L’initiation de Claire – saison 1 (3)

Lentement, le sexe de Mathieu l’envahit, ce dernier poussant des reins jusqu’à parvenir aussi loin qu’il le pouvait. En le sentant cogner contre l’arrière de sa gorge, elle serra les poings contre ses cuisses, les mains cependant proches de plonger vers son entrejambe tant elle sentit son bas-ventre se crisper. Le soupir de contentement que poussa Mathieu l’échauffa dangereusement. Bien qu’elle en fût tentée, elle se garda de toucher le corps se dressant devant elle, ne voulant pas risquer de l’entraver dans ses mouvements. Qu’il prenne sa bouche l’excitait. En percevant une légère vibration contre le mur où elle était adossée, elle ouvrit les yeux pour se rendre compte que Mathieu venait d’y poser le front, les paupières étroitement fermées dans une expression de plaisir. Puis, son membre se retira, doucement, parvenant presque à la sortie de ses lèvres avant de retourner s’enfoncer en elle, y pénétrant assez profondément pour toucher de nouveau le fond de l’espace qu’elle lui offrait. Un autre souffle de plaisir émana de Mathieu. Malgré la gêne, malgré la sensation massive, malgré la conscience, bien que lointaine, des autres présences autour d’elle, elle eut envie de glisser la main sur sa poitrine, le long de son ventre… entre ses jambes ; curieusement. Elle pencha le visage de côté pour percevoir différemment, contre son palais et l’intérieur de ses joues, le frottement qui se mit en place. Ça lui avait toujours plu de sentir un sexe dans sa bouche, la caresse sur ses lèvres, les mouvements de va-et-vient, la douce sensation d’envahissement… C’était excitant et érotique, autant par la stimulation ressentie que par tout ce que cet acte suscitait dans son esprit.

Des mouvements suivirent, longs et incroyablement lents. Claire accepta, supporta, aima la façon dont Mathieu utilisa sa bouche, son corps s’en échauffant impitoyablement.

Soudain, une main se posa sur le côté de son crâne, dans un contact dont la douceur la surprit. La caresse inconsciente trancha totalement avec l’attitude dominatrice qu’avait eue Mathieu jusque-là, ses déhanchements se faisant cependant plus vifs alors que le plaisir grimpait en lui. Le contraste se révélait incroyable. Le trouble, le fait d’être à ce point offerte cumulé à la sensation à l’intérieur de sa bouche… Tout faisait s’enflammer son corps. Les soupirs de Mathieu se firent plus audibles, les mouvements de bassin plus saccadés, plus rapides. Elle avait envie qu’il poursuive ce qu’il faisait, qu’il prenne encore son plaisir à l’intérieur d’elle et qu’il jouisse tout au fond de sa gorge. Les paupières closes, elle appuya le visage contre la main chaude posée sur elle. Les doigts masculins se resserrèrent sur ses cheveux. Elle attendit de sentir la substance tiède l’envahir. Puis, d’un coup, la décharge arriva. Un gémissement léger lui succéda, presque inaudible si elle n’en avait pas été aussi proche. Mathieu crispa la main tandis qu’il se mouvait encore, en des gestes plus hachés, plus imprécis, finissant de drainer son orgasme. Claire déglutit tant qu’il le fallut, attendant patiemment qu’il daigne ressortir de ses lèvres.

Lorsque celui-ci s’immobilisa, elle leva les yeux. Le front de Mathieu reposait contre le mur, ses mèches claires tombant vers le sol alors que son regard fatigué par la force de la jouissance se baissait sur elle.

L’image qu’elle lui offrait, le regard fasciné et les lèvres ouvertes autour de sa verge, eut l’air de l’exciter encore un peu plus. Puis il ferma les paupières.

Son membre mollissant glissa hors de la bouche de Claire, et un ordre lui parvint aux oreilles :

– Ne t’essuie pas.

Elle suspendit son geste, les yeux écarquillés d’incompréhension. Elle sentit le liquide blanc qu’elle n’avait pas entièrement avalé humidifier la commissure de ses lèvres. Même s’il peinait à reprendre son souffle, Mathieu s’était déjà détourné d’elle pour refermer son pantalon. Elle parcourut la pièce du regard, surprise de ne pas se sentir tant gênée en redécouvrant les autres membres. Hormis la femme agenouillée, tous observaient Mathieu avec une désapprobation manifeste.

– Je sais ! coupa-t-il, l’air énervé.

L’instant suivant, il attrapait son carnet noir, n’en feuilletant les pages que plus vivement qu’il ne l’avait fait auparavant. Un crayon qui traînait par là finit entre ses mains.

– Merde, fut tout ce qu’il marmonna alors qu’il barrait d’un grand trait tous les noms qui y figuraient, déchirant le papier tant son geste avait été brusque.

Isabelle fit un pas vers lui.

– Tu ne peux pas !

– Si ! Trouve-leur quelqu’un d’autre !

– Mathieu !

Le cahier atterrit sur la table, y glissant avant de finir son trajet par terre. Perdue, Claire vit Mathieu lui tendre la main, le regard encore hésitant et pourtant doux en se posant sur elle.

Si la façon dont il l’aida à se relever fut vive, il ne la retint ensuite contre son torse qu’avec une attention déconcertante. Puis, lentement, il s’approcha de son visage, humant la peau de son cou et de ses joues, avant de pencher soudain la tête de côté et de nettoyer d’un coup de langue le rebord de ses lèvres. L’ébauche de baiser étourdit légèrement Claire. Les doigts qui enlacèrent ensuite étroitement les siens achevèrent de la troubler. Elle y resserra la main dans un réflexe.

– Viens, murmura Mathieu dans une expression pleine de promesses.

Elle se laissa entraîner hors de la pièce.

Le couloir qui suivait défila rapidement, marqué seulement du son de leurs pas. Au bout d’un moment, Mathieu s’arrêta devant une porte éloignée. Toutes celles qui étaient ici se ressemblaient. Il fouilla dans ses poches. L’endroit était totalement désert et seul le son du trousseau qu’il extirpa brisa le silence. Le sourire que Mathieu lui adressa alors fut aussi radieux que ceux qu’elle lui avait parfois déjà vus. La différence entre cette attitude et celle froide et dominatrice qu’elle avait découverte auparavant la frappa de nouveau.

Elle se laissa accompagner à l’intérieur de la salle. La lourde porte claqua, résonnant longtemps derrière eux.

Le trousseau atterrit sur un meuble disposé contre le mur. Elle observa la pièce tandis que Mathieu soupirait, passant les doigts d’un air las sur son front.

En se tournant pour regarder son visage, elle se rendit compte que le changement s’était de nouveau opéré dans l’autre sens. Malgré le trouble qu’il affichait, il se dégageait de lui la même assurance froide que lorsqu’il l’avait provoquée : celle d’un homme qui savait parfaitement ce qu’il était en train de faire.

Ainsi, elle sut que la session qu’elle avait demandée était sur le point de commencer.

Troisième partie

Troisième partie

– Tu as un safeword ? demanda Mathieu.

Claire eut l’air perdue.

– Non. Bien sûr, poursuivit-il en se frottant les paupières.

Elle le vit se diriger vers un placard. Elle observa le mobilier de la salle, pour beaucoup identique à la chambre aux chaînes suspendues au plafond qu’elle avait vue précédemment, bien que l’atmosphère y soit plus intime. Le métal et le bois dominaient, à l’exception du cuir rouge de quelques meubles et du rideau de voile isolant un large lit tout au fond de la pièce.

– Tu connais le code des couleurs ? reprit-il.

– Non.

– Tu ne connais rien, en fait ?

– Oui.

– Qu’est-ce que tu fais ici alors ?

Comme il s’était tourné vers elle avec une expression d’incompréhension, elle prit quelques secondes pour lui répondre. Elle se décolla du mur où elle avait pris appui et déambula dans la salle. Son regard se porta sur une chaîne pendue un peu plus loin.

– Je veux connaître.

Il eut un sourire. Un son métallique plana tandis que la chaîne qu’elle venait de toucher oscillait lentement.

