heures tous ensemble, elle avait failli claquer la porte et planter Benoît avec leurs amis. Seul un regard un peu plus appuyé de son compagnon la retint et elle décida d’attendre encore un peu pour voir ce qu’il avait concocté.

Dans la voiture, ils se retrouvèrent tassés à trois sur la banquette arrière d’une petite citadine. Emma était pressée contre la portière et à deux doigts de devenir folle à cause de la main de Benoît sur sa cuisse. Celui-ci semblait l’ignorer et la caressait du bout des doigts tout en discutant joyeusement avec le conducteur. Elle maudit un peu plus les coups du sort. S’ils n’avaient pas choisi d’aller crapahuter dans la montagne aujourd’hui, elle aurait pu troquer son pantalon contre une jupe et écarter les cuisses, juste assez pour inviter la main à la toucher plus haut. Elle se faisait du mal avec ses fantasmes et poussa un gémissement involontaire. Ceci attira l’attention de Benoît qui lui adressa un petit sourire narquois.

Peu de temps après, ils arrivèrent à destination et l’idée de grimper le sentier escarpé pour admirer une chute d’eau rebutait Emma. Elle fit semblant de perdre l’équilibre en descendant de voiture, espérant que Benoît saisirait l’opportunité. Ils pouvaient prétendre qu’elle s’était fait mal à la cheville, laisser les autres s’épuiser et se trouver un coin tranquille pour enfin profiter d’un moment à deux. Pourtant, il n’en fit rien et se contenta de l’aider à se relever. Elle sentit les mains de Benoît sur sa taille, le bout de ses doigts qui glissaient sous ses vêtements et son souffle près de l’oreille. Puis il lui murmura de cesser d’être impatiente avant de s’écarter, la laissant encore plus avide de contact.

L’ascension commença dans les rires, mais se termina dans le silence. Aucun d’eux n’était vraiment habitué à la montagne et ils auraient peut-être dû investir dans de meilleures chaussures de marche. Arrivés au point du vue, Emma écouta d’une oreille distraite l’une de leurs amies raconter la légende associée à cette cascade. Cela avait à voir avec le rocher le long duquel elle s’écoulait qui ressemblait à un poisson qui suivait la chute d’eau, d’où son nom du saut de la truite. Son peu d’attention fut anéanti par le clin d’œil de Benoît et son petit signe de tête pour l’inviter à le suivre. Elle sourit en réalisant que ses hormones la faisaient obéir comme une poupée hypnotisée et lui emboîta le pas.

Alors qu’ils progressaient dans un silence religieux depuis cinq minutes, Emma commençait à s’impatienter et s’apprêtait à râler, mais Benoît se tourna pour lui attraper la main et l’attirer dans un baiser passionné. Elle eut à peine le temps de réaliser qu’il posait les lèvres sur les siennes que déjà sa langue s’invitait dans la partie. Trop heureuse d’enfin en arriver aux choses sérieuses, Emma y répondit avec ardeur, glissant les doigts sous le T-shirt de son compagnon. La peau moite de sueur de ce dernier l’excita encore un peu plus. D’habitude, ils auraient pris le temps de se doucher, mais ils étaient dans l’urgence. Ils avaient un manque à combler et le côté animal de cette rencontre la faisait réagir de façon positive.

Benoît la fit tourner et la plaqua contre un arbre. A ce moment, Emma réalisa que sa plainte de semi-douleur s’était perdue, même à ses propres oreilles. Le bruit de la chute d’eau était plus fort maintenant qu’ils étaient à mi-hauteur de celle-ci et elle pourrait en profiter pour ne pas retenir ses gémissements. Toujours en embrassant Benoît, elle passa la main entre eux pour frotter de sa paume son érection grandissante. Malgré le pantalon qui entravait ses mouvements, son amant y répondit en se pressant davantage contre elle et en venant lui-même jouer sur sa poitrine. Les pincements sur ses tétons étaient presque désagréables avec le tissu de son soutien-gorge qui semblait enflammer la zone, mais Benoît continua cette caresse bien qu’elle tente de s’y soustraire. En temps normal, il lisait le moindre de ses gestes et s’adaptait naturellement, aussi comprit-elle que c’était sa façon de la réprimander pour toutes ces tentatives avortées qui les avaient laissés plus frustrés de jour en jour. Emma cessa alors de se débattre, acceptant cette punition pas si déplaisante au final.

Aussitôt qu’elle se laissa aller sous les caresses de Benoît, celui-ci se détacha d’elle et la fit se retourner. Maintenant, ses mamelons tendus frottaient l’écorce de l’arbre et Emma était heureuse d’avoir ses vêtements en guise de rempart. Elle entendit son compagnon ouvrir son jean et ressentit bientôt la fraîcheur de l’air sur ses fesses. La température était pourtant haute, mais son corps était en feu. Benoît lui avait tout juste baissé son pantalon et sa culotte à mi-cuisse ; elle ne pouvait pas trop écarter les jambes, mais se cambra pour faciliter la pénétration. A peine avait-elle offert sa croupe que le sexe de son compagnon plongea en elle. Il s’enfonça jusqu’à la garde en un mouvement ample, Emma était si mouillée qu’elle en éprouva un bref moment de gêne. Vite oublié quand le jean rugueux frotta sur ses fesses.

Benoît adopta un rythme rapide dès le début. Au lieu de son bassin, c’était sa ceinture qui claquait les fesses d’Emma à chaque contact et elle songea qu’elle aurait certainement la peau rouge quand il en aurait fini. Toutefois, elle s’en fichait, le plaisir d’être enfin soulagée surpassait ces petits désagréments. Ou peut-être que ceux-ci augmentaient sa satisfaction. A leur retour, elle pourrait peut-être proposer des jeux plus pimentés à Benoît ; il avait plutôt l’air d’apprécier de la voir si soumise à ses désirs. Et silencieuse puisqu’ils n’avaient pas échangé une parole depuis qu’ils étaient descendus de voiture. Elle s’imaginait bâillonnée quand Benoît raffermit sa prise sur ses hanches et se mit à la pilonner un peu plus fort. Comme cela arrivait trop rarement pour la première jouissance, elle la sentit monter sans autre stimulation. Elle était persuadée qu’en jouant avec son clitoris, elle pourrait avoir un orgasme mémorable, mais elle n’aurait pas la force d’encaisser les coups de reins furieux de son amant en n’ayant qu’un bras pour la protéger de l’écorce de l’arbre.

Un ralentissement soudain lui arracha une plainte, mais la pression plus lente et appuyée contre ses parois achevèrent de la faire jouir. Benoît cessa un moment tout mouvement, laissant la vague passer et, quand il la sentit se détendre, reprit sa cadence infernale. Emma était haletante, le plaisir avait atteint son apogée, mais ne redescendait pas. Son amant la maintint ainsi encore quelques instants avant de succomber à son tour. Le sentir éjaculer en elle après un orgasme avait toujours un effet apaisant, comme s’il sifflait la fin de l’acte et l’autorisait à savourer un repos bien mérité. C’était encore plus vrai aujourd’hui, elle avait la tête qui tournait légèrement et peinait à retrouver son souffle. Dans une semi-conscience, elle réalisa que Benoît la rhabillait et refermait son propre jean. Il la força à se retourner vers lui et l’enlaça, déposant de courts baisers dans ses cheveux. Emma se blottit contre lui, souriant de la tendresse dont il faisait preuve après leur étreinte sauvage. Ils restèrent ainsi quelques minutes, profitant de leur solitude au milieu de la nature et du murmure élevé de la cascade. Un éclat de rire la prit quand elle remarqua qu’ils étaient à la hauteur de la tête de la truite de pierre ; ils avaient eu un témoin de leurs ébats et Emma se dit qu’elle était tombée amoureuse de ce site touristique finalement. En tout cas, elle aurait toujours un souvenir agréable à y associer.

Quand ils redescendirent, quelques-uns de leurs amis leur jetèrent un regard entendu, mais elle les ignora. En revanche, elle envia ceux qui se baignaient juste auprès de la chute d’eau ; sa petite culotte poisseuse lui rappelait qu’une douche serait des plus agréables. Sa seule consolation était que Benoît aussi allait mariner dans ses sous-vêtements.

Calin chez beau-papa & belle-maman

Autrice : Hope Tiefenbrunner.

Genres : MF, soft, humour, tranches de vie

Résumé: La première fois que Léa et Pierre font l’amour chez les parents de ce dernier resterait dans leurs mémoires comme : un souvenir à la fois comique et embarrassant pour Léa, un exemple typique de la façon dont « tu te prends la tête pour des choses futiles que n’importe qui d’autre laisserait couler » pour Pierre.

Câlin chez beau-papa et belle-maman

La première fois que Léa et Pierre font l’amour chez les parents de ce dernier resterait dans leurs mémoires comme : un souvenir à la fois comique et embarrassant pour Léa, un exemple typique de la façon dont « tu te prends la tête pour des choses futiles que n’importe qui d’autre laisserait couler » pour Pierre.

Sans vouloir prendre la défense de Léa, et au risque de paraître, de par ma condition de femme, de parti pris, je dirais quand même que cette dernière n’avait pas vraiment tort. Mais, je m’en voudrais de vous imposer mon propre jugement et je vous propose donc de vous faire votre idée. Remontons donc légèrement dans le temps.

La scène se déroule dans l’ancienne chambre d’enfant de Pierre, depuis longtemps transformée en chambre d’amis. Étroite, le lit double qui a pris la place de celui une personne en occupe la majeure partie, n’offrant à ses occupants qu’un petit espace, de chaque côté, pour passer, plus large vers l’entrée pour poser leurs affaires et se dévêtir. Comme dit plus tôt, c’est là la première fois que le jeune couple a l’occasion d’y dormir. Léa n’a rencontré ses beaux-parents qu’à deux reprises avant cela, autant dire qu’elle n’est pas encore complètement à l’aise en ce lieu étranger, pas plus qu’avec eux.

Cette dernière se trouve déjà sous les couvertures, pieds bien au chaud dans une paire de chaussettes et un long pyjama (dont elle avait presque oublié l’existence, cadeau de sa grand-mère maternelle trois ans plus tôt), extirpé d’un fond de tiroir, sur le corps. Reconnaissons pour sa défense que : d’une, elle ne peut décemment pas descendre le lendemain matin dans la cuisine de ses beaux-parents en petite nuisette sexy de deux : ma foi le chauffage, bien qu’ouvert le matin même par la mère de Pierre, n’a guère eu le temps de faire son office, malgré la petitesse de la pièce et la jeune femme est gelée.

Pierre, lui, habitué sans doute, se tient devant le lit, sa petite idée en tête. Tendons donc un peu l’oreille.

« Allez.

— Non.

— Oh, allez.

— Non, pas avec tes parents à côté.

— Ils ne sont pas à côté, ils sont à l’étage au-dessus. Et puis, à partir de demain, il y a toute la smala qui débarque et là, c’est clair que c’est mort pour les cinq prochains jours.

— Eh ben, tant pis. »

Léa s’enfonce alors sous les couvertures, comme pour appuyer ses dires. Hors de question de faire l’amour maintenant. Bien sûr, son cher et tendre, lui, n’abandonne pas aussi vite. Petit sourire charmeur en coin, il lance son offensive.

« Franchement ? Tu résisterais à ça ? ».

Il fait alors voler son tee-shirt, dévoilant un torse musclé et commence à danser sur une musique imaginaire. L’humour a, jusque-là, toujours été un bon moyen d’obtenir ce qu’il voulait avec elle. Et se ridiculiser dans le processus ne lui pose absolument aucun problème, comme peuvent en attester ses déhanchements pour le moins… sujets à amélioration. Léa cache son sourire derrière la couette, mais ses yeux rieurs la trahissent déjà.

« Pense que tu ne pourras pas profiter de mon superbe petit cul pendant quatre lonnnnngs jours. »

Le dandinement de fesses qui s’en suit la fait glousser bêtement.

« Et ça non plus ! » ajoute-t-il en se retournant, son sexe à moitié érigé. Quand il reprend sa petite danse, faisant balancer ses testicules par la même occasion, la scène est si cocasse et idiote que sa compagne éclate de rire : vaincue.

Pierre saute alors sur le lit, fier de lui, cela va s’en dire.

« D’accord, mais rapide », cède finalement Léa.

Il négocierait bien sur ce dernier point, mais lui et sa verge ne prennent que deux secondes avant de conclure qu’un petit coup rapide vaut mieux que rien du tout.

Il pénètre alors sous la couette. Léa ne retient pas un grognement quand la chaleur que son corps avait commencée à transmettre aux draps s’envole en un coup de vent.

Au départ, tout va bien. Le baiser, simple contact des lèvres, s’approfondit rapidement, leurs langues s’emmêlent et se taquinent, un peu de salive se répand entre eux et autour de leurs bouches mais ils ne s’en plaignent pas. Pierre défait hâtivement sa compagne de son bas de pyjama et, au vu du grognement qu’elle émet parce qu’elle a froid, n’envisage même pas de la débarrasser de ses chaussettes. De toute manière, il n’a pas plus envie que ça de se taper ses pieds froids sur les cuisses et les fesses, déjà que ses mains lui filent la chair de poule. Son haut de pyjama se fait ouvrir par contre et si elle râle, pour la forme, quand l’air froid s’attaque à ses tétons humides d’avoir été léchés par son amant, elle en apprécie bien trop la caresse pour l’empêcher d’y revenir. L’entrejambe humide, elle écarte les cuisses naturellement quand il y glisse la main, lui rendant la pareille en le masturbant. Elle ne retient pas un sourire quand Pierre grogne un coup quand ses doigts congelés (dont on se demande si le sang y circule) se posent sur sa verge brûlante.

Ils en sont aux choses sérieuses quand justement tout se corse.

Pierre vient de pénétrer Léa et commence à bouger et :

« C’est le lit qui fait ce bruit ?! s’exclame celle-ci, ses yeux observant leur couche comme si elle était vivante.

— Ah ben, qui dit vieux lit en bois dit grincements, s’amuse son compagnon, reprenant ses mouvements que la jeune femme avait interrompu d’un plaquage des mains sur son torse.

— Non, mais on va rameuter toute la maison, c’est pas possible.

— Mais non. Ce n’est pas la première fois que je fais l’amour dans ce lit et personne ne m’a jamais rien dit.

— Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont rien entendu. Hors de question que tes parents sachent qu’on fait l’amour. »

La remarque a le don de faire éclater de rire Pierre.

« Tu imagines bien qu’ils se doutent que nous avons une vie sexuelle, n’est-ce pas ? »

Léa émet un grognement agacé avant de poursuivre.

« Évidemment, mais entre savoir et être témoin, y’a une différence.

— Mais allez, détends-toi.

— Non ! »

Pierre lève les yeux au ciel, c’est pas que ça le ferait débander le petit débat mais clairement, son excitation en prend un coup. Mais, il ne sera pas dit qu’il n’a pas de la ressource.

« Mets-toi dans l’autre sens, ça devrait moins grincer. »

Léa lui adresse un regard suspicieux, avant de se décider à obtempérer. Maintenant qu’ils en sont là… Ils se meuvent sur le côté, version amibe pour que Pierre ne quitte pas son corps. La position est moins confortable, surtout pour lui qui déborde du matelas mais il ne se plaint pas et reprend rapidement son activité.

Le lit grince bien toujours un peu mais le plaisir que Léa ressent lui fait oublier cette gêne jusqu’à…

« C’était quoi ça ? demande-t-elle en se contractant vivement.

— Quoi ?

— Ce bruit-là, y’a quelqu’un dans le couloir ? chuchote-t-elle.

— Si c’est nul à chier ce que je te fais, tu peux me le dire directement.

— Rhô, fais pas l’andouille, ronchonne Léa alors qu’elle se redresse, l’oreille à l’affût, là, là, tu as entendu. »

Effectivement, on entend des grincements.

« C’est du parquet au sol, ça travaille c’est tout. Il n’y a personne.

— Et moi, je te dis que si. Pousse-toi », insiste-t-elle, alors qu’elle se dégage de son étreinte.

Pierre jette un coup d’œil à sa verge, comme si elle était capable de lui répondre et de lui dire « Oui, je suis d’accord, elle fait chier là. »

« Non, mais Léa franchement, faut arrêter la parano. Je te dis qu’il n’y a personne, c’est une vieille maison, les vieilles maisons, c’est comme les vieux lits, ça craque, ça grince. Alors, est-ce qu’on pourrait passer à autre chose et finir ce qu’on a commencé ? »

La jeune femme décide quand même d’en avoir le cœur net et se lève, réajustant son haut de pyjama avant de se diriger vers la porte et de l’ouvrir en mode ninja. Pierre l’observe en se disant que sa nénette est foldingue.

Bien sûr, comme il l’a prévu, le couloir est désert.

« Je te l’avais dit, se vante-t-il.

— Mouais.

— On peut reprendre avant que j’aie définitivement perdu l’envie ?

— Hé, t’es pas le seul que ça coupe alors ça va bien, hein !

— Tu vas quand même pas m’accuser de…

— Laisse tomber. »

Avec autant de grâce qu’un colonel des paras, elle revient vers le lit, s’allonge devant son compagnon et écarte les jambes.

« Bon, on y va ou tu attends la Saint-Glinglin ? »

Pierre s’arrête et la contemple un instant.

« Quoi ?

— Tu as conscience que ça ne me donne pas du tout envie là ? et la Saint-Glinglin ? Sérieusement, j’ai pas entendu cette expression depuis des lustres.

— On est là pour faire de la rhétorique ou pour faire l’amour. »

Le « ce que tu peux être chiante » est suffisamment marmonné pour qu’elle fasse semblant de ne pas l’avoir entendu et ils reprennent leur petite affaire.

Si Pierre n’était pas aussi proche de sa délivrance, il réagirait au fait que Léa n’est pas du tout dans ce qu’ils font mais qu’elle reste à l’affût du moindre bruit. Mais, il sait qu’il ne lui en faut pas beaucoup plus pour jouir et ma foi, ce serait une fin plutôt positive à ce fiasco.

Et alors qu’il y est presque, Léa l’arrête de nouveau.

« Mais quoi merde ! crie-t-il de frustration.

— Un bruit dans le couloir.

— Putain Léa, y’a pas de bruit ailleurs que dans ta tê… »

Mais le léger toc qui retentit à la porte, le coupe dans sa phrase. Pierre s’arrête, tend l’oreille : un nouveau toc.

« Euh… oui ? », tente-t-il.

Sous lui, Léa lui adresse le regard qu’il sait traduire par : « je te l’avais bien dit ».

« C’est moi, je me demandais si vous vouliez une couverture supplémentaire ? »

La voix de la mère de Pierre leur parvient un peu étouffée au travers de la porte.

« Non, non, ça va, répond son fils.

— Vous êtes sûrs ?

— Oui, oui.

— D’accord. »

Pour Pierre, il est certain que si sa mère s’est permis de frapper c’est qu’elle n’a rien entendu et il s’apprête à le dire à Léa parce qu’il est hors de question qu’elle ait le dernier mot quand il est clair qu’elle a tort.

« Mais laisse, Régine, je crois qu’ils ont trouvé comment se réchauffer. »

Indigne père, pense Pierre alors que Léa s’extirpe une nouvelle fois en mode panique.

« Oh mon Dieu, murmure-t-elle, je ne vais jamais pouvoir les regarder en face demain. »

Pierre soupire, la semaine va être longue…

La chambre d’Adélaïde

Autrice : Hope Tiefenbrunner.

Genres : Nouvelle, Past/present, drame, M/F, M/M, F/F, M/M/F/F.

Résumé : Un petit essai sur le thème du passé/présent et de ce que des murs peuvent voir passer. Pas plus de précision pour ne pas gâcher le texte.

La chambre d'Adélaïde

La porte claqua contre le mur de la chambre, faisant trembler les bibelots qui se trouvaient dessus. Un magazine en chuta au sol. Le pied qui glissa sur une des pages ne provoqua qu’éclats de rire.

— Attention, Lenee.

Adélaïde rattrapa sa meilleure amie par le coude, l’accompagnant comme elle le pouvait au milieu du désordre de sa chambre, jusqu’à ce qu’elles ne s’écroulent sur le lit, qui grinça sous leur poids combiné. Leur ridicule chute les fit pouffer à nouveau alors même qu’elles échangeaient un regard complice et joyeux.

Grand Dieu, elle avait trop bu et trop fumé mais elle s’en fichait. Lenee était belle, allongée sous elle, ses cheveux bruns s’étalant autour de son visage, les fleurs qu’elles y avaient tressées un peu plus tôt complétant un tableau bucolique et romantique à la fois. Oui, elle était belle avec ses yeux qui brillaient d’amusement et de tendresse, belle avec cet esprit de liberté qui émanait d’elle.

La main qui claqua ses fesses la sortit de sa rêverie et la fit rire mais moins que le haussement de sourcils de Lenee.

— Hé les filles, commencez pas sans nous.

Deux poids enfoncèrent un peu plus le lit. Adélaïde conserva les yeux rivés sur sa meilleure amie. Celle-ci lui sourit, de ce sourire taquin, celui qu’elle avait quand elle s’apprêtait à faire une bêtise, celui qu’elle avait eu quand elle l’avait entrainée dans cette manif en mai de cette année-là, celui qu’elle avait eu en jetant ces pavés, celui qu’elle avait eu quand elles avaient fini au poste dans la même cellule qu’une dizaine d’autres étudiants. La cellule dans laquelle ils s’étaient tous rencontrés. Celle dont le père de Lenee les avait fait sortir quelques heures plus tard, après qu’ils aient eu chanté toutes les chansons des Beatles qu’ils connaissaient.

Tout ça paraissait étrangement loin et proche en même temps. Elles avaient promis qu’on ne les y reprendrait plus, pour un temps. Juste assez pour que leurs parents se calment et cessent de faire des remarques sur ce mouvement hippie soi-disant ridicule mais dans lequel elles se retrouvaient pourtant toutes les deux.

Oui, elle aimait ce sourire et quand sa meilleure amie s’avança pour l’embrasser, elle lui rendit son baiser avec envie. Les garçons sifflèrent mais ce fut le léger rire à la porte qui lui fit relâcher la bouche gourmande de Lenee.

Elle se retourna. Yann les observait. Comme toujours il l’a soufflée. Avec son pantalon moutarde et son tee-shirt vert, il était solaire. Les cheveux un peu longs qui englobaient son visage, ses petites lunettes rondes qui camouflaient son regard et sa moustache lui donnaient ce côté viril qui la faisait littéralement fondre.

Un baiser vorace dans son cou attira son attention. Pierre. Le meilleur ami de Yann.

— Bas les pattes, elle est à moi, s’amusa Lenee alors qu’elle le repoussait gentiment.

Ils pouffèrent. Elles n’étaient pas les seules à avoir trop abusé de l’alcool et de ce joint qu’ils n’avaient cessé de se passer tandis qu’ils écoutaient la musique de plus en plus enivrante de ce groupe dont elle avait complètement oublié le nom. Mince ! Ce n’était pas grave, ça et le fait qu’ils soient stones. Ils étaient libres, jeunes, conscients que le monde avait besoin de changement, besoin de plus d’amour.

L’amour.

Elle avait envie de faire l’amour.

Alors elle embrassa Pierre, sans se décoller de sa meilleure amie, leurs deux poitrines si différentes s’écrasant l’une contre l’autre. La langue du jeune homme s’insinua dans sa bouche tandis que sa barbe chatouillait agréablement son visage. La morsure dans son cou la fit se tendre, puis relâcher les lèvres de son compagnon.

— Ne m’oublie pas, Adel, soupira Lenee avec une petite moue craquante.

— Jamais.

Elles s’embrassèrent à nouveau. Ce n’était pas la première fois, loin de là et elle y prenait toujours autant de plaisir. Les doigts de Lenee qui remontaient son léger débardeur étaient doux en comparaison de ceux de Pierre plus fermes.

Elle s’agenouilla, levant les bras pour les laisser lui ôter son haut. Ses seins lourds suivirent le mouvement. Les mains de Jonathan les empaumèrent. Cela la fit rire, ces trois paires de mains qui parcouraient son corps, flattaient ses courbes, titillaient ses points sensibles.

Elle se sentait belle et désirable.

Elle se retourna.

— Tu ne viens pas ?

— Je regarde, répondit Yann qui avait remonté ses lunettes sur son front.

— Ne boude pas pour lui, chuchota Jonathan à son oreille.

— Je ne boude pas.

Et comment l’aurait-elle pu alors qu’ils étaient tous les trois occupés à l’exciter ? Un de plus serait de trop ? Peut-être pas, pensa-t-elle lorsque Lenee se redressa, usant de sa souplesse pour glisser entre ses jambes et se mettre debout sur le lit. D’un rapide mouvement, elle fit voler sa tunique avant de hausser ses sourcils d’une manière aguicheuse. Et puis mue par une musique imaginaire, elle se mit à danser sur un rythme lent et sensuel.

Adel s’allongea et l’observa, émerveillée. Lenee était maladroite et magnifique, ses bras et ses mains créant des arabesques dans les airs tandis que ses hanches se balançaient doucement. Moulée dans son pantalon pattes d’ef, ses longs cheveux couvrant en partie ses seins, Adel sentit les siens se tendre un peu plus.

La bouche gourmande d’un des garçons se posa dessus et commença à l’aspirer et le titiller. Un lourd soupir de plaisir lui échappa tandis que la chaleur de son entrejambe augmentait. Une main glissa le long de son abdomen, passa sous sa jupe, sous sa culotte et continua au milieu de son épaisse toison. Elle se pâma sous la caresse. Lenee se pencha vers elle et chassa Jonathan qui tentait une approche.

Adel éclata de rire.

Un clic attira leur attention, elle renversa la tête en arrière, retenant de justesse un gémissement quand le doigt qui s’activait jusque-là sur son clitoris la pénétra. Yann avait sorti son appareil et immortalisé la danse de Lenee. D’un ample mouvement de tête, celle-ci balança sa chevelure sur le côté, dévoilant de nouveau ses seins.

Et comme Adel avait envie de les toucher. Mais quand elle tendit les mains vers son amie pour l’inviter à s’allonger sur elle, cette dernière la tira à elle. Pierre la retint tandis que Jonathan essayait d’attraper Lenee pour la ramener à eux.

Le tout fini en roulé-boulé sur le lit.

Le clic, clic de l’appareil de Yann résonna de nouveau, ne s’arrêtant pas quand les vêtements commencèrent à voler dans tous les sens, quand les mains, les langues s’égarèrent sur l’un ou l’autre des corps qui se présentaient. Perdue sous les caresses qu’elle recevait et qu’elle donnait, Adélaïde ne prêtait plus attention à l’homme qu’elle aimait et qui tournait autour d’eux à la recherche du meilleur angle. Lenee ne lâchait guère sa bouche, s’intéressant plus à elle qu’aux garçons, comme souvent. À tel point que ces derniers finirent par les séparer, chacun s’appropriant l’une d’elles.

— Hé, se plaignait Lenee en riant, tandis qu’elle finissait assise sur les genoux de Jon.

Adélaïde, de son côté, sourit quand Pierre la fit passer sur les siens et que sa verge tendue frotta contre son intimité.

Elle avait envie de lui, envie de Yann qui n’avait toujours pas lâché son appareil.

— Tu nous rejoins ? demanda-t-elle.

— Tout à l’heure.

Elle haussa les épaules. Yann était un artiste et c’est ce qu’elle aimait chez lui. Par ailleurs, le sexe de Pierre qui la pénétrait était bien assez pour l’occuper et lui apporter le plaisir que son corps désirait. Écrasant le visage du jeune homme entre son imposante poitrine, elle observa sa meilleure amie.

Celle-ci lui adressa un regard brûlant et tendit les mains vers elle. Un appel auquel Adélaïde, malgré le plaisir qui commençait à vriller ses reins, ne sut pas résister. Et puis, mues par le même instinct, elles tirèrent. Les garçons cédèrent facilement et s’allongèrent, leur offrant ainsi toute la liberté qu’elles souhaitaient pour reprendre leur baiser.

La bouche de Lenee, le sexe de Pierre qui la pénétrait de plus en plus rapidement.

C’était parfait.

***

La porte claqua contre le mur de la chambre, faisant trembler les bibelots qui se trouvaient dessus. Un magazine en chuta au sol. Le pied qui glissa sur une des pages ne provoqua qu’éclats de rire.

