Casting-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo hétérosexuel, érotique.

Résumé : Du culot, Mél n’en manque pas lorsqu’elle se présente pour la première fois au casting d’un tournage porno. Quand un acteur célèbre s’intéresse de très près à sa séance, elle sent cependant que, pour garder son professionnalisme, ce sont bien d’autres ressources qu’elle va devoir trouver en elle…

Casting-moi

La caméra tournait, son objectif dirigé vers le divan sur lequel Mél était assise, inquisiteur.

Debout, le caméraman régla le plan, vérifia l’éclairage et fit la netteté. Puis il leva le nez vers Mél.

– C’est la première fois, alors ?

– Oui.

– Tu es anxieuse ?

Elle jeta un œil à l’acteur qui se trouvait à côté du caméraman. Appuyé du coude à l’épaule de ce dernier, la tête penchée légèrement de côté, il l’observait, mais pas directement : il fixait son image à travers l’écran.

– Non.

Curieusement non, d’ailleurs. D’une manière surprenante, elle ne se sentait presque pas intimidée.

Lorsque l’acteur leva les yeux sur elle, par-dessus la caméra, elle fut néanmoins pétrifiée.

Elle se garda bien de le montrer.

Elle avait déjà eu l’occasion de voir cet acteur à l’œuvre dans quelques vidéos sur le net, en fait. La mâchoire forte, les mains épaisses, et la clarté de son regard tranchant avec sa peau mate, il représentait l’un de ces mecs inaccessibles auxquels on ne se permet guère de songer qu’en fantasmes. En le voyant de si près, elle pouvait pourtant dire que ses films ne lui faisaient pas tout à fait honneur. Ils magnifiaient sa puissance sexuelle, certes, mais sans offrir de fenêtre sur sa personnalité. Elle n’avait pas vu l’amusement dans le regard avec lequel il la dévisageait, sur l’instant.

Elle n’avait pas perçu l’humain derrière l’icône érotique.

Dès les premières images qui étaient passées de lui sur son écran d’ordinateur, elle avait éprouvé pour lui un attrait inédit. Elle n’était pas spécialement amatrice de cinéma pornographique, mais l’une de ses amies lui avait envoyé des liens par email en la priant de toute urgence de les suivre. Son principal argument, de choc, avait été le fait qu’enfin, il y avait de quoi baver sur un protagoniste masculin, sans que celui-ci ne soit réduit aux seuls gros plans de son sexe, argument dont Mél avait pu vérifier la pertinence avec émoi. Dans le tout premier film, il initiait au sexe hard une jolie brune tatouée de partout. L’image léchée et l’aspect décadent de l’ensemble lui avaient particulièrement plu. Dans le dernier, il se faisait chevaucher alternativement par trois superbes amazones dont les expressions de plaisir n’égalaient pas, en intensité, la sensualité des siennes.

Les jours suivants, elle avait eu des retours d’excitation qui l’avaient fait se liquéfier dans tous les lieux les moins appropriés, jusqu’à la caisse de la supérette, rien qu’en repensant à certaines scènes de ces films. Caïn, parce que là était son nom de hardeur, y était magnifique de prestance et de force érotique ; pas le genre de type qu’elle se serait attendue à rencontrer en se présentant dans cette petite boîte de vidéo, donc, et certainement pas qu’elle aurait imaginé s’arrêter ainsi devant sa prise de vue.

Qu’elle puisse garder sa contenance, sur l’instant, avait même de quoi la sidérer. Quelqu’un pouvait lui expliquer comment on était censé faire face à un type vous ayant offert au moins quatre fabuleux orgasmes par procuration ? Si elle affichait une maîtrise d’elle-même, celle-ci n’était que toute défensive, face à l’individu devant lequel elle se trouvait.

– On va commencer simplement, reprit le caméraman. Tu vas te déshabiller et puis te caresser. Tu peux faire ça ?

Mél répondit oui de la tête, sans lâcher Caïn du regard. Celui-ci leva sa tasse de café à ses lèvres, tout en reportant son attention sur l’écran de la caméra, de l’autre côté de l’objectif, le coude toujours posé sur l’épaule du professionnel qui la filmait.

