Expérience vidéoludique

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Bi, M/M/F, SF, trio.

Résumé : Lorsqu’Ixe, joueur ultramédiatisé d’un sport violent de son époque, entre dans une maison close, tout ce dont il a envie est d’oublier un moment ce qui fait son existence.

Expérience vidéoludique

– Ixe, enregistra l’hôtesse, derrière son écran d’ordinateur suspendu.

Le joueur acquiesça. Il prit appui du coude sur le comptoir d’accueil tandis que la femme pianotait rapidement sur son clavier. À l’extérieur du bâtiment, la lumière du soleil brillait vivement, mais celle intérieure était passée en mode « crépuscule », teintant les murs d’un bleu tirant sur le violet.

– Sous quel mode désirez-vous participer ? poursuivit son interlocutrice.

Pehène lui avait expliqué les différentes options : la payante qui lui permettrait de choisir qui il voulait comme partenaire parmi les employés de l’établissement, et son opposée qui le plaçait, lui, temporairement dans la position du « prestataire de services » — Ixe adorait l’expression — et lui permettait une séance gratuite, mais moyennant le fait qu’il se laisse choisir par un client. Et puis il y avait la troisième : la vidéoludique, qui n’était proposée que très rarement et combinait les deux options précédentes dans la mesure où il pouvait coucher avec des membres de l’établissement, mais à condition que ce soit ceux-ci qui le choisissent, lui et les pratiques associées. Dans ce cas, les clients étaient directement les abonnés à la chaîne, la séance y étant retransmise intégralement. Prostitution ou pornographie, donc.

L’hôtesse effectua quelques calculs rapides sur son écran.

– Étant donné votre notoriété, je vous propose la vidéoludique. Votre côte est d’un pour mille ! Ce qui veut dire que…

Ixe l’écouta distraitement. Il tourna la tête vers la femme qui observait leur conversation, plus loin, le pied posé contre le mur derrière elle. Elle portait une robe fendue sur le côté dont l’ouverture montait jusqu’au-dessus de son aine. Un grand homme, vêtu d’un justaucorps matelassé et d’un pantalon large porté bas sur les hanches, s’arrêta devant elle. Ils échangèrent quelques mots à voix basse avant de tourner leurs visages en même temps vers Ixe.

Le joueur sourit, amusé par l’évidence de leur intérêt.

– Va pour la vidéoludique, alors.

Qui moins que lui avait besoin d’argent ? Cependant, la perspective de faire s’étrangler de colère son entraîneur en s’offrant à son public ainsi lui apparaissait comme merveilleusement divertissante, et n’était-il pas justement là pour cela ? Quant à se faire filmer, il en avait suffisamment l’habitude, avec les courses de discball et ces insupportables caméras volantes qui le poursuivaient jusque dans les vestiaires, après les matchs, dans l’infirmerie, dans les entraînements, les meetings, soit dans quatre-vingt-dix pour cent de son existence. Il avait déjà tant montré de lui, que pouvait bien lui importer d’afficher aussi ses fesses ? L’hôtesse avait raison : en plus de le voir régulièrement se massacrer réciproquement avec les autres joueurs, au sens figuré comme au sens propre, le public adorerait le voir se faire baiser.

Ixe sourit quand la femme à la jupe fendue se décolla du mur pour s’approcher de lui en une démarche invitante. Elle avait une longue chevelure noire et un tatouage en forme de Yi-King qui lui descendait du dessous de l’œil jusqu’au milieu de la joue.

– On joue ? lui susurra-t-elle en s’appuyant paresseusement sur le comptoir de l’accueil.

Sous la soie bleue de sa robe, se devinait une chute de reins plongeante. Quant à sa façon de taquiner son index de la pointe de ses dents, Ixe en adora le caractère mutin. Il laissa tomber son visage sur le côté, étirant les lèvres avec amusement.

– Avec plaisir.

Il constata ensuite l’arrivée de l’homme au justaucorps de cuir, qui vint se caler juste de l’autre côté de lui, un peu trop près pour que son geste soit anodin. Leur carnation était typique des habitants de Centrale : ambrée, conséquence de siècles de mélanges ethniques, quand celle d’Ixe affichait la pâleur de la population de la périphérie dont il était issu. Ce dernier savoura le fait d’être ainsi désiré par ceux qui, habituellement, se faisaient acheter.

– Petit joueur de discball a envie de se mêler aux oubliés de la société ? ironisa l’homme.

– Petit joueur de discball a juste envie de s’envoyer en l’air, rit Ixe. C’est que les moments de détente ne sont pas ce que je pratique le plus souvent.

Malgré son ton badin, il savait au fond de lui qu’il en avait juste marre. Marre d’être en représentation constante. Marre de ces fans qui l’adulaient même lors de ses actes les plus répréhensibles. Marre de devoir toujours être ce que le public attendait de lui. Ils le faisaient chier, tous.

– Sonja, se présenta la prostituée.

– Ixe.

Sonja leva les yeux au ciel en éclatant de rire.

– Non, mais qui ne le sait pas ?

Puis elle se dirigea vers l’étage dans un clignement d’œil. L’homme, Mose, comme il se présenterait ensuite dans la cabine de désinfection précédant l’entrée dans la chambre, l’invita à les suivre dans un sourire.

Lorsqu’Ixe découvrit la pièce qui abriterait leurs ébats, sa grandeur fut le premier élément qu’il remarqua. La multitude d’écrans flottants fut le suivant. Il ne voyait s’activer que quelques caméras volantes, mais leur entrée à tous trois était reflétée sous tant d’angles différents que d’autres devaient truffer les divers recoins de la pièce. Dans l’angle supérieur des écrans, Ixe pouvait voir la montée déjà exponentielle des spectateurs se connectant. « Séduit le public », ne cessait de lui répéter son entraîneur. « Fais parler de toi », « crée l’intérêt autour de toi ». Montrer son cul ne faisait certainement pas partie des évènements auxquels songeait celui-ci, mais Ixe trouvait pour sa part délectable d’appliquer ainsi ses recommandations. La société voulait faire de son existence une téléréalité ? Il allait leur donner ce qu’ils voulaient. Mais selon un mode qui ne serait pas celui auquel ils s’attendaient.

D’un pas vers l’arrière, il se laissa plaquer contre le montant du lit à baldaquin quand Sonja s’agenouilla devant lui pour lui défaire son pantalon. Une main passa dans ses cheveux, s’y agrippa, lui fit tourner la tête. Son regard pâle plongea dans deux yeux noirs dans lesquels l’amusement se confondait avec un appétit clairement palpable. Le beau Mose voulait le posséder. Ixe inhala brusquement alors que la bouche de Sonja l’engloutissait d’un coup, mais celle de Mose se posa aussi vite sur la sienne. Le joueur ferma les paupières. Le compteur de spectateurs s’emballa si fortement qu’il n’était plus possible de voir que ses deux premiers chiffres, tant les suivants défilaient rapidement. Mose passa la main sur le torse du joueur, commençant à défaire lentement les attaches métalliques de sa chemise. Celui-ci haletait déjà, le plaisir de la bouche chaude léchant, enveloppant et aspirant son sexe se cumulant à l’excitation de la vision des différentes vidéos de la scène. Sonja avait des lèvres rouges, et les mèches ébène qui bouclaient joliment sur sa joue rehaussaient la beauté de la vue.

Mose écarta d’un coup les deux pans de la chemise d’Ixe, révélant son torse glabre et rayé de cicatrices. Ce dernier exhala alors que Sonja glissait une main derrière ses fesses. En la voyant parcourir leur rondeur, puis s’égarer plus loin entre elles, Mose souffla à l’oreille du joueur :

– C’est ce que tu veux ?

– Je croyais que ce n’était pas à moi de choisir le détail des évènements, se contenta de répondre Ixe, la respiration déjà un peu rapide à cause des caresses de Sonja.

L’expression du grand homme à la peau ambrée n’en fut que plus amusée. Il saisit le joueur par les épaules et le décolla du montant du lit pour l’y faire tomber, ce que ce dernier accepta avec complaisance. La jeune femme attrapa aussitôt le reste des vêtements d’Ixe pour finir de les lui retirer, le laissant seul nu dans la pièce, la pâleur de sa peau tranchant avec le noir des draps, et la clarté de sa chevelure s’y étalant. Une langue darda malicieusement entre les dents de la femme et elle grimpa à quatre pattes au-dessus de lui. De réflexe, Ixe remonta vers le haut du lit, prenant ses aises tout en savourant l’attitude féline avec laquelle elle le dominait. Les doigts de cette dernière passèrent lentement sur le torse du joueur, en éprouvant la douceur et suivant le liseré crémeux des cicatrices que ses années de discball lui avaient laissées. Lorsqu’il leva les mains pour caresser ses hanches, cette dernière les chassa d’une claque, souriant largement quand Mose se mit de la partie en s’asseyant plus haut pour saisir les poignets d’Ixe et les relever au-dessus de lui. Une fois qu’il fut maintenu ainsi, Sonja se mit à rire doucement.

– C’est vraiment ce que tu veux montrer à ton public ? s’amusa-t-elle.

– Peut-être…

Il n’avait pas la tête à y penser sérieusement. Son visage était faiblement tourné sur le côté, ses mèches tombant sur son front dans une image provocante. Tandis qu’il observait Sonja, il se demanda quelle pouvait être son existence. La loi Boran avait institué le droit de chaque prostitué de choisir ses conditions de travail, mais il n’avait pas le sentiment que cela ait eu grande incidence sur leur situation. Quant à ce qu’elle pensait de lui, l’enviait-elle ? Autour d’eux, les écrans flottants faisaient toujours défiler à toute vitesse leurs compteurs de spectateurs. Ixe tendit les lèvres vers celles, rouges, qui se baissèrent vers lui. Doucement, elles se saisirent, leur surface rebondie ne se lâchant que pour revenir se prendre sous un autre angle. Quand Sonja releva finalement la tête, il souleva la sienne vers son cou, lui mordillant la peau.