– Vert, pour ta zone de confort. Ensuite orange, puis rouge si c’est trop pour toi. Quand on te pose la question, tu dis dans quelle zone tu te sens.

Elle prit le temps d’assimiler ces informations. Elle hocha la tête.

– On considère que l’orange est la bonne zone, poursuivit-il avec un sourire plein de sous-entendus.

Après un regard vers lui, elle acquiesça de nouveau. Ni dans sa zone de confort, ni au-dessus de ce qu’elle était prête à tolérer, donc. Elle essaya d’intégrer ce que cette notion impliquait, tandis qu’elle poursuivait sa découverte de la pièce.

Du plafond au sol, plusieurs anneaux étaient fixés. Elle commençait à mieux comprendre ce qui se pratiquait ici. Le banc haut, identique à celui qui l’avait intriguée lors de son exploration de l’étage, l’attira. Elle en examina l’agencement, ainsi que les boutons métalliques qui retenaient l’assise de cuir beige au socle de bois. Puis, elle se pencha en avant de manière à y appuyer le buste et en éprouver le confort.

– Le cheval-d’arçons t’intéresse ? remarqua Mathieu avec un certain amusement.

Suavement, dans une provocation volontaire, elle y grimpa de manière à s’y allonger. Ses genoux et ses coudes trouvèrent place sur les petits appuis situés en dessous de l’assise, ses cheveux noirs retombant sur la matière fraîche où reposait sa joue. Elle tourna la tête vers lui. Il contemplait sa chute de reins et la courbe de ses fesses, si accessibles dans une telle position.

– Tu aimes cette position ?

– Oui.

– Tant que ça ?

Elle eut un moment de réflexion, faisant de nouveau glisser la peau de son visage contre le cuir.

– Je crois que j’ai toujours eu des tendances de soumise.

Puis elle ajouta, sans bouger de sa posture lascive :

– Même si j’ai encore un peu de mal à voir clair dans tout ça.

Mathieu s’interrompit dans ses préparatifs pour se tourner vers elle. Elle s’interdit de regarder les objets qu’il avait commencé à réunir.

– C’est donc quelque chose que tu as remarqué récemment.

– Oui. Enfin, ça ne fait pas bien longtemps que j’y pense sérieusement mais, en réalité, c’est plus ancien. Du moins, je crois. Je ne sais pas.

– Et tu as ?

– Vingt-trois ans.

– Comme moi.

À ce point de la conversation, elle songea que la séance n’était pas encore commencée. Ils en étaient à faire connaissance, à se découvrir.

– Tu es venue seule ?

– Oui.

– Pas de compagnon ou d’amant ?

– Non. Plus, ou pas de façon sérieuse. Je ne suis pas quelqu’un d’« aimable », de toute façon, ajouta-t-elle avec une indifférence feinte.

Elle regretta aussitôt de s’être laissée aller ainsi à la confidence. L’amertume lui était remontée à la gorge. Consciencieusement, elle repoussa cette dernière, puis elle le scruta pour essayer de deviner ce qu’il pensait. En vain. Elle se permit alors de lui poser une question.

– Ça fait longtemps que tu pratiques ce genre de choses ?

Il leva les yeux au plafond, prenant le temps de réfléchir.

– J’ai eu quelques expériences de ce type, quand j’avais 18 ans. C’est jeune, ajouta-t-il en riant à moitié. Mais ça ne fait qu’un an que je le fais plus régulièrement.

– En tant que dominateur.

– En tant que switch.

Elle écarquilla les yeux.

– Ça existe ?

– Bien sûr.

Les traits de Mathieu s’étaient adoucis.

– Pour être sincère, je suis essentiellement dominateur, mais j’aime les deux. C’est différent. L’avantage de pratiquer les deux, c’est de pouvoir facilement se mettre à la place de l’autre, suivant ce que l’on fait, d’anticiper ses réactions… Un bon dominateur devrait d’ailleurs toujours savoir se soumettre. Mais avec toi, ce sera dom’.

Malgré le calme de la conversation et le ton tranquille, elle se sentit soudain gênée. La façon dont le regard de Mathieu s’était assombri était flagrante. Elle se releva du cheval-d’arçons. Il lui semblait avoir commis une faute en s’y étant étendue d’elle-même.

– Déshabille-toi, ordonna-t-il.

Alors, elle obéit. Si aisément. Il lui fut étonnant de constater à quel point elle était prête, désormais, à se remettre entre ses mains, combien elle désirait même lui faire confiance. Du moment où ils s’étaient retrouvés seuls tous les deux, l’atmosphère avait changé. La tension qui avait régné entre eux dans la salle précédente s’était dissipée, laissant plus d’amplitude à la curiosité mutuelle qui était née dès leur rencontre. Elle voulait lui montrer qu’il avait eu raison de la prendre avec lui, qu’elle serait capable de se plier à ses ordres et qu’il n’aurait, à aucun moment, à regretter son choix.

Lentement, ses mains naviguèrent sur le devant de son chemisier, en défaisant les boutons. Elle fit descendre le vêtement de ses épaules, éprouvant la sensation de fraîcheur sur sa peau. Comme elle ne savait pas où le déposer, elle leva les yeux sur Mathieu, et vit qu’il la contemplait avec un intérêt non dissimulé. D’un mouvement de tête, il lui indiqua un meuble bas situé dans un coin. Son chemisier se plissa sur le bois sombre ; sa jupe suivit. Lorsqu’elle fut sur le point de retirer les bas fixés à ses cuisses, un geste l’interrompit : Mathieu avançait d’un pas décidé vers elle. Il détailla le corset court qu’elle portait. Puis, il lissa le rebord fin du tissu recouvrant sa poitrine et glissa son doigt dessous pour en extirper chacun de ses seins, la faisant frémir sous ce contact. Il recula ensuite pour contempler son œuvre, la laissant à demi dénudée dans la trop grande pièce, son corps exposé à l’air comme au regard posé sur elle. Jamais, pourtant, elle ne s’était sentie autant désirable, auparavant. Lorsqu’elle planta le regard dans celui de Mathieu, elle ne fit rien pour lui cacher ce qu’elle éprouvait. Qu’il voie en elle sa volonté et, en même temps, sa fragilité. Qu’il sache qu’elle était prête à s’ouvrir entièrement à lui.

Il resta immobile, la détaillant sans la moindre gêne et, en même temps, avec une pointe d’amusement. La situation semblait particulièrement lui plaire. Il se dirigea ensuite vers un large fauteuil. Ses doigts se posèrent sur les accoudoirs, son corps s’enfonçant dans le cuir mou dont le rouge vif tranchait avec le noir de ses vêtements. Enfin, il lui fit signe d’approcher. Sa voix grave s’éleva quand elle parvint à quelques pas de lui.

– À terre. Jambes écartées. Bras en arrière.

Elle se figea de surprise. Elle tâcha de rester le regard fixé dans celui de Mathieu. Lentement, et comme son cœur battait fortement dans sa poitrine, ses genoux se plièrent. Ses cuisses s’éloignèrent l’une de l’autre. En prenant appui de ses mains derrière elle, elle se rendit compte qu’elle se retrouvait dans une position précaire, son corps se cambrant, sa poitrine tendue et sa respiration faisant monter et redescendre ses mamelons durcis par le froid et l’excitation.

– Préférences ? l’interrogea-t-il, la tête appuyée sur son poing dans une mimique appréciatrice.

Puis il précisa :

– Je n’ai pas eu le temps de lire ta fiche.

Elle refusa de le laisser voir à quel point la situation la perturbait. Après un instant de réflexion, elle tenta :

– Plaisir ?

– Tout n’est que plaisir ici, coupa-t-il avec un rire bref. Tu devrais le savoir. Sexe ?

– Oui.

Le regard de Mathieu s’adoucit.

– Liens, bâillon, bandeau ?

Elle prit une seconde pour répondre. Elle observa le corps du jeune homme assis devant elle et la façon dont ses mèches blondes traversaient l’encre de ses yeux.

– Pas de bandeau.

Puis, après un court instant, elle ajouta :

– Pas de masque non plus.

Il écarta les mains pour lui rappeler qu’il n’avait pas le sien avec lui.

