– C’est bien, la complimenta-t-il de nouveau.
Cette fois, elle se rendit vaguement compte de l’attention qui lui était portée, relevant le visage pour scruter l’expression de Mathieu. Elle sentit ses mains parcourir ses hanches, et elle soupira tandis qu’il la caressait en des gestes lents et enveloppants, avec respect. Elle aima se laisser conquérir par cette sensation apaisante. Elle avait le besoin d’être soutenue.
Lorsqu’il effleura sa poitrine, elle sentit son souffle s’accélérer, puis ses paupières se crispèrent quand une paume se referma sur l’un de ses seins. Les doigts qui firent ensuite rouler son mamelon l’échauffèrent de nouveau. Puis, il se pencha pour baiser tendrement son cou et elle s’abandonna au contact de ses lèvres. La sensation était tellement douce, contrastant avec ce qu’elle avait ressenti auparavant et lui rappelant, bien malgré elle, qu’avant de décider d’en faire le deuil, se sentir serrée avec autant d’attention était tout ce qu’elle avait rêvé de ses relations. Lentement, les larges mains glissèrent le long de ses hanches, l’une passant sur son aine avant de revenir doucement se refermer sur son entrejambe. Le contact possessif la força à laisser retomber sa tête contre l’épaule devant elle et elle y étouffa un gémissement lourd quand la pression s’intensifia sur son clitoris, se transformant en véritable pincement.
– Couleur ? demanda-t-il en continuant à la maintenir fermement.
Elle retint son souffle. La main de Mathieu stimulait son organe le plus sensible, renvoyant des décharges d’excitation dans son corps encore meurtri par la frustration précédente. Perdue, elle se laissa aller plus intensément contre lui, la sensation de son corps solide, massif, lui donnant l’envie de se blottir contre lui. Elle avait tant repoussé son besoin de tendresse que se retrouver dans une situation de domination aussi intense la poussait à rechercher ce qui lui manquait si profondément. Reprendre son souffle lui fut impossible, pas tant qu’il continuait à la toucher ainsi, à stimuler son endroit le plus intime.
Ce ne fut que lorsqu’il la relâcha qu’elle put essayer de répondre. Elle prit quelques respirations plus lentes. Que devait-elle lui dire ? Sa raison se heurtait aux stimuli contradictoires que lui renvoyait son corps. « Rouge » était trop fort. Même « orange » ne reflétait pas véritablement ce qu’elle ressentait. Bien qu’elle doive faire un effort en elle-même pour l’admettre, elle savait qu’elle n’avait eu que très peu à endurer encore.
– Vert, décida-t-elle, bizarrement consciente qu’elle l’incitait ainsi à aller plus loin.
***
– Bien.
Mathieu passa la main dans la chevelure de Clara, caressant doucement ses ondulations brunes en gardant sa tête contre son torse.
Tout à l’écoute de sa respiration, il parcourut de nouveau son flanc des doigts, plissant le tissu de son corset. Le souffle de Clara s’était calmé, maintenant, prenant un rythme plus régulier. Bien malgré lui, il se rendait compte que la jeune femme appuyée contre son torse le troublait. Sous un caractère qu’il avait senti fort, il découvrait une personne sensible, fragile, sa façon de se serrer contre lui témoignant de son besoin comme d’une étonnante acceptation, trop forte pour une première fois… trop enivrante pour lui.
Après un temps d’hésitation, il enroula les doigts autour de l’un des tétons de Clara. Un frémissement se fit, ses paupières se fermant dans l’excitation. Il observa plus qu’attentivement ses réactions. Lorsqu’il augmenta la pression, elle se contracta, jusqu’à émettre une faible plainte quand la torsion s’intensifia encore. Elle ne fit cependant rien pour s’y soustraire et haleta ensuite de plaisir quand il retourna s’emparer de son sexe sans pour autant soulager son mamelon. Elle enfouit son visage dans son épaule, comme pour oublier la brûlure sur sa poitrine. Alors, il la relâcha. Un temps, il posa les lèvres sur la peau blanche à sa portée, en humant la fragrance durant un moment de réflexion. Il devait faire attention, lui-même, à ce qu’il faisait, plus encore qu’il n’en avait l’habitude.
Sa main passa, en une caresse apaisante, dans la chevelure de Clara. Celle-ci ne vit pas le sourire tendre de Mathieu, ses paupières étant restées fermées. Puis il se pencha sur son visage, sa voix se chargeant d’une langueur érotique.