Mose choisit cet instant pour resserrer les mains sur ses poignets et se pencher à l’envers sur son visage. Lentement, les lèvres de ce dernier prirent les siennes tandis que Sonja descendait sur son torse, faisant frissonner sa peau sur son passage. La poigne de Mose était forte. Ixe appréciait. Les longs doigts de Sonja parcoururent ses bourses, dures, et la chair fine de sa hampe. Lorsqu’elle enroula sa paume autour de cette dernière pour l’y faire glisser, Ixe se détacha des lèvres de Mose, sa nuque se raidissant sous le plaisir montant. Sonja sourit. Rapidement, elle se positionna à califourchon sur lui. Ixe ouvrit le regard, l’observant faire passer la soie bleue de sa robe au-dessus de sa tête. Deux petits seins aux pointes tendues en émergèrent. Un deuxième tatouage, identique au premier, s’étalait du dessous de l’un d’eux jusqu’au bord de son nombril. Sonja prit ensuite appui sur le ventre du joueur, en appréciant la fermeté des abdominaux, puis elle releva ses hanches pour enfourcher sa verge. Progressivement, elle la fit glisser en elle. Ixe se raidit de plaisir. Le sexe de la jeune femme était chaud et son sourire espiègle. Lorsqu’elle commença à se mouvoir, Ixe déplia sa nuque vers l’arrière, offrant sa courbe blanche à Mose qui s’empressa d’y poster la bouche, les lèvres, les dents. Puis le prostitué relâcha les poignets du joueur qui glissèrent par réflexe sur la taille de Sonja, ses doigts s’y resserrant.

– Laisse-le-moi, exigea enfin Mose.

– Pourquoi ? haleta la jeune femme en poursuivant ses longues montées et descentes sur ses cuisses.

Mose ne répondit pas, mais passa la main le long de la mâchoire d’Ixe, sur l’arrondi de ses lèvres, puis plus bas, le long des courbes de son torse pâle, de la dureté de son ventre… jusqu’à s’enrouler autour de la base de son sexe, bloquant Sonja dans ses mouvements. Elle fit la moue.

– Allez, pousse-toi ! rit Mose en se déplaçant pour la bousculer doucement.

La jeune femme lui claqua une main joueuse sur l’épaule.

– Eh !

Puis elle tapa un coup plus fort, mais Mose n’en rit que plus clairement, tout en ôtant rapidement son justaucorps de cuir, offrant à la vision des caméras et au reflet des écrans son torse massif. Dans son regard brillait le désir, le besoin de posséder. Ixe s’y égara un instant, ressentant à quel point il voulait lui-même cette perte de contrôle.

Les doigts de Mose glissèrent dans les cheveux d’Ixe. Ses cuisses puissantes encadrèrent les épaules de ce dernier. Son pantalon large se baissa. Son sexe se dressa, tendu, à l’orée des lèvres du joueur qui ne se fit pas prier pour en profiter. La main d’Ixe partit, se posa sur la fesse ferme en la poussant vers lui, et il ferma les paupières. Sonja escalada le dos de Mose en lui mordillant la nuque, curieuse du va-et-vient que faisait le sexe de son collègue à l’intérieur de la bouche du joueur.

– Affreux, ce que ça m’excite ! gémit-elle en se mordant la lèvre. Tu veux que je te le prépare ?

Tout à la fascination de son membre allant et venant entre ces deux chairs roses, Mose parvint à répondre. Sa main caressa doucement la joue d’Ixe.

– Oui.

Sonja bondit à côté du joueur. D’un coup, elle lécha langoureusement la joue de ce dernier, bifurquant au passage pour joindre sa bouche et remonter le long de la hampe qui s’y mouvait. Puis elle sauta, légère, au pied du lit et écarta les cuisses du jeune homme pour plonger les doigts entre ses fesses. De réflexe, le poing de ce dernier se resserra sur les draps noirs. Mose se releva avec un petit coup d’œil sur l’activité de sa partenaire. Il ôta son pantalon.

– Comment il est ?

– Serré. Juste comme tu aimes.

Puis elle se mit à genoux pour enduire largement ses doigts d’un produit lubrifiant. Ixe se raidit quand elle poussa au niveau de son endroit le plus intime. Durant quelques instants, Mose observa ces deux membres roses aller et venir dans le corps du joueur, la manière dont les abdominaux de ce dernier s’en contractaient et la vision fascinante de son visage détourné dont quelques mèches en bataille en rehaussaient la sensualité. Alors que Sonja donnait un petit coup de langue sur le bout du sexe de ce dernier, le corps d’Ixe eut un tressautement, le faisant rire. Il se redressa alors soudain pour enlacer Sonja en roulant sur lui-même dans le mouvement. Elle se retrouva sur le dos, Ixe la dominant avec un sourire amusé.

Puis doucement, celui-ci descendit sur son corps, embrassa les pointes roses de ses seins, y fit rouler ses doigts, baisa lentement chaque ligne de son tatouage, tandis que Mose s’emparait du pot de lubrifiant pour en enduire son sexe. Les minuscules caméras volantes de la pièce tournèrent, cherchèrent le bon angle. La langue d’Ixe pénétra entre les deux petites lèvres, lécha doucement. Sonja lâcha un miaulement retenu, ses doigts cherchant l’appui du matelas. Puis Mose, pesamment, posa les deux genoux derrière Ixe, baisa sa nuque, glissa les mains sous son ventre pour relever son bassin. Une fois les fesses de ce dernier juste à bonne hauteur, il plaça son membre dur à leur entrée et poussa longuement. Un souffle émana des lèvres d’Ixe. Son crâne s’enroula vers le matelas, faisant frôler ses mèches claires contre le drap. Plus vive qu’un chat, Sonja lui échappa, se retournant pour lui présenter son arrière-train. Durant un moment, elle regarda les deux hommes s’activer, les mouvements lents du bassin de Mose, ses cuisses qui se contractaient, le plaisir évident, massif, d’Ixe à chacune des poussées qui se faisaient en lui. Puis elle fit un clin d’œil à son partenaire et celui-ci saisit brusquement Ixe par les épaules, le redressant en le tirant vers lui. Enfin, Sonja recula pour s’empaler sur le sexe libéré de ce dernier.

Cette fois, Ixe gémit profondément. Les paupières fermées, il posa une main sur les hanches de Sonja, l’autre derrière lui, sur la tête de Mose qui dévorait son cou.

– Merde, haleta-t-il.

Il ne s’était pas attendu à une telle combinaison. Chacun des membres de ce trio était en train de perdre ses moyens : Sonja, pantelante, une main entre ses cuisses pour se caresser en accord avec ses mouvements de bassin. Mose dont la tête se tendait vers l’arrière, Ixe dont tout le corps était devenu tremblant, les muscles faibles et dont les gémissements s’envolaient sans plus aucune retenue dans la pièce.

Puis, lorsqu’il fut évident que ce dernier était sur le point de jouir, la voix de Sonja s’éleva.

– Mose ! l’avertit-elle, dans l’urgence.

– Oui.

Les mouvements de ce dernier se firent plus rapides, plus rapprochés, plus violents. Sonja se cala automatiquement sur son rythme, donnant de brusques coups de reins vers l’arrière exactement en même temps que Mose lançait ses hanches vers l’avant. Ixe perçut la jouissance monter, monter… Le visage de Sonja se plaqua contre le drap dans le plaisir, sa main se resserrant contre son clitoris tandis que son corps se contractait et soudain tout devint blanc. Le plaisir explosa. Ixe s’effondra sur elle tandis que les affres de la jouissance le dévoraient et que Mose continuait à aller et venir fortement en lui, cherchant son propre orgasme, majorant celui du joueur et, enfin… enfin, il les rejoignit en quelques mouvements non retenus.

Lorsqu’Ixe rouvrit les paupières, il était allongé sur le dos, le visage de Sonja sur sa poitrine et Mose accoudé à ses côtés, les yeux fixés sur les écrans flottants de la pièce.

– Regarde, dit ce dernier.

Les écrans s’étaient figés, cessant d’afficher les images de leurs ébats pour faire apparaître un total de chiffres dont plusieurs clignotaient en rouge. Ixe se rendit compte qu’il s’agissait du bilan du nombre de spectateurs et de la part réciproque que cette partie de jambe en l’air leur avait permis de remporter.

Il se sentit pris de vertige.

Connerie de la vie. Il venait de gagner plus d’argent en une heure qu’à chaque fois qu’il risquait sa peau dans un nouveau match de discball.

Un fiancé presque parfait

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/F, hot.

Résumé : « Tu m’évites. »
[…]
« Oui, admet-il. Constant t’a demandé en mariage et tu as accepté.
— Et alors ?
— Et alors, je me suis dit que tu avais peut-être besoin d’entraînement avant de lui jurer fidélité. »

Un fiancé presque parfait

Comme chaque matin, devant le miroir de la salle de bains, il apporte la touche finale à sa tenue. Il enroule la cravate autour de son cou et sa respiration se fait tout de suite plus rapide. Les extrémités satinées sont nouées de ses mains légèrement tremblantes. Le nœud glisse vers sa gorge et sa bouche s’assèche. La cravate serrée et ajustée, il la lisse de sa paume et se fait violence pour arrêter son geste à l’endroit où attacher la pince. Il a envie de poursuivre plus bas, comme à son habitude, et de s’occuper de son érection.

Les bruits d’agitation qui proviennent du salon l’en dissuadent. Il a un peu trop traîné au lit et s’est fait griller la priorité dans la salle de bains par ses colocs. Bientôt Constant quittera l’appartement pour aller travailler et laissera Fred seul avec Nadia alors qu’il a réussi à éviter le face-à-face depuis près de trois semaines. Le fil de ses pensées le fait sourire : jusqu’au mois dernier, il aurait pris son temps en espérant qu’elle le rejoigne et le trouve ainsi, la main rapide sur sa queue, essoufflé, déjà rouge d’avoir une cravate trop serrée à son cou. Nadia l’a initié à l’asphyxie érotique, et l’a rendu accro. Pourtant, il ne devrait plus y jouer avec elle, même si l’acte est moins savoureux en solitaire.

