Un hamburger, des frites et mon cœur avec (8)

Chapitre 8

Jeudi

Mathieu comatait sur son canapé. Il retrouvait enfin un semblant de vie, il avait cessé de vomir tripes et boyaux et de tremper ses draps de sueur tant il avait chaud. Un petit virus instestino-grippal lui avait dit le médecin. Petit… lui, il aurait juré que le truc était mastoc mais bon. Bref, il se sentait déjà mieux même si toujours un peu fébrile. Il avait bu autant d’eau que son estomac pouvait le tolérer et il avait l’impression d’avoir fait une diète d’une semaine quand, en réalité, il ne s’agissait que de deux jours. Mais, il avait eu la force de prendre une douche et de passer un bas de jogging minable et un tee-shirt qui, s’ils ne le rendaient pas élégant, lui permettaient d’être à l’aise, vautré sur son canapé à se faire happer par le troisième épisode d’une téléréalité portant sur des tatoueurs. Il avait un petit faible pour les tatouages, même si là, c’était trop pour lui, mais il trouvait ça vraiment sexy. Quoi qu’il en soit, il ne parvenait pas à se détacher de l’émission, des défis qu’on lançait aux apprentis meilleurs tatoueurs, ni des résultats malheureusement pas toujours probants. Et puis, il n’avait pas grand-chose de mieux à faire et buller comme ça, une fois de temps en temps, n’était pas pour lui déplaire. Ça lui reposait le cerveau à défaut d’autre chose, en tout cas.

Le bruit de sa porte d’entrée qui s’ouvrait attira son attention.

– Mathieu ?

– Dans le salon.

Quelques bruits de pas et David, son voisin du dessus, fit son apparition. Le jeune homme portait encore un costume, signe qu’il revenait juste du boulot.

– Yohan m’a dit de te ramener quelques courses. Il parait que tu es malade.

– On dirait bien.

David l’observa.

– Ouais, t’as une sale mine. Tu as choppé quoi ? Gastro ? En tout cas, je suppose, vu qu’il m’a dit de te prendre du coca, du riz et du jambon blanc.

Et comme il disait cela, il posa un de ses sacs sur la table basse.

– Virus intestino-grippal, d’après le médecin. Ça m’a l’air d’être la même chose.

– Ça va ?

– Oui, j’ai pu me lever, lança Mathieu avec un faux enthousiasme.

– Mais pas lâcher ton plaid.

– Ne soyons pas fous.

David laissa échapper un petit rire. Faisant comme chez lui, il se rendit dans la cuisine et Mathieu l’écouta ouvrir et refermer deux placards avant qu’un bruit de verres ne résonne.

– Faut arrêter de changer les affaires de place dans cette cuisine, l’entendit-il se plaindre.

Cela le fit sourire. David avait un caractère de cochon. C’était un type adorable, sur lequel on pouvait compter mais il n’avait jamais sa langue dans sa poche. Yohan, au contraire, était généralement calme et posé. Les deux allaient terriblement bien ensemble, sans doute pour cela. Ils ne se voyaient pas si souvent que cela, mais se côtoyaient néanmoins régulièrement, suffisamment pour qu’il leur laisse un jeu de clefs afin de récupérer son courrier et arroser ses plantes quand il était absent. Et puis, il leur était arrivé à plusieurs reprises de s’inviter pour un apéro ou un dîner. Et là, tout de suite, l’idée de ne pas avoir à sortir de chez lui pour acheter de quoi manger le réjouissait et lui faisait valider l’importance d’entretenir de bonnes relations avec ses voisins.

– Tu aurais dû appeler, un de nous serait passé avant, reprit David comme il leur servait à tous les deux un verre de coca.

Mathieu se redressa pour attraper le verre. La boisson le tentait terriblement.

– J’allais pas vous emmerder et risquer de vous refiler mon truc.

– Bah, on est résistant.

– C’est ce que je croyais de moi aussi.

– Hum. Remarque, il faut qu’on fasse gaffe avec Hélène, compléta-t-il, comme il prenait place dans un des fauteuils club.