– Je vais t’attacher, souffla-t-il dans son oreille.
La promesse la fit frémir.
– Je vais lier tes bras à ton buste et puis… je t’allongerai sur le lit. Là-bas.
Elle redressa le visage et leva vers lui des yeux brillants. Son état de trouble était flagrant.
– On s’occupera de ces jolies fesses, poursuivit-il avec envie. Je te donnerai quelques coups. À ma convenance. Tu auras mal… et plus tu auras mal, plus tu aimeras. Tu aimeras plus que tu ne peux l’imaginer. Si tu le veux, je te mettrai un bâillon. Et enfin, si tu es sage, si tu joues bien ton rôle et si le spectacle que tu m’offres me plaît, je te prendrai. Je t’écarterai les cuisses, j’enfoncerai mon sexe entre tes jambes et je te baiserai pendant que tu seras encore attachée.
Il la vit déglutir.
– C’est OK ?
***
Claire ne sut comment réagir. En plongeant dans le regard de Mathieu, elle se rendit cependant compte que ce dernier n’attendait pas forcément de réponse de sa part. Ces paroles étaient seulement une façon de lui rappeler que rien de ce qui se passait ici n’était fait sans son consentement, qu’elle pouvait toujours choisir et qu’elle le pourrait à tout instant.
Puis il s’éloigna, se dirigeant vers le meuble où il avait préparé son matériel. Cette fois encore, elle refusa d’observer les objets qui y avaient été posés.
Lorsqu’il revint avec une corde nouée de coton rouge, elle la fixa attentivement. Si son ventre se crispa, elle ne sut s’il s’agissait d’appréhension ou bien d’envie.
– Ne t’inquiète pas, souffla-t-il dans son oreille, avant de la lécher doucement.
Elle commença à se languir du contact de ses lèvres contre les siennes.
– Tu connais le « shibari » ? enchaîna-t-il.
Elle secoua la tête. Puis elle se reprit, pour préciser à voix haute :
– Non.
– C’est l’art de ligoter à la japonaise.
Quelques images, imprécises, vinrent à son esprit. Elle le vit se retourner pour poser un instant ses cordages sur une barre de fer horizontale située derrière lui, avant d’ôter son T-shirt d’un geste, la captivant par la vision de ses muscles roulant sous sa peau. Sa carnation était légèrement mate, plus dorée que réellement foncée. Chaque parcelle du corps qui lui était donnée à découvrir l’attirait décidément curieusement… Chaque trait de sa personnalité également, chaque sourire, chaque intonation sombre de sa voix.
– Tu as déjà dû en voir des photos, expliqua-t-il.
En se retournant vers elle, il passa un premier pan de la corde dans le creux du dos de Claire, s’en servant pour l’attirer contre sa poitrine.
– C’est très esthétique, lui souffla-t-il ensuite, se mordant la lèvre inférieure dans un sourire à la gourmandise contrôlée.
Si la tension sexuelle n’avait pas été si intense, elle aurait pu s’amuser de ses attitudes espiègles. Elle n’en fut que troublée. Elle le vit défaire les attaches de son corset puis l’enlever, exposant intégralement son buste à son regard, et elle se sentit plus dénudée encore, qu’elle ne l’était avant, la situation faisant naître en elle un regain de pudeur qu’elle tâcha toutefois de ne pas montrer. Puis, les cordes se croisèrent sur sa poitrine et elle soupira discrètement. Elle observait les gestes de Mathieu, naviguant du regard entre les mains qui passaient sur son corps et les mèches blondes autour de son visage, retournant régulièrement fixer le torse solide devant elle dont les deux tétons étaient d’un rose un peu foncé.
Docilement, elle le laissa réaliser son ouvrage, consciente qu’il s’agissait là de quelque chose qu’elle avait accepté.
Se faire manipuler ainsi était étonnant. Là où elle imaginait un acte de possession presque primaire, le bondage demandait en fait une réelle participation de sa part. Elle devait accepter ce que le dominateur lui faisait, sans pour autant savoir comment il voulait l’attacher, garder ses membres dans la position exacte dans laquelle il les plaçait, les y maintenir. La soumission se révélait ainsi cérébrale, en plus d’être physique, atteignant là son paroxysme : celle de se plier soi-même aux gestes que l’autre désirait.