La porte d’entrée claque. Fred sait qu’il devrait quitter la pièce, simuler qu’il est en retard, se dépêcher de ramasser ses affaires pour quitter l’appartement. Néanmoins, il préfèrerait éviter de parader au milieu de leur salon avec la bosse évidente qui déforme son pantalon. Il se presse un peu plus contre le rebord du lavabo dans l’espoir de calmer son excitation. Ces quelques instants d’hésitation sont suffisants pour ruiner ses résolutions. La porte de la salle de bains coulisse dans son dos et, dans le miroir, Fred voit Nadia s’appuyer contre le chambranle et le détailler de la tête au pied. Il ne se prive pas d’en faire autant – prend note de sa nuisette qui joue sur la transparence, si courte qu’il devine la naissance de son sexe et l’absence même d’une culotte.

Il mentirait s’il prétendait que la situation ne le fait pas frissonner de désir.

« Tu m’évites. »

L’accusation met quelques secondes à prendre son sens tant Fred est perdu dans sa contemplation. Il se retourne pour lui faire face et prend appui sur le lavabo. La position rend son érection encore plus évidente et il s’amuse du bref moment où le regard de Nadia s’y égare. Elle frotte doucement ses cuisses l’une contre l’autre.

« Oui, admet-il. Constant t’a demandé en mariage et tu as accepté.

— Et alors ?

— Et alors, je me suis dit que tu avais peut-être besoin d’entraînement avant de lui jurer fidélité. »

Nadia a un rire léger, comme s’il venait de faire un lapsus à la fois adorable et embarrassant. Elle fait un pas en avant et refait coulisser le panneau pour les enfermer dans la pièce. Fred s’imagine qu’il devrait se sentir menacé, mais le regard gourmand qu’arbore Nadia éveille bien d’autres souvenirs et sensations en lui. Elle s’approche et Fred la laisse s’arrêter à un souffle de son visage. Il ne ressent pas la pression de son corps contre le sien, mais il ne s’en faut que d’un petit pas. Il est certain que le tissu de son pantalon frôle la peau de Nadia et qu’elle ne cherche qu’à tester sa détermination.

Du bout des doigts, elle joue avec sa cravate, la caressant doucement tout en remontant vers sa gorge. Fred déglutit de façon audible lorsqu’elle en ajuste le nœud, la resserrant encore un peu sous sa pomme d’Adam. La pression n’est pas désagréable – loin de là si l’on devait se fier à son érection – mais il ne peut plus l’ignorer.

« Tu as des problèmes avec ta conscience ? Parce que moi pas. Constant est sans aucun doute l’homme idéal pour me marier. Il est romantique, je suis folle amoureuse de lui et mes parents l’adorent.

— Tes parents m’adorent aussi.

— On pourrait presque croire que tu es jaloux », s’amuse Nadia.

Fred se contente d’un bref geste négatif de la tête. Nadia et lui sont amis depuis trop longtemps pour confondre leur alchimie sexuelle avec de l’amour. Et il pourrait renchérir sur la perfection de Constant. Il se redresse, achevant de coller son corps à celui de Nadia et passe un bras autour de sa taille. Alors qu’il fait glisser sa main sous ses fesses, elle se cambre pour lui faciliter l’accès. Du bout des doigts, il atteint son vagin et le caresse un court instant avant d’enfoncer les premières phalanges de son index et de son majeur. La position n’est certainement pas confortable pour Nadia, mais elle pousse un grognement satisfait.

« Tu es encore trempée, remarque Fred. Tu viens de t’envoyer en l’air avec lui, ça ne t’a pas suffi ? »

Alors qu’il cherche à repérer la serviette la plus proche pour s’essuyer la main, Nadia se dépêche de saisir son poignet pour l’en empêcher. Puis, en un geste agressif, elle porte ses doigts à la bouche et les suce brièvement.

« Il m’a fait l’amour, oui. Mais, même si j’apprécie son côté romantique, j’ai besoin de me faire baiser. »

Fred finit de se redresser et, de sa main libre, saisit Nadia à la taille avant de la faire pivoter pour inverser leurs positions. Il aperçoit une légère grimace de douleur sur son visage lorsqu’il la plaque contre le lavabo, mais elle se remet vite de sa surprise et passe la langue sur ses lèvres tout en poussant un soupir ravi.

« Tu pourrais simplement lui proposer. »

Malgré sa suggestion, il glisse déjà sa main droite entre les cuisses de Nadia jusqu’à son genou, puis la soulève pour l’asseoir sur le meuble. Il la sent se contracter à cause du froid de la surface contre sa peau brûlante ; elle se détend néanmoins rapidement, écartant les jambes pour permettre à Fred de se caler entre. Sans ménagement, il plonge trois doigts en elle et accompagne le va-et-vient sec de sa main de coups de rein prometteurs. Nadia lui caresse la nuque et Fred est certain que, si elle le pouvait, elle ronronnerait de contentement. Toutefois, elle n’est pas encore ivre de plaisir, pas encore réduite à de simples gémissements, et se décide à lui répondre :

« Parce qu’un mec adepte du missionnaire, qui trouve que notre vie sexuelle est pimentée quand je le suce deux fois la même semaine ou qui ne doit même pas savoir que l’anus est une zone érogène va très bien accepter mes requêtes ? »

Vexé qu’elle soit encore si loquace, Fred place sa main gauche au creux des reins de Nadia et l’attire vers lui. Elle se retrouve les fesses presque dans le vide et le dos courbé, avec sa tête appuyée contre le miroir. Il sort les doigts de son autre main de sa chatte et les fait glisser le long de son périnée. Il profite du liquide vaginal qui enduit ses phalanges pour forcer son majeur dans l’anus de Nadia. Dans le reflet du miroir, il voit ses orteils qui se contractent tandis qu’elle gémit de plaisir :

« Putain, ce que ça me manque…

— Dis-le-lui.

— Quoi donc ? Que je veux qu’il me force à me mettre à quatre pattes comme une chienne et qu’il m’encule, qu’il me traite de salope ? Ou que j’adorerais l’attacher et qu’il me laisse l’étrangler quand il jouit ? »

Fred acquiesce sans vraiment y réfléchir. Nadia lui a déjà dit tout ça, et bien plus. Ils ont déjà fait tout ça, et bien plus. Il sait de première main que Constant n’est pas si innocent qu’elle le croit et qu’il pourrait la combler s’ils osaient simplement se parler et tomber les masques. En attendant, il ne va pas se priver de cette opportunité.

« Tu gardes des préservatifs par ici ? »

Il a lâché Nadia pour tenter de déboutonner son pantalon, mais il n’est pas gaucher et il se sent maladroit. La pause un peu trop longue sans réponse lui fait relever les yeux vers Nadia qui le regarde d’un air surpris.

« Tu as couché avec quelqu’un depuis la dernière fois ?

— Un mec, avoue-t-il en s’efforçant de rester vague. On s’est protégés, mais toi et Constant… »

Il s’arrête, surpris à son tour, en réalisant que, malgré son inspection profonde, il n’a pas trouvé la moindre trace de sperme en Nadia.

« Ne me dis pas que vous attendez le mariage pour virer les capotes ? »

Nadia lève les yeux au ciel et le relance :

« Tu veux continuer à jouer les conseillers matrimoniaux ou tu comptes me baiser comme j’en ai envie ? »

Fred sait reconnaître un ton de défi et a bien l’intention de le relever. Il se contente d’ouvrir sa braguette, d’abaisser l’élastique de son boxer et de libérer son sexe. Il s’en saisit d’une main et marque une courte pause, le regard baissé entre leurs corps, alors que son gland repose à l’entrée du vagin de Nadia. Son côté sadique a envie de la torturer un peu, de glisser entre les lèvres, de chatouiller son clitoris et de la faire supplier. Mais il a déjà assez résisté et l’idée de la baiser sans plus tarder l’emporte. D’un mouvement de hanches, il s’enfonce en elle jusqu’à la garde et lui impose aussitôt un rythme rapide.

Pendant deux ou trois minutes, il n’entend que les claquements de leurs corps, les hoquets de plaisir de Nadia et le bruit d’un flacon qui roule au sol. Nadia a les yeux fermés, savourant chaque instant. Elle ressentira les effets de cette baise pendant plusieurs jours : sa tête cogne contre le miroir, le bas de son dos doit frotter le bord du lavabo à chaque mouvement et Fred sent les parois de sa chatte se détendre sous la violence de ses coups de reins.

Alors qu’il va bientôt jouir, ses fesses se contractent et il perd peu à peu le rythme qu’il imposait. Il voit Nadia ouvrir les yeux et le jauger. Elle soulève le haut de son corps et accroche d’une main l’épaule de Fred. Il est obligé d’ajuster leur position, pliant les genoux pour permettre à Nadia de s’asseoir davantage.

Dès qu’il la sent prête, il reprend ses va-et-vient, le besoin de jouir devenant pressant. À peine quelques secondes plus tard, il sent les mains de Nadia caresser sa cravate. Elle s’arrête au niveau de la pince. Fred baisse la tête juste à temps pour la voir la détacher et la jeter au sol. Il s’était habitué à la pression contre sa gorge et se crispe lorsqu’elle se fait plus forte. Nadia fait tourner la cravate pour qu’elle pende dans son dos, entre ses omoplates. Le frottement lui laisse l’impression qu’on lui brûle le cou. Le coude de Nadia se soulève à trois reprises et le tissu comprime de plus en plus sa trachée. Pour l’avoir vu faire de nombreuses fois, Fred sait que Nadia vient d’enrouler la cravate autour de son poing et qu’elle va s’en servir pour l’étrangler. Il espère que Nadia est assez baisée à son goût parce que son propre orgasme est imminent.

Le souffle de plus en plus court à chaque mouvement, Fred chasse son plaisir. Et Nadia est redevenue volubile :

« En fait, tu ne t’inquiètes pas pour mon couple, le nargue-t-elle. Tu aimes quand on s’envoie en l’air mais, si Constant était partant, je suis sûre que tu t’imagines bien entre nous deux. »

L’air se fait rare, précieux, et Fred sent ses jambes flageoler, ses yeux rouler sous ses paupières, mais a encore assez de présence d’esprit pour acquiescer. Constant lui a aussi fait ce genre de remarques et il visualise, en effet, parfaitement la scène : debout, comme à cet instant, avec Constant, les doigts enroulés autour de son cou, qui impose la cadence à laquelle Fred pourrait baiser Nadia. Ou attaché à leur lit avec Nadia et Constant se servant de sa bouche à tour de rôle…

Nadia relâche la tension de la cravate un bref instant, permettant à Fred d’avaler une goulée d’air. Il en profite pour augmenter la rapidité de ses allées et venues. Sous lui, Nadia se tend dans un long gémissement, enfin rassasiée par un orgasme. Le mouvement la fait s’agripper à la cravate et Fred halète sous l’intensité de la pression contre sa gorge. À son tour, il jouit, enfonçant les ongles dans la peau des fesses de Nadia, puis se laisse retomber contre elle.