– Tu ne crains ni de te faire attacher, ni de te faire bâillonner ?

Elle aurait voulu éviter de répondre à cette question. Néanmoins, l’attitude autoritaire de Mathieu la convainquit de ne pas persister dans cette voie.

– Il en faut plus pour me faire peur.

Ce n’était pourtant que fanfaronnade. Si elle avait été sincère, elle aurait reconnu que l’idée l’effrayait. Si elle avait été totalement honnête avec elle-même, elle aurait avoué qu’elle l’excitait.

– Pas de marques persistantes, reprit-il. Pas de trucs crades. Rien de trop poussé pour toi puisque c’est la première fois. Si tu sens que ça ne va plus, tu dis « rouge ». À n’importe quel moment. Quoi que l’on fasse. Si je te pose la question sur les couleurs, tu ne me mens pas. Si tu es bâillonnée, je te donnerai quelque chose pour que tu puisses t’exprimer.

Puis il baissa le visage dans une expression plus sombre, empreinte d’une forme de goguenardise.

– Maintenant, il ne t’est plus permis de bouger.

Et le sourire qui se dessina à cet instant sur les lèvres de Mathieu fut autant séduisant que, d’une certaine manière, effrayant.

***

Claire resta coite. L’appréhension, l’inquiétude, la curiosité de savoir ce qu’il se passerait ensuite… Tout faisait battre son cœur, provoquant en elle un émoi inhabituel. Elle le regarda se lever et se diriger vers le meuble proche où il avait réuni son matériel. En le voyant revenir avec une paire de ciseaux, elle eut un moment d’angoisse. Une respiration ample souleva sa poitrine.

– Calme, souffla-t-il en se penchant à son oreille.

Puis il s’agenouilla lentement devant elle. Avec précaution, il réajusta l’emplacement de son corset, le descendant légèrement de manière à ce que le tissu qui avait voilé peu avant sa poitrine ne risque pas de remonter. Il se saisit ensuite de sa culotte pour la tirer et y pratiquer, avec prudence, une fente en son milieu, tandis qu’elle se raidissait avec inquiétude. Puis il se leva pour éloigner la paire de ciseaux. Elle soupira. Quoi qu’il se passe désormais, elle devrait rester avec ce sous-vêtement découpé le restant de la soirée…

Il revint se positionner devant elle, lui adressant un petit sourire en coin, tout en faisant dériver ses doigts sur la courbe de sa gorge, l’arrondi de sa poitrine, le relief de l’un de ses tétons… Puis il descendit progressivement jusqu’à glisser lentement la main au niveau de l’espace humide du bas de son corps. De surprise, elle lâcha un infime son de la gorge et faillit bouger mais s’évertua aussitôt à maintenir la position dans laquelle il lui avait dit de rester. Elle le fixa ensuite, son visage si proche du sien, dans l’attente et la curiosité. Puis, en sentant son index et son majeur s’enfoncer brusquement en elle, elle ferma les paupières. Bien que son sexe soit déjà lubrifié, le geste avait été soudain et la tension forte.

– Garde les yeux ouverts.

Elle obéit, déglutissant en fixant les traits de Mathieu à quelques centimètres seulement de son visage, son regard l’embrasant.

Lorsqu’il ressortit ses doigts pour les faire lentement remonter jusqu’à son grain de chair érigé, elle se mordit la lèvre, fermant de nouveau les yeux sous l’afflux soudain de plaisir, avant de les rouvrir aussitôt, consciente de son erreur. L’ordre se révélait plus difficile à respecter qu’il ne l’avait paru. Étonnamment, son corps se montrait excessivement réceptif, plus qu’il ne l’aurait dû aux prémices de ses caresses. Bien qu’il n’ait encore qu’effleuré son clitoris en quelques mouvements glissants, elle sentait déjà ses cuisses se contracter, son bassin se relever et une boule de chaleur se former dans son bas-ventre. Curieusement, qu’il la touche ainsi lui paraissait pourtant plus anormal que s’il s’était servi de son corps pour son propre plaisir ou que s’il lui avait administré des coups. Il lui semblait qu’il n’avait pas à la caresser, qu’elle aurait dû être celle lui procurant ce type de soins, qu’elle n’était pas à sa place. La totale passivité qu’il avait exigée d’elle ne lui permettait, de plus, aucune porte de sortie. Si elle restait seule à éprouver du plaisir, elle manquait à son rôle et, si elle essayait d’inverser la situation, ce ne pourrait être qu’en fautant gravement puisqu’elle ne respecterait alors pas la consigne qu’il lui avait donnée. À l’arrivée, la situation la perturbait autant que, bien malgré elle, l’excitait. Elle ne s’était pas attendue à un tel acte. Il aurait tant été aisé pour elle de jouer à refuser les gestes de Mathieu, de faire semblant d’être forcée et, plus encore, ne pas avoir à se rendre compte combien chacune de ses paroles et chacun de ses gestes l’affolaient.

Le visage penché, ses mèches blondes masquant en partie la noirceur de son regard, celui-ci semblait se délecter de la vision cruellement érotique qu’elle lui offrait.

Gênée, elle détourna le menton. Il le ramena aussitôt face à lui en le saisissant fermement.

Elle commençait à percevoir ce qu’induisait cet état de soumission. Quoi qu’elle espère, elle ne pouvait pas avoir la maîtrise de ce qu’il se passait, quelle que soit la force avec laquelle elle aurait voulu se convaincre du contraire. Quant au regard posé sur elle, il l’enflammait. Les gestes de Mathieu se firent plus précis. La chaleur enfla entre ses cuisses, et elle ouvrit la bouche plus largement. Les mouvements au niveau de son sexe devinrent plus appuyés. Bien que la gêne restât présente, elle ne pouvait plus le quitter des yeux. Elle sentait encore le goût du liquide âpre avalé au fond de sa gorge, avait toujours l’impression de percevoir la masse qui s’était déplacée contre son palais. Que Mathieu use ainsi de sa bouche l’avait considérablement excitée, l’envie de se toucher qu’elle en avait ressentie la laissant plus sensible qu’elle ne l’avait cru. Au fond d’elle, elle songea à la manière dont ses larges mains pourraient se saisir de ses hanches, la courber, quelle sensation lui procurerait son épais membre en s’enfonçant à l’intérieur de son corps. Qu’il la prenne. Qu’il l’ouvre. Qu’il entre en elle. Elle en avait tellement envie…

Sa tête se renversa en arrière et elle dut lutter pour ne pas fermer les paupières ; ses yeux s’humidifièrent ; sa nuque commença à se raidir tant elle s’arquait. Petit à petit, elle se mit à trembler. La chaleur en elle s’intensifia, quelques contractions s’opérant au niveau de son bas-ventre. Inconsciemment, elle écarta plus largement les cuisses, lui offrant l’entier spectacle de l’émoi de son corps. De discrets gémissements commencèrent à s’évader de sa bouche. Les premiers signes annonciateurs de l’orgasme se firent plus présents, la sensation d’une boule de pur plaisir se constituant dans son ventre, montant… montant irrépressiblement…

Puis, au moment où elle fermait les yeux dans l’arrivée de la jouissance, tout s’arrêta. La présence de Mathieu s’évanouit. Son corps partit presque imperceptiblement en avant comme s’il avait voulu maintenir son contact. Elle rouvrit les paupières aussitôt, s’attendant à ce qu’il reprenne ce qu’il faisait, mais qu’il soit déjà en train de se relever la laissa perdue. Oh non, elle n’avait pas compris avant en quoi constituerait réellement cette session et elle se sentit faible, soudain. Ses muscles étaient encore en train de se raidir, ses cuisses se contractant, tout son être s’élevant en protestation contre cet arrêt inopiné. Son regard se chargea de désarroi. Pas un instant, elle ne rompit cependant la position de soumission dans laquelle son dominateur lui avait dit de rester.

– Bien, commenta-t-il.

Elle ne perçut même pas le ton de félicitation, toute à la souffrance de cet orgasme que son corps ne voulait pas laisser refluer. Elle se sentait bouleversée.