Mathieu ne retint pas un petit rire. Hélène, en dehors d’être sa voisine de palier, était surtout la belle-sœur de David. C’était par son entremise qu’il avait rencontré Yohan. Mais David ne l’aimait pas, ne l’avait jamais aimé et s’il la supportait avec le temps, elle l’exaspérait toujours autant. Lui-même devait reconnaitre qu’elle avait ce petit quelque chose qui lui hérissait bien un peu le poil, même si elle était toujours adorable, polie et souriante. C’était probablement avec cela qu’il avait du mal. Les gens comme ça le dépassaient, sans parler de la tolérance dont elle faisait preuve envers la vieille bique. L’un dans l’autre, il comprenait la réaction de David mais évitait de prendre part au débat.

– Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?

– T’es pas au courant ? Elle est enceinte.

– C’est une super nouvelle.

– Oui, c’est cool, je vais être tonton ! Mais du coup, elle est un peu parano sur tout. Je sens qu’elle va être encore plus chiante que d’habitude. Mais dans l’ensemble, c’est surtout chouette.

– Tes parents doivent être ravis.

– Un peu, ils attendent ça depuis le mariage. Ils les tannent avec l’héritier ou l’héritière depuis deux ans. Nico n’en pouvait plus.

– Il se sent prêt à devenir papa ?

– Je crois qu’il ne réalise pas. Mais Yohan était tout content. Il a déjà booké tous les rendez-vous pour faire les photos de grossesse d’Hélène et immortaliser son prochain neveu ou sa prochaine nièce.

– Tout le monde est ravi donc.

– Oui, j’espère juste qu’il ou elle prendra tout de mon frère et rien d’Hélène, hein !

Il lui adressa un clin d’œil de derrière son verre.

– Tu es affreux !

– C’est une qualité que je cultive. Et toi ? Hormis le vidage de tripes ?

– Moi, rien de bien nouveau. Mais je vais avoir une ligne parfaite pour m’exposer en maillot cet été.

– Ce qui est tout à fait ton genre.

– Parfaitement. Farniente et jolis petits culs.

– C’est un programme sympa. En tout cas, je constate que la maladie n’entame pas ta bonne humeur.

– Il m’en faut plus.

En réalité, il était agacé d’avoir raté le dernier jour de Ludovic et surtout de ne pas avoir eu la jugeote de prendre son téléphone le mardi. Mais, il savait où se renseigner et il avait prévu dès le lundi de passer au restaurant pour l’obtenir. Ce n’était que partie remise.

– Tiens, tu as vu que ta voisine a déménagé ?

Mathieu lui adressa un regard dépité.

– Ouais, t’as pas vu grand-chose ces deux derniers jours hormis ta lunette de toilette, c’est ça ?

– C’est un peu ça.

Ils échangèrent un regard complice.

– Tu crois qu’elle en a eu marre de la vieille ? s’amusa-t-il.

– C’est bien possible. Personnellement, si elle pouvait enfin passer l’arme à gauche, je trouve que la vie dans cet immeuble deviendrait nettement plus agréable.

– Avec un peu de chance, on va avoir un étudiant qui donne dans le gothique, elle nous fera une crise cardiaque.

– J’espère qu’il fera du vaudou. Je suis prêt à me sacrifier pour lui arracher un cheveu s’il le faut.

– J’aime ton sens du sacrifice.

Ils ne retinrent pas un petit rire de connivence. Ils se retrouvaient toujours dans leurs machiavéliques plans/fantasmes pour venir à bout de la vieille grincheuse de service.

David regarda sa montre.

– Allez, je te colle ça au frigo et je rentre.

– Je vais le faire.

David balaya l’objection d’un geste de la main.

– Repose-toi, c’est sur mon chemin. Et appelle s’il y a quoi que ce soit. Yohan a un planning tranquille demain et on ne bouge pas ce week-end.

– Merci. Ça va mieux, je suis sûr que je serai en pleine forme dès samedi.

– Si tu le dis.

Il lui fit un petit signe et, après un détour par la cuisine, quitta l’appartement.

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