La situation était inédite pour elle, mais sans s’éloigner trop encore de ce qu’elle connaissait. Cela faisait plusieurs années, déjà, qu’elle s’exhibait pour des photos de nus. Sa rencontre avec le milieu du sexe s’était faite progressivement, d’abord en posant comme modèle auprès d’étudiants aux Beaux-Arts, puis en se dirigeant peu à peu vers des prises de vues moins sages. Elle avait laissé sa campagne natale pour monter poursuivre ses études dans une université parisienne. Les loyers étaient chers, les logements minuscules, et les quelques extras qu’elle se faisait ainsi lui permettaient de vivre décemment. Lorsque l’un de ses photographes habituels lui avait parlé d’un casting vidéo pour une nouvelle production, elle s’était laissée conquérir par la curiosité, sans pour autant déterminer jusqu’où elle voulait aller. Elle avait juste décidé de faire l’essai.

Sans montrer sa gêne — ses séances de nu répétées avaient fini par la réduire, mais sans jamais l’éteindre pour autant —, Mél se déshabilla. Elle fit passer son t-shirt Hard Rock Café au-dessus de sa tête, déboutonna son jean râpé, désagrafa son soutien-gorge… Lorsqu’elle fit glisser ce dernier le long de ses bras, elle releva la tête, remarquant que le caméraman avait toujours l’œil fixé sur son écran, mais que Caïn s’était mis à la regarder directement. D’un geste rapide, elle ôta son pantalon puis ses derniers vêtements. Elle n’eut pas honte d’exhiber sa légère toison sombre, pas plus que d’écarter les cuisses en se rasseyant sur le fauteuil. Elle poussa même l’audace jusqu’à poser un pied sur l’accoudoir et fut surprise par la mimique appréciatrice qui se peignit sur le visage de Caïn. Son regard la captivait avec tant de force qu’elle ne parvenait plus à s’en détacher.

Ni lui ni le caméraman ne disaient mot, certainement pour ne pas la mettre mal à l’aise, bien qu’il soit évident que Caïn n’avait rien à faire là. Avec sa tasse dans la main et sa tenue décontractée, il paraissait plus être passé pour saluer des connaissances que dans un but professionnel. Comme elle tardait à se lancer, le caméraman l’interrogea :

– Tu veux que Caïn s’en aille ?

Puis il pivota vers ce dernier.

– Caïn, eh, tu n’as pas des trucs à faire, là ?

Mél observa le sourire faussement innocent que l’acteur lui servit, l’air de dire que, non, il n’avait spécialement envie de bouger.

Elle prit la parole :

– C’est bon. Ça ira.

Ce ne serait pas si différent des photos auxquelles elle s’était accoutumée, après tout : il suffirait d’ajouter le mouvement à la pose, et puis elle ne voulait pas sembler manquer de professionnalisme. Cependant, là n’était pas la principale raison de son intervention pour le faire rester : la vérité, c’était que la présence de Caïn la troublait d’une manière trop exaltante pour qu’elle veuille y échapper.

Lentement, elle posa la main sur son sexe, naviguant vers les reliefs connus de son corps sans lâcher l’acteur du regard. Lorsqu’elle commença à effleurer sa chair sensible, ses paupières se fermèrent néanmoins et sa nuque se crispa vers l’arrière tandis que ses doigts plongeaient en l’intimité de son bas-ventre, en recueillant la moiteur avant de remonter sur son clitoris. La pulpe de ses doigts se pressa contre sa chair érigée par l’excitation et elle l’y fit glisser doucement, mordant ses lèvres sous l’afflux soudain de plaisir. Sa conscience du public l’observant majorait ses sensations.

Son épaule se raidit, sa main s’étira comme pour se délier d’un long engourdissement, et elle ouvrit la bouche pour faire entrer plus d’air dans ses poumons, avant de pratiquer de petits cercles du bout des doigts. Les premiers temps, elle n’osa pas rouvrir les yeux, se contentant d’offrir le spectacle qui lui était demandé tout en se concentrant sur ses propres sensations, puis elle trouva le courage d’affronter la caméra, rencontrant son objectif, proche, dans une vision brutale. Son regard partit de réflexe sur Caïn et elle fut surprise en découvrant la manière dont il la fixait. Contre toute attente, elle eut le sentiment qu’il la désirait. Sa main ralentit et elle adressa une expression perdue au caméraman. Caïn intervint :

– Il faut aller l’aider.