La technique demandait une réelle expérience, autant dans les entrelacements savants que dans les précautions évidentes qu’il prenait. Elle le voyait mettre parfois les doigts devant sa peau pour ne pas la brûler avant de faire glisser la corde, se passer à d’autres moments de cette protection, le coton tressé frottant alors cruellement au niveau de ses points sensibles, prendre le temps d’éprouver la tension avant de resserrer les liens, ne déplacer ses membres qu’avec douceur, cherchant le meilleur angle, celui qui l’empêcherait de bouger sans la tordre dans une position qu’elle ne pourrait supporter suffisamment longtemps. L’acte apparaissait alors terriblement sensuel.
En observant le visage de Mathieu, elle sentit son esprit s’égarer un instant. À quoi avait bien pu ressembler son initiation à lui, quand il avait 18 ans ? Comment avait-il découvert ce milieu, et pourquoi s’était-il passé plusieurs années, ensuite, avant qu’il n’y revienne régulièrement ? Ce devait être bien jeune pour vivre une telle expérience. Avait-il été dominateur ? Elle ne le croyait pas. Assumer ce rôle demandait d’avoir de réelles connaissances. Un temps, elle s’interrogea sur ce qu’avait pu être sa première expérience, en tant que soumis.
– Tu te poses des questions par rapport à moi ? intervint-il avec un regard amusé.
Elle sortit aussitôt de ses pensées, se retrouvant prise au dépourvu, comme en faute. Elle chercha à savoir que répondre.
– Tu n’as pas de raison de t’inquiéter, anticipa-t-il, avant de prendre un ton plus froid : ne te pose pas de questions.
Puis, un mouvement sec fit remonter ses poignets noués dans son dos, lui coupant un instant le souffle. Elle tâcha de retrouver sa contenance. Se laisser attacher ainsi était réellement surprenant. Le coton tressé rampait sur sa peau comme autant de mains qui y seraient passées, les pans de corde se faisaient autant maintiens que soutiens, l’enserrant, parcourant sa chair en des mouvements chaque fois impossibles à anticiper, parfois trop lents, parfois trop rapides à se resserrer, l’excitant malgré elle à chaque sensation de tension. Fermement maintenus dans son dos, ses bras se retrouvaient désormais immobilisés, tout le haut de son corps lacé dans un corset aux mailles démesurément larges. Des losanges de tailles différentes se formaient sur sa poitrine, passant autour de ses seins. Quel que soit l’angle depuis lequel on l’observait, l’ouvrage se révélait superbe, la couleur rouge du coton mettant en valeur celle laiteuse de sa peau.
Une fois le bondage terminé, il recula d’un pas pour la détailler. Sous son regard, elle se sentit incroyablement désirable. Alors qu’elle essayait de mouvoir ses membres, se rendre compte à quel point elle était vulnérable, soudain, provoqua cependant en elle une certaine angoisse et elle leva des yeux humides vers lui dans un appel à l’aide, sa respiration s’accélérant. Mais il posait déjà les mains sur ses épaules dans un geste rassurant. Son souffle s’apaisa, tandis qu’elle se laissait aller à la sensation de la peau chaude la caressant. Les lèvres qui se posèrent de nouveau dans son cou l’étourdirent légèrement.
– Calme, chuchota-t-il.
Elle expira longuement.
Il passa les doigts sur la peau fine de sa poitrine, s’accrochant aux cordages, faisant se plisser son mamelon dans une expression de fascination. Puis, il glissa les doigts sous deux coins de corde rouge au niveau de ses côtes et l’attira vers lui. De surprise, elle rouvrit les paupières, et l’espace d’un instant, elle eut l’impression qu’il la regardait comme s’il était sur le point de la serrer contre lui. Cela ne dura pas. La lueur dans ses yeux se transforma en autre chose. De plus espiègle.
– Maintenant, on va s’occuper de ces jolies fesses, mademoiselle Clara.
Puis il la fit lentement reculer, sans pour autant cesser de la fixer.
La distance qui les séparait du lit, derrière les voiles sombres, ne fut pas longue à parcourir.