Nathan se rattrapa aux bras de Paul pour éviter de tomber.

— Attention, murmura ce dernier.

— T’inquiète. Tu crois que c’est quoi ? Un magazine de tricot ?

Paul  rit un peu plus.

— Probable. Ou un truc de coincé, répondit-il. En tout cas, je doute qu’il s’agisse d’un magazine porno et même un truc de déco, je n’y croirais pas. C’est…
Paul engloba la pièce du regard.

— Pas le genre, finit-il.

Cela fit sourire Nathan. Oui, pas le genre du tout même.

— Ne critique pas ainsi cette chère tante Adélaïde, répliqua-t-il néanmoins.

— Loin de moi cette idée. Je ne critique pas la main qui nous loge. Même si elle doit déjà être en décomposition à l’heure qu’il est, non ?

— Tu es horrible.

— Réaliste plutôt, non ? Mais rassure-toi, je lui suis avant tout très reconnaissant.

Ils se sourirent. Reconnaissant, Nathan l’était lui aussi. Etonné aussi, toujours autant. Avoir hérité de la maison d’Adélaïde, c’était le coup de chance que vous n’attendiez pas dans la vie. L’héritage surprise qu’on n’imagine jamais recevoir. Et pourtant, le notaire le lui avait bien signifié : Adélaïde l’avait expressément désigné comme légataire de la demeure et de ce qu’elle contenait. Adélaïde… Quelle mouche avait donc bien pu piquer cette vieille bigote pour faire un geste pareil ? Il la connaissait à peine, ne l’avait vu qu’à de rares réunions familiales et elle semblait tellement soulante qu’il l’avait toujours fui.

Bien sûr, elle n’avait pas de descendants directs, mais ils étaient nombreux dans la famille à être de potentiels héritiers, des couples avec enfants ou en passe de devenir parents pour lesquels une maison comme celle-ci aurait été parfaite et surtout, surtout des couples hétérosexuels dignes de ce nom ! Lui et Paul avaient beau être un couple solide, ils ne collaient tout bonnement pas à l’image qu’il avait d’Adélaïde.

Elle n’avait jamais rien dit sur son orientation sexuelle, contrairement à d’autres, il devait bien le reconnaitre, mais elle semblait si « classique », si « étroite d’esprit », si dépressive et rabat-joie que ce choix était illogique. D’ailleurs, personne n’avait compris pourquoi c’était à lui qu’elle avait fait ce legs.

Avec son frère aîné, il avait plaisanté en supposant qu’il y avait peut-être un cadavre caché et qu’elle avait réservé cette funeste découverte à l’homo de la famille. Paul avait proposé que la cave ou le grenier étaient en fait un donjon BDSM. Avant qu’ils ne poursuivent, sa belle-sœur, les avait fait taire, non s’en avoir pouffé au préalable. Nathan avait simplement conclu qu’avec plus de 50 % de droits de succession, il n’était peut-être pas gagnant. Au final, ce n’était pas le cas et au pire, il pourrait toujours revendre. En tout cas, c’est ce que lui avait dit le notaire qui semblait convaincu qu’ils faisaient là une bonne affaire.

Alors voilà, il avait accepté l’héritage, sous la pression de ses parents qui avaient promis de lui donner un coup de main au besoin, celle de son frère, celle de Paul qui parlait déjà de chien, de chat, de barbecues au soleil. Les clefs lui avaient été remises en milieu de semaine et ils profitaient de leur samedi matin pour effectuer un premier tour du propriétaire, voir un peu ce qu’il y avait à faire, quel meuble garder, donner, et si vraiment, vraiment ils allaient conserver la demeure.

La visite avait commencé sagement. La maison était parfaitement entretenue. La décoration vieillotte et dépassée et les pièces étroites. Paul avait parlé de deux murs à abattre. C’était un bon bricoleur, il avait déjà des tas d’idées. Visiblement, il n’envisageait pas qu’ils revendent. Quand ils avaient gagné le premier étage, les idées de Paul avaient suivi un tout autre chemin. La faute aux escaliers : avoir ainsi ses fesses sous le nez l’avait irrémédiablement excité, avait-il dit.

Se faire coincer contre le mur du couloir et ravager la bouche avait suffi à rendre Nathan tout à fait réceptif aux avances de son compagnon.

 La première chambre se trouvait être celle d’Adélaïde, mais peu importait. Le regard que Paul portait sur lui à cet instant pouvait complètement lui faire oublier que le lit vers lequel il reculait avait accueilli une vieille fille pendant des années.

— Embrasse-moi, réclama-t-il.

— Tout ce que tu veux.

La main de Paul passa le long de son visage, jusqu’à l’arrière de son crâne, alors que sa bouche se posait sur la sienne, l’épousant à merveille. D’un mouvement du bassin, il l’incita à poursuivre et Nathan fut son obligé jusqu’à ce qu’il bute sur le lit où il se laissa tomber. Le regard taquin, il commença à y reculer tout en se défaisant de son tee-shirt qu’il envoya voler, il ne savait où.

Paul grogna d’envie, ses yeux le détaillant avec gourmandise. Nathan adorait cela, être au centre de son attention, voir l’excitation tendre son pantalon. Il passa la main sur son torse, avant de masser sa propre érection.

— Tu sais que ces murs n’ont jamais dû être témoin d’un spectacle aussi érotique, commenta Paul.

Cela le fit sourire.

— Je n’en doute pas. Et rassure-moi, on va leur montrer bien plus que ça ?

Paul se débarrassa de sa chemise et commença à déboutonner sa braguette.

— J’envisage même de faire rougir ces draps qui n’ont certainement jamais vu une queue de leur vie.

Nathan pouffa.

— Voilà un programme qui me plait bien.

Et quand Paul descendit son pantalon, il l’imita.

***

Bobby MCGee de Janis Joplin résonnait dans la chambre. Sur le lit, le corps encore humide de sueur, Adélaïde fumait. La tête de Yann reposait sur son ventre et de sa main libre de cigarette, elle caressait sa chevelure avec amour. Dieu seul savait l’heure qu’il pouvait être, le soleil couchant colorait la pièce d’une lumière orangée particulièrement apaisante.

Lenee porta un joint à ses lèvres et l’alluma.

Il faudrait qu’Adélaïde aère, entre le tabac, l’herbe et le sexe, l’odeur de sa chambre rendrait fous ses parents. Fort heureusement, ils ne seraient pas là avant deux jours encore, alors pour l’heure… Elle attrapa le joint et en tira une taffe avant de le passer à Pierre. Sa cigarette avait fini dans la bouche de Jonathan.

— J’ai faim, lança-t-il.

— Moi aussi, répondit Lenee mais j’ai pas envie de bouger.

D’un bond, Pierre se redressa.

— Je vais chercher quelque chose.

Nu, comme au premier jour de sa naissance, il sortit de la pièce.

Adélaïde poussa un petit soupir de bien-être. La vie était parfaite ainsi. Elle voulait les avoir tous les quatre pour encore de nombreuses années. Ils ne feraient pas comme leurs parents, ils ne s’enfonceraient pas dans le conservatisme et la rigueur. Elle quitterait cette maison et tout ce qui allait avec sans une once de regret. Avec Lenee et Yann, ils parlaient souvent de rejoindre une communauté. L’Ardèche en abritait de très sympas. D’autres gens qui partageaient leurs avis sur le monde, le sexe, la paix et l’amour.

— À quoi tu penses ? demanda Lenee.

— À nous, à l’avenir.

Elle récupéra le joint qui avait fait le tour.

Lenee lui sourit paresseusement.

— Et ?

Yann se retourna.

— Je vais continuer à faire des photos, vous allez finir votre année et cet été, on prend ma voiture et on part, loin.

Les deux filles se sourirent, avant d’acquiescer en même temps.

Et tandis qu’elle prenait une nouvelle bouffée, Adélaïde ne voyait pas comment sa vie pourrait tourner autrement.

***

Bobby MCGee de Janis Joplin résonnait dans la chambre. Sur le lit, le corps encore humide de sueur, Nathan fumait.

— Cigarette et Janis Joplin, elle en découvre des choses cette chambre.

Nathan sourit.

Le soleil éclairait la pièce et les rideaux en atténuaient la luminosité, la rendant agréable. Le lit confortable avait à peine grincé quand le rythme s’était accéléré.

— C’est triste, dit-il.

— Quoi ?

— Adélaïde. Elle…

Nathan se retourna pour se mettre sur le ventre, bousculant l’iPhone de Paul qui le reposa correctement pour que la musique ne soit plus étouffée.

— Elle a vécu là toute sa vie. Tu imagines ? Cette chambre, elle l’a toujours occupée, même quand ses parents sont morts.

— En même temps, elle est très agréable et grande.

— Je te reconnais bien là, toujours pratique.

Paul haussa les épaules et Nathan admira son dos et ses fesses.

— Plus sérieusement, tu te vois vivre toute ta vie dans ta chambre d’enfant, d’ado ?

Paul éclata de rire.

— Grand Dieu, non ! Je tolère mes parents en les voyant une fois par an et je déteste leur maison.

Cela fit sourire Nathan.

— Oui, les igloos ne sont faits que pour les Esquimaux.

Il fit tomber sa cendre dans un petit pot qu’il avait trouvé sur la table de nuit. Adélaïde commençait peut-être à se retourner dans sa tombe si elle le voyait faire.

— Je suis certain que le chauffage peut y être augmenté, rétorqua Paul, mais je déteste cette baraque. Elle est mal foutue, sombre et… non, je la hais, y’a rien à sauver.

— Je n’envisagerais pas d’y vivre, pas plus que dans celle de mes parents.

Paul s’approcha pour embrasser son épaule.

— Et celle-ci ?

Nathan observa la chambre. Il ignorait encore comment étaient les autres, mais celle-ci dégageait quelque chose de très paisible. La maison lui plaisait vraiment, en tout cas ce qu’ils en avaient vu, l’extérieur, le rez-de-chaussée, la cuisine était grande et lumineuse, la déco était à chier avec ses meubles rustiques mais il savait que Paul pourrait en faire quelque chose de moderne et confortable, si possible à petits prix !

— Oui.

Il tira une latte.

— Toi ?

— Aussi.

Ils se sourirent.

***

La boite sur la table contenait bien des babioles. Adélaïde aimait à y entasser ses petites choses qu’elle raccrochait à de beaux souvenirs. C’était un bric-à-brac, des fleurs, des bouts de papier avec des poèmes, un morceau de chaine, des photos. Beaucoup de photos, des moments qu’elle chérissait. Elle s’imaginait les regarder dans quelques dizaines d’années, lorsque son visage serait ridé et son corps flasque. Yann se moquait d’elle, en disant qu’elle serait toujours belle mais puisqu’il était l’auteur de la plupart des clichés, il pouvait difficilement critiquer qu’elle les conserve.

Elle sourit devant les nouveaux. Si ses parents tombaient là-dessus, elle chevauchant Pierre et tendant les mains à Lenee qui en faisait tout autant sur Jonathan. Elle ricana. Elles étaient chouettes ces photos, elle se trouvait belle dessus et heureuse. Ils en feraient d’autres, des tas d’autres. Encore quelques mois et ils partiraient tous dans le centre de la France. Pierre avait des amis qui y vivaient et il leur tardait à tous de les rejoindre.

Elle poussa un soupir de contentement et referma la boite avant de la cacher à nouveau.

***

La boite sur la table contenait bien des babioles. Nathan l’avait trouvée dans un autre carton, dans le grenier. Ils habitaient la maison depuis quelques jours seulement et s’ils avaient en grande partie trié le rez-de-chaussée, l’étage restait encore à finir, quant au grenier, c’était une friche complète. Mais Nathan ne pouvait pas poser de congés, aussi avaient-ils bossé essentiellement sur les week-ends. Heureusement, ils avaient eu l’aide de la famille et des amis.

— Qu’est-ce que tu regardes ? demanda Paul.

— Des photos ?

— Merci, j’avais remarqué.

Nathan lui tira la langue. Paul s’approcha jusqu’à être au-dessus de lui et des clichés qu’il avait étalés devant lui.

— Chaud ! dis donc.

— C’est Adélaïde, se contenta de répondre Nathan en pointant une des deux jeunes femmes.

— Non !

— Je te promets que si, regarde.

Et il lui tendit un des rares albums photo de la maison. Adélaïde y était présente sur de nombreux clichés, plus tout à fait une enfant, pas encore une adolescente et pourtant la jeune femme dévergondée, en train d’embrasser cette autre, de se déshabiller au milieu de deux hommes ne pouvait être qu’elle et, quand il l’avait compris, Nathan avait buggé. Il n’aurait jamais cru cela possible.

— Alors, ça alors ! s’exclama Paul qui prit la chaise à côté de la sienne.

La trouvaille méritait certainement de s’asseoir.

— Et c’est dans sa chambre ? continua Paul.

— Oui.

— Moi qui pensais qu’on lui avait fait découvrir des choses à cette pièce, je réalise qu’elle…

— En a vu des vertes et des pas mûres.

— Purée !

Paul passa les clichés en revue.

— Mais comment…

— Comment elle est devenue cette vieille fille ?

— Mais ouais.

— J’avoue que ça m’interroge.

— Sérieux, on dirait des photos pornos des années 70 ! Je… T’as vu ces touffes ?

Nathan pouffa.

— Les mecs aussi sont bien poilus, précisa-t-il en tapotant un des clichés.

— Clair ! J’apprécie d’autant plus que tu tailles tes poils.

La remarque lui fit lever les yeux au ciel, mais il ne pouvait pas lui donner tort.

— J’en reviens pas, reprit plus sérieusement Paul. On a vidé ses affaires, je veux dire… Je…

Nathan lui sourit. Lui non plus n’en croyait pas ses yeux. Vider la maison avait été un plongeon dans la vie et la personnalité d’Adélaïde. Et jusque-là, rien n’avait jamais contredit l’image qu’ils avaient d’elle.

Ça le perturbait.

Ça n’avait probablement pas vraiment d’importance, mais passer des jours à pénétrer ainsi l’intimité d’une personne, en triant tout ce qui avait fait sa vie et son quotidien jusqu’à ses culottes, et Dieu qu’ils en avaient ri comme des idiots, créait une sorte de lien. Ils avaient naïvement pensé la connaitre.