Ils restent ainsi quelques instants, à reprendre leur souffle. Quand Fred relève la tête, il aperçoit son reflet dans le miroir, le visage rouge et les yeux brillants de larmes. Nadia détend ses doigts restés trop contractés sur la cravate, les serrant en poing avant de les desserrer à plusieurs reprises. Puis il se détache d’elle, lui permettant de descendre de son assise peu confortable.

Fred laisse son pantalon lui tomber sur les chevilles et s’en extirpe du mieux possible. Il se débarrasse de sa cravate et s’attaque alors à sa chemise tout en allant dans le salon pour trouver son téléphone. Tandis qu’il fait défiler ses contacts, Nadia le rejoint. Sa nuisette lui colle à la peau, elle a un sein qui s’en est échappé et il est presque certain que la trace humide qu’il devine sur le haut de sa cuisse est son sperme qui s’écoule déjà. Ou peut-être que Nadia a plongé ses doigts en elle avant de s’essuyer négligemment ici. Fred la renverserait bien sur le canapé pour plonger la tête entre ses cuisses et la nettoyer de sa langue. Mais la tonalité du téléphone l’aide à se concentrer sur ses priorités.

« Tu appelles qui ?

— Mon boulot. Pour prévenir que je ne viendrais pas aujourd’hui.

— On va baiser toute la journée ? »

Son ton émerveillé et ses yeux écarquillés le font sourire. Même si la perspective est tentante, il décide d’être plus raisonnable. Il passe son appel sans répondre à Nadia ou la quitter des yeux. Quand il en a terminé, il s’avance vers elle et la sent pratiquement vibrer d’excitation. Il lui tend son téléphone :

« Je vais prendre une douche. Profites-en pour appeler Constant. Dis-lui de rentrer après son cours et de ne pas déjeuner au lycée, les autres profs peuvent se passer de lui.

— Tu vas vraiment insister pour que je lui dise tout ? s’indigne Nadia. Très bien. Mais ce sera ta faute si ça brise mon couple. »

Fred lève les yeux au ciel, mais se retient de pointer en quoi elle serait aussi fautive. Ça n’en vaut pas la peine. Et si la conversation entre Nadia et Constant se déroule comme il l’imagine, ce ne sera qu’à son propre avantage. Ces deux-là se sont bien trouvés. Ils n’ont qu’à descendre l’autre de son piédestal… Fred s’arrête sur le pas de la salle de bains et se tourne pour faire face à Nadia, l’air satisfait par anticipation :

« Laisse-lui une chance puisque c’est le mec parfait, selon toi. Commence déjà par le sexe anal. La semaine dernière, en tout cas, ça n’avait pas l’air de le déranger de me bouffer le cul ou d’y plonger sa queue. »

Le Boudoir 4.0

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/M, SF, hot.

Résumé : Bien que réticent, Matthieu a cédé aux demandes de son amant. Puisque les mois de séparation leur pèsent, ils décident d’avoir recours aux services de la société « Le Boudoir 4.0 ».
Matthieu est donc sur le point de vivre sa première expérience sexuelle technologiquement assistée.

Le boudoir 2.0

Arrivé devant le bâtiment, Matthieu hésite à en franchir la porte. C’est ridicule puisqu’il sait qu’il ne fera pas demi-tour : son rendez-vous est payé d’avance et Nordine doit déjà l’attendre. Ça n’empêche pas que l’idée le rebute. Certes, les six mois sans voir son amant commencent à lui peser aussi, surtout en sachant qu’il ne rentrera pas chez eux avant dix autres longues semaines, mais de là à recourir aux services de cette société ? Il n’en est pas sûr.

Le Boudoir 4.0 est un exemple parfait d’entreprise qui a détourné une innovation technologique à but thérapeutique pour son profit – ou celui de ses actionnaires.  Alors qu’il s’était promis de ne jamais y recourir, même quand la perte de son pucelage tardait, Nordine a su le convaincre. Certains arguments sont plus objectifs que d’autres, comme le fait qu’ils ont épuisé leur crédit-carbone pour voyager ou que racheter des autorisations est beaucoup trop coûteux pour leur budget. Bien plus qu’une séance dans la Mecque du sexe virtuel. Matthieu est donc sur le point de vivre sa première expérience sexuelle technologiquement assistée. Il a envie de rire de sa nervosité, de la tourner en dérision pour dédramatiser, mais son appréhension est juste renforcée par les nombreux témoignages catastrophiques qu’il a lus durant la nuit sur les forums.

La crainte de faire attendre Nordine le pousse à avancer et les portes automatiques s’ouvrent devant lui. Le hall de l’entreprise est vaste, circulaire et dépourvu de toute décoration hormis les écrans dont sont ornés les murs et qui diffusent différentes publicités. Matthieu préfère de loin l’ambiance animée que permettent les bureaux, à l’abri du jugement des clients ; il sait que passer ses journées en solitaire serait un brin angoissant pour lui et il a une pensée compatissante pour la réceptionniste qui l’accueille avec le sourire :

« Bonjour, que puis-je pour vous ?

— J’ai un rendez-vous au nom de Bodet », explique-t-il d’une voix qu’il espère assurée.

La jeune femme fait glisser ses doigts sur l’écran devant elle et Matthieu l’observe avec l’espoir un peu idiot qu’elle ne trouve pas sa réservation. Cependant, elle accède à un nouveau fichier et elle lui pose quelques questions visiblement de routine. Matthieu y répond de façon distraite. La réceptionniste lui tend ensuite une carte magnétique dont il se saisit, puis elle lui désigne une porte sur sa gauche :

« Ma collègue vous attend de l’autre côté pour vous installer. Le badge vous servira à confirmer l’activation du programme. Je vous souhaite une agréable séance. »

Sentant le rouge lui monter aux joues face à l’insinuation, Matthieu la remercie et s’éclipse dans la direction indiquée. Encore une fois, la porte s’ouvre dès qu’il s’en approche et il traverse en quelques enjambées un étroit couloir. Au bout de celui-ci, il pénètre dans une pièce et découvre une femme, plus âgée que la réceptionniste, en pleine conversation avec Nordine. Elle s’interrompt dès qu’elle aperçoit Matthieu.

« Je vais vous faire patienter un instant, votre partenaire vient d’arriver. »

Matthieu entend le soupir de soulagement de son amant au travers des haut-parleurs. C’est certain qu’avec les trois mille kilomètres qui les séparent, Nordine n’avait pas de moyen infaillible pour le contraindre à venir, mais c’est un peu vexant de constater ce manque de confiance. La technicienne attire son attention en lui tendant la main :

« Monsieur Bodet, je suis Sarah, je vais vous installer pour la séance. L’humanoïde de votre compagnon est prêt, il ne reste plus qu’à vous connecter au vôtre. Je vais avoir besoin d’accéder à votre implant, vous pouvez vous asseoir par ici. »

Sarah lui désigne un siège et Matthieu s’empresse d’y aller, ne serait-ce que pour soulager ses jambes flageolantes. Il lui tourne le dos, incline la tête et dégage les cheveux de sa nuque pour qu’elle puisse scanner la puce sous-cutanée et s’y connecter. En quelques mouvements fluides, il voit la technicienne sélectionner les options.

La leçon que lui a donnée Nordine lui revient et lui occupe l’esprit quelques instants. Les choix sont variés, avec plusieurs combinaisons possibles, mais le Boudoir 4.0 propose trois principales offres : le tout virtuel, héritage des premières recherches médicales, qui plonge le client dans un état semi-hypnotique afin de créer les sensations uniquement par stimulation via l’implant cérébral. Ensuite est venue l’ère de la réalité augmentée, pour laquelle l’implant active toujours les zones de plaisir grâce aux impulsions envoyées au cerveau, mais l’environnement géré par ordinateur permet toutes les fantaisies – la plus populaire étant de s’offrir une partie de jambes en l’air avec sa célébrité favorite. Et, dernière innovation, les androïdes. Ceux-là ont évolué depuis leurs débuts, mais ils restent ceux qui proposent les séances les plus réalistes. Pas besoin de stimulation neurologique, l’androïde est connecté à l’implant de l’utilisateur et reproduit tous ses gestes. Les couples sont donc la principale cible de cette option, mais il arrive que le Boudoir 4.0 organise des soirées entre célibataires où des paires ou groupes sont formés. Des partouzes qui n’en ont juste pas le nom.

Sarah le tire de ses pensées en lui demandant de lever une main puis de taper du pied. Matthieu fait ce qui est requis, puis entend la confirmation que tout est en ordre. Il réalise alors que c’est la personne avec Nordine qui testait la connexion. Une fois satisfaite de ses réglages, Sarah se tourne vers lui :

« Comme il était spécifié dans la demande, vos êtres artificiels sont versatiles sur le plan sexuel. Cette pièce vous est réservée pour deux heures. Nous avons une salle de contrôle depuis laquelle nous supervisons les fonctions des humanoïdes, mais il n’y a aucune vidéosurveillance pour ne pas violer votre intimité. Si vous avez un souci quelconque ou quand vous aurez terminé, appuyez sur ce bouton d’appel et l’un des techniciens arrivera. Vous avez des questions ? »

La tirade récitée sans pause lui donne le tournis et, malgré la dizaine d’interrogations qui se pressent, Matthieu secoue négativement la tête. La jeune femme en profite pour s’éclipser sans un regard et il se retrouve seul face à un androïde.  Un androïde dont le visage est une représentation criante de vérité de celui de Nordine. Matthieu tend la main pour lui prendre la joue en coupe et est légèrement surpris que la peau artificielle soit tiède ; il avait imaginé une machine au métal froid mais, sous sa paume, il retrouve un toucher familier.  En fermant les yeux, songe-t-il, l’illusion serait parfaite.