Lentement, douloureusement, ses nerfs attisés finirent par se calmer, la laissant excessivement sensible. Pourtant, la satisfaction d’avoir été capable de supporter ce qu’il venait de lui infliger, de l’accepter, de le subir et d’être encore là, présente et forte, ne viendrait pas encore.

– Lève-toi maintenant.

Elle prit appui sur le sol de ses mains, évitant de le regarder, tant elle était encore confuse. À cause de la position dans laquelle elle s’était tenue et des prémices de l’orgasme, ses jambes étaient devenues faibles, elle ne se sentait qu’à peine la force de s’y hisser. Progressivement, en des gestes mesurés, elle se mit debout, tâchant de trouver son équilibre.

Quelque part en elle, Claire ressentit le besoin d’être réconfortée, rassurée par rapport à cette session qui était en train de se dérouler et qu’elle avait pourtant voulue. Le corps solide qu’elle sentit soudainement contre son buste lui donna envie de s’y appuyer. Lorsqu’il posa les mains sur sa taille, elle se laissa aller entièrement à son contact, à cette présence autant rassurante qu’elle pouvait être grisante.

Expérience vidéoludique

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Bi, M/M/F, SF, trio.

Résumé : Lorsqu’Ixe, joueur ultramédiatisé d’un sport violent de son époque, entre dans une maison close, tout ce dont il a envie est d’oublier un moment ce qui fait son existence.

Expérience vidéoludique

– Ixe, enregistra l’hôtesse, derrière son écran d’ordinateur suspendu.

Le joueur acquiesça. Il prit appui du coude sur le comptoir d’accueil tandis que la femme pianotait rapidement sur son clavier. À l’extérieur du bâtiment, la lumière du soleil brillait vivement, mais celle intérieure était passée en mode « crépuscule », teintant les murs d’un bleu tirant sur le violet.

– Sous quel mode désirez-vous participer ? poursuivit son interlocutrice.

Pehène lui avait expliqué les différentes options : la payante qui lui permettrait de choisir qui il voulait comme partenaire parmi les employés de l’établissement, et son opposée qui le plaçait, lui, temporairement dans la position du « prestataire de services » — Ixe adorait l’expression — et lui permettait une séance gratuite, mais moyennant le fait qu’il se laisse choisir par un client. Et puis il y avait la troisième : la vidéoludique, qui n’était proposée que très rarement et combinait les deux options précédentes dans la mesure où il pouvait coucher avec des membres de l’établissement, mais à condition que ce soit ceux-ci qui le choisissent, lui et les pratiques associées. Dans ce cas, les clients étaient directement les abonnés à la chaîne, la séance y étant retransmise intégralement. Prostitution ou pornographie, donc.

L’hôtesse effectua quelques calculs rapides sur son écran.

– Étant donné votre notoriété, je vous propose la vidéoludique. Votre côte est d’un pour mille ! Ce qui veut dire que…

Ixe l’écouta distraitement. Il tourna la tête vers la femme qui observait leur conversation, plus loin, le pied posé contre le mur derrière elle. Elle portait une robe fendue sur le côté dont l’ouverture montait jusqu’au-dessus de son aine. Un grand homme, vêtu d’un justaucorps matelassé et d’un pantalon large porté bas sur les hanches, s’arrêta devant elle. Ils échangèrent quelques mots à voix basse avant de tourner leurs visages en même temps vers Ixe.

Le joueur sourit, amusé par l’évidence de leur intérêt.

– Va pour la vidéoludique, alors.

Qui moins que lui avait besoin d’argent ? Cependant, la perspective de faire s’étrangler de colère son entraîneur en s’offrant à son public ainsi lui apparaissait comme merveilleusement divertissante, et n’était-il pas justement là pour cela ? Quant à se faire filmer, il en avait suffisamment l’habitude, avec les courses de discball et ces insupportables caméras volantes qui le poursuivaient jusque dans les vestiaires, après les matchs, dans l’infirmerie, dans les entraînements, les meetings, soit dans quatre-vingt-dix pour cent de son existence. Il avait déjà tant montré de lui, que pouvait bien lui importer d’afficher aussi ses fesses ? L’hôtesse avait raison : en plus de le voir régulièrement se massacrer réciproquement avec les autres joueurs, au sens figuré comme au sens propre, le public adorerait le voir se faire baiser.

Ixe sourit quand la femme à la jupe fendue se décolla du mur pour s’approcher de lui en une démarche invitante. Elle avait une longue chevelure noire et un tatouage en forme de Yi-King qui lui descendait du dessous de l’œil jusqu’au milieu de la joue.

– On joue ? lui susurra-t-elle en s’appuyant paresseusement sur le comptoir de l’accueil.

Sous la soie bleue de sa robe, se devinait une chute de reins plongeante. Quant à sa façon de taquiner son index de la pointe de ses dents, Ixe en adora le caractère mutin. Il laissa tomber son visage sur le côté, étirant les lèvres avec amusement.

– Avec plaisir.

Il constata ensuite l’arrivée de l’homme au justaucorps de cuir, qui vint se caler juste de l’autre côté de lui, un peu trop près pour que son geste soit anodin. Leur carnation était typique des habitants de Centrale : ambrée, conséquence de siècles de mélanges ethniques, quand celle d’Ixe affichait la pâleur de la population de la périphérie dont il était issu. Ce dernier savoura le fait d’être ainsi désiré par ceux qui, habituellement, se faisaient acheter.

– Petit joueur de discball a envie de se mêler aux oubliés de la société ? ironisa l’homme.

– Petit joueur de discball a juste envie de s’envoyer en l’air, rit Ixe. C’est que les moments de détente ne sont pas ce que je pratique le plus souvent.

Malgré son ton badin, il savait au fond de lui qu’il en avait juste marre. Marre d’être en représentation constante. Marre de ces fans qui l’adulaient même lors de ses actes les plus répréhensibles. Marre de devoir toujours être ce que le public attendait de lui. Ils le faisaient chier, tous.

– Sonja, se présenta la prostituée.

– Ixe.

Sonja leva les yeux au ciel en éclatant de rire.

– Non, mais qui ne le sait pas ?

Puis elle se dirigea vers l’étage dans un clignement d’œil. L’homme, Mose, comme il se présenterait ensuite dans la cabine de désinfection précédant l’entrée dans la chambre, l’invita à les suivre dans un sourire.

Lorsqu’Ixe découvrit la pièce qui abriterait leurs ébats, sa grandeur fut le premier élément qu’il remarqua. La multitude d’écrans flottants fut le suivant. Il ne voyait s’activer que quelques caméras volantes, mais leur entrée à tous trois était reflétée sous tant d’angles différents que d’autres devaient truffer les divers recoins de la pièce. Dans l’angle supérieur des écrans, Ixe pouvait voir la montée déjà exponentielle des spectateurs se connectant. « Séduit le public », ne cessait de lui répéter son entraîneur. « Fais parler de toi », « crée l’intérêt autour de toi ». Montrer son cul ne faisait certainement pas partie des évènements auxquels songeait celui-ci, mais Ixe trouvait pour sa part délectable d’appliquer ainsi ses recommandations. La société voulait faire de son existence une téléréalité ? Il allait leur donner ce qu’ils voulaient. Mais selon un mode qui ne serait pas celui auquel ils s’attendaient.

D’un pas vers l’arrière, il se laissa plaquer contre le montant du lit à baldaquin quand Sonja s’agenouilla devant lui pour lui défaire son pantalon. Une main passa dans ses cheveux, s’y agrippa, lui fit tourner la tête. Son regard pâle plongea dans deux yeux noirs dans lesquels l’amusement se confondait avec un appétit clairement palpable. Le beau Mose voulait le posséder. Ixe inhala brusquement alors que la bouche de Sonja l’engloutissait d’un coup, mais celle de Mose se posa aussi vite sur la sienne. Le joueur ferma les paupières. Le compteur de spectateurs s’emballa si fortement qu’il n’était plus possible de voir que ses deux premiers chiffres, tant les suivants défilaient rapidement. Mose passa la main sur le torse du joueur, commençant à défaire lentement les attaches métalliques de sa chemise. Celui-ci haletait déjà, le plaisir de la bouche chaude léchant, enveloppant et aspirant son sexe se cumulant à l’excitation de la vision des différentes vidéos de la scène. Sonja avait des lèvres rouges, et les mèches ébène qui bouclaient joliment sur sa joue rehaussaient la beauté de la vue.