— Qu’est-ce qu’on en fait ? demanda finalement Paul.

— Je ne sais pas. Je suppose qu’il faudrait les jeter ?

— Sans doute.

Ils se fixèrent.

— Ou on les remet au grenier, on ne manque pas vraiment de place, non ? proposa Nathan.

Paul lui sourit.

— Ouais. C’est une bonne idée.

Nathan continua à vider la boite. Plus tard, quand il aurait le temps, il essaierait sans doute de comprendre comment cette jeune femme en train de s’envoyer en l’air avec trois autres personnes, qui respiraient la liberté, les années 70 et le flower power était devenue cette vieille fille, triste et grincheuse.

— Tu viens m’aider à déballer les cartons ? appela Paul depuis le salon.

Un dernier coup d’œil.

— Oui.

Il replaça tout dans la boite et la referma.

Tout cela serait pour une autre fois.

***

Morts.

Le mot tournait dans sa tête encore et encore, à tel point qu’il n’avait plus de sens, il était vide, comme elle.

Creuse.

Comme si rien ne pouvait l’atteindre, comme si elle ne parvenait ni à comprendre ni à ressentir.

Morts.

Cinq petites lettres qui allaient à jamais changer sa vie.

Amour.

 Un autre mot qui aurait dû être bien plus fort.

 Joie, bonheur… Il y avait tellement d’autres mots bien plus beaux que celui-là.

Morts.

 — Adélaïde?

 La voix de sa mère lui parvint à travers le brouillard de ses pensées.

 — Adélaïde.

 La voix de Son père  lui fit relever le visage. Que veut-il

— Il faut y aller.

Aller où ? Faire quoi ?

Elle devrait être morte elle aussi, avec Lenee, avec Yann et Pierre, morte comme eux, percutée par ce camion dans la petite deux chevaux de Yann. Ecrasée, écrabouillée, à peine reconnaissable.

Partir.

Ils devaient partir dans deux semaines. Tout était prêt. Lenee était tellement excitée qu’elle en était usante.

Et maintenant… Maintenant.

Un flot de larmes la rattrapa alors qu’elle éclatait en sanglots une nouvelle fois. Sa gorge était douloureuse de ces sons informes qui s’échappaient de sa bouche mais qu’elle ne pouvait contrôler, comme si elle vomissait son chagrin et son mal.

Des mains sur ses épaules, des bras autour des siens. Rien de tout cela ne l’atteignait, ne pouvait apaiser sa douleur, rien, même la présence lointaine de Jonathan qui s’effondrait comme elle.

Rien.

Plus rien.

Il n’y aurait plus jamais rien.

***

Morts.

Nathan n’aurait pas dû en être surpris. Il avait forcément fallu quelque chose d’aussi fort et dramatique que cela pour transformer cette jeune femme.

Une fois de plus les clichés d’une Adélaïde jeune et libre étaient posés devant lui, à côté d’un article de journal jauni.

Joie, bonheur, amour.

C’était les mots qui lui venaient à l’esprit quand il les regardait.

Ses doigts caressèrent le visage d’Adélaïde.

Comme il regrettait maintenant de n’avoir jamais parlé à cette femme, de n’avoir jamais essayé de comprendre ce qui se cachait derrière la façade. De n’avoir vu que cette vieille fille, d’avoir naïvement pensé qu’elle avait toujours été comme cela et rien de plus, même lorsqu’il triait ses affaires.

Le bruit de la serrure résonna dans la maison et Nathan se leva presque d’un bond.

— C’est moi, cria Paul.

Et avant qu’il n’ait ne serait-ce que le temps de poser sa veste, Nathan l’avait déjà pris dans ses bras.

 — Je t’aime.

— Wahou, quel accueil !

Nathan releva le visage et l’embrassa, goulûment avec autant de passion qu’il pouvait en mettre.

S’il devait perdre Paul, il ignorait comment il réagirait mais il voulait profiter au maximum de lui. Il voulait le chien dont ils avaient parlé, le chat aussi et putain même des gosses ! Il voulait de la vie dans cette maison. Il voulait remercier Adélaïde de son geste en vivant encore plus fort, en remplissant cette maison de joie, de bonheur, de rire et tout ce qu’il y avait sur ces photos et qu’un chauffard avait volé.

Un soir comme un autre

Autrice : Hope Tiefenbrunner

Genres : Tranche de vie, duo MF, sexualité.

Résumé : Un soir comme un autre, un couple comme un autre.

Un soir comme un autre

— Tu fais quoi ?
— Je lis ?
— Tu lis quoi ?
— Un livre.
Allongé sur le lit, Pierre soupira quand la jambe de Linda se glissa contre son torse.
— Tu n’étais pas censé être au téléphone avec ta mère ?
Raison pour laquelle, il s’était pris un bon bouquin et s’était glissé (à poil certes) dans son lit pour une soirée peinarde. Parce que Linda et sa mère, c’était un cliché à elles toutes seules. Et qu’il ne voulait absolument de chez absolument pas connaitre l’étendu de ce qu’elles partageaient, aussi s’isolait-il lors de ces séances papotages.
— Elle avait rendez-vous.
— Huhum.
—Tu ne me demandes pas avec qui ?
— Non, je lis.
Un petit coup de pied.
— Allez.
Il soupira. Il la sentait mal sa soirée lecture là.
— Qui ?
— Un nouveau mec avec qui elle tchat depuis quelque temps sur meetic.
— Super.
— Hé, je suis contente pour elle moi !
— Pas moi, si elle se retrouve un mec, elle sera moins disponible pour vos interminables conversations et j’aurais moins de temps pour moi.
— Tu sais que normalement ça soule les mecs ce genre de truc.
Il haussa les épaules.
— Je ne suis pas comme tous les mecs. En attendant, je peux m’y remettre ? demanda-t-il en montrant son livre.
— C’est quoi ?
— Comme le port-salut, c’est marqué dessus.
Linda lui tira la langue, lui se replongea dans sa lecture. Pas longtemps, le pied qui jusque-là n’avait été posé que sur son torse commença à s’y balader. Un mouvement de main le repoussa et un petit rire résonna dans la chambre. Il refusa de relever le nez.
— Tu trouves que mes pieds sont jolis ?
— Huhum.
— Et mes chevilles ?
— Ahhum
— Et mes jambes, tu les aimes mes jambes?
— Quand tu auras fini avec ton remake du Mépris, tu me laisseras lire ? D’autant que chérie, le prends pas mal mais Brigitte Bardot avait 20 bons kilos de moins que toi.
— Oh ! Salaud !! hurla Linda avant de lui balancer un oreiller. C’est petit, bas et mesquin.
Il pouffa.
— Oui, mais c’était trop tentant.
Linda croisa les bras sur sa poitrine, une moue faussement boudeuse sur le visage, essayant de se retenir de rire, mais ses yeux la trahissait, comme toujours. Il posa son livre.
— Et tu sais quoi ?
— Quoi ?
Il se redressa et s’avança jusqu’à sa femme.
— Je préfère. Même si BB était une femme superbe, j’adore tes rondeurs.
Il embrassa son pied, grignota sa cheville avant d’attaquer son mollet. Elle gloussa lorsqu’il souleva sa jambe pour lécher le dessous de son genou.
— J’adore tes jambes. J’adore la culotte de cheval juste là dont tu passes ton temps à te plaindre.
— À juste titre !
Il embrassa sa cuisse.
— Elle te fait un cul superbe, auquel j’adore m’accrocher quand on fait l’amour et que j’adore voir quand je te prends en levrette.
— Ah oui ?
— Huhum.
Il continua à parsemer sa peau de baisers, suivant sa hanche pour redescendre entre ses jambes.
— J’adore l’intérieur de tes cuisses, si accueillantes.
— Ah ah ?
Linda s’allongea.
— J’aime tes petits bourrelets, j’adore sentir ta chair chaude et tendre sous mes mains.
Ces dernières caressèrent le ventre rebondi de sa compagne.
— Ça compense avec ma minceur.
— Laurel et Hardy, commenta Linda.
On les appelait de temps en temps comme ça. Il s’en foutait. Linda était une des premières femmes pour laquelle il ne s’était jamais posé de questions. Elle était son évidence.
— J’adore tes seins.
— Ils tombent.
— Pas quand je fais ça, lança-t-il en les empaumant.
Le sourire de Linda s’agrandit.
— Ils sont parfaits pour une bonne branlette espagnole, je ne peux pas leur retirer ça !
Il lui adressa un clin d’œil et embrassa son ventre, sa langue s’immisçant dans les lignes entre les monts de son ventre.
— Ça chatouille.
Il poursuivit jusqu’à ses seins, les embrassant, les titillant. Linda poussa un long soupir de bien-être.
— J’aime la façon dont tu te tends sous mes caresses, dont tu t’humidifies juste ici.
Ses doigts avaient de nouveau parcouru l’étendue de ses cuisses pour venir caresser son sexe. Il bandait depuis de longues minutes déjà.
— Et tu sais ce que j’aime aussi.
— Quand tu me fais un cunnilingus ?
— Non, ça c’est toi qui aime.
— Je ne suis pas la seule, je crois bien.
— Certes. Non, j’aime aussi la rondeur de tes joues, la bonne humeur qu’elles te confèrent, car elles sont le signe extérieur de qui tu es : généreuse, riche, tendre, aimante, maternelle, chaude et gaie. Et puis, franchement quelle femme accepterait de se faire balancer dans la tête qu’elle a vingt kilos de plus que BB, sans me faire une scène ?
— En même temps c’est vrai.
— Oui, mais tu sais que j’ai raison.
— C’est parce que de toi, je peux accepter n’importe quoi.
— Parce que tu me le rends bien, hein ! La crevette, un surnom tellement viril.
Linda sourit. Des vannes, elle n’était pas la dernière à lui en balancer quand elle le pouvait, sur sa finesse, ses cheveux qui commençaient à tomber. Ça hallucinait les gens, encore plus que leurs différences de morphologie. Combien avaient prédit qu’ils ne resteraient pas ensemble ? Beaucoup.
Il gagna ses lèvres et l’embrassa passionnément. Leurs langues se trouvèrent et les mains de Linda coururent sur son corps, caressant son dos, ses côtes qu’il trouvait trop saillantes, qu’il n’avait pas osé mettre au soleil pendant des années, passant sur son petit cul, comme elle aimait à le décrire. Ils n’étaient pas parfaits pour les standards en cours et les magazines et les images de « belles gens » sur Facebook et internet. Mais putain, quand ils s’embrassaient comme ça, quand ils se touchaient, ils étaient bien. Ni mieux, ni pire que les autres, juste bien et le reste ne comptait pas. Et tandis qu’il se glissait dans le corps rond et en chair de sa femme et que ses reins se mettaient en mouvement pour leur offrir le plaisir de la jouissance, rien d’autre ne comptait.
Il aimait Linda, elle l’aimait aussi.

Point final.

Petite bêtise, grammes résiduels et six pieds dans un lit

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : F/F , bisexualité.

Résumé : Il est des matins où tout est drôle ou lamentable, ou à pleurer. Remets tes yeux en face des trous et ne regarde pas derrière toi : on vit tous avec nos conneries ! Hé Ho, poulette, tu m’écoutes ? Et arrête de te marrer, va.

Petite bêtise, grammes résiduels et six pieds dans un lit

– Allez, chuchote Clémence, le regard pétillant dépassant des draps dans lesquels elle est profondément blottie.

Nathalie plisse les lèvres en une petite moue, hésitante. Le bleu gris de ses prunelles semble aussi pâle que la lumière matinale et leurs visages ne sont qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.

– Tu ne veux pas le lui dire toi-même ?

– Pas motivée.

Le ton de Clémence est celui d’une gamine, l’éclat de ses yeux se faisant rieur, comme si ce qu’elles s’apprêtent à faire n’est qu’une bêtise sans importance.

Nathalie se renfonce dans la couette. Lorsqu’elle déglutit, sa gorge sèche lui fait mal. Elle cherche du regard une bouteille d’eau à proximité.

– Je dois avoir encore au moins trois grammes, gémit-elle à voix basse, et je ne suis pas sûre de pouvoir aligner plus de deux neurones pour bredouiller quelque chose d’intelligible.
La fin de sa phrase se finit dans un rire étouffé, que Clémence partage aussitôt, la blancheur de ses dents ressortant au rebord du drap clair.

D’un air coquin, cette dernière jette alors un œil aux jambes masculines qui dépassent de l’autre côté de la petite brunette près d’elle. Puis, elle sort légèrement le nez de la couette, méfiante quant à la température extérieure. L’air est frais ; sa peau est nue ; ses vêtements sont elle ne sait où. Elle a envie de retourner sous la chaleur des draps, mais les balance tout de même de côté en un acte de bravoure, tandis que Nathalie y enfouit plus profondément le bas de son visage, et s’assoit au bord du matelas. L’absence brusque de contact sur sa chair la fait frissonner. Elle resserre les pieds l’un contre l’autre sur l’amas de vêtements qui jonche le sol. Misère… Apercevoir son débardeur sur le dossier de sa chaise de bureau la fait se lever, une grimace se peignant sur ses lèvres quand elle prend conscience de la manière dont son crâne se met à pulser, ainsi que l’état dans lequel est l’appartement. Elle passe les doigts dans ses cheveux emmêlés. Un instant, elle se demande s’il est seulement possible de retrouver quoi que ce soit dans ces tas d’habits, roulés-jetés-propulsés à l’angle de la porte d’une armoire – tiens voici son soutien-gorge. Cette petite victoire lui procure du courage, lui permettant de se couvrir la poitrine, avant d’enfiler son haut. Puis, comme sa culotte lui échappe et que, bien que ça la fasse rire, se promener cul nu ainsi ne lui soit pas habituel, elle se décide pour le caleçon masculin qu’elle voit traîner plus loin, un peu bouffant et avec des carreaux, s’en amusant. S’en attifer lui donne une drôle d’allure, la couture du vêtement lui frôlant curieusement l’entrejambe. Il y a un quelque chose de sexuel, là-dedans, qui ne lui déplaît pas. Elle en expérimente plus nettement la sensation lorsqu’elle fait quelques pas et passe à son poignet l’élastique qu’elle déniche plus loin, en attendant de pouvoir se coiffer.