« Tu m’as fait peur, lui reproche Nordine, sur un ton malicieux. J’ai bien cru devoir négocier avec Sarah pour qu’elle me trouve un autre partenaire.

— Tu m’aurais remplacé si facilement ?

— Vu la somme que j’ai déboursée, je comptais bien en avoir pour mon argent. Et si tu n’avais pas ramené ton cul réfractaire au progrès… »

Matthieu sourit de la menace latente. Il sait que son amant n’en pense pas un mot, mais qu’il aurait été déçu que Matthieu se défile. Peut-être que ce dernier aurait même eu droit à quelques semaines d’ignorance punitive à son retour.

« En parlant de réfractaire, Sarah m’a expliqué que les robots étaient versatiles, mais je n’ai pas vraiment envie d’avoir ce truc trop proche de mes bijoux de famille, sans parler de le laisser me prendre.

— Et tu pensais faire quoi, du coup ? s’agace Nordine. Jouer à la belote ? » Puis il poursuit sans lui donner l’opportunité de répondre : « Franchement, tu m’expliques en quoi c’est différent d’un gode ?

— Un gode, c’est un jouet, je le contrôle, pas ce truc qui bouge seul.

— Ce truc est contrôlé par ton petit ami, je te signale. Et tu as juste peur de l’inconnu.

— Qu’est-ce que tu proposes alors ? capitule Matthieu.

— Au pire, on s’assoit chacun sur une chaise et on se masturbe. Mais on aurait pu le faire gratos avec la webcam. Sinon, tu continues à faire ta tête de lard, alors je devrai te basculer sur la console de contrôle et me frotter contre tes fesses jusqu’à ce que je jouisse ou que tu appelles un technicien à l’aide.

— Pas de troisième option, remarque Matthieu quand son amant ne lui laisse que ces deux choix à contempler.

— Ou tu te rappelles qu’on peut s’amuser sans pénétration, tu te fous à poil, tu fermes les yeux si ça t’aide et t’imagines que je suis dans la pièce. »

Pour la première fois depuis qu’il est face à la machine, Matthieu réalise que l’androïde est nu. Il est d’ailleurs déçu de constater que sa verge est au repos. Nordine ne semble pas affecté par son petit laïus quand lui commence à ressentir l’excitation de leur situation. Avec un air de défi, tranquillement, il entreprend d’ôter ses vêtements en restant à distance de l’androïde. Nordine reste stoïque et fait mine de ne pas être impressionné par ce strip-tease imprévu, mais Matthieu ne l’entend pas de cette oreille et redouble d’efforts pour le faire réagir.

A présent nu, il plonge le regard dans celui de son amant et prend en main son sexe à demi-érigé. Pas vraiment d’humeur à jouer – et surtout de peur de retrouver soudain la raison – il cherche à allumer Nordine. Lui faire perdre la tête. L’être artificiel serre les doigts et penche la tête sur le côté ; Matthieu y reconnaît les signes qui signifient que la patience de son compagnon s’amenuise. Il y a trop longtemps qu’ils n’ont pas été dans la même pièce, le manque est palpable. Alors, de son autre main, Matthieu vient masser ses testicules et pousse un long gémissement – plus par provocation que plaisir, pour l’instant. L’effet obtient le résultat escompté.

En un instant, Nordine est à ses côtés et se colle à lui pour l’embrasser, entravant ses mouvements. La sensation du baiser est étrange. Les lèvres sont souples mais plutôt sèches et Matthieu les humidifie de sa langue. Il retrouve ses repères et se laisse aller, ferme les yeux. Libérant à regret son sexe, il découvre sous ses paumes le corps de l’androïde. Toujours cette impression de chaleur, mais des épaules un peu plus hautes que celles de Nordine. D’ailleurs, Matthieu réalise qu’il a le menton bien plus levé qu’à l’habitude pour embrasser son partenaire. Comme s’il était avec un autre. La pensée l’excite autant qu’elle le perturbe et il entrouvre les paupières, juste pour se rassurer. Nordine doit percevoir cette hésitation et s’écarte un instant, lui demandant si tout va bien. Quand Matthieu acquiesce, il avoue aussi qu’il a presque l’impression d’enlacer un autre homme, ce qui lui vaut une tape sur la fesse avant que son amant ne reprenne où ils en étaient.

Leurs érections se frôlent et, dans un grognement satisfait, Nordine l’attire un peu plus contre lui. La poigne de l’être artificiel est plus ferme, plus possessive ; leur rapport de force physique est faussé et Matthieu se réjouit de ce léger changement. A mesure que le baiser s’enflamme, il se laisse repousser à travers la pièce. Il s’imaginait déjà jeté sur le lit, dans le coin, quand ses cuisses heurtent la console de contrôle. Étonné, il se libère de l’étreinte de Nordine et remarque son sourire ravi.

« Je fais juste ce que j’ai promis.

— Mais je n’ai pas fait ma tête de lard, rétorque Matthieu tout en réalisant combien sa réplique est puérile.

— Non, mais l’idée me plaît. »

Et Matthieu doit admettre qu’elle le tente aussi. Face à l’absence d’objection, Nordine pose une main sur sa hanche et l’incite à se retourner. En quelques secondes, Matthieu se retrouve penché en avant, les mains en appui sur la console et le cœur battant à l’idée de laisser un robot le manipuler ainsi. Il sursaute au contact des doigts entre ses omoplates, puis frissonne quand ils dessinent le long de sa colonne. Mais ce n’est rien comparé à la sensation de ces membres se frayant un chemin entre ses fesses. Une brève appréhension le saisit tandis que Nordine tâtonne autour de son anus ; toutefois, un soupir de soulagement, puis de plaisir, lui échappe tandis que l’index lubrifié le pénètre. En quelques allers-retours, Nordine a trouvé sa prostate et étalé assez de produit pour qu’un simple index ne suffise plus à le combler. Matthieu n’a pas honte de demander davantage. Son amant a un reniflement amusé :

« Je croyais que tu n’avais pas confiance en cet humanoïde.

— Robot ou pas, halète Matthieu, tu pourrais bien te retrouver célibataire. Il a des doigts magiques. »

Pour cette moquerie, il récolte une morsure au niveau de l’épaule et un second doigt s’introduit en lui sans rencontrer la moindre résistance. Des coups de reins accompagnent à présent les va-et-vient et Matthieu commence à espérer que Nordine a oublié sa promesse de ne pas le pénétrer. Son menton retombe contre son torse, il écarte davantage les jambes et se cambre en une invitation peu subtile. Les doigts quittent son corps et il sent une caresse sur son flanc, un baiser entre ses omoplates. Puis une présence plus imposante contre son anus et une voix rauque qui exige une confirmation. Matthieu secoue la tête. Oui. Non. Il ne sait plus vraiment, il en a envie, mais n’est peut-être pas encore assez ivre de désir pour ignorer ses craintes. La pression s’efface immédiatement et Nordine empoigne sa hanche d’une main tandis que, de l’autre, il se saisit du sexe de Matthieu.

Son amant balance alors doucement le bassin, sa verge coulissant entre ses fesses, à la faveur du lubrifiant. Dos à Nordine, Matthieu laisse son imagination se débrider. Les râles de plaisir et les petits mots d’encouragement familiers contrastent avec le toucher étranger sur son corps. Il lui est aisé de penser à son compagnon assis dans un coin, se délectant de son abandon entre les bras d’un autre. La cadence s’accélère et les mouvements sont moins fluides, moins précis. A plusieurs reprises, Nordine bute contre son anus ; à chaque fois, son muscle se contracte – d’impatience ou de réticence, il ne parvient pas à le déterminer – et, chaque fois, Matthieu manque de jouir.

Et puis, le rythme sur son sexe augmente encore, les doigts qui s’enfonçaient dans sa hanche libèrent leur emprise et reviennent jouer avec sa prostate. En quelques instants, son excitation monte et il reconnaît les signaux qui annoncent qu’il n’est plus très loin. Nordine se frotte toujours contre lui et le muscle anal de Matthieu se resserre autour des doigts du robot tandis qu’il se répand sur la console sous lui.

Son amant le caresse plus lentement, le laissant savourer un orgasme prolongé mais, bientôt, la stimulation de sa prostate et son gland trop sensible ramènent Matthieu à l’instant présent. D’une légère tape, il écarte le poignet de Nordine. Celui-ci ne s’en plaint pas et, si Matthieu ne s’en était pas déjà douté, les coups rapides contre ses fesses auraient confirmé ses soupçons : la main s’active furieusement sur le sexe de l’androïde et, très vite, le corps derrière lui se tend dans l’extase. Matthieu perçoit la chaleur réconfortante des gouttes qui parsèment dorénavant son dos et il se trouve bien ridicule d’avoir autant redouté ce rendez-vous. Le souffle court, il se redresse et se remet face à Nordine. Du bout des doigts, il ose enfin effleurer la verge encore dure du robot, puis dirige sa main sous ses testicules, mais son amant le retient :

« Il va falloir me laisser un peu de temps, là. Il nous reste un peu plus d’une heure, t’as intérêt de ne pas faire les choses à moitié ce coup-ci. »

Une fois de plus, Matthieu sourit du ton menaçant, songeant que cela ressemble davantage à une supplique. Au lieu d’apaiser le manque, ils ont ajouté à la frustration de ne pas s’être touchés durant des mois.

Charmeur, il entraîne l’androïde vers le lit et commence à taquiner tous les points qu’il sait sensibles chez son amant. Dans une quinzaine de minutes – dix s’il se débrouille bien –, Nordine montrera les premiers signes d’impatience et lui ordonnera d’arrêter ses simagrées. Et Matthieu compte bien découvrir si l’intérieur de cet être artificiel se lubrifie aussi à la demande. Le plaisir anticipé le fait frissonner. Sous lui, l’humanoïde semble prendre vie, animé du désir de son partenaire. Même s’il était réticent, Matthieu sait qu’ils recommenceront. Il faut qu’il pense à se renseigner si le Boudoir 4.0 propose des formules d’abonnement.