Il souriait en disant ça, comme s’il venait de sortir une bonne blague. Troublée, Mél vit le caméraman tourner un visage gentiment réprobateur vers lui.

– Fous-lui la paix, va.

– Je peux toujours y aller…

Cette fois, l’expression du caméraman se transforma en étonnement.

– Vraiment ?

– Oui.

Caïn paraissait toujours s’amuser. Le caméraman haussa les épaules, plus amical qu’autre chose.

– Vas-y.

Mél était restée coite, suspendue à leur conversation, et elle n’eut même pas le temps d’atterrir que Caïn vidait déjà sa tasse de café pour se diriger vers elle.

– Tu as besoin d’un coup de main ?

Elle ne sut que répondre, impressionnée par la soudaineté de son approche. Elle était à la limite du rictus nerveux, même : on devait lui faire un canular, en fait. Quand le visage de Caïn parvint à quelques centimètres seulement du sien, elle eut un mouvement de recul qui se transforma d’une manière incontrôlable en une tension lascive proche de la liquéfaction, et elle laissa même retomber de côté son genou dans une invitation réflexe à s’étendre sur elle.

Un sourire aux lèvres, Caïn la dévisagea, de ses yeux clairs dans lesquels pointait une note d’amusement. Le reste n’était que faim.

Puis il fit le dernier geste qu’elle aurait attendu sur l’instant : il se pencha brutalement et captura ses lèvres, les pinçant pour attirer son visage à lui, et provoquant en elle un profond affolement alors qu’il l’embrassait avec une fougue aussi vive qu’éphémère.

Elle n’eut même pas la possibilité de se reprendre qu’il saisissait déjà ses deux cuisses pour la tirer d’un coup vers lui, ramenant ses fesses vers le rebord du canapé avant d’embrasser brusquement ses seins, puis son ventre, puis de lui relever tout aussi vite les jambes. Sa bouche fut alors sur son sexe et le gémissement profond qu’elle exhala témoigna autant de sa surprise que de la force du plaisir qui s’empara d’elle.

Le contact de sa langue la fit se cambrer, et sa chair se couvrir de frémissements, tant et si bien que, lorsqu’il la relâcha, elle était moite et offerte entre ses bras, et elle aurait même pu oublier la présence de la vidéo si le caméraman ne s’était pas rappelé à elle.

– Vous voulez aller plus loin ?

Caïn répondit à sa place :

– Oui.

Non seulement elle fut incapable de réagir, mais la vision soudaine de son torse, surgissant de sous son t-shirt enlevé précipitamment, acheva de la projeter dans le vertige.

– Tu as déjà couché avec un mec comme moi ? lui demanda-t-il en continuant à se déshabiller.

Elle le vit défaire sa ceinture, déboutonner son jean, l’ôter, puis exhiber de son boxer un sexe dressé dont elle n’avait guère vu de semblable que de l’autre côté d’un écran. La situation était stupéfiante sur tous les plans… Une seule réponse lui vint :

– Non…

Il l’embrassa de nouveau, saisit son cou d’une main avant de glisser les doigts tout au bas de son ventre pour la pénétrer doucement. Elle se pinça les lèvres.

Le visage de Caïn était tout contre le sien et son souffle lui chatouillait la joue.

– Tu veux ? poursuivit-il.

Elle déglutit. L’excitation se fit plus pressante en elle.

Le caméraman tournait autour d’eux, sa présence devenant envahissante, soudain.

– On peut essayer de faire quelques plans, commenta-t-il.

Elle le regarda, trouvant, sur l’instant, plus facile de lui répondre… plus aisé de se raccrocher aux exigences professionnelles quand les actes de Caïn, dans leur intégralité, l’ébranlaient.

– Oui, dit-elle.

– Tu n’as vraiment jamais eu de sexe pour une vidéo ? insista le caméraman.

– Non…

Elle avait presque perdu l’habitude d’en avoir, en réalité… Du moins, à deux. Ça paraissait fou d’en prendre conscience d’un coup, mais oui : elle se déshabillait pour les photos, elle usait même de sex-toys, parfois, mais dans des images immobiles. Le temps passant, son activité sexuelle annexe avait fini par la couper jusqu’aux rencontres qu’elle aurait pu faire. Il y avait ses études, d’un côté, ses petits boulots de l’autre, et elle était tant prise par l’un et par l’autre qu’elle avait fini par ne même plus se dénuder devant un homme sans que ce soit régi par un intérêt pécuniaire.