L’appartement est dans un état… lamentable ! Risible ! Elle ne sait comment le dire autrement. À prendre en photo panoramique et à envoyer sur Facebook. Voilà qui ferait rire les copines, tiens. Partout s’amassent des vestiges de la soirée passée : verres d’alcool, morceaux desséchés de pizza, mégots, cendriers pleins, huile pour massage au bouchon disparu, et des sapes, et des morceaux de cigarettes déchiquetés, et des cadavres de bouteille, et des emballages de préservatifs… Youhou ! La fête, quoi. La débauche. La jeunesse. Le grand n’importe quoi, mais le bon n’importe quoi : celui qui fait marrer et qu’on a envie de raconter plus tard, qui reste avec le temps et sur lequel les copains nous charrient même plusieurs années après, et qui peut faire rire aux larmes, parfois, aux dernières heures d’une soirée un peu arrosée. Elle a envie de rigoler. Il doit lui rester encore quelques grammes, à elle aussi. Il est hors de question qu’elle prenne la voiture aujourd’hui, songe-t-elle soudain. Elle risquerait de se faire arrêter pour alcoolisme en plein jour : la honte ! « Mais non, m’sieur l’agent, c’est juste que j’ai pris une grosse cuite hier soir et… » Elle imagine la scène tout en se dirigeant d’un pas léger vers la salle de bains. Non, non, non, non. Elle restera toute la journée chez elle, passera à la rigueur à la supérette au coin de la rue d’en face et bouffera du chocolat toute la journée, entre deux clopes, boira de l’Orangina. Son haleine doit être un avant-goût de la porte des enfers, elle pourrait tuer le joli cœur de voisin du dessous s’il lui venait l’idée regrettable de sonner une fois de plus à leur porte. « Vous avez du sel, les filles ? — Non ! » Il faut faire quelque chose.

Un instant, Clémence jette un regard aux deux larves qui cuvent dans les draps enroulés autour de leurs jambes, une longue chevelure d’ébène apparaissant, là, une cuisse masculine largement découverte, une bouche ouverte à gober les mouches… Ah, elle est belle, la jeunesse ! C’est eux qu’elle devrait prendre en photo, en fait, en les identifiant bien clairement sur le net. Non, elle n’est pas si mauvaise, mais ce serait amusant. Et il ne faut jamais se priver de songer à quelque chose de drôle. Elle imagine déjà le commentaire qu’elle pourrait y associer et les réactions des autres, dessous. Elle se trouve bête.

Puis elle file dans la salle de bains.

Elle a une gueule, mazette ! Tu es belle, dis donc. Tu as dormi dans un sac poubelle ?

La barrette à fleurs roses qui traîne sur le rebord du lavabo tombe à pic pour relever la masse informe de ses cheveux.

« Les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus aucune distinction », dirait Nadine, sa collègue. Bien balancé, poulette. Ah, cette pauvre jeunesse totalement égarée ! Sortez les drapeaux ! Brandissez les baïonnettes ! Un petit coup bien enfoncé tout en bas des reins devrait remettre tout le monde dans le droit chemin ! Elle se fait rire toute seule.

La fraîcheur du dentifrice dans sa bouche soulage agréablement sa sensation d’haleine fétide.

Tandis qu’elle se penche sur le lavabo, une claque sur ses fesses la fait sursauter. En se retournant, elle aperçoit Nathalie, passant près d’elle. Comme toujours, le port d’épaule de cette dernière est droit et sa démarche légèrement bourgeoise, ses longs cheveux noirs ondulant dans son sillage. Le regard complice que la brunette adresse à Clémence fait pétiller les yeux de cette dernière, les lèvres fermées sur sa brosse à dents. Puis Bob ? Tom ? — mince, comment pourrait-elle l’identifier sur Facebook si elle n’est plus capable de se souvenir de son nom ? — suit Nathalie, tandis qu’elle entre dans la douche. Son sourire à lui est le charme à l’état pur. Elle se fait honte, à avoir oublié comment il s’appelle. Elle prend tout de même quelques secondes pour contempler ses fesses. Il faut reconnaître que Roméo a tout pour plaire. Sportif, endurant, inventif… Pas un mot de trop, une assurance à toute épreuve et même de l’humour lorsqu’il en faut… Vous avez réussi le test d’entrée, monsieur. Vous aurez peut-être le droit de revenir. Et puis il est beau comme un dieu. Bonne pêche, pense-t-elle, tandis qu’elle se rince la bouche. Les seins de Nathalie viennent de s’écraser contre le plexiglas de la vitre de douche et Apollon a déjà glissé la main entre ses jambes.

Tandis qu’elle ressort de la pièce, Clémence ne peut s’empêcher de se moquer : tout plaisant qu’il puisse être, Cupidon s’est cependant montré incapable d’attendre une seconde avant de viser les points stratégiques. Ah, ces hommes et leur cerveau ridiculement bas placé…

Elle se fait un café, se fume une clope à la fenêtre en contemplant les allées et venues des passants et des voitures en contrebas.

Quand les deux autres sortent de la salle de bains, elle est allongée sur le lit, une jambe pliée, et a chaussé ses lunettes pour lire un document administratif de son travail. Coquetterie idiote : si Adonis n’avait pas été là, elle se serait pris un magazine people traitant du dernier bouton d’acné de Britney Spears ou du divorce de Katy Perry.

Ils ont dû vider toute l’eau chaude. Elle n’a pas été invitée. Elle se sent conne et de sale humeur. Elle a bien le droit, non ?

– Allez, casse-toi, lance-t-elle, un sourire mauvais aux lèvres et sans même lever les yeux.

Il faut qu’il y ait une salope, non ? Et puisque Nathalie se refuse à l’être…

– Tire-toi, va. Tu as bien rempli ton rôle. Maintenant, on ne veut plus de toi.

Elle redresse le visage. Casanova s’est figé juste devant elle. Clémence se prend à penser que son sang n’a pas encore eu le temps de remonter au cerveau, consciente, cependant, que n’importe qui serait pris au dépourvu par un tel accueil. Qu’est-ce qu’il attend, de toute façon ? Qu’ils partent en nuit de noces derrière ? Eh mec, tu as ramassé deux pétasses bourrées dans une boîte de nuit, hier. Tu crois que tu vas avoir une déclaration d’amour ?

– On te rappellera éventuellement à l’occasion.

Un rire sort de sa bouche. C’est mal, c’est méchant, c’est totalement stupide. Nathalie se met, elle aussi, à pouffer, rampant en serviette de bain sur le lit. Elles sont encore saoules, elles se sentent puissantes, elles ont envie d’être connes.

– Alors, qu’est-ce que tu attends ?

Puis, comme elle se rend compte qu’elle a encore son caleçon sur les fesses, elle se redresse et l’enlève rapidement, le jetant d’un geste imbécile vers lui. Nathalie s’étouffe à moitié de rire.

– Allez, tire-toi ! se mettent-elles soudain à crier, toutes deux. Va-t’en ! Barre-toi ! On n’a plus besoin de toi !

Et elles rigolent, et elles se noient dans leur hilarité. Il s’agit clairement d’une vengeance idiote de femme, d’une envie de penser qu’elles aussi peuvent être de vraies salopes, bien que ce ne soit pas réfléchi. Au moment où Apollon s’apprête à sortir, Clémence se sent prise d’un léger remords et court soudain pour lui tenir la porte, les yeux brillants et sa proximité la faisant se sentir plus taquine encore. Qu’il s’en aille, maintenant. Vite. Elle ne sait pas ce qu’elle pourrait ajouter comme connerie et elle se croit même capable de le sucer pour se faire pardonner.

Puis elle s’appuie de tout son poids sur la porte pour la refermer derrière lui, y restant quelques secondes, tandis que Nathalie écarte les pans de sa serviette et s’étale de tout son long sur les draps froissés.

En le remarquant, Clémence ironise :

– Pas encore rassasiée ?

Puis, comme Nathalie réagit par un sourire, Clémence prend une expression conquérante et balance, d’un geste négligent, le document qu’elle lisait en l’air, profitant du moment où les feuilles volent autour d’elle pour grimper, à quatre pattes, surplomber le corps de son amie sur le matelas. Lentement, elle appuie le bassin contre celui de cette dernière, savourant le contact de leurs peaux nues. Son ventre se tord cependant d’une inquiétude. Elle déglutit douloureusement.

– Ça te manque, parfois ?

Son ton est redevenu sérieux.

– Quoi ?

– La queue.

La petite tape que Nathalie lui assène sur les fesses la fait sourire.

– Mais que vous êtes vulgaire, madame…

– Horriblement…

– Parce qu’on a ramené ce mec ?

– Oui.

Nathalie prend quelques secondes avant de lui répondre.

– Non.

Puis elle enchaîne.

– Idiote.

L’expression de Nathalie est à croquer sur place, à immortaliser sur un tableau. Clémence fait une mine de petite fille coquine, essayant d’oublier le besoin qu’elle a de se convaincre qu’elles n’ont pas fait une bêtise. Elle se sent fragile.

Le regard de Nathalie sur elle n’est cependant empli que d’amour et de certitudes.

Alors, Clémence se penche sur ses lèvres, les frôlant de son souffle et, lorsque qu’elles s’embrassent de nouveau, elle oublie peu à peu leur nuit passée dont chaque trace se trouble, s’efface, se transforme en une brume pâle qui s’étiole lentement.

Vintage Gay Men

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo homosexuel, érotique.

Résumé : Chris débarquait toujours à l’improviste. Chris était l’étudiant bohème, parasite de référence. Alex n’aurait même pas su dire comment il avait fait pour s’installer ainsi dans son existence, pas plus que pour devenir un élément de son quotidien.

Vintage gay men

Chris débarquait toujours à l’improviste.

Chris entrait, se servait un café, déambulait pieds nus sur le carrelage du salon et allait se prendre une douche avant de sauter dans la piscine. Alex le trouvait en maillot sur un transat, en train de descendre ses bières, ou avec une bouteille de champagne emmenée « comme ça » — et pourquoi faudrait-il une raison ? — sur son perron, si ce n’était en train de leur préparer un plat au fumet intriguant dans sa cuisine. Puis Chris lui parlait des histoires de cul des autres élèves de leur fac et des profs, et puis des siennes, avant de squatter tout le soir durant la terrasse de sa baraque. Chris lui piquait tous ses cours pour les photocopier et rattraper ainsi ses séances d’amphi séchées. Chris vidait trop souvent son frigo, mais se rattrapait toujours juste avant qu’Alex s’en agace avec des élans de générosité inattendue.

Chris était l’étudiant bohème, parasite de référence. Alex n’aurait même pas su dire comment il avait fait pour s’installer ainsi dans son existence, pas plus que pour devenir un élément de son quotidien, aussi habituel que le ronronnement de sa cafetière ou le reflet de son visage dans la glace vieillie de sa salle de bains. Chris était un mystère ambulant.

Lorsqu’il le vit s’approcher lentement de lui, son pantalon baggy retroussé sous ses genoux et ses poches pleines à craquer — Chris y transportait toujours toute sa vie —, et son habituelle boucle d’oreille tête-de-mort pendant à son lobe gauche, il leva simplement les yeux pour l’observer. Le voir s’asseoir en tailleur à ses côtés ne l’étonna pas. Allongé sur les lattes chaudes de sa terrasse, les oreilles bercées par le clapotis de l’eau de la piscine, il observa sa silhouette se détacher sur le bleu plein du ciel, masquant le soleil qui nimba les mèches blondes de ses cheveux d’or pur. Un temps, il se surprit à y perdre son regard.

– Ce sont des bears, lui fit enfin remarquer Chris en se montrant la photo qu’il tenait dans ses mains.

Alex leva de nouveau cette dernière au-dessus de son visage. La musculature des deux modèles, franche et puissante, témoignait d’un travail physique que ne permettait pas une salle de sport, et leur pilosité, ajoutée à la calvitie de l’homme accroupi, en faisait tout sauf des figures de mode.

– On dirait Robert Hue, marmonna Alex en s’attardant sur la barbe en collier du modèle debout.

Chris émit un léger ricanement. Il étendit ses jambes sur le bois de la terrasse.

– Je ne sais vraiment pas ce que je vais pouvoir en faire, soupira Alex.

– C’est pour quoi ?

– Travail pratique. On est censé proposer quelque chose à partir de ce cliché.

Chris se pencha pour examiner plus attentivement le cliché.

– Une histoire de bûcherons dans les bois ?

Les deux modèles se tenaient en effet devant un arbre, en pleine nature, et ce qui dépassait légèrement des doigts de l’homme accroupi ne pouvait être que l’extrémité du sexe tendu de son partenaire. Du moins, Alex avait assez usé ses yeux dessus pour en avoir acquis une certaine certitude. Chris lui aussi sembla s’y attarder : sur cet arc rebondi qui dépassait de son poing. Le fait que la photo soit en noir et blanc et que sa cuisse épaisse en masque le bas laissait un léger doute.

– Il a le droit de vous faire travailler sur ça ?

– Le prof est un connard, grogna Alex pour toute réponse.

– Tu trouves ?

Alex prit une longue inspiration et essaya de se modérer.

– Cyprien est un connard, corrigea-t-il. S’il avait trouvé mieux à faire qu’insulter son voisin de gauche en le traitant de PD, on n’en serait pas là. Si le prof avait trouvé une meilleure punition que de nous filer ce cliché sur lequel bosser, on n’en serait pas là non plus. Ou au moins une punition individuelle… Il n’y a que cet abruti qui a eu des propos homophobes, autant que je le sache, pas le reste du groupe.

Chris ne dit rien, considérant seulement la photographie avec attention. Lorsqu’Alex dirigea son regard vers lui, il le vit pencher la tête vers l’arrière. La mèche de cheveux plus longue qu’il gardait entourée de ficelles colorées, à la Anakin Skywalker, lui descendit dans le dos et Alex remarqua l’arbre qui se détachait un peu plus loin sur l’azur du ciel, le vent faisant bouger les feuilles de sa cime. Comme sur la photo. Son esprit vagabonda.

– On disait déjà « bear », à l’époque ?

– Bien sûr, commenta Chris.

Alex se demanda comment il pouvait en être si sûr, mais se garda d’en faire la remarque. Chris était gay. Chris devait forcément savoir des choses que lui ignorait, ou du moins avoir une culture plus poussée que lui à ce sujet. Si ça se trouvait, Chris ne bloquait pas comme lui sur l’apparence des deux types du cliché. Peut-être aimait-il les bears ?