Une fois qu’ils y furent parvenus, elle s’y laissa pousser avec complaisance, tombant étendue sur le dos au milieu d’un matelas dont la fermeté la surprit. Puis, il posa un genou à côté d’elle, la contemplant avec un petit sourire en coin. L’instant suivant, il la retournait brusquement sur le ventre. Elle expira de surprise tandis que sa poitrine s’écrasait contre le matelas, les draps d’un noir profond se révélant rêches contre sa peau sensible. Naturellement, son visage se tourna sur le côté, tandis qu’elle sentait Mathieu retirer son sous-vêtement, la laissant uniquement vêtue de ses bas.
Maintenant qu’elle était allongée, l’angoisse se dissipait. Elle ferma les paupières dans l’abandon. Par les nœuds et les cordes frottant contre sa chair, elle avait l’impression de percevoir encore les mains de Mathieu sur son corps, comme s’il s’agissait de lui qui la frôlait, qui la touchait, la faisant prendre conscience de la façon dont elle se sentait prête, désormais, pour ce qui allait suivre. Au bout d’un moment, elle se demanda pourquoi il restait si longuement immobile derrière elle, lui donnant l’impression qu’il l’observait comme s’il hésitait sur ce qu’il allait faire, qu’il avait du mal à prendre une décision.
Quand il repartit vers le placard, elle ne s’inquiéta cependant pas de savoir ce qu’il avait choisi. Elle ne réagit pas plus en voyant une canne se faire déposer sur le matelas devant son visage. « Des coups », avait-il dit. « Des coups. » Bien que l’objet qu’il venait de sortir n’ait rien de rassurant, bien qu’il ne s’agisse vraisemblablement pas de ce qu’il avait préparé initialement, elle ne s’en soucia pas. Elle savait qu’elle allait avoir mal, il l’en avait avertie.
Lorsqu’il s’assit près d’elle, sa présence sembla l’envelopper. Puis, un produit froid tomba sur ses fesses, la surprenant suffisamment pour la faire frissonner.
– C’est une canne anglaise, expliqua-t-il en glissant un doigt juste entre ses deux globes de chair, y étalant le lubrifiant.
Sentir Mathieu convoiter clairement l’espace le plus intime de son anatomie la fit trembler d’étonnement, en plus de l’exciter dangereusement. Elle se demanda pourquoi il s’intéressait désormais à cette partie de son corps, mais il ne lui laissa pas le temps de se poser plus de questions, lui écartant soudain largement les cuisses. D’envie, elle pressa le visage contre le matelas. Il aurait pu les ouvrir plus encore ; elle n’aurait rien fait pour l’en empêcher. Elle aurait peut-être voulu même qu’il les étire jusqu’à leur paroxysme.
– C’était utilisé avant pour punir les servantes… ce genre de choses, reprit-il. À toi de choisir maintenant si tu veux que je te bâillonne. Je ne voudrais pas que tu te retiennes de crier si tu en as besoin.
Ce disant, il relâcha ses fesses pour attraper un objet posé juste à côté d’elle, la faisant se raidir en en sentant soudainement la matière plastique se presser au niveau de son entrée de chair. Elle essaya de se détendre et enfouit le visage entre les draps du lit, l’angoisse l’étreignant. Elle ignorait de quoi il s’agissait, s’il voulait réellement la pénétrer ainsi… Elle ne s’était pas attendue à un tel geste de sa part, surtout après la manière dont il l’avait caressée auparavant. D’une certaine façon, ce lui sembla cependant logique, c’était un acte tellement dominateur. Qu’il soit associé au rapport qu’ils entretenaient alors n’était pas dénué de sens. Elle se sentait cependant tellement serrée…
Des mouvements rotatifs se firent au niveau de l’entrée de son corps, légers d’abord puis de plus en plus présents, couvrant progressivement l’objet de lubrifiant et, en même temps, lui faisant prendre conscience de sa taille. Bien que cette dernière fût inquiétante, la sensation restait profondément agréable et même de plus en plus tentante, au fur et à mesure que le contact s’intensifiait. Petit à petit, elle commença à se languir de le sentir plonger en elle. Inconsciemment, elle inclina les reins, ignorante de la façon dont le regard de Mathieu s’alluma. Elle pressa son front contre le matelas, sa nuque s’étirant. Puis, enfin, la tension se fit plus forte. De par sa forme, elle comprit qu’il s’agissait d’un plug, le bout de faible diamètre entrant facilement en elle… les premières secondes, alors que l’élargissement qu’imposait le corps de l’objet devenait juste ensuite trop massif. Elle essaya alors de contrôler sa respiration. D’une certaine manière, elle se sentait trop envahie, se retrouvant à la limite de la douleur ; de l’autre, c’était du plaisir que pareille intrusion provoquait en elle, la laissant incapable de savoir ce qu’elle devait ressentir.