Pas que ce soit différent cette fois-ci, cependant. Non ? Elle attendait bien de cette séance qu’elle lui ouvre des portes sur le plan professionnel…

Elle se rendit compte qu’elle ne savait plus. Le fait de se retrouver dans cette séquence d’essai, soit pour laquelle aucune rémunération n’avait été évoquée, la sortait déjà de son cadre usuel ; l’attitude de Caïn avec elle, aussi…

Surtout l’attitude de Caïn, en réalité.

Lorsqu’il se remit à caresser son clitoris, elle gémit plus fortement, les mouvements de ses doigts la projetant au bord de l’explosion. Le caméraman dit quelque chose à ce moment-là, mais elle ne le comprit pas, tant le plaisir la possédait. Elle accueillit juste les lèvres qui plongèrent avec voracité dans son cou comme elle accueillit le déferlement de l’orgasme : avec envie, trouble et abandon, et laissa ses gémissements d’extase s’évader vers les micros qui l’enregistraient.

Elle cherchait encore à reprendre son souffle quand Caïn se retourna vers le caméraman.

– Tu veux quoi ? demanda-t-il.

– Comme tu le veux ! répondit celui-ci avant de s’adresser à Mél : comme tu le veux, toi, aussi.

Elle hocha de la tête, même si elle aurait été bien en peine, alors, de prendre la moindre initiative.

– Tu veux me caresser ? lui proposa Caïn.

Elle baissa le regard sur son sexe, ses yeux s’élargissant aussitôt sous la vision. Ça aurait été une honte de refuser une telle proposition.

– Oui.

Ses doigts s’y dirigèrent même seuls.

Le contact du gland doux, sous son épiderme, suscita un certain émoi dans sa poitrine. Celui de la pesanteur de son membre en induit un qui alla se nicher directement dans son bas-ventre. Lorsqu’elle releva la tête sur le visage de Caïn, elle fut happée par son expression d’envie. Doucement, elle se mit à caresser sa verge, sans lâcher des yeux son regard. Les vagues de plaisir qui le traversaient par intermittence étaient d’un érotisme captivant.

Quand les mains de Caïn se posèrent sur ses épaules pour la renverser sur le canapé, elle se laissa faire avec complaisance. Quand il tira sur ses hanches pour rapprocher son bassin de l’accoudoir, elle n’opposa pas plus de résistance. Elle le suivit juste du regard tandis qu’il allait s’emparer d’une protection et l’enfilait sur son sexe. Le sourire qu’il lui adressa avant de reprendre la parole fut intensément séduisant.

– Je vais y aller doucement.

Elle acquiesça, la gorge serrée.

– Tu as un mec ? lui demanda-t-il soudain.

La surprise l’envahit.

– Non.

– Tu as des aventures ?

Ce questionnement la perturba et elle sentit la gêne crisper ses lèvres. La prise de conscience de la misère sexuelle de sa vie la mettait mal à l’aise.

– Je crois que j’ai perdu l’habitude d’avoir des rapports non tarifés. Enfin…

En se rendant compte du sens de ses mots, elle voulut se rattraper, affligée.

– Je veux dire, je… ne me prostitue pas…

Elle n’insista pas. Elle avait atteint son quota de bêtises sorties pour la journée.

Caïn la fixait plus gravement, les sourcils foncés. Après un temps de silence, il caressa ses seins, suivant leur forme du bout de son doigt. De par la position dans laquelle il l’avait installée, le bassin de Mél était surélevé par l’accoudoir et son corps reposait, abandonné, sur l’assise du canapé.

– Dis-moi si je te fais mal, chuchota-t-il.