– C’est quoi le thème qu’il a demandé, exactement ? l’interrogea Chris.

Alex eut un rire nerveux.

– « Vintage gay men ».

Chris succomba aussitôt à l’hilarité.

– C’est un connard, je t’ai dit, commenta Alex.

– Je le trouve plutôt culoté, pour le coup.

Chris avait ce petit sourire qu’Alex s’était habitué à lui voir parfois : celui qui, rêveur, semblait toujours voir au-delà de la surface des choses, comme s’il y avait des profondeurs à déceler qui échappait au reste de l’humanité. Un temps, alors qu’il le regardait, le vent balayant ses cheveux qui naviguaient en un désordre artistique autour de sa tête, avec les feuilles bougeant derrière lui et le ciel bleu en fond, il se demanda si Chris pouvait éprouver du trouble auprès de lui… S’il pouvait y avoir du désir, quelque chose au-delà de l’amitié. Il s’en voulut de cette pensée et tâcha de la chasser : il n’avait pas envie de toutes les filles qu’il côtoyait, pourquoi Chris aurait été différent vis-à-vis des hommes ?

– Tu voudrais me servir de modèle ? demanda-t-il toutefois tout de go.

Chris haussa les sourcils.

– Pour ce travail ?

– Oui.

Une jolie moue déforma un instant ses lèvres pleines, puis Chris souffla en reportant son regard sur la piscine.

– O.K.

***

Chris se prostituait. Ou, du moins, quelque chose comme ça. Alex avait toujours du mal à faire se connecter l’image glauque qu’il avait de cette activité avec la légèreté de Chris à ce sujet, qui discutait avec des inconnus sur des sites de rencontre, apprenait brièvement à les connaître, prévoyait des plans cul… jusque-là rien que du très banal. La différence était seulement que, juste au moment où ces derniers pourraient se concrétiser, il annonçait qu’il était tarifé. Il aurait pu coucher avec ces types sans cette précision. Il n’avait pas vraiment besoin d’argent : celui qu’il gagnait — et Alex doutait qu’il soit bien conséquent — lui servait vraisemblablement plus à s’offrir du superflu qu’à autre chose. Mais Chris le faisait quand même. Ça devait l’exciter. Ça devait exciter les types d’en face — du moins, ceux qui acceptaient, forcément. Ça devait ajouter du piment à ses rapports. Alex le supposait, en tout cas. Il ne voyait guère d’autre raison, sinon, pour que Chris se prête à ça.

Toujours était-il que, lorsqu’il avait proposé à Chris de le payer, pour ces photos, celui-ci avait accepté sans sourciller. Ce devait être normal, pour lui. Il le lui rendrait certainement l’un de ces jours en apportant une bouteille de champ’, « comme ça », comme il le disait toujours.

Il y avait un arbre, dans le bois derrière sa maison, qui ressemblait à celui de la photo : un bouleau fin, tordu, dont les taches sombres sur l’écorce rendraient sûrement bien pour des clichés en noir et blanc. Chris n’avait absolument rien de « vintage », à moins que la petite natte à la Anakin soit déjà entrée dans cette catégorie-là, mais il était « gay », c’était un « man », et ils étaient dans un coin de nature désert avec un arbre en fond ; ce serait amplement suffisant pour répondre à la photo qui lui avait été donnée.

– Tu veux que je fasse quoi ? demanda Chris en prenant l’une de ses poses cool dans lesquelles il excellait.

Ce devait être une seconde nature, pour lui. Ou le fruit d’années d’entraînement.

Alex considéra le site.

– Que tu te poses là.

Il lui indiqua le devant de l’arbre. Il y avait de l’herbe sèche, presque jaune à cause de la chaleur ambiante, et la terre avait pris des couleurs de sable. Chris se positionna. Alex chercha l’angle le plus intéressant, puis décida de s’accroupir pour inclure plus de ciel dans son cadrage.

– Tu veux que je me dépoile ? proposa Chris.

Alex eut une seconde d’hésitation.

– Oui.

Chris eut un sourire en coin — cool, toujours, parfaitement cool — et approcha la main de la joue d’Alex pour dégager l’une des mèches bleues de ses cheveux — c’était son excentricité à lui, avec les rangées de piercings de ses oreilles. Alex en fut vaguement perturbé.

– D’accord, dit Chris.

Et il ôta son t-shirt, puis son baggy délavé. Quand il attrapa le rebord de son caleçon pour l’enlever, Alex fut toutefois surpris. Il n’aurait pas dû l’être puisque Chris se contentait de reproduire ce qui apparaissait sur la photo, mais il aurait pu rester juste torse nu, pantalon légèrement baissé. Pour Chris, ça ne devait pas être dérangeant de se dénuder, toutefois. Ou probablement.

– Tu prends des poses ? lui suggéra-t-il.

Il se déplaça ensuite autour de lui avec l’appareil. Chris s’adossa contre l’arbre, leva une main au-dessus de sa tête pour saisir l’écorce, se caressa le torse avec l’autre… Il savait s’y prendre. À aucun moment, il ne lâcha l’objectif du regard.

– Change un peu.

Chris sourit.

– Comme quoi ?

Alex haussa une épaule. Il ne savait décidément pas comment aborder ce travail.

– Je ne peux pas faire comme les types de la photo. Je suis seul, lui fit remarquer Chris. Et je ne suis pas un bear.

– Pas grave.

Chris semblait réfléchir. Calculer comment il pourrait faire pour répondre au travail qu’avait demandé le prof d’Alex.

– Ton sujet, c’est bien « vintage », hein ?

– Oui. Mais j’ai déjà pensé à comment résoudre le problème. Ce n’est que des détails techniques à arranger.

Des règlements à faire avec son appareil, des retouches numériques derrière. Il y avait toujours la possibilité de donner un faux aspect vieilli à la photo pour faire comme si elle datait de plusieurs décennies.

Chris leva les yeux au ciel, pensif, et attrapa ses attributs sexuels d’un geste qui sembla rêveur pour les caresser doucement.

Alex ne sut comment réagir. La situation était inhabituelle. Il commença à se sentir véritablement mal à l’aise.

– Ne fais pas des trucs trop pornos, dit-il seulement. Sinon, je ne pourrais pas les exploiter.

Un sourire goguenard s’afficha sur les lèvres de Chris.

– Tu n’auras qu’à cadrer l’image pour que ça passe. C’est bien le cas de la photo sur laquelle tu dois te baser, d’ailleurs, non ?

Chris n’avait pas tort.

Alex resta quelques secondes dubitatif, puis il lui demanda :

– Tu comptes faire quoi ?

– Quand j’étais gamin, il y avait des images qui me fascinaient…

Chris sembla partir dans ses souvenirs, le regard au loin.

– Toutes ces statues de Dieux grecs, poursuivit-il. Avec ces positions précieuses et ces corps exposés. Peut-être qu’on peut…

Il se rapprocha de l’arbre pour y saisir un pan de lierre qu’il arracha avec force. Il l’enroula ensuite en plusieurs cercles autour de sa tête. Il avait déjà l’air plus « vintage », en effet : un aspect Bacchus, à la fois décadent et bucolique. Puis il s’adossa contre le tronc. Sa main se repositionna sur son sexe et Alex ne put s’empêcher de remarquer qu’il était légèrement redressé.

– Ça va, comme ça ? souffla Chris en fermant les paupières.

– Oui.

Il commença à prendre quelques clichés. Il fit semblant de ne pas voir que le sexe de Chris gonflait doucement, cadrant avec précision son visage ou le haut de son corps, ou effleurant à peine l’endroit où sa main rencontrait sa verge tendue. Chris renversa la tête en arrière, respirant plus fort. Tandis qu’il entrouvrait les lèvres dans l’expression d’une excitation évidente, Alex se surprit à dire :

– Continue.

Alors, il captura contre lui-même les images troublantes de cette scène à laquelle il ne se serait pas attendu à participer.

***

Lorsqu’Alex rentra de la supérette, le lendemain, Chris était allongé sur un transat du bord de sa piscine, des écouteurs dans les oreilles et son bras replié sur ses yeux pour les protéger du soleil. Alex posa ses cabas au milieu du coin cuisine et commença à les vider sans lui prêter attention.

Chris alla se poser dans l’ouverture de la baie vitrée. Il prit appui sur le montant en un déhanché digne d’un modèle de magazine.

– Alors ? Comment ça s’est passé avec le prof ?

Alex fit une moue rapide.

– On n’en a pas parlé.

Chris haussa un sourcil.

La vérité était qu’il n’avait pas rendu son travail. Que de nombreux étudiants avaient fait de même. Que l’aspect tendancieux du cliché avait été critiqué, et vertement par des étudiants qui avaient eu assez de la veille pour finir bien remontés. Et que le prof s’était contenté de répondre d’un sourire énigmatique avant de passer à autre chose. Alex avait eu l’impression de s’être fait avoir en se prêtant au jeu, pour sa part.

Il rangea sa dernière bouteille de lait dans son placard.

– Tu t’es baigné ?

– Oui, répondit Chris.

– Je vais faire pareil.

Alors qu’il allait rejoindre l’étage pour chercher son maillot, Alex se retourna cependant pour regarder le dos de Chris qui s’éloignait.

Et il se demanda si le trouble qui l’avait désormais gagné allait persister indéfiniment ou s’il finirait par s’effacer.

Sa Chair

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo hétérosexuel, érotique.

Résumé : « Baise-moi. » Elle n’ajouta rien d’autre. Elle voulut qu’il comprenne : ce qu’il y avait derrière les mots, le besoin qui était le sien.

Sa chair

– Qu’est-ce que tu veux ?

– Que tu me baises comme une pute.

 

Alanguie contre la large vitre donnant sur la rue, les épaules serrées dans son manteau et le menton blotti au creux de son écharpe roulée, Emma perçut à peine le tintement de l’ouverture de la porte du café. Elle adressa un sourire doux à Luc en le remarquant. Il portait des gants épais et un pardessus de laine lui conférant un chic très parisien. Un air de magazine, de pages modes glacées, de boutons à défaire et de chevelure à désordonner.

Il s’assit en face d’elle.

– Ça fait longtemps que tu attends ?

– Non.

Elle se décolla de la vitre, essaya d’arborer une expression assurée, mais fixa surtout le marron griffé du bois de la table. Pour dire vrai, peut-être une demi-heure s’était-elle écoulée depuis qu’elle avait posé ses fesses sur le similicuir de la banquette du café, mais cela avait-il seulement une importance ? Elle avait usé ses yeux sur les allées et venues des passants dans la rue pour contenir le flux de ses pensées. Elle avait vécu mille fois dans son esprit, déjà, l’entrée de Luc, les mots qu’ils échangeraient et ce qu’elle attendait de voir découler de leur entrevue. Elle avait senti chacun de ces instants dans son corps, sa chair et dans sa poitrine glacée. Lorsqu’il ôta son manteau, elle suivit du regard les mouvements de ses épaules, devinant les muscles tendus sous le tissu.

– Tu prends un café ?

Elle acquiesça silencieusement, la gorge serrée, et fit fleurir un sourire qu’elle sentit loin d’être assuré. Il mourut dès l’interrogation suivante de Luc.

– Pourquoi m’as-tu appelé ?

Un infime tremblement passa sur ses lèvres.

– Tu le sais.

– Je veux dire… Pourquoi maintenant ? demanda-t-il en balançant son corps vers l’arrière, s’adossant à sa chaise en une posture qui n’avait de l’assurance que l’apparence, sa tension restant clairement perceptible.

Elle ne le lâcha pas du regard. Elle ne voulait pas lui paraître faible ou pitoyable. Un long soupir lui souleva la poitrine et elle salua le répit que lui permit le serveur en arrivant. Luc passa la commande.

Elle finit par détourner les yeux. Le serveur s’éloigna. Machinalement, elle glissa les doigts dans le col formé par son écharpe et le souleva pour y enfouir le bas de son visage.

– Parce que j’ai songé que tu le voudrais, souffla-t-elle.

Cette fois, Luc ne la relança pas et elle lui en sut gré. Elle remarqua juste l’expression d’interrogation qui marqua son visage, comme s’il cherchait en elle les mots qu’elle lui refusait.

La tasse arriva à pic pour réchauffer ses doigts. Elle les y blottit, se les brûlant à moitié.

– Comment va Alex ? demanda-t-il.

– Mal.

Elle haussa les épaules, peu désireuse de poursuivre. La vague de détails qui traversa son esprit ne fut que transitoire : aucun ne méritait de compléter le terme certes lapidaire, mais juste qu’elle avait employé. Aucun n’avait surtout besoin d’être étalé. Elle ramassa son sac, soudain nerveuse.

– On y va ?

Et elle se leva dans la foulée. Si elle remarqua à ce moment-là la tasse qui était restée pleine et chaude encore à sa place, elle n’eut en aucun cas le goût de la vider. Luc, lui, finit la sienne rapidement. Il se dressa à ses côtés.

– O.K., dit-il sans plus la regarder.

J’ai envie d’une queue, de bras autour de moi, de baisers sur ma bouche, mes lèvres, de doigts qui me serrent, du poids d’un corps sur le mien, de souffle dans mon oreille, d’une langue qui s’approprie ce qu’elle veut, et de moi qui prend, et de moi qui donne, et de moi qui ne suis plus que chair entre des mains impatientes.

 L’appartement de Luc se situait dans l’une de ces résidences bourgeoises du siècle dernier qui brillait plus par les vestiges ouvragés de sa façade extérieure que par l’état de ses couloirs. La fenêtre de son salon donnait toutefois sur une cour lumineuse d’où montaient les cris assourdis d’un groupe d’enfants, et le voile de couleur chaude qui recouvrait le vitrage conférait à son intérieur une atmosphère agréable. Emma se laissa tomber dans le canapé de cuir brun, son manteau jeté deux mètres plus tôt et ses doigts étirant déjà le tissu enroulé autour de son cou pour le libérer. En voyant Luc se rapprocher, elle sentit les battements de son cœur se précipiter. Le jeune homme prit le temps de suspendre son manteau à la patère et de faire passer son pull au-dessus de sa tête. La manière dont ses cheveux clairs s’en ébouriffèrent accrocha le regard d’Emma.