Mose écarta d’un coup les deux pans de la chemise d’Ixe, révélant son torse glabre et rayé de cicatrices. Ce dernier exhala alors que Sonja glissait une main derrière ses fesses. En la voyant parcourir leur rondeur, puis s’égarer plus loin entre elles, Mose souffla à l’oreille du joueur :

– C’est ce que tu veux ?

– Je croyais que ce n’était pas à moi de choisir le détail des évènements, se contenta de répondre Ixe, la respiration déjà un peu rapide à cause des caresses de Sonja.

L’expression du grand homme à la peau ambrée n’en fut que plus amusée. Il saisit le joueur par les épaules et le décolla du montant du lit pour l’y faire tomber, ce que ce dernier accepta avec complaisance. La jeune femme attrapa aussitôt le reste des vêtements d’Ixe pour finir de les lui retirer, le laissant seul nu dans la pièce, la pâleur de sa peau tranchant avec le noir des draps, et la clarté de sa chevelure s’y étalant. Une langue darda malicieusement entre les dents de la femme et elle grimpa à quatre pattes au-dessus de lui. De réflexe, Ixe remonta vers le haut du lit, prenant ses aises tout en savourant l’attitude féline avec laquelle elle le dominait. Les doigts de cette dernière passèrent lentement sur le torse du joueur, en éprouvant la douceur et suivant le liseré crémeux des cicatrices que ses années de discball lui avaient laissées. Lorsqu’il leva les mains pour caresser ses hanches, cette dernière les chassa d’une claque, souriant largement quand Mose se mit de la partie en s’asseyant plus haut pour saisir les poignets d’Ixe et les relever au-dessus de lui. Une fois qu’il fut maintenu ainsi, Sonja se mit à rire doucement.

– C’est vraiment ce que tu veux montrer à ton public ? s’amusa-t-elle.

– Peut-être…

Il n’avait pas la tête à y penser sérieusement. Son visage était faiblement tourné sur le côté, ses mèches tombant sur son front dans une image provocante. Tandis qu’il observait Sonja, il se demanda quelle pouvait être son existence. La loi Boran avait institué le droit de chaque prostitué de choisir ses conditions de travail, mais il n’avait pas le sentiment que cela ait eu grande incidence sur leur situation. Quant à ce qu’elle pensait de lui, l’enviait-elle ? Autour d’eux, les écrans flottants faisaient toujours défiler à toute vitesse leurs compteurs de spectateurs. Ixe tendit les lèvres vers celles, rouges, qui se baissèrent vers lui. Doucement, elles se saisirent, leur surface rebondie ne se lâchant que pour revenir se prendre sous un autre angle. Quand Sonja releva finalement la tête, il souleva la sienne vers son cou, lui mordillant la peau.

Mose choisit cet instant pour resserrer les mains sur ses poignets et se pencher à l’envers sur son visage. Lentement, les lèvres de ce dernier prirent les siennes tandis que Sonja descendait sur son torse, faisant frissonner sa peau sur son passage. La poigne de Mose était forte. Ixe appréciait. Les longs doigts de Sonja parcoururent ses bourses, dures, et la chair fine de sa hampe. Lorsqu’elle enroula sa paume autour de cette dernière pour l’y faire glisser, Ixe se détacha des lèvres de Mose, sa nuque se raidissant sous le plaisir montant. Sonja sourit. Rapidement, elle se positionna à califourchon sur lui. Ixe ouvrit le regard, l’observant faire passer la soie bleue de sa robe au-dessus de sa tête. Deux petits seins aux pointes tendues en émergèrent. Un deuxième tatouage, identique au premier, s’étalait du dessous de l’un d’eux jusqu’au bord de son nombril. Sonja prit ensuite appui sur le ventre du joueur, en appréciant la fermeté des abdominaux, puis elle releva ses hanches pour enfourcher sa verge. Progressivement, elle la fit glisser en elle. Ixe se raidit de plaisir. Le sexe de la jeune femme était chaud et son sourire espiègle. Lorsqu’elle commença à se mouvoir, Ixe déplia sa nuque vers l’arrière, offrant sa courbe blanche à Mose qui s’empressa d’y poster la bouche, les lèvres, les dents. Puis le prostitué relâcha les poignets du joueur qui glissèrent par réflexe sur la taille de Sonja, ses doigts s’y resserrant.

– Laisse-le-moi, exigea enfin Mose.

– Pourquoi ? haleta la jeune femme en poursuivant ses longues montées et descentes sur ses cuisses.

Mose ne répondit pas, mais passa la main le long de la mâchoire d’Ixe, sur l’arrondi de ses lèvres, puis plus bas, le long des courbes de son torse pâle, de la dureté de son ventre… jusqu’à s’enrouler autour de la base de son sexe, bloquant Sonja dans ses mouvements. Elle fit la moue.

– Allez, pousse-toi ! rit Mose en se déplaçant pour la bousculer doucement.

La jeune femme lui claqua une main joueuse sur l’épaule.

– Eh !

Puis elle tapa un coup plus fort, mais Mose n’en rit que plus clairement, tout en ôtant rapidement son justaucorps de cuir, offrant à la vision des caméras et au reflet des écrans son torse massif. Dans son regard brillait le désir, le besoin de posséder. Ixe s’y égara un instant, ressentant à quel point il voulait lui-même cette perte de contrôle.

Les doigts de Mose glissèrent dans les cheveux d’Ixe. Ses cuisses puissantes encadrèrent les épaules de ce dernier. Son pantalon large se baissa. Son sexe se dressa, tendu, à l’orée des lèvres du joueur qui ne se fit pas prier pour en profiter. La main d’Ixe partit, se posa sur la fesse ferme en la poussant vers lui, et il ferma les paupières. Sonja escalada le dos de Mose en lui mordillant la nuque, curieuse du va-et-vient que faisait le sexe de son collègue à l’intérieur de la bouche du joueur.

– Affreux, ce que ça m’excite ! gémit-elle en se mordant la lèvre. Tu veux que je te le prépare ?

Tout à la fascination de son membre allant et venant entre ces deux chairs roses, Mose parvint à répondre. Sa main caressa doucement la joue d’Ixe.

– Oui.

Sonja bondit à côté du joueur. D’un coup, elle lécha langoureusement la joue de ce dernier, bifurquant au passage pour joindre sa bouche et remonter le long de la hampe qui s’y mouvait. Puis elle sauta, légère, au pied du lit et écarta les cuisses du jeune homme pour plonger les doigts entre ses fesses. De réflexe, le poing de ce dernier se resserra sur les draps noirs. Mose se releva avec un petit coup d’œil sur l’activité de sa partenaire. Il ôta son pantalon.

– Comment il est ?

– Serré. Juste comme tu aimes.

Puis elle se mit à genoux pour enduire largement ses doigts d’un produit lubrifiant. Ixe se raidit quand elle poussa au niveau de son endroit le plus intime. Durant quelques instants, Mose observa ces deux membres roses aller et venir dans le corps du joueur, la manière dont les abdominaux de ce dernier s’en contractaient et la vision fascinante de son visage détourné dont quelques mèches en bataille en rehaussaient la sensualité. Alors que Sonja donnait un petit coup de langue sur le bout du sexe de ce dernier, le corps d’Ixe eut un tressautement, le faisant rire. Il se redressa alors soudain pour enlacer Sonja en roulant sur lui-même dans le mouvement. Elle se retrouva sur le dos, Ixe la dominant avec un sourire amusé.