Lentement, très lentement, il poussa l’objet dans son corps, l’ouvrant millimètre après millimètre, s’arrêtant parfois pour lui permettre de s’adapter, observant ses paupières serrées, poursuivant juste ensuite. Le dernier passage, plus large, avant que l’objet ne se resserre à son bout la fit étouffer un gémissement. Il fallut une bonne minute pour que la sensation de brûlure s’estompe, mais pourtant, au fond d’elle, elle apprécia d’être ainsi emplie. Elle se sentait comblée, entièrement offerte aux mains de l’homme à qui elle avait décidé de se donner.
Durant tout ce temps, il était resté à détailler son visage, curieux de ses réactions et, d’une manière plus large, de son attitude face à cette session.
Puis la main de ce dernier passa dans la chevelure brune, doucement, et il se leva.
– Je vais te mettre un bâillon, décida-t-il.
Elle se rendit alors compte que, pas une fois, elle n’avait laissé le moindre son sortir de sa bouche. Elle en était même essoufflée.
Lorsque Mathieu revint, le poids de son corps sur le matelas fit bouger autant le plug que le drap qui s’était plissé sous son clitoris lors de l’introduction de ce dernier, la stimulant vivement. Le pouce qu’il glissa entre ses lèvres se fit aussitôt aspirer avec envie. S’il avait mis son sexe dans sa bouche, elle l’aurait sucé avidement ; elle aurait aimé qu’il le fasse : qu’il baise encore sa bouche, comme il l’avait fait précédemment. Puis elle laissa sa mâchoire se faire abaisser. Un mouchoir y fut enfoncé, la surprenant tandis qu’il prenait place au fond de sa gorge. La boule qui suivit, soutenue par un lien de cuir qu’il attacha aussitôt derrière son crâne, finit de la bâillonner.
– Essaye de respirer calmement, indiqua-t-il en glissant un objet rond de taille moyenne entre ses doigts.
Il lui referma la main doucement.
– C’est une sphère de métal, expliqua-t-il. Ouvre la main pour la lâcher et je m’arrêterai. C’est ton safeword, prononça-t-il sur un ton marquant l’importance de l’information.
Elle serra la boule qui lui avait été donnée, en éprouvant le poids. À chaque instant, l’attention que Mathieu lui portait la touchait, la faisant se sentir plus précieuse qu’elle ne l’avait jamais été. Elle aimait tout autant cette attitude que sa manière de la brusquer, d’éprouver ses limites, à chaque seconde. Ce n’était pas raisonné.
En sentant les doigts masculins glisser entre ses fesses jusqu’à la base de l’objet qu’il y avait glissé, elle se crispa. Une légère pression s’y exerça, l’objet plongeant plus profondément à l’intérieur d’elle et elle réagit en se cambrant, le frottement de son sexe contre les draps rêches provoquant en elle une violente décharge d’excitation. À cause du tissu et de la boule gênant le passage de l’air au niveau de sa bouche, elle se retrouva tout de suite à bout de souffle, devant prêter attention à respirer correctement par le nez. Puis il lui écarta plus encore les cuisses et elle gémit sous son bâillon, les draps se plissant de nouveau sous son corps comme elle s’y raidissait. Une seconde, elle faillit lâcher la sphère qu’il lui avait donnée et s’y agrippa de toutes ses forces, perturbée juste ensuite par l’inquiétude qu’elle avait ressentie à l’idée de la faire tomber. Son inclination à se soumettre au plaisir torve que cet homme lui avait promis, la façon dont cette situation l’excitait… tout la dépassait.
– Clara…
Entendre ainsi le nom qu’elle s’était choisi la ramena vers des pensées plus calmes. Elle lâcha un profond soupir. Il passa le doigt sur sa tempe comme s’il devinait ce qui la perturbait.
– Tu n’as pas à réfléchir, poursuivit-il. Tout ce dont il est question ici, c’est de mon plaisir. C’est moi qui aime te voir attachée comme cela. C’est moi qui me plais à te faire gémir dans ton bâillon.