– Pourquoi maintenant ? lança-t-il. Tu avais toujours dit « non ».

– Je sais…

Elle voulait qu’il se taise, qu’il ne pose pas plus de questions. Pourquoi faudrait-il mettre des mots sur ce qu’il allait se passer, de toute façon. Négligemment, Luc balança ses chaussures contre le mur. En réponse, elle s’empressa de se débarrasser de son écharpe et de dénouer le cache-cœur qui enserrait son buste. Il l’interrogea :

– Pour ce soir ou pour plus ?

– Pour ce soir.

Elle lui fut reconnaissante de poser la question. Que ce soit clair entre eux, tout de suite. Pourvu qu’il prenne la place qu’elle lui offrait contre sa peau. Qu’il envahisse en même temps son esprit. Qu’il efface même de manière transitoire toutes les ombres qui le recouvraient.

Lorsqu’elle se retrouva en débardeur, son cache-cœur ôté, il s’immobilisa. De réflexe, elle releva les yeux sur lui, le découvrant en train de l’observer avec attention. Elle eut l’impression que celle-ci se porta sur son bras. Elle le considéra à son tour.

– Tu ne l’avais pas, celui-ci, avant, remarqua-t-il.

– Non.

Elle s’attarda sur les détails du tatouage noir sur la pâleur de son épiderme. Il était vrai qu’elle n’avait plus revu Luc, physiquement, depuis un an. Ils avaient été extrêmement proches au lycée, et le fait qu’ils ne soient alors jamais sortis ensemble ne tenait que du concours de circonstances et des mauvaises coïncidences ayant fait que jamais l’un ne s’était jamais trouvé libre en même temps que l’autre. Alex avait été l’un de ces concours de circonstances : un qui durait depuis cinq ans. Comme il semblait hésiter, elle se leva d’un coup et franchit la distance les séparant. À peine fut-il à sa portée qu’elle se jeta à son cou, comme ça, se surprenant elle-même, mais c’était sans importance. Le geste avait été automatique, souverain. Les lèvres de Luc furent aussitôt sur les siennes et elles la dévorèrent. Sa barbe mal rasée brûla son menton, et sa langue s’immisça en elle comme s’il s’était agi de son propre territoire. Et, sur l’instant, ça l’était. Sur l’instant, elle était à lui, à ses désirs, à ses envies, à ses mains et son corps, prête à lui donner tout ce qu’il voudrait, et plus encore : désireuse qu’il s’empare d’elle dans son entièreté.

Baise-moi, retourne-moi, ne me demande pas si je le veux.

 Quand il relâcha ses lèvres, elle agrippa sa chemise pour ne pas rompre leur contact. Elle eut envie de mendier ; sa fierté l’en retint. La bouche de Luc fut aussitôt dans son cou, écartant ses cheveux pour aspirer et mordre sa chair, et tracer une longue ligne dure avec ses dents.

Le souffle qui pénétra dans son oreille se répercuta jusque dans son entrejambe.

– Celui-ci, c’était avant ta rencontre avec Alex, non ?

Troublée par ce rappel à la réalité, elle se laissa néanmoins bercer par la langueur de sa voix.

– Oui, soupira-t-elle.

Elle pencha un peu plus la tête de côté pour laisser le champ libre à Luc. Elle avait fait ce tatouage à peine son bac’ passé : une série d’étoiles qui allaient en grossissant vers son omoplate sans que leur intérieur soit coloré. À l’époque, ça avait symbolisé, pour elle, son émergence en tant que femme : elle avait acquis le droit d’agir par elle-même, acquis celui de se laisser grandir et remplir par ce qu’elle voudrait. La première fois qu’Alex avait suivi de ses lèvres leur tracé, les embrassant et les lapant doucement l’une après l’autre, elle s’était sentie dénudée jusque dans son âme.

Sous les baisers de Luc, elle se pâma. Sa main vint se poser sur son torse, si dur, si plat, si solide sous ses doigts, au contact incroyable, et elle résista à l’envie de la faire glisser plus bas. Luc ne la laissa pas dans l’hésitation. D’un geste rapide, il saisit sa main et la posa directement sur son entrejambe, sur la masse ferme qu’elle y sentit.

Elle l’y pressa, ivre de trouble. Lorsqu’il l’embrassa de nouveau, elle fut tremblante. Luc était partout sur elle, sa langue dans sa bouche, ses mains sur ses fesses, la rondeur surprenante de son sexe nichée dans le creux de sa paume. En des gestes empressés, il la fit reculer et elle l’accepta avec complaisance. Seul son regard resta ancré dans le sien, dernier vestige d’un contrôle qu’elle lui cèderait bientôt, elle le savait, qu’elle languissait de lui abandonner. Ses genoux rencontrèrent le rebord du canapé, pliant dans la foulée. Le visage de Luc la suivit, et ses doigts furent sur sa gorge, et son décolleté, et le léger espace permettant de glisser dans son débardeur… Lorsqu’il prit en main l’un de ses seins, elle se détacha de sa bouche et releva les yeux sur son visage. Sa large paume à la chair légèrement râpeuse lui procurait une sensation d’étrangeté. Elle n’en gémit pas moins lorsqu’il fit doucement rouler son mamelon entre ses doigts. Il le lâcha ensuite pour prendre un temps de pause, suivant d’un air pensif la plume stylisée noire qui reliait l’arrondi de son sein à son épaule en un fin trait.

– Et celui-ci, c’était quand ?

Elle tâcha de reprendre ses esprits et baissa les yeux sur son tatouage.

– Au tout début de notre relation, avec Alex, expliqua-t-elle. Tu ne l’as jamais vu parce que…

Elle ne vit pas d’intérêt à poursuivre. La suite était sous-entendue. Bien qu’ils aient continué à sortir entre amis, avec Luc, elle ne se déshabillait pas devant lui. Et celui-ci relevait de l’intime, témoignant plus que les précédents de ce qui la liait à Alex, parce que, lorsqu’elle avait décidé de le faire, c’était à la suite d’une soirée qui les avait fait s’amuser à s’écrire des mots doux, et d’autres drôles, au stylo sur la peau, et qu’elle avait voulu immortaliser cette connivence si douce à son cœur dans son épiderme. La plume, c’était l’objet donné à Alex pour marquer sa chair de son existence.

Luc n’attendit pas qu’elle développe. Il posa un genou entre les siens sur le canapé, baissa ses vêtements jusqu’à offrir ses deux seins à la morsure de l’air, et se pencha aussi vite sur ses mamelons qu’il s’attarda à lécher et aspirer successivement entre ses lèvres. D’excitation, Emma renversa la tête en arrière et chercha la chevelure de Luc, s’y agrippant. Lorsqu’il se redressa, elle se sentit étourdie, mais accrocha immédiatement la ceinture de son pantalon de ses doigts pour le retenir de s’éloigner. Son regard se reporta sur le visage qui se dressait au-dessus d’elle, fiévreux et curieux à la fois, qu’elle fixa sans ciller tandis qu’elle faisait sauter lentement les boutons de son jean. Le sexe de Luc se glissa aussitôt dans l’interstice, venant taquiner ses doigts, les inviter à s’emparer de lui. Avec fascination, elle contempla l’expression de plaisir qui s’afficha sur les traits de Luc lorsqu’elle le caressa doucement par-dessus le tissu. Elle pouvait sentir les rondeurs de son membre dans sa main, sa dureté et les douces contractions qui le prenaient de temps en temps.

– Emma, souffla Luc en glissant la main dans ses cheveux, les poussant sur le côté, jouant avec eux comme elle jouait de sa hampe.

Elle tira sur l’élastique de son vêtement pour la libérer. Luc ne bougea pas. Il attendait. Sa chair était juste en face de son visage, pulsante et ferme et dans l’attente, elle ne pouvait l’ignorer.

– Tu sais depuis combien de temps j’en ai envie ? souffla Luc.

Son ton doux la surprit.

Elle lui sourit.

– Depuis la terminale ?

– Oui.

Elle connaissait la réponse.

Elle avait éprouvé la même chose depuis ce moment-là.

Luc n’avait manifesté son désir pour elle qu’un an auparavant, lorsque son couple avec Alex avait commencé à battre de l’aile et qu’elle avait fini en pleurs chez lui à lui confier tous ses malheurs, à se déverser dans ses bras, à lui refuser les lèvres qu’il avait penchées au bout d’un moment sur les siennes brûlantes… Bien qu’il le lui ait rappelé depuis, elle l’avait toujours repoussé.

Avec espièglerie, elle tira la langue, la posa sur le bout de sa verge, la retira. Celle-ci en eut un soubresaut d’intérêt. La paume de Luc se glissa plus largement contre sa joue, la caressant avant de finir sur sa nuque. Emma accepta l’avancée des hanches lui faisant face qui s’ensuivit. Elle ouvrit juste la bouche, leva les yeux sur le visage de Luc, et accepta la chair qui se présenta à l’entrée de ses lèvres. Sa surface douce y glissa, entrant, prenant lentement sa place, et le soupir rauque qui résonna derrière à ses oreilles sonna d’une façon si brûlante qu’elle sentit son entrejambe s’en contracter vivement. Les doigts de Luc furent sur son cou, sa chevelure, le pli de son épaule.

Bouge.

Prends ce que tu veux de moi.

Utilise-moi.

 Elle se décolla du dossier du canapé pour gagner plus d’amplitude, s’assit un peu plus en avant, enroula sa main autour de la base du sexe de Luc.

Lorsqu’elle commença à le caresser tout en jouant de sa bouche et de sa langue sur sa chair tendue, il renversa la tête en arrière, pantelant. Ses doigts se posèrent à l’arrière de son crâne, sans pour autant pousser, avant de glisser sur sa joue et de finir sur l’arrondi de ses seins. L’excitation la possédait et elle ne se laissa faire qu’avec surprise quand il s’arracha enfin à sa bouche, pour la repousser en position allongée. Son pantalon se fit enlever, sa culotte avec. Comme Luc ne l’en débarrassait pas, elle ôta elle-même le reste de ses vêtements, se retrouvant nue devant lui. En le voyant faire mine de vouloir enlever son propre jean, elle l’arrêta. Elle ne sut pas comment lui dire qu’elle voulait qu’il la prenne comme une pute, sans égards et sans ménagements. L’idée était choquante même à son propre esprit, mais c’était pourtant ce qu’elle désirait. Elle prit une longue inspiration tout en le fixant.

Puis elle lui dit :

– Baise-moi.

Elle n’ajouta rien d’autre.

Elle voulut qu’il comprenne : ce qu’il y avait derrière les mots, le besoin qui était le sien.

Sur le visage de Luc, elle pouvait lire le doute, l’interrogation, mais aussi quelque chose d’autre : de la frustration, et elle pouvait le comprendre parce qu’il avait toujours espéré d’elle plus qu’une simple séance de baise. Mais l’ombre plus dure qu’elle voyait naissante dans son regard était justement ce qu’elle désirait de lui. Ce avec quoi elle attendait qu’il la possède. Il finit par soupirer et murmurer :

– Viens.

L’instant suivant, il l’attrapait par la main pour la lever du fauteuil et la tirer vers la table du salon. Elle s’y laissa échouer avec envie. Ses jambes se firent écarter, son torse plaquer contre le bois et elle se retrouva tremblante d’excitation. La voix de Luc fut contre son oreille : incendie et déception mêlés.

– C’est ce que tu veux ?

Elle ferma les paupières, espérant que les frémissements de son corps sachent témoigner plus clairement qu’elle ne l’aurait pu à quel point elle attendait qu’il la traite ainsi : qu’il prenne d’elle ce qu’il voulait puisqu’elle ne pourrait lui donner plus. Ses mains, puissantes et masculines, inclinèrent ses hanches, puis écartèrent ses fesses, lui arrachant un feulement d’envie en se sentant si exposée. Un doigt entra aussitôt dans sa chair, ses allers et retours la faisant prendre conscience de sa propre humidité, et d’à quel point elle voulait que Luc la prenne, désormais, qu’il oublie ses égards et s’empare juste d’elle.

– Encore, réclama-t-elle.

Elle sentit un deuxième doigt la combler. Le plaisir la fit haleter et se tordre sous les caresses qui suivirent.

– Encore, gémit-elle peu après.

Un troisième s’inséra, l’ouvrant et l’échauffant, et lui donnant l’impression d’avoir déjà le sexe de Luc en elle. Et lorsqu’il se mit à entrer et ressortir d’elle en des va-et-vient si intenses que les impacts de son poing la firent vibrer, elle se tordit d’excitation.

Elle put à peine reprendre son souffle alors qu’il marquait une pause, poussant fortement les doigts en elle.

– C’est ce que tu aimes ? demanda soudain Luc d’un ton curieux. C’est ce que te fait Alex ?

– Oui.

Elle ne savait pas ce qu’il attendait avec une telle question.

– Baise-moi, supplia-t-elle de nouveau.

Elle se sentait brusquement bouleversée, l’émoi de son corps entrant en résonance avec la perte de repères de son esprit. En sentant les doigts de Luc se retirer, elle se tendit vers lui, mais ses mains la maintinrent bien en place. Ses pouces glissèrent sur ses reins, remontant le long de son flanc pour suivre cet autre tatouage qu’elle savait avoir été masqué jusque-là à sa vue : ces entrelacements et ces autres étoiles, cette fois toutes pleines, qu’elle avait faites un peu plus d’un an auparavant, tout juste avant l’accident qui avait ôté à Alex ses deux parents. Quand elle était revenue de chez le tatoueur, Alex lui avait demandé, tout sourire, pourquoi aucune étoile n’avait cette fois été laissée vide. Emma avait senti l’amour gonfler sa poitrine lorsqu’elle lui avait répondu que c’était parce qu’elle n’avait plus rien qui ait besoin d’être empli. C’était une déclaration maladroite et elle n’avait jamais été douée pour en faire de toute façon, mais Alex avait compris. L’émotion dans son regard le lui avait appris.

En entendant le son du déchirement de l’enveloppe d’un préservatif, elle ferma les paupières. Dans l’attente, son cœur battait à toute vitesse.

– Emma…

– Baise-moi, l’interrompit-elle aussitôt.