Puis doucement, celui-ci descendit sur son corps, embrassa les pointes roses de ses seins, y fit rouler ses doigts, baisa lentement chaque ligne de son tatouage, tandis que Mose s’emparait du pot de lubrifiant pour en enduire son sexe. Les minuscules caméras volantes de la pièce tournèrent, cherchèrent le bon angle. La langue d’Ixe pénétra entre les deux petites lèvres, lécha doucement. Sonja lâcha un miaulement retenu, ses doigts cherchant l’appui du matelas. Puis Mose, pesamment, posa les deux genoux derrière Ixe, baisa sa nuque, glissa les mains sous son ventre pour relever son bassin. Une fois les fesses de ce dernier juste à bonne hauteur, il plaça son membre dur à leur entrée et poussa longuement. Un souffle émana des lèvres d’Ixe. Son crâne s’enroula vers le matelas, faisant frôler ses mèches claires contre le drap. Plus vive qu’un chat, Sonja lui échappa, se retournant pour lui présenter son arrière-train. Durant un moment, elle regarda les deux hommes s’activer, les mouvements lents du bassin de Mose, ses cuisses qui se contractaient, le plaisir évident, massif, d’Ixe à chacune des poussées qui se faisaient en lui. Puis elle fit un clin d’œil à son partenaire et celui-ci saisit brusquement Ixe par les épaules, le redressant en le tirant vers lui. Enfin, Sonja recula pour s’empaler sur le sexe libéré de ce dernier.

Cette fois, Ixe gémit profondément. Les paupières fermées, il posa une main sur les hanches de Sonja, l’autre derrière lui, sur la tête de Mose qui dévorait son cou.

– Merde, haleta-t-il.

Il ne s’était pas attendu à une telle combinaison. Chacun des membres de ce trio était en train de perdre ses moyens : Sonja, pantelante, une main entre ses cuisses pour se caresser en accord avec ses mouvements de bassin. Mose dont la tête se tendait vers l’arrière, Ixe dont tout le corps était devenu tremblant, les muscles faibles et dont les gémissements s’envolaient sans plus aucune retenue dans la pièce.

Puis, lorsqu’il fut évident que ce dernier était sur le point de jouir, la voix de Sonja s’éleva.

– Mose ! l’avertit-elle, dans l’urgence.

– Oui.

Les mouvements de ce dernier se firent plus rapides, plus rapprochés, plus violents. Sonja se cala automatiquement sur son rythme, donnant de brusques coups de reins vers l’arrière exactement en même temps que Mose lançait ses hanches vers l’avant. Ixe perçut la jouissance monter, monter… Le visage de Sonja se plaqua contre le drap dans le plaisir, sa main se resserrant contre son clitoris tandis que son corps se contractait et soudain tout devint blanc. Le plaisir explosa. Ixe s’effondra sur elle tandis que les affres de la jouissance le dévoraient et que Mose continuait à aller et venir fortement en lui, cherchant son propre orgasme, majorant celui du joueur et, enfin… enfin, il les rejoignit en quelques mouvements non retenus.

Lorsqu’Ixe rouvrit les paupières, il était allongé sur le dos, le visage de Sonja sur sa poitrine et Mose accoudé à ses côtés, les yeux fixés sur les écrans flottants de la pièce.

– Regarde, dit ce dernier.

Les écrans s’étaient figés, cessant d’afficher les images de leurs ébats pour faire apparaître un total de chiffres dont plusieurs clignotaient en rouge. Ixe se rendit compte qu’il s’agissait du bilan du nombre de spectateurs et de la part réciproque que cette partie de jambe en l’air leur avait permis de remporter.

Il se sentit pris de vertige.

Connerie de la vie. Il venait de gagner plus d’argent en une heure qu’à chaque fois qu’il risquait sa peau dans un nouveau match de discball.

Casting-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo hétérosexuel, érotique.

Résumé : Du culot, Mél n’en manque pas lorsqu’elle se présente pour la première fois au casting d’un tournage porno. Quand un acteur célèbre s’intéresse de très près à sa séance, elle sent cependant que, pour garder son professionnalisme, ce sont bien d’autres ressources qu’elle va devoir trouver en elle…

Casting-moi

La caméra tournait, son objectif dirigé vers le divan sur lequel Mél était assise, inquisiteur.

Debout, le caméraman régla le plan, vérifia l’éclairage et fit la netteté. Puis il leva le nez vers Mél.

– C’est la première fois, alors ?

– Oui.

– Tu es anxieuse ?

Elle jeta un œil à l’acteur qui se trouvait à côté du caméraman. Appuyé du coude à l’épaule de ce dernier, la tête penchée légèrement de côté, il l’observait, mais pas directement : il fixait son image à travers l’écran.

– Non.

Curieusement non, d’ailleurs. D’une manière surprenante, elle ne se sentait presque pas intimidée.

Lorsque l’acteur leva les yeux sur elle, par-dessus la caméra, elle fut néanmoins pétrifiée.

Elle se garda bien de le montrer.

Elle avait déjà eu l’occasion de voir cet acteur à l’œuvre dans quelques vidéos sur le net, en fait. La mâchoire forte, les mains épaisses, et la clarté de son regard tranchant avec sa peau mate, il représentait l’un de ces mecs inaccessibles auxquels on ne se permet guère de songer qu’en fantasmes. En le voyant de si près, elle pouvait pourtant dire que ses films ne lui faisaient pas tout à fait honneur. Ils magnifiaient sa puissance sexuelle, certes, mais sans offrir de fenêtre sur sa personnalité. Elle n’avait pas vu l’amusement dans le regard avec lequel il la dévisageait, sur l’instant.

Elle n’avait pas perçu l’humain derrière l’icône érotique.

Dès les premières images qui étaient passées de lui sur son écran d’ordinateur, elle avait éprouvé pour lui un attrait inédit. Elle n’était pas spécialement amatrice de cinéma pornographique, mais l’une de ses amies lui avait envoyé des liens par email en la priant de toute urgence de les suivre. Son principal argument, de choc, avait été le fait qu’enfin, il y avait de quoi baver sur un protagoniste masculin, sans que celui-ci ne soit réduit aux seuls gros plans de son sexe, argument dont Mél avait pu vérifier la pertinence avec émoi. Dans le tout premier film, il initiait au sexe hard une jolie brune tatouée de partout. L’image léchée et l’aspect décadent de l’ensemble lui avaient particulièrement plu. Dans le dernier, il se faisait chevaucher alternativement par trois superbes amazones dont les expressions de plaisir n’égalaient pas, en intensité, la sensualité des siennes.

Les jours suivants, elle avait eu des retours d’excitation qui l’avaient fait se liquéfier dans tous les lieux les moins appropriés, jusqu’à la caisse de la supérette, rien qu’en repensant à certaines scènes de ces films. Caïn, parce que là était son nom de hardeur, y était magnifique de prestance et de force érotique ; pas le genre de type qu’elle se serait attendue à rencontrer en se présentant dans cette petite boîte de vidéo, donc, et certainement pas qu’elle aurait imaginé s’arrêter ainsi devant sa prise de vue.

Qu’elle puisse garder sa contenance, sur l’instant, avait même de quoi la sidérer. Quelqu’un pouvait lui expliquer comment on était censé faire face à un type vous ayant offert au moins quatre fabuleux orgasmes par procuration ? Si elle affichait une maîtrise d’elle-même, celle-ci n’était que toute défensive, face à l’individu devant lequel elle se trouvait.

– On va commencer simplement, reprit le caméraman. Tu vas te déshabiller et puis te caresser. Tu peux faire ça ?

Mél répondit oui de la tête, sans lâcher Caïn du regard. Celui-ci leva sa tasse de café à ses lèvres, tout en reportant son attention sur l’écran de la caméra, de l’autre côté de l’objectif, le coude toujours posé sur l’épaule du professionnel qui la filmait.

La situation était inédite pour elle, mais sans s’éloigner trop encore de ce qu’elle connaissait. Cela faisait plusieurs années, déjà, qu’elle s’exhibait pour des photos de nus. Sa rencontre avec le milieu du sexe s’était faite progressivement, d’abord en posant comme modèle auprès d’étudiants aux Beaux-Arts, puis en se dirigeant peu à peu vers des prises de vues moins sages. Elle avait laissé sa campagne natale pour monter poursuivre ses études dans une université parisienne. Les loyers étaient chers, les logements minuscules, et les quelques extras qu’elle se faisait ainsi lui permettaient de vivre décemment. Lorsque l’un de ses photographes habituels lui avait parlé d’un casting vidéo pour une nouvelle production, elle s’était laissée conquérir par la curiosité, sans pour autant déterminer jusqu’où elle voulait aller. Elle avait juste décidé de faire l’essai.