– Oui…

Elle le contempla avec fascination alors qu’il glissait les mains sur ses cuisses pour les lui remonter plus haut. L’appréhension se fit en elle en sentant son sexe se positionner à l’entrée de sa chair humide, et elle respira plus rapidement jusqu’à ce que, d’un coup, il commence à la pénétrer. L’intrusion, forte, la fit renverser le visage en arrière en exhalant un souffle de surprise. Caïn engagea cependant son sexe jusqu’au bout et ils se retrouvèrent tous deux, la respiration hachée, à marquer une pause au plus fort de leurs corps mêlés. Puis Caïn se recula et, lorsqu’il se renfonça d’un coup, Mél éprouva une si forte excitation à sentir sa verge ainsi en elle, l’étirant et la comblant, qu’elle ouvrit sur lui un regard dans lequel s’exprimait toute l’intensité de son émoi.

Des va-et-vient suivirent et, si la tension resta particulièrement importante, le plaisir l’accompagna très vite, une sensation massive, autant mentale que physique, qui alla grandissant, la faisant trembler, gémir, alors que les mouvements de Caïn s’accéléraient, faisant s’élever aussi la voix de ce dernier : ces gémissements qu’elle avait entendus dans les vidéos, mais qui lui paraissaient alors si vrais, si purs, si différents, comme s’il vibrait vraiment d’extase à être en elle, comme si la jouissance ne se trouvait plus pour lui qu’à quelques coups de reins. Alors, elle se redressa sur un coude et chercha son contact, lança la main vers l’avant pour tenter de le toucher, elle aussi, et hoqueta en le sentant la soulever brusquement par les fesses. Dans un réflexe, elle s’accrocha à son cou pour ne pas tomber et se retint avec difficulté tandis qu’il allait encore vivement en elle, étirant sa chair de son membre dur et se mouvant plus vite, l’appuyant sur le dossier du canapé où elle peina à trouver un appui pour sa main tandis qu’il s’enfonçait encore et encore en elle. Puis leurs bouches se trouvèrent dans un baiser entrecoupé de râles, et le visage de Caïn ne s’écarta qu’au tout dernier instant pour haleter sa jouissance, tremblant contre ses lèvres sous la force de son orgasme. Il ne ralentit ses mouvements que progressivement. Alors qu’il se retirait d’elle, Mél s’agrippa de son mieux au sofa pour ne pas se casser la figure et accueillit avec stupeur le rire du caméraman ; elle était parvenue à oublier sa présence.

– Tu parles d’un pro, s’esclaffait celui-ci.

Caïn se mit à rire de concert.

– Non, mais je te rappelle que je ne suis pas censé bosser ici !

– Ouais ouais… N’empêche que je t’ai connu plus endurant !

– C’est sûr…

Tous deux furent pris d’une hilarité si forte, et si complice, que Mél put voir des larmes de rire s’échapper des yeux de Caïn.

– Toute une carrière à reconstruire, commenta ce dernier en se débarrassant de son préservatif.

– Au moins…

Le caméraman reporta son attention sur son matériel. Son expression redevint sérieuse et, même, épatée.

– N’empêche que c’était chaud !!! Oh putain !

– Ouais, confirma Caïn, l’air rêveur.

Et, lorsqu’il se tourna vers elle pour lui adresser un sourire, ses yeux brillaient d’une lueur qui la toucha profondément. Elle commençait vraiment à se sentir stupide d’avoir mis tout ce temps sa propre vie sexuelle entre parenthèses.

Elle commençait à se sentir, aussi, stupide de rêver aussi fort, d’un coup, qu’il puisse se passer plus entre eux que cette seule rencontre.

– Va falloir en faire quelque chose, de cette vidéo, reprit le caméraman. On ne peut pas la laisser comme ça.

Mais Caïn ne regardait plus qu’elle, et elle ne pouvait plus se détourner de ses yeux.

– Tu permets qu’on se prenne une douche ? intervint-il.

– Ouais, accepta le caméraman, concentré par la séquence qu’il était en train de repasser, et depuis laquelle Mél pouvait entendre leurs gémissements mêlés.

Elle attrapa dans un élan instinctif la main que Caïn lui tendit.

Il lui sourit.

– Tu viens avec moi dans la douche ?

Mél le contempla, autant captivée par la douceur de son expression qu’hésitante sur ce qu’elle devait répondre. Il n’y avait pas besoin de réfléchir, toutefois. Une seule réponse s’imposait.

– Oui.

Elle lui rendit son sourire.