Honorer les vivants

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/F, hot.

Résumé : Un enterrement, une amie venue en support, un soutien pas si catholique…

Note : Première variation d’une courte nouvelle écrite en 2014 et publiée à l’occasion du Ray’s Day 2016.

Liens vers les différents chapitres

Première variationDeuxième variation

Honorer les vivants

La main sur la poignée, Astrid attendait que Justine termine de se préparer. En temps normal, elle aurait déjà râlé après son amie et colocataire parce qu’elle les mettait en retard à chercher un paquet de kleenex ; cependant, elle conduisait Justine à l’enterrement de son père et les convenances voulaient qu’Astrid se montre plus compréhensive qu’à son habitude.

D’ailleurs, elle avait hésité à accompagner Justine. Après tout, Astrid ne connaissait personne de sa famille. Depuis cinq ans qu’elles partageaient cet appartement, aucun des proches ne leur avait rendu visite, contrairement aux parents d’Astrid qui ne supportaient pas de ne pas la voir pendant plus d’un mois. Justine elle-même n’avait jamais l’air pressé de se joindre aux événements familiaux, aussi Astrid en avait-elle conclu qu’ils étaient en froid. Pourtant, quelques jours auparavant, elle avait trouvé Justine effondrée et inconsolable. À force de la cajoler, Astrid avait fini par apprendre la nouvelle et avait compris que les relations qui unissaient son amie à sa famille étaient certainement bien plus complexes qu’elle ne l’avait imaginé.

La route jusqu’à l’église se fit dans le silence, ce qu’Astrid regretta. Elle aurait préféré que Justine le comble en lui parlant de ses proches. Du peu qu’Astrid en savait, son amie avait deux frères, mais elle ignorait jusqu’à leurs prénoms. Alors qu’elle s’apprêtait à les rencontrer dans les pires circonstances qui soient, Astrid se rendait compte combien Justine avait été secrète sur son passé quand elle-même avait dû lui raconter sa vie en long et en large.

Le parking était déjà bien encombré quand elles arrivèrent. Astrid était concentrée à trouver une place libre, toutefois elle aperçut le petit signe de main que fit Justine à un groupe sur le parvis. Du coup d’œil qu’elle leur accorda, Astrid ne distingua pas leurs traits, mais elle supposa qu’il s’agissait de la mère de son amie, entourée par ses deux fils. Sitôt la voiture garée, Astrid en descendit et lissa sa jupe. Puis elle patienta quelques instants avant de faire le tour et d’aller ouvrir la portière à Justine. Cette dernière était pétrifiée sur son siège et Astrid retint avec peine un soupir d’exaspération. Elle prit la main de son amie et la força à sortir :

― Si tu n’avais pas envie d’assister à l’enterrement, tu aurais pu venir te recueillir plus tard. Alors, sauf si tu comptes cracher sur la tombe de ton père, je suis sûre que ta famille compte sur ta présence.

— T’es une garce, lui lança Justine d’une voix douce.

― C’est pour ton bien, lui assura Astrid. Et ce n’est pas nouveau.

Les yeux rouges et un léger sourire sur les lèvres, Justine se décida à la suivre docilement. De nombreuses personnes les interceptèrent avant même qu’elles n’atteignent le parvis de l’église. Des amis de la famille, d’anciens collègues, de vagues connaissances… Tous avaient un mot gentil pour Justine et celle-ci les remerciait de façon automatique. À mesure qu’elles approchaient de la famille en deuil, Astrid remarqua que la mère et les frères de son amie n’avaient d’yeux que pour elles deux. Ou plutôt que l’un des hommes semblait la jauger du regard quand l’attention des deux autres personnes se tournait naturellement vers Justine. Astrid aurait pu se sentir vexée d’être considérée de manière aussi méfiante, mais elle reconnaissait une autre étincelle dans ce regard. Et Astrid se doutait que le jeune homme devait se sentir coupable d’éprouver une telle bouffée de désir alors qu’il aurait dû se désoler de la perte de son père. Pourtant, Astrid ne le blâmait pas : le chagrin avait bien des moyens de s’exprimer et se défouler en baisant une inconnue était certainement très libérateur. D’autant que, dans une autre situation, Astrid aurait été la première à dégainer ses atouts pour séduire le jeune homme. Ce dernier était tout à fait à son goût. Les mèches un peu longues tombant devant les yeux étaient l’un de ses points faibles : elle en avait déjà les doigts qui la démangeaient pour dégager ce front. Arrivées à leur hauteur, Justine se retrouva prise dans les bras tour à tour de ses frères puis de sa mère. Son amie eut le temps de présenter Astrid à sa famille, mais pas l’inverse, avant que la veuve n’entraîne sa fille à l’écart.

― Puisque notre mère n’a pas laissé le temps à Justine, commença le plus âgé des deux frères, je crois qu’on va se présenter nous-mêmes. Je suis David, l’aîné. Et voici Benoît, le petit dernier.

Astrid serra la main des deux hommes, s’attardant davantage dans celle de Benoît pour en savourer la callosité. À défaut de pouvoir jouer de ses charmes, elle lança la conversation pour assouvir sa curiosité :

― Justine est plutôt secrète sur sa famille. J’avais un peu peur qu’on ne soit pas les bienvenues, aujourd’hui.

Les deux frères échangèrent un regard entendu, puis David s’excusa :

― Je laisse Benoît s’occuper de vous, je vais me rendre utile pour régler les derniers détails de la cérémonie. Je vous reverrai plus tard.

Astrid acquiesça et ressentit une pointe d’excitation à se retrouver seule avec le jeune homme qui l’intéressait. Celui-ci ne se laissa pas déstabiliser par le manque de subtilité de son aîné et enchaîna :

― Il n’y a pas de secret horrible sur notre famille. Mon père était du genre têtu et on peut dire que Justine tient de lui. Si ma sœur a toujours fait la difficile pour venir nous voir, c’est qu’elle ne supportait pas qu’il remette en question le moindre de ses choix. Comme chaque fois, ça se terminait en dispute si on n’était qu’entre nous, notre mère n’a fini par les laisser ensemble dans la même pièce que lors de réunions familiales.

― Mince, s’amusa Astrid. Et moi qui m’attendais à des ragots croustillants.

Sa remarque lui valut un sourire en coin et lui dévoila une fossette adorable. Durant leur conversation, Benoît se rapprocha d’elle. Lorsque David repassa pour faire entrer tout le monde dans l’église, Astrid frôlait le bras de Benoît à chaque mouvement.

Elle retrouva Justine aussitôt après avoir franchi les portes. Son amie l’accompagna jusqu’à la première rangée, où Astrid s’installa en compagnie de la famille du défunt.

Bientôt la messe fut terminée. La veuve, ainsi que ses enfants, se placèrent de part et d’autre du cercueil afin de recevoir les condoléances de chacun. Restée sur le banc jusqu’au passage de la dernière personne, Astrid n’avait pas lâché Benoît du regard. Ce dernier croisait le sien dès qu’il le pouvait. Puis vint le tour d’Astrid de passer devant les endeuillés. La mère de Justine et David acceptèrent sa poignée de main. Benoît quant à lui l’enlaça un court instant, posant une main un peu trop bas sur ses reins pour que ce soit accidentel. Justine passa ensuite le bras sous le sien et posa la tête sur son épaule avant de la diriger vers la sortie.

Aux portes de la nef, Justine dut la lâcher pour se mêler à la foule. Astrid lui donna une petite tape d’encouragement sur la fesse avant de la laisser partir. Son amie, tout comme sa famille, se montrait forte, mais Astrid se doutait que ses nerfs auraient raison d’elle à leur retour chez elles.

Astrid entendit le croque-mort dire à la veuve que le cercueil serait prêt à être mis en terre dans une demi-heure et lui demander de patienter pour débuter le cortège. Se retrouvant seule, Astrid s’approcha du livret mis à disposition pour laisser un message à la famille et lut quelques lignes. En se penchant en avant, elle sentit sa jupe crayon se resserrer en haut de ses cuisses et à sa taille, ce qui la fit sourire à l’idée de la marque désormais visible de ses sous-vêtements. Un coup d’œil par-dessus son épaule lui confirma que les yeux de Benoît étaient attirés par la vue qu’elle offrait. Forte de ce constat, elle changea de jambe d’appui, faisant rouler ses hanches lentement. Un autre regard volé lui révéla que le jeune homme avait abandonné son audience pour la rejoindre. Astrid se redressa et fit mine d’avancer vers la sortie. En deux enjambées, Benoît la rejoignit et posa une main au creux de ses reins. Comme seul encouragement, Astrid lui offrit un sourire plein de promesses lorsqu’ils atteignirent le parvis.

Benoît la guida pour contourner l’église. Alors qu’elle se faisait entraîner, en silence, à l’arrière de l’édifice, Astrid s’apprêtait à râler, mais Benoît se tourna pour lui attraper la main et l’attirer dans un baiser passionné. Elle eut à peine le temps de réaliser qu’il posait les lèvres sur les siennes que déjà sa langue s’invitait dans la partie. Trop heureuse d’enfin en arriver aux choses sérieuses, Astrid y répondit avec ardeur, glissant les doigts sous la chemise de son compagnon. La peau moite de ce dernier l’excita encore un peu plus. Les circonstances auraient voulu qu’elle ressente au moins un soupçon de se culpabilité, mais Benoît agissait comme si cela lui était vital et elle n’avait pas l’intention de le priver de ce réconfort. Le côté animal de cette étreinte la faisait réagir de façon positive.