L’intonation désespérée de sa voix l’affligea, parce qu’il y avait du besoin, violent, dedans, mais aussi de l’échec. De la tristesse, de la douleur… de la nécessité de combler les fissures de son âme par la possession de sa chair.

La manière dont Luc caressa alors lentement ses hanches la fit ressentir à quel point il aurait voulu qu’ils puissent avoir un autre rapport, plus tendre, et à quel point elle se comportait mal avec lui. Elle ne s’en sentit que plus coupable.

– Prends-moi, souffla-t-elle, au comble de son trouble.

Son front reposait sur ses bras pliés et elle haleta en sentant enfin le sexe de Luc entrer dans son corps, glissant progressivement jusqu’à s’enfouir tout entier en elle. La sensation était satisfaisante, apaisante, bien que curieuse.

Elle tourna le visage vers Luc, mais le premier coup de reins qu’il lui donna lui coupa aussitôt le souffle, ne lui laissant pas la possibilité de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre que le plaisir qu’elle éprouvait. Des va-et-vient suivirent et elle s’offrit enfin réellement à lui, sortant de l’exigence et de la demande, du besoin et de la supplication. Le sexe de Luc éveillait des sensations oubliées, l’incendiant, et elle poussait même contre lui, jouait des reins pour augmenter encore les impacts de ses déhanchements, renvoyant des vibrations de plaisir en elle si vives qu’elles emplissaient jusqu’à sa tête. Puis Luc lança la main entre ses jambes et Emma gémit en le sentant frôler le petit point gorgé de sang qui s’y trouvait.

Un feulement s’échappa de ses lèvres. Ses dents se pressèrent contre ces dernières. Et, lorsqu’il commença à la caresser plus nettement, elle lâcha de longues plaintes et s’écroula sur la table, et ne put plus rien faire d’autre que se soumettre à ses gestes, et aux coups de reins avec lesquels il la comblait, et aux stimulations combinées de son organe le plus sensible qui la laissaient pantelante, se tordant sous ses doigts et ses mouvements de hanches, jusqu’à ce qu’une chaleur intense se mette à gonfler dans son bas-ventre et se renforce, et augmente, et emporte tout. Jusqu’à ce qu’elle ne soit plus que plaisir et jouissance, et qu’elle sente jusqu’au plus profond de son corps l’orgasme la monter vers le haut, la soulever et l’emporter. Alors, elle gémit, et elle haleta encore avec force quand Luc atteint lui aussi l’apogée.

Un temps, ils restèrent immobiles, haletants et en sueur.

Son sexe était encore en elle, pulsant par moments.

Sa tête à elle s’était vidée, son esprit apaisé. Derrière elle, le souffle rapide et haché de Luc la berçait, en une douce complainte érotique et sensuelle.

Après une longue expiration, Luc finit par l’interroger. Il ne sortit pas pour autant de son corps.

– Ça faisait combien de temps ?

Elle se doutait de l’intégralité de sa question, mais elle lui demanda tout de même :

– De quoi ?

– Que tu n’avais plus été pénétrée comme ça ?

Elle haussa les épaules. Sentir sa chaleur en elle était plaisant.

Luc précisa :

– Que tu n’avais plus été prise par une queue.

Elle soupira.

– Des années.

Gênée soudain par sa présence, elle bougea des hanches pour l’inciter à se retirer.

Lorsqu’elle put se retourner, elle appuya les fesses contre le rebord de la table et fixa Luc. Celui-ci lui tournait le dos et était en train de retirer sa protection.

– Tu le sais très bien : je n’ai jamais plus recouché avec un mec.

– Depuis que tu t’es mise avec Alexandra ? lui demanda-t-il de préciser.

– Oui.

Depuis Alex.

Elle ne pouvait pas dire que « la queue » lui ait manqué. Ce qui lui manquait depuis plus d’un an, c’était plutôt l’attention, les sentiments, la sensation de compter, d’être désirable… Tout ce qu’Alex ne lui témoignait plus à cause de son deuil, pour ne pas dire « dépression ». Cette tristesse insupportable qui pesait sur leurs vies et contre laquelle elle était démunie.

Luc se dirigea vers la salle de bains. Elle-même devrait y aller, aussi. Elle n’était pas pressée. Elle se pencha en arrière jusqu’à sentir le bois contre son dos, s’y allongeant, appréciant son contact sous sa peau.

– Tu vas lui dire ce qu’il s’est passé ? lui demanda Luc de la pièce adjacente.

Elle eut un moment d’hésitation. Elle n’y avait pas réfléchi, évidemment, mais elle répondit :

– Oui.

– Tu devrais vraiment avoir une discussion avec elle.

Il lui avait dit ça sur le ton de l’amitié.

En le voyant revenir vers elle, elle lui sourit. Elle s’en voulait de s’être éloignée de lui, d’avoir fait la morte depuis un an. Luc était son ami, le mec avec qui elle aurait pu être si la vie n’en avait pas décidé autrement, celui qui pour son cœur battait aussi.

– Tu as raison.

Elle se redressa. Poussée par un élan qu’elle refusa de modérer, elle se dirigea d’un coup vers lui et posa les lèvres sur les siennes, cette fois chastement. Lorsqu’il passa les mains dans ses cheveux, elle ne put que constater à quel point il était séduisant, décidément. C’était une honte qu’il ne soit pas encore casé.

Luc ramassa ses vêtements.

– Fais-le.

Elle lui adressa son sourire le plus tendre, le plus affectueux, parce qu’il avait raison et que le fait qu’il se soucie ainsi d’elle était plus qu’elle lui demandait. Lorsqu’il disparut en direction de la douche et que l’eau se mit à couler, elle laissa dériver son regard sur son propre corps, sur toutes les marques qui attestaient de ses années passées avec Alex, des tatouages de son sein, à ceux qui se déclinaient sur ses avant-bras, à la série d’étoiles qu’Alex avait si souvent léchée et embrassée sur le bas de son dos, à… Elle leva son poignet pour en contempler l’intérieur.

Elle était encore perdue dans ses pensées quand son téléphone sonna. Son cœur s’en affola et le remords la prit avec tant de force qu’elle n’osa même pas aller voir qui l’appelait.

Quand la sonnerie s’éteint puis reprit pour la troisième fois, elle trouva le courage de décrocher.

– Alex ?

Une voix mal à l’aise lui répondit, s’inquiétant de son absence.

Elle prit une longue inspiration.

Des aveux seraient à faire, des longues conversations qu’elle avait repoussées mais qu’elle serait désormais obligée d’affronter.

Emma regarda encore son poignet. Cette marque similaire qu’elles avaient inscrite chacune dans leur épiderme, l’unique fois où Alex l’avait accompagnée chez le tatoueur, pour qu’elles se rappellent toujours ce qui les liait, ce qui les rattachait l’une à l’autre.

– Avec qui tu étais ce soir ?

– Avec toi, Alex. Tu sais… Juste avec toi, en fait. Toujours avec toi, dans ma peau, dans ma tête, dans mon corps… Même lorsque tu n’es pas là. Toujours toi.

 Rêveuse, elle contempla la petite ancre marine, inscrite dans le blanc de sa peau, et qui se finissait en un symbole de l’infini, témoin du temps qu’elles s’étaient promis de passer ensemble, un jour où le monde semblait radieux et la vie ne jamais pouvoir les blesser.

– Tu rentres bientôt ? lui demanda Alex.

– Oui.

Elle ne lâchait plus son petit tatouage des yeux. Elle le fixait avec intensité. Cet infini, qui les liait. Cet avenir qu’elles avaient écrit dans leur chair.

Elle souffla :

– J’arrive.

Oui ?

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Tranche de vie, duo, M/F, sexualité.

Résumé : Quand elle dit « oui », et qu’il dit « non » (et qu’elle veut le convaincre du contraire).

Oui ?

– Oui ?

Elle s’approche de lui, rampe, se déhanche à la manière de chat, joue des reins… Elle pourrait miauler pour parfaire son avancée lascive.

– Non, grogne-t-il.

Elle s’arrête, se mord les lèvres, progresse plus encore sur le matelas.

– Oui ?

Maintenant, elle est au-dessus de lui, ses mains des deux côtés de son torse, son corps tendu et son ventre planant à quelques centimètres du sien. Il relève les bras et décale légèrement les mains pour remonter son livre face à son visage, lui signifiant clairement à quel point elle le dérange. L’un de ses yeux apparaît au-dessus de la couverture, le sourcil haussé.

– Non…

Vexée, elle se rassoit sur ses talons, faisant rebondir le matelas sous son mouvement brusque.

Dehors, la pluie bat les carreaux, drue et froide, comme si elle grattait à la fenêtre pour demander l’autorisation d’entrer. Peut-être pourrait-elle miauler elle aussi, mais son sifflement tient plus de la menace que de la plainte séductrice.

Le lit bouge de nouveau quand il se réinstalle plus confortablement, sans jamais quitter pour autant sa lecture.

Elle se laisse retomber sur le dos, frustrée.

– Ça fait combien de jours ? lance-t-elle, plus pour elle que pour lui, et elle sait d’ailleurs qu’il ne répondra pas.

Elle compte…

Trois, en fait. Ça ne fait pas tant que ça, mais, pour elle, c’est beaucoup. Pour eux, c’est énorme ! C’est trop ! Elle passerait tout son temps au lit avec lui si elle le pouvait. Toute sa vie, comme ça, à se nourrir d’amour et de chairs en sueur, et de son odeur à lui, aussi, de la chaleur de sa main et du son de son souffle lorsqu’il est en elle. Juste pour oublier qu’elle a passé les vingt premières années de sa vie sans lui, et ça c’est beaucoup, non ?

Elle lance, plaintive :

– Ça fait vingt ans…

Il ne relève pas la bêtise qu’elle vient de sortir. À peine hausse-t-il de nouveau un sourcil depuis l’autre côté de son livre.

Un long étirement délasse ses bras et elle s’étale plus encore sur le matelas. Une jambe s’étend à côté de lui. L’autre se pose… juste, juste, sur son ventre masculin, là où la peau est si glabre et ses muscles si fermes. Le sursaut qu’elle provoque avec ses pieds froids la fait sourire.

Cette fois, il n’attend même pas qu’elle demande.

– Non, dit-il.

Elle ne l’écoute pas vraiment.

Sans le lâcher le moindre instant des yeux, elle plie lentement le genou, de manière à crocheter au passage la couverture et la faire descendre tout doucement, tout doucement.

Il soupire et réinstalle son dos pour se reconcentrer sur sa lecture.

Elle ne s’arrête pas.

Le bas du ventre apparaît, puis la légère pilosité — il en a si peu, cette région de son corps est probablement l’une de celle qui en est le plus fournie, chez lui — puis… elle ne s’attendait pas à autre chose, son sexe mou. Il est joli, pourtant, là, lové sur son aine. Il a l’air de dormir, paisible, légèrement enroulé comme pour se tenir chaud… Et d’inviter l’impudent à le réveiller. Et n’est-elle pas impudente, justement ?

Tout doucement, elle appuie ses orteils froids sur sa rondeur, en éprouve la résistance et le volume.

Un œil réprobateur, cette fois, apparaît au-dessus de la couverture. Elle ne peut s’empêcher de répondre d’un petit rire. Elle prend appui du talon sur l’intérieur de sa cuisse pour caresser son pénis du dessous de ses orteils, longeant sa forme… puis elle descend le pied entre ses cuisses. Cette fois, elle est juste en face de ses testicules et il ne la lâche plus du tout des yeux, méfiant. Normal. Pas sûr qu’une paire de bourses, toute charmante qu’elle puisse être, soit de taille à gagner une bataille contre un pied. Pas sûr non plus que lui puisse gagner contre elle, de toute façon.

Elle sourit, amusée, en caressant doucement du bout de ses orteils ses testicules. Elles ne réagissent pas. Alors elle descend le long de sa cuisse, explore la chair si fine à cet endroit, remonte jusqu’à parvenir, presque, à frôler ce qu’elle convoite le plus intensément, mais… saute de l’autre côté pour jouer avec l’autre jambe, l’autre peau, l’autre partie si sensible dont les muscles dessinent une ligne menant tout juste jusqu’à son sexe.

Il pose son livre sur son torse, soupire, et fixe le plafond.

Si son agacement est évident, lorsqu’elle repose le bout de son pied sur son sexe, elle le sent immédiatement venir à son contact dans un début soudain de raideur, puis plus raide encore à chaque seconde passée derrière, visiblement plus décidé que son propriétaire.

Cette fois, c’est une exclamation susurrée qui sort de ses propres lèvres :

– Ouiii…

Elle se redresse d’un bond, se met à quatre pattes devant lui, le regarde dans les yeux, reporte son attention sur son sexe, l’observe se gonfler plus encore, se réveiller et s’étirer, comme s’il était en possession d’un langage propre. Elle relève de nouveau les yeux sur son visage.

– Il a envie, lui fait-elle remarquer.

– Et moi, je suis à un passage crucial de mon roman.

Elle hausse une épaule. Son sexe est toujours droit devant elle, comme s’il levait la main. S’ils votaient, il serait le premier à se manifester.

– Regarde comme il dit « moi », pourtant, s’amuse-t-elle. Le pauvre, on dirait un premier de la classe qui essaye désespérément d’attirer l’attention de la maîtresse.

Et, alors qu’elle termine, son sexe a un nouveau soubresaut, comme pour acquiescer. Elle en a un petit rire. Lorsqu’elle reporte son attention sur son visage, la moue boudeuse qu’il affiche est plus complice et affectueuse que réellement fâchée.

– Il a peut-être chaud ? demande-t-elle.

Elle tire une longue langue et la pose sur le bout de sa verge, la faisant s’agiter de nouveau et son gland s’élargir plus encore.

Alors, elle n’hésite plus et la prend dans sa bouche. La sentir y gonfler a un quelque chose d’intime et de jouissif. Avec envie, elle fait de longs va-et-vient sur elle, l’attisant et rendant la caresse sur l’intérieur de ses lèvres douce et excitante… Et elle ne retient pas son sourire quand elle sent enfin ses doigts entrer dans ses cheveux.

Elle relève les yeux sur lui, lâche son membre. Elle pourrait se perdre dans son regard…

Et elle éclate de rire quand il balance enfin son livre pour se jeter sur elle.

– Oui ? demande-t-elle.

Il sourit.

– Oui.

Existe aussi en écoute audio