Sans montrer sa gêne — ses séances de nu répétées avaient fini par la réduire, mais sans jamais l’éteindre pour autant —, Mél se déshabilla. Elle fit passer son t-shirt Hard Rock Café au-dessus de sa tête, déboutonna son jean râpé, désagrafa son soutien-gorge… Lorsqu’elle fit glisser ce dernier le long de ses bras, elle releva la tête, remarquant que le caméraman avait toujours l’œil fixé sur son écran, mais que Caïn s’était mis à la regarder directement. D’un geste rapide, elle ôta son pantalon puis ses derniers vêtements. Elle n’eut pas honte d’exhiber sa légère toison sombre, pas plus que d’écarter les cuisses en se rasseyant sur le fauteuil. Elle poussa même l’audace jusqu’à poser un pied sur l’accoudoir et fut surprise par la mimique appréciatrice qui se peignit sur le visage de Caïn. Son regard la captivait avec tant de force qu’elle ne parvenait plus à s’en détacher.

Ni lui ni le caméraman ne disaient mot, certainement pour ne pas la mettre mal à l’aise, bien qu’il soit évident que Caïn n’avait rien à faire là. Avec sa tasse dans la main et sa tenue décontractée, il paraissait plus être passé pour saluer des connaissances que dans un but professionnel. Comme elle tardait à se lancer, le caméraman l’interrogea :

– Tu veux que Caïn s’en aille ?

Puis il pivota vers ce dernier.

– Caïn, eh, tu n’as pas des trucs à faire, là ?

Mél observa le sourire faussement innocent que l’acteur lui servit, l’air de dire que, non, il n’avait spécialement envie de bouger.

Elle prit la parole :

– C’est bon. Ça ira.

Ce ne serait pas si différent des photos auxquelles elle s’était accoutumée, après tout : il suffirait d’ajouter le mouvement à la pose, et puis elle ne voulait pas sembler manquer de professionnalisme. Cependant, là n’était pas la principale raison de son intervention pour le faire rester : la vérité, c’était que la présence de Caïn la troublait d’une manière trop exaltante pour qu’elle veuille y échapper.

Lentement, elle posa la main sur son sexe, naviguant vers les reliefs connus de son corps sans lâcher l’acteur du regard. Lorsqu’elle commença à effleurer sa chair sensible, ses paupières se fermèrent néanmoins et sa nuque se crispa vers l’arrière tandis que ses doigts plongeaient en l’intimité de son bas-ventre, en recueillant la moiteur avant de remonter sur son clitoris. La pulpe de ses doigts se pressa contre sa chair érigée par l’excitation et elle l’y fit glisser doucement, mordant ses lèvres sous l’afflux soudain de plaisir. Sa conscience du public l’observant majorait ses sensations.

Son épaule se raidit, sa main s’étira comme pour se délier d’un long engourdissement, et elle ouvrit la bouche pour faire entrer plus d’air dans ses poumons, avant de pratiquer de petits cercles du bout des doigts. Les premiers temps, elle n’osa pas rouvrir les yeux, se contentant d’offrir le spectacle qui lui était demandé tout en se concentrant sur ses propres sensations, puis elle trouva le courage d’affronter la caméra, rencontrant son objectif, proche, dans une vision brutale. Son regard partit de réflexe sur Caïn et elle fut surprise en découvrant la manière dont il la fixait. Contre toute attente, elle eut le sentiment qu’il la désirait. Sa main ralentit et elle adressa une expression perdue au caméraman. Caïn intervint :

– Il faut aller l’aider.

Il souriait en disant ça, comme s’il venait de sortir une bonne blague. Troublée, Mél vit le caméraman tourner un visage gentiment réprobateur vers lui.

– Fous-lui la paix, va.

– Je peux toujours y aller…

Cette fois, l’expression du caméraman se transforma en étonnement.

– Vraiment ?

– Oui.

Caïn paraissait toujours s’amuser. Le caméraman haussa les épaules, plus amical qu’autre chose.

– Vas-y.

Mél était restée coite, suspendue à leur conversation, et elle n’eut même pas le temps d’atterrir que Caïn vidait déjà sa tasse de café pour se diriger vers elle.

– Tu as besoin d’un coup de main ?

Elle ne sut que répondre, impressionnée par la soudaineté de son approche. Elle était à la limite du rictus nerveux, même : on devait lui faire un canular, en fait. Quand le visage de Caïn parvint à quelques centimètres seulement du sien, elle eut un mouvement de recul qui se transforma d’une manière incontrôlable en une tension lascive proche de la liquéfaction, et elle laissa même retomber de côté son genou dans une invitation réflexe à s’étendre sur elle.

Un sourire aux lèvres, Caïn la dévisagea, de ses yeux clairs dans lesquels pointait une note d’amusement. Le reste n’était que faim.

Puis il fit le dernier geste qu’elle aurait attendu sur l’instant : il se pencha brutalement et captura ses lèvres, les pinçant pour attirer son visage à lui, et provoquant en elle un profond affolement alors qu’il l’embrassait avec une fougue aussi vive qu’éphémère.

Elle n’eut même pas la possibilité de se reprendre qu’il saisissait déjà ses deux cuisses pour la tirer d’un coup vers lui, ramenant ses fesses vers le rebord du canapé avant d’embrasser brusquement ses seins, puis son ventre, puis de lui relever tout aussi vite les jambes. Sa bouche fut alors sur son sexe et le gémissement profond qu’elle exhala témoigna autant de sa surprise que de la force du plaisir qui s’empara d’elle.

Le contact de sa langue la fit se cambrer, et sa chair se couvrir de frémissements, tant et si bien que, lorsqu’il la relâcha, elle était moite et offerte entre ses bras, et elle aurait même pu oublier la présence de la vidéo si le caméraman ne s’était pas rappelé à elle.

– Vous voulez aller plus loin ?

Caïn répondit à sa place :

– Oui.

Non seulement elle fut incapable de réagir, mais la vision soudaine de son torse, surgissant de sous son t-shirt enlevé précipitamment, acheva de la projeter dans le vertige.

– Tu as déjà couché avec un mec comme moi ? lui demanda-t-il en continuant à se déshabiller.

Elle le vit défaire sa ceinture, déboutonner son jean, l’ôter, puis exhiber de son boxer un sexe dressé dont elle n’avait guère vu de semblable que de l’autre côté d’un écran. La situation était stupéfiante sur tous les plans… Une seule réponse lui vint :

– Non…

Il l’embrassa de nouveau, saisit son cou d’une main avant de glisser les doigts tout au bas de son ventre pour la pénétrer doucement. Elle se pinça les lèvres.

Le visage de Caïn était tout contre le sien et son souffle lui chatouillait la joue.

– Tu veux ? poursuivit-il.

Elle déglutit. L’excitation se fit plus pressante en elle.

Le caméraman tournait autour d’eux, sa présence devenant envahissante, soudain.

– On peut essayer de faire quelques plans, commenta-t-il.

Elle le regarda, trouvant, sur l’instant, plus facile de lui répondre… plus aisé de se raccrocher aux exigences professionnelles quand les actes de Caïn, dans leur intégralité, l’ébranlaient.

– Oui, dit-elle.

– Tu n’as vraiment jamais eu de sexe pour une vidéo ? insista le caméraman.

– Non…

Elle avait presque perdu l’habitude d’en avoir, en réalité… Du moins, à deux. Ça paraissait fou d’en prendre conscience d’un coup, mais oui : elle se déshabillait pour les photos, elle usait même de sex-toys, parfois, mais dans des images immobiles. Le temps passant, son activité sexuelle annexe avait fini par la couper jusqu’aux rencontres qu’elle aurait pu faire. Il y avait ses études, d’un côté, ses petits boulots de l’autre, et elle était tant prise par l’un et par l’autre qu’elle avait fini par ne même plus se dénuder devant un homme sans que ce soit régi par un intérêt pécuniaire.