Ce disant, il attrapa du bout des doigts la base du plug pour le faire ressortir presque entièrement, lui envoyant une décharge de douleur mêlée de plaisir plus forte quand la partie la plus large passa son orifice, puis l’y replongea pour y pratiquer quelques allers-retours. Elle se tordit, pantelante.
– C’est moi qui veux te voir, les fesses rougies, craindre autant que désirer mes coups, c’est moi qui veux goûter à ton expression dans ces moments-là. Toi, tu acceptes, tu te plies, tu me laisses jouer avec toi tel que j’en ai envie. Tu t’abandonnes. C’est mon plaisir… et puis le tien aussi, bien sûr. Le tien. Il suffit de te laisser aller. Simplement de te laisser aller.
Puis il poussa plus fortement l’objet la pénétrant, la faisant presser le bassin contre le matelas tandis que le plaisir la lançait brutalement.
– Garde les jambes écartées, indiqua-t-il finalement en se relevant.
Elle ne fut que trop prête à obéir. Le lit bougea encore un peu.
Le bruit rapide qui fendit ensuite l’air la fit à peine réagir. Elle tourna le visage, observant Mathieu manier la canne de rotin dans le vide, en éprouvant la force, l’ampleur du geste et la précision. Sous la lumière rouge pâle de la pièce, ses muscles se contractaient et se tendaient dans une vision superbe, pleine de puissance. Elle n’eut même pas peur de ce qui allait venir. Elle retourna attendre calmement, la tête appuyée sur le matelas.
D’un coup, l’objet tomba en travers de ses fesses.
Le premier impact la surprit. Il avait frappé fort ! Ou alors était-ce la sensation que la canne provoquait ? Elle ne le savait pas, mais elle n’avait pas imaginé quelque chose d’aussi intense pour une première fois. « Rien de trop poussé », avait-il dit. La douleur se révéla toutefois bien inférieure à ce que la force du coup avait suggéré : plus proche d’une piqûre brève que de quoi que ce soit de lancinant. Un instant, elle eut l’impression que l’apparence de l’objet l’avait trompée, que l’acte ne serait pas si difficile à supporter… puis la brûlure, secondaire, perverse, commença à s’étendre, la prenant au dépourvu, se diffusant impitoyablement autour de l’endroit où la canne s’était abattue. Ça faisait mal… Elle lâcha un murmure étouffé par son bâillon.
– Bien, commenta-t-il, l’encourageant à ne pas se retenir.
Elle se força à respirer calmement, de toutes ses forces. La douleur n’atteignit son apogée qu’au bout de plusieurs interminables secondes durant lesquelles elle pensa être incapable de soutenir d’autres coups. Elle ne savait même pas s’il avait vraiment frappé de manière si intense ou s’il ne s’agissait que d’une impression.
Quand elle sentit enfin la brûlure sur le point de redescendre, elle se prépara à se relaxer un peu, mais le deuxième coup tomba juste à ce moment, à peine plus bas, marquant l’arrondi de ses fesses d’une autre zébrure nette. Elle resserra la main sur la sphère métallique, un gémissement sortant de sa gorge.
Plusieurs secondes passèrent, le même nombre, dans une parfaite exactitude, que celui qui avait séparé le deuxième coup du premier.
Puis la canne s’abattit une troisième fois et, de nouveau, elle geignit, son visage se crispant.
Elle ne sut même pas pourquoi elle persista à tenir avec autant d’insistance l’objet que lui avait donné Mathieu. Elle aurait pu le lâcher, à tout instant, rien n’aurait été plus simple : desserrer les doigts et exposer ses mains ouvertes au jeune homme derrière elle. Elle savait qu’il s’arrêterait aussitôt. Rien ne lui en donna pourtant réellement envie, non pas que la souffrance ne fût pas vive, elle était même au-delà de ce à quoi elle s’était attendue, mais il y avait aussi la fierté, l’indicible plaisir de se plier à la volonté de cet homme, la joie de le contenter dans son envie de la voir ainsi. Elle voulait qu’il l’estime pour sa capacité à supporter ce qu’il lui faisait ; elle savait que son désir n’en serait que plus fort. La prendre dans cette position même, écarter sa chair marquée pour y plonger son sexe… C’était ce qu’il lui avait promis. Et chaque coup, chaque décharge douloureuse qu’elle endurait ne l’en rapprochaient que plus. Son corps se serrait autour de l’objet qui y avait été enfoncé, son excitation ne faisant que grandir. Quant à la souffrance qu’elle endurait, elle lui apportait aussi quelque chose d’inestimable, d’indescriptible…
Au fur et à mesure des retombées de la canne, le lien entre elle et Mathieu se tissait. Jamais elle n’avait eu à soutenir pareille épreuve, jamais elle n’y avait été accompagnée avec tant d’attention. Elle était, en cet instant, le monde à elle toute seule, tout tournait autour de ses gémissements et de ses paupières plissées, de sa volonté, de sa force, de la façon dont la sueur perlait au niveau de son front, de l’humidité naissant au coin de ses yeux. Bien qu’une partie d’elle la poussât à réagir contre ce qu’elle était en train de subir, une autre l’acceptait avec délectation, ses pensées s’y diluant.