Benoît la fit tourner et la plaqua dos au mur contre la chapelle. A ce moment, Astrid réalisa que sa plainte de semi-douleur s’était perdue, même à ses propres oreilles. Le glas sonnait pour honorer la mémoire d’un homme parti trop tôt. Astrid en profita pour gémir à l’envi. Toujours en embrassant Benoît, elle passa la main entre eux pour frotter de sa paume l’érection grandissante. Malgré le pantalon qui entravait ses mouvements, le jeune homme y répondit en se pressant davantage contre elle et en venant lui-même jouer sur sa poitrine. Les pincements sur ses tétons étaient presque désagréables avec le tissu de son soutien-gorge qui semblait enflammer la zone et, bien qu’elle tente de s’y soustraire, Benoît continua cette caresse. En temps normal, ses amants comprenaient qu’une telle réaction était un signe d’inconfort, néanmoins Benoît choisit de l’ignorer. Astrid comprit alors qu’il se délectait de sa douce torture et qu’il lui infligeait cette légère douleur en réponse à sa propre frustration. L’attitude provocante d’Astrid un peu plus tôt ne jouait pas en sa faveur et elle ne pouvait nier tirer un quelconque plaisir d’être ainsi molestée. Astrid cessa donc de se débattre, acceptant cette punition, pas si déplaisante au final.

Aussitôt qu’elle se laissa aller sous les caresses de Benoît, celui-ci se détacha d’elle et plongea la main dans la poche arrière de son pantalon. Astrid eut un nouveau sourire en le voyant en sortir un préservatif. Elle aussi en avait un dans son sac, mais la prévoyance de Benoît pour ces obsèques le rendait encore plus attirant.

Il la fit se retourner. Maintenant ses mamelons tendus frottaient le crépi de l’église et Astrid était heureuse d’avoir ses vêtements en guise de rempart. Sa jupe étant trop ajustée au niveau des genoux pour être relevée, Benoît en ouvrit la fermeture-éclair et l’abaissa avec sa culotte juste sous ses fesses. Astrid ressentit la fraîcheur de l’air sur sa peau. La température était pourtant élevée, mais son corps était en feu. Les vêtements gainés sur ses cuisses, Astrid ne pouvait pas trop écarter les jambes, mais se cambra pour faciliter la pénétration. A peine avait-elle offert sa croupe que le sexe de son compagnon plongea en elle. Il s’enfonça jusqu’à la garde en un mouvement ample ; Astrid était si mouillée qu’elle en éprouva un bref moment de gêne. Vite oublié quand le tissu léger du pantalon de ville frotta sur ses fesses.

Benoît adopta un rythme rapide dès le début. Au lieu de son bassin, c’était sa ceinture qui claquait les fesses d’Astrid à chaque contact : elle songea qu’elle aurait certainement la peau rouge quand il en aurait fini et qu’elle risquait de grimacer les prochaines fois qu’elle s’assiérait. Toutefois, elle s’en fichait, le plaisir d’être enfin soulagée surpassait ces petits désagréments. Ou peut-être que ceux-ci augmentaient sa satisfaction. S’ils étaient amenés à se revoir, elle pourrait peut-être proposer des jeux plus pimentés à Benoît ; il avait plutôt l’air d’apprécier de la voir si soumise à ses désirs. Et silencieuse puisqu’ils n’avaient pas échangé une parole depuis leur conversation avant la cérémonie. Elle s’imaginait bâillonnée quand Benoît raffermit sa prise sur ses hanches et se mit à la pilonner un peu plus fort. Comme cela arrivait trop rarement pour une première jouissance, elle la sentit monter sans autre stimulation. Elle était persuadée qu’en jouant avec son clitoris, elle pourrait avoir un orgasme mémorable, mais elle n’aurait pas la force d’encaisser les coups de reins furieux de son amant en n’ayant qu’un bras et sa pochette pour la protéger des griffures du mur.

Un ralentissement soudain lui arracha une plainte, mais la pression plus lente et appuyée contre ses parois achevèrent de la faire jouir. Benoît cessa un moment tout mouvement, laissant la vague passer et, quand il la sentit se détendre, reprit sa cadence infernale. Astrid était haletante, le plaisir avait atteint son apogée, mais ne redescendait pas. Son amant la maintint ainsi encore quelques instants avant de succomber à son tour. Sentir éjaculer un homme en elle après un orgasme avait toujours un effet apaisant, comme s’il sifflait la fin de l’acte et l’autorisait à savourer un repos bien mérité. C’était encore plus vrai aujourd’hui ; elle avait la tête qui tournait légèrement et peinait à retrouver son souffle. À peine consciente, elle réalisa que Benoît la rhabillait et refermait son propre pantalon, glissant le préservatif usagé dans sa poche. Il la força à se retourner vers lui et l’enlaça, déposant de courts baisers dans ses cheveux. Astrid se blottit contre lui, souriant de la tendresse insoupçonnée dont il faisait preuve après leur étreinte sauvage. Ils restèrent ainsi quelques minutes, profitant de leur isolement.

Quand ils firent le tour de l’église et revinrent sur le parvis, la foule s’était dispersée. Il ne restait plus que la famille proche et l’un des membres des pompes funèbres pour guider le cortège. Justine lui jeta un regard suspicieux, mais Astrid se contenta de lui adresser un clin d’œil. Le soupir désabusé de son amie la fit sourire et lui confirma qu’elle ne lui en tiendrait pas rigueur. En revanche, Astrid regretta un instant de s’être laissé emporter avant la mise en terre et la cérémonie au cimetière. Sa petite culotte poisseuse lui rappelait qu’une douche serait des plus agréables. Sa seule consolation était que Benoît aussi allait mariner dans ses sous-vêtements.

Un instant volé avec toi

Autrice : Magena Suret.

Genres : Érotique, M/F, hot.

Résumé : Des vacances frustrantes, un site touristique à la vue surprenante, un couple qui se retrouve en pleine nature.

Note : Seconde variation d’une courte nouvelle écrite en 2014 et publiée à l’occasion du Ray’s Day 2016.

Liens vers les différents chapitres

Première variationDeuxième variation

Un instant volé avec toi

Partir en vacances entre amis était chaque année la même aventure. Ils redevenaient un peu adolescents, accueillant à bras ouverts les nouveaux venus qui agrandissaient le groupe. Bientôt, songea Emma, les premiers bébés seraient de la partie aussi. En attendant, la villa louée pour deux semaines en été prenait des allures de colonie. Chacun s’était vu attribué une tâche dès son arrivée et l’ordre régnait tant bien que mal dans la maisonnée. Il y avait bien eu quelques disputes, mais tout se réglait vite et la bonne ambiance reprenait ses droits.

Au bout de cinq jours, Emma ne trouvait à cet arrangement qu’un défaut. Mais de taille. L’abstinence forcée à cause de cette promiscuité en était devenue ridicule. Ce n’était pas comme si vivre en cohabitation devait priver de toute intimité, mais chacune de leurs tentatives s’était soldée par un échec. Benoît le prenait avec philosophie, promettant de rattraper le retard dès qu’ils retrouveraient la solitude de leur appartement. Toutefois, Emma refusait de patienter encore dix jours. Après tout, l’été était normalement l’occasion de se lâcher. Et, jusqu’à cette année, ça n’avait jamais été un problème. Sans la contrainte du travail et de leurs autres obligations, ils auraient dû pouvoir s’envoyer en l’air dès qu’ils en avaient l’envie. Au lieu de ça, ils avaient hérité d’un lit grinçant, de murs si fins qu’on entendait une conversation trois pièces plus loin et d’une seule salle de bains pour dix adultes. Autant dire que le temps passé sous la douche était minuté. Et sans parler du partage des voitures. Rien n’aidait pour leur offrir une opportunité. Elle se rendait bien compte qu’elle perdait en plus en spontanéité ; sa seule obsession était d’avoir un moment privilégié avec Benoît. Qu’il adore son corps et qu’il la fasse jouir. Elle aurait pu se masturber pour soulager ce manque, mais son côté têtu ne serait satisfait que lorsqu’elle aurait son homme nu contre elle, leurs peaux moites de plaisir.

Elle était devenue calculatrice et exploitait chaque occasion pour sauter sur Benoît. Ce dernier ne s’en plaignait pas, même si cela se terminait à chaque fois dans la frustration pour eux deux. Pour éviter d’être pressés par ceux qui attendraient, Emma avait décidé qu’ils passeraient les derniers dans la salle de bains un matin ; la douche coquine avait tourné court après quelques caresses quand ils avaient été privés d’eau chaude. Quelques heures plus tard, elle avait entraîné son compagnon dans la forêt voisine pour une balade digestive mais, alors qu’elle avait le sexe de Benoît au fond de sa gorge et ses mains lui agrippant les cheveux, ils avaient été interrompus par une famille de promeneurs. Jurant contre leur malchance, Emma avait décidé d’oublier toute retenue ou fausse pudeur : le lit ferait bien l’affaire et tant pis pour leurs amis. De toute façon, elle se doutait que certains d’entre eux devaient connaître le même désarroi. Cependant, que ce soit la nervosité accumulée ou les couinements du sommier, Benoît fut pris d’un fou rire et Emma ne put qu’abandonner pour la journée. Son compagnon lui dit qu’il s’arrangerait pour le lendemain et elle finit par s’endormir sur cette promesse.

***

La journée ne commença pas sous les meilleurs auspices. La frustration d’Emma au bout d’une semaine atteignait des sommets et la rendait irritable. Benoît semblait davantage préoccupé par l’organisation de la sortie en groupe que par l’idée d’apaiser cette tension sexuelle. De toute manière, dès qu’elle avait compris qu’ils passeraient encore des heures tous ensemble, elle avait failli claquer la porte et planter Benoît avec leurs amis. Seul un regard un peu plus appuyé de son compagnon la retint et elle décida d’attendre encore un peu pour voir ce qu’il avait concocté.

Dans la voiture, ils se retrouvèrent tassés à trois sur la banquette arrière d’une petite citadine. Emma était pressée contre la portière et à deux doigts de devenir folle à cause de la main de Benoît sur sa cuisse. Celui-ci semblait l’ignorer et la caressait du bout des doigts tout en discutant joyeusement avec le conducteur. Elle maudit un peu plus les coups du sort. S’ils n’avaient pas choisi d’aller crapahuter dans la montagne aujourd’hui, elle aurait pu troquer son pantalon contre une jupe et écarter les cuisses, juste assez pour inviter la main à la toucher plus haut. Elle se faisait du mal avec ses fantasmes et poussa un gémissement involontaire. Ceci attira l’attention de Benoît qui lui adressa un petit sourire narquois.