Pas que ce soit différent cette fois-ci, cependant. Non ? Elle attendait bien de cette séance qu’elle lui ouvre des portes sur le plan professionnel…

Elle se rendit compte qu’elle ne savait plus. Le fait de se retrouver dans cette séquence d’essai, soit pour laquelle aucune rémunération n’avait été évoquée, la sortait déjà de son cadre usuel ; l’attitude de Caïn avec elle, aussi…

Surtout l’attitude de Caïn, en réalité.

Lorsqu’il se remit à caresser son clitoris, elle gémit plus fortement, les mouvements de ses doigts la projetant au bord de l’explosion. Le caméraman dit quelque chose à ce moment-là, mais elle ne le comprit pas, tant le plaisir la possédait. Elle accueillit juste les lèvres qui plongèrent avec voracité dans son cou comme elle accueillit le déferlement de l’orgasme : avec envie, trouble et abandon, et laissa ses gémissements d’extase s’évader vers les micros qui l’enregistraient.

Elle cherchait encore à reprendre son souffle quand Caïn se retourna vers le caméraman.

– Tu veux quoi ? demanda-t-il.

– Comme tu le veux ! répondit celui-ci avant de s’adresser à Mél : comme tu le veux, toi, aussi.

Elle hocha de la tête, même si elle aurait été bien en peine, alors, de prendre la moindre initiative.

– Tu veux me caresser ? lui proposa Caïn.

Elle baissa le regard sur son sexe, ses yeux s’élargissant aussitôt sous la vision. Ça aurait été une honte de refuser une telle proposition.

– Oui.

Ses doigts s’y dirigèrent même seuls.

Le contact du gland doux, sous son épiderme, suscita un certain émoi dans sa poitrine. Celui de la pesanteur de son membre en induit un qui alla se nicher directement dans son bas-ventre. Lorsqu’elle releva la tête sur le visage de Caïn, elle fut happée par son expression d’envie. Doucement, elle se mit à caresser sa verge, sans lâcher des yeux son regard. Les vagues de plaisir qui le traversaient par intermittence étaient d’un érotisme captivant.

Quand les mains de Caïn se posèrent sur ses épaules pour la renverser sur le canapé, elle se laissa faire avec complaisance. Quand il tira sur ses hanches pour rapprocher son bassin de l’accoudoir, elle n’opposa pas plus de résistance. Elle le suivit juste du regard tandis qu’il allait s’emparer d’une protection et l’enfilait sur son sexe. Le sourire qu’il lui adressa avant de reprendre la parole fut intensément séduisant.

– Je vais y aller doucement.

Elle acquiesça, la gorge serrée.

– Tu as un mec ? lui demanda-t-il soudain.

La surprise l’envahit.

– Non.

– Tu as des aventures ?

Ce questionnement la perturba et elle sentit la gêne crisper ses lèvres. La prise de conscience de la misère sexuelle de sa vie la mettait mal à l’aise.

– Je crois que j’ai perdu l’habitude d’avoir des rapports non tarifés. Enfin…

En se rendant compte du sens de ses mots, elle voulut se rattraper, affligée.

– Je veux dire, je… ne me prostitue pas…

Elle n’insista pas. Elle avait atteint son quota de bêtises sorties pour la journée.

Caïn la fixait plus gravement, les sourcils foncés. Après un temps de silence, il caressa ses seins, suivant leur forme du bout de son doigt. De par la position dans laquelle il l’avait installée, le bassin de Mél était surélevé par l’accoudoir et son corps reposait, abandonné, sur l’assise du canapé.

– Dis-moi si je te fais mal, chuchota-t-il.

– Oui…

Elle le contempla avec fascination alors qu’il glissait les mains sur ses cuisses pour les lui remonter plus haut. L’appréhension se fit en elle en sentant son sexe se positionner à l’entrée de sa chair humide, et elle respira plus rapidement jusqu’à ce que, d’un coup, il commence à la pénétrer. L’intrusion, forte, la fit renverser le visage en arrière en exhalant un souffle de surprise. Caïn engagea cependant son sexe jusqu’au bout et ils se retrouvèrent tous deux, la respiration hachée, à marquer une pause au plus fort de leurs corps mêlés. Puis Caïn se recula et, lorsqu’il se renfonça d’un coup, Mél éprouva une si forte excitation à sentir sa verge ainsi en elle, l’étirant et la comblant, qu’elle ouvrit sur lui un regard dans lequel s’exprimait toute l’intensité de son émoi.

Des va-et-vient suivirent et, si la tension resta particulièrement importante, le plaisir l’accompagna très vite, une sensation massive, autant mentale que physique, qui alla grandissant, la faisant trembler, gémir, alors que les mouvements de Caïn s’accéléraient, faisant s’élever aussi la voix de ce dernier : ces gémissements qu’elle avait entendus dans les vidéos, mais qui lui paraissaient alors si vrais, si purs, si différents, comme s’il vibrait vraiment d’extase à être en elle, comme si la jouissance ne se trouvait plus pour lui qu’à quelques coups de reins. Alors, elle se redressa sur un coude et chercha son contact, lança la main vers l’avant pour tenter de le toucher, elle aussi, et hoqueta en le sentant la soulever brusquement par les fesses. Dans un réflexe, elle s’accrocha à son cou pour ne pas tomber et se retint avec difficulté tandis qu’il allait encore vivement en elle, étirant sa chair de son membre dur et se mouvant plus vite, l’appuyant sur le dossier du canapé où elle peina à trouver un appui pour sa main tandis qu’il s’enfonçait encore et encore en elle. Puis leurs bouches se trouvèrent dans un baiser entrecoupé de râles, et le visage de Caïn ne s’écarta qu’au tout dernier instant pour haleter sa jouissance, tremblant contre ses lèvres sous la force de son orgasme. Il ne ralentit ses mouvements que progressivement. Alors qu’il se retirait d’elle, Mél s’agrippa de son mieux au sofa pour ne pas se casser la figure et accueillit avec stupeur le rire du caméraman ; elle était parvenue à oublier sa présence.

– Tu parles d’un pro, s’esclaffait celui-ci.

Caïn se mit à rire de concert.

– Non, mais je te rappelle que je ne suis pas censé bosser ici !

– Ouais ouais… N’empêche que je t’ai connu plus endurant !

– C’est sûr…

Tous deux furent pris d’une hilarité si forte, et si complice, que Mél put voir des larmes de rire s’échapper des yeux de Caïn.

– Toute une carrière à reconstruire, commenta ce dernier en se débarrassant de son préservatif.

– Au moins…

Le caméraman reporta son attention sur son matériel. Son expression redevint sérieuse et, même, épatée.

– N’empêche que c’était chaud !!! Oh putain !

– Ouais, confirma Caïn, l’air rêveur.

Et, lorsqu’il se tourna vers elle pour lui adresser un sourire, ses yeux brillaient d’une lueur qui la toucha profondément. Elle commençait vraiment à se sentir stupide d’avoir mis tout ce temps sa propre vie sexuelle entre parenthèses.

Elle commençait à se sentir, aussi, stupide de rêver aussi fort, d’un coup, qu’il puisse se passer plus entre eux que cette seule rencontre.

– Va falloir en faire quelque chose, de cette vidéo, reprit le caméraman. On ne peut pas la laisser comme ça.

Mais Caïn ne regardait plus qu’elle, et elle ne pouvait plus se détourner de ses yeux.

– Tu permets qu’on se prenne une douche ? intervint-il.

– Ouais, accepta le caméraman, concentré par la séquence qu’il était en train de repasser, et depuis laquelle Mél pouvait entendre leurs gémissements mêlés.

Elle attrapa dans un élan instinctif la main que Caïn lui tendit.

Il lui sourit.

– Tu viens avec moi dans la douche ?

Mél le contempla, autant captivée par la douceur de son expression qu’hésitante sur ce qu’elle devait répondre. Il n’y avait pas besoin de réfléchir, toutefois. Une seule réponse s’imposait.

– Oui.

Elle lui rendit son sourire.

Et, alors que Caïn lui tendait un peignoir, elle songea que, peut-être, cette douche ne serait pas innocente. Et qu’elle non plus ne serait pas tarifée. Et que c’était bien, aussi, finalement.

Et que c’était très bien comme ça.