À chaque coup, elle se déchargeait de toutes les craintes et angoisses qu’elle avait accumulées, de toutes les questions qu’elle s’était trop posées, de toutes ses incompréhensions. La voix obscurcie par les objets enfoncés dans sa bouche, elle n’avait pas besoin d’en retenir les plaintes. La canne était à la fois douleur et libération, lui permettant de se laisser aller : de crier, de haleter et de gémir sous les sensations contradictoires qui se faisaient en elle, chaque impact envoyant des vibrations dans tout le bas de son corps, se répercutant jusqu’au creux de son sexe, tandis que son orifice se resserrait autour de l’objet qui y était plongé. Ce qu’elle ressentait était plaisir autant que souffrance, les deux mêlés de façon inextricable. En elle, l’incroyable était en train de se produire, la longue cadence des impacts se succédant la laissant le cœur battant, soumise, offerte, heureuse de l’être, fière, des picotements parcourant son épiderme comme autant de décharges électriques. Au bout d’un moment, elle ne sentit plus vraiment les coups. Ses fesses étaient une masse bouillante, son corps devenu lourd du plaisir et de la douleur ressentie. Elle ne se rendit même pas compte des larmes qui s’écoulaient maintenant en un mince filet de ses yeux. Elle n’était plus que sens exacerbés. Elle était sensualité, elle était délivrance, elle était corps offert, prêt à être pris. L’objet introduit en elle lui rappelait sa présence en permanence, son clitoris devenu brûlant des frottements contre les draps du lit, lui faisant prendre conscience d’à quel point l’acte auquel elle s’adonnait avec Mathieu était sexuel… Comme s’il lui faisait l’amour. Curieuse et déviante impression. Curieuse…
Puis, d’un coup, comme ça, parce que les miracles existent et que ce qu’il se passait était au-delà de l’explicable, elle sentit l’orgasme se former en elle. Elle ne comprit pas.
Ses cils humidifiés se décollèrent. Sa vision resta floue.
Le dernier impact de la canne. La dernière vibration, la douleur s’étendant… L’objet à l’intérieur de son corps. Son sexe trop stimulé. Sa chair devenue brûlante, le regard de Mathieu juste derrière elle et la sensation forte de sa présence.
Un coup, encore, plus rapproché cette fois, la prenant totalement au dépourvu, et la jouissance déferla, la faisant se raidir alors que son corps se contractait, la brûlait, envoyant des décharges de plaisir dans chacun de ses nerfs. Parce que le bâillon le lui permit, elle gémit sans entraves, le plaisir fulgurant la laissant épuisée, perdue…
Plus rien ne s’abattit sur ses fesses. Seul un murmure parvint à ses oreilles.
– Clara…
Dans la façon dont il souffla son nom, il y eut tout l’éblouissement, l’estime, la fascination liée au fait de l’avoir vue jouir ainsi… de la voir maintenant, son corps pâle étendu sur les draps, lasse, vidée, plus libre qu’elle ne l’avait jamais été dans ses liens et son bâillon. Ses lèvres se posèrent sur sa nuque, la faisant s’abandonner entièrement à leur douceur. Il y avait quelque chose de pervers dans le fait de penser que les mains qui la réconfortaient étaient les mêmes que celles qui l’avaient châtiée. Tout au besoin qu’elle ressentait de la présence de Mathieu, cela lui semblait pourtant curieusement naturel. En cet instant, il était tout pour elle et elle n’avait besoin de rien savoir d’autre.