Peu de temps après, ils arrivèrent à destination et l’idée de grimper le sentier escarpé pour admirer une chute d’eau rebutait Emma. Elle fit semblant de perdre l’équilibre en descendant de voiture, espérant que Benoît saisirait l’opportunité. Ils pouvaient prétendre qu’elle s’était fait mal à la cheville, laisser les autres s’épuiser et se trouver un coin tranquille pour enfin profiter d’un moment à deux. Pourtant, il n’en fit rien et se contenta de l’aider à se relever. Elle sentit les mains de Benoît sur sa taille, le bout de ses doigts qui glissaient sous ses vêtements et son souffle près de l’oreille. Puis il lui murmura de cesser d’être impatiente avant de s’écarter, la laissant encore plus avide de contact.

L’ascension commença dans les rires, mais se termina dans le silence. Aucun d’eux n’était vraiment habitué à la montagne et ils auraient peut-être dû investir dans de meilleures chaussures de marche. Arrivés au point du vue, Emma écouta d’une oreille distraite l’une de leurs amies raconter la légende associée à cette cascade. Cela avait à voir avec le rocher le long duquel elle s’écoulait qui ressemblait à un poisson qui suivait la chute d’eau, d’où son nom du saut de la truite. Son peu d’attention fut anéanti par le clin d’œil de Benoît et son petit signe de tête pour l’inviter à le suivre. Elle sourit en réalisant que ses hormones la faisaient obéir comme une poupée hypnotisée et lui emboîta le pas.

Alors qu’ils progressaient dans un silence religieux depuis cinq minutes, Emma commençait à s’impatienter et s’apprêtait à râler, mais Benoît se tourna pour lui attraper la main et l’attirer dans un baiser passionné. Elle eut à peine le temps de réaliser qu’il posait les lèvres sur les siennes que déjà sa langue s’invitait dans la partie. Trop heureuse d’enfin en arriver aux choses sérieuses, Emma y répondit avec ardeur, glissant les doigts sous le T-shirt de son compagnon. La peau moite de sueur de ce dernier l’excita encore un peu plus. D’habitude, ils auraient pris le temps de se doucher, mais ils étaient dans l’urgence. Ils avaient un manque à combler et le côté animal de cette rencontre la faisait réagir de façon positive.

Benoît la fit tourner et la plaqua contre un arbre. A ce moment, Emma réalisa que sa plainte de semi-douleur s’était perdue, même à ses propres oreilles. Le bruit de la chute d’eau était plus fort maintenant qu’ils étaient à mi-hauteur de celle-ci et elle pourrait en profiter pour ne pas retenir ses gémissements. Toujours en embrassant Benoît, elle passa la main entre eux pour frotter de sa paume son érection grandissante. Malgré le pantalon qui entravait ses mouvements, son amant y répondit en se pressant davantage contre elle et en venant lui-même jouer sur sa poitrine. Les pincements sur ses tétons étaient presque désagréables avec le tissu de son soutien-gorge qui semblait enflammer la zone, mais Benoît continua cette caresse bien qu’elle tente de s’y soustraire. En temps normal, il lisait le moindre de ses gestes et s’adaptait naturellement, aussi comprit-elle que c’était sa façon de la réprimander pour toutes ces tentatives avortées qui les avaient laissés plus frustrés de jour en jour. Emma cessa alors de se débattre, acceptant cette punition pas si déplaisante au final.

Aussitôt qu’elle se laissa aller sous les caresses de Benoît, celui-ci se détacha d’elle et la fit se retourner. Maintenant, ses mamelons tendus frottaient l’écorce de l’arbre et Emma était heureuse d’avoir ses vêtements en guise de rempart. Elle entendit son compagnon ouvrir son jean et ressentit bientôt la fraîcheur de l’air sur ses fesses. La température était pourtant haute, mais son corps était en feu. Benoît lui avait tout juste baissé son pantalon et sa culotte à mi-cuisse ; elle ne pouvait pas trop écarter les jambes, mais se cambra pour faciliter la pénétration. A peine avait-elle offert sa croupe que le sexe de son compagnon plongea en elle. Il s’enfonça jusqu’à la garde en un mouvement ample, Emma était si mouillée qu’elle en éprouva un bref moment de gêne. Vite oublié quand le jean rugueux frotta sur ses fesses.

Benoît adopta un rythme rapide dès le début. Au lieu de son bassin, c’était sa ceinture qui claquait les fesses d’Emma à chaque contact et elle songea qu’elle aurait certainement la peau rouge quand il en aurait fini. Toutefois, elle s’en fichait, le plaisir d’être enfin soulagée surpassait ces petits désagréments. Ou peut-être que ceux-ci augmentaient sa satisfaction. A leur retour, elle pourrait peut-être proposer des jeux plus pimentés à Benoît ; il avait plutôt l’air d’apprécier de la voir si soumise à ses désirs. Et silencieuse puisqu’ils n’avaient pas échangé une parole depuis qu’ils étaient descendus de voiture. Elle s’imaginait bâillonnée quand Benoît raffermit sa prise sur ses hanches et se mit à la pilonner un peu plus fort. Comme cela arrivait trop rarement pour la première jouissance, elle la sentit monter sans autre stimulation. Elle était persuadée qu’en jouant avec son clitoris, elle pourrait avoir un orgasme mémorable, mais elle n’aurait pas la force d’encaisser les coups de reins furieux de son amant en n’ayant qu’un bras pour la protéger de l’écorce de l’arbre.

Un ralentissement soudain lui arracha une plainte, mais la pression plus lente et appuyée contre ses parois achevèrent de la faire jouir. Benoît cessa un moment tout mouvement, laissant la vague passer et, quand il la sentit se détendre, reprit sa cadence infernale. Emma était haletante, le plaisir avait atteint son apogée, mais ne redescendait pas. Son amant la maintint ainsi encore quelques instants avant de succomber à son tour. Le sentir éjaculer en elle après un orgasme avait toujours un effet apaisant, comme s’il sifflait la fin de l’acte et l’autorisait à savourer un repos bien mérité. C’était encore plus vrai aujourd’hui, elle avait la tête qui tournait légèrement et peinait à retrouver son souffle. Dans une semi-conscience, elle réalisa que Benoît la rhabillait et refermait son propre jean. Il la força à se retourner vers lui et l’enlaça, déposant de courts baisers dans ses cheveux. Emma se blottit contre lui, souriant de la tendresse dont il faisait preuve après leur étreinte sauvage. Ils restèrent ainsi quelques minutes, profitant de leur solitude au milieu de la nature et du murmure élevé de la cascade. Un éclat de rire la prit quand elle remarqua qu’ils étaient à la hauteur de la tête de la truite de pierre ; ils avaient eu un témoin de leurs ébats et Emma se dit qu’elle était tombée amoureuse de ce site touristique finalement. En tout cas, elle aurait toujours un souvenir agréable à y associer.

Quand ils redescendirent, quelques-uns de leurs amis leur jetèrent un regard entendu, mais elle les ignora. En revanche, elle envia ceux qui se baignaient juste auprès de la chute d’eau ; sa petite culotte poisseuse lui rappelait qu’une douche serait des plus agréables. Sa seule consolation était que Benoît aussi allait mariner dans ses sous-vêtements.

Ainsi sombre la chair – Prologue

Auteur : Valéry K. Baran.

Genres : Érotique, M/F, angst, dark, psychologique.

Résumé : Ce n’est pas une belle histoire d’amour. Ce n’est pas non plus juste une histoire de cul, sans psychologie, sans contexte et sans analyse.
C’est une histoire d’êtres humains.

Avertissement de l’autrice

A la différence des histoires présentes majoritairement sur ce site, celle-ci est très sombre, et aborde des sujets qui peuvent mettre mal à l’aise.

Personnellement, j’aime beaucoup cette histoire mais voilà : sachez donc qu’on n’est pas dans le style fun et léger que vous pourriez trouver dans les autres. Le prologue est d’ailleurs écrit pour y préparer les lecteurs et lectrices.

Prologue

A toi qui t’apprêtes à lire ce roman.

A toi qui, curieux mais pas encore convaincu, ne sachant pas si tu as vraiment envie de la lire. On ne sait jamais vraiment avant de commencer.

Je te dirai ceci :

J’ai mis longtemps avant de savoir comment entamer cette histoire. Tout ce que je savais, c’est qu’elle était là, que je l’avais dans la tête, dans les tripes, et qu’elle devait sortir. Je savais qu’elle ne serait pas « belle ». Je savais de quoi elle parlerait mais pas comment la qualifier. – Tu écris quoi ? – Un truc… Je disais ça, quand on me posait la question. Je savais ce qu’elle ne serait pas.

Et toi aussi, tu dois le savoir avant de commencer ta lecture.

Ce que tu t’apprêtes à lire ne sera pas une belle histoire d’amour. Pourtant elle parle quand même d’amour – toutes les histoires le font, non ? – mais pas comme tu l’imagines, et peut-être pas comme tu voudrais le lire. Si tu veux une belle romance qui fait rêver, il te faudra passer ton chemin. Si tu veux même juste une histoire de cul, sans psychologie, sans contexte et sans analyse, parce qu’il y en a aussi, dedans (du cul, mais surtout de la psychologie et de l’analyse), passe-le aussi. Si tu veux une histoire mettant en scène de vrais personnages, avec de vraies envies, et de vraies aspirations, et de vrais rêves, et de vrais obstacles, et de vraies désillusions… Oui, cette histoire est pour toi. C’est une histoire d’êtres humains, c’est une histoire de sexe, c’est une histoire de besoin de liberté, c’est aussi une histoire qui te poussera, peut-être, à te demander quelle est ta place dans ta vie, et ce que tu as fait de tes rêves, et ce que tu veux en faire maintenant. Et qui tu veux être. Qui tu es, au fond de toi-même, quelles parts de toi tu noies, tu écrases, tu enfouis, tu tues.

C’est une histoire qui parle de souffrance, de peines et de pertes dans des chemins boueux et sans issues, et d’espoirs impossibles à atteindre mais impossibles à repousser, aussi.

Ce ne sera pas une belle histoire, mais c’est quand même une histoire d’amour, dans le fond. Quelque part, là-dedans. C’est celle de héroïne de ce livre. Et c’est peut-être la tienne, aussi. Ce que tu as, au creux de toi, là, caché.