Et, alors que Caïn lui tendait un peignoir, elle songea que, peut-être, cette douche ne serait pas innocente. Et qu’elle non plus ne serait pas tarifée. Et que c’était bien, aussi, finalement.

Et que c’était très bien comme ça.

Attache-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Érotique, M/M, bondage.

Résumé : Se trouver face à un homme encore excité par la chaleur des combats qu’il a livrés cette nuit est loin d’être synonyme de doux réveil nocturne… mais, si le premier le sait, son compagnon semble bien s’en moquer totalement.

Attache-moi

Un œil au bleu profond…

Ben ferma une seconde les paupières avant de les rouvrir sur le regard amusé qui était posé sur lui. Un léger sourire jouait au coin des lèvres pleines et les mèches blondes qui caressaient ses joues semblaient capter la lueur pâle de la nuit.

Nathanaël était rentré.

Sur son t-shirt trônaient quelques traces de sang séché, et un léger effluve de sueur se dégageait de sa peau, témoignant de son retour précipité du club. Ce n’était pas la première fois que Nat faisait ça : revenir sans même se changer. Ses mains, marquées par les combats de la nuit, glissaient lentement sur son torse, provoquant des frissons sur leur passage.

– Je dormais, se plaignit Ben.

– Plus maintenant.

Une lueur rieuse avait pris place dans les yeux de Nat. Ben tourna le visage vers la fenêtre ouverte, observant l’obscurité qui régnait à l’extérieur et témoignait de la profondeur de la nuit. Un vent léger soulevait le voile blanc cachant la vue sur la ruelle en contrebas.

Installé de tout son poids sur lui, Nathanaël semblait perdu dans la contemplation de ses traits ensommeillés. Quand il appuya sur sa pommette du bout du doigt, la tirant vers le haut pour y dessiner un sourire, Ben grogna, ce qui fit ouvrir les lèvres à Nat dans un rire silencieux. Même s’il apparaissait troublé, comme toujours lorsqu’il rentrait du club, le regard de Nat brillait d’une malice que Ben connaissait bien, tout comme la façon dont ses dents blanches venaient de glisser sur sa lèvre inférieure. Il savait de quoi ces gestes auguraient.

Il se frotta les paupières, ayant encore du mal à se réveiller. Il s’était couché entièrement dévêtu, ne se couvrant que d’un simple drap à cause de la torpeur estivale. En avalant sa salive, il grimaça. Sa gorge sèche le brûlait. D’un coup, il lança le bras sur le côté pour attraper la bouteille d’eau qu’il avait laissée à proximité du futon et il remarqua la manière dont Nat suivit du regard le roulement de ses épaules : comme fasciné. Il se releva sur un coude et étira son cou pour se désaltérer. Lorsqu’il sortit un bout de langue pour s’attarder sur le bord de ses lèvres humides et les débarrasser de l’eau y étant restée, quelque chose de plus charnel brilla dans les yeux de Nat. L’excitation de sa nuit de combats était encore présente, Ben pouvait le voir à chaque instant. Nat le contemplait comme s’il avait été un adversaire à battre, mais dans un affrontement d’une toute autre nature que ceux qu’il avait menés juste avant ; plus sensuelle. Un infime sourire étira un coin de sa bouche. Il appréciait la façon conquérante et bestiale avec laquelle son amant le considérait.

Sa main passa dans sa chevelure emmêlée par la nuit.

– Il est quelle heure ?

Le son bref qui sortit des lèvres de Nat et l’expression taquine qui prit place sur son visage lui en dirent long sur la façon dont il se moquait de ce détail. Un temps, Ben crut revoir le gamin qu’il avait connu, plus jeune, et dont Nat avait gardé le goût de l’amusement malgré les années s’étant écoulées depuis. Les souvenirs de cette époque où tous deux traînaient plus souvent dans la rue que dans un foyer se rappelèrent à lui et il repensa à quel point il avait de la chance de s’en être sorti pour être là et partager ses nuits avec cet homme qui comptait tellement pour lui.

Il bâilla largement, une petite larme de sommeil perlant au coin de ses yeux alors qu’il levait la main devant son visage.

– Ça a été, au club ?

Sa question ne suscita qu’un haussement d’épaules. Il ne jugea pas utile d’insister : Nat en parlerait s’il le voulait et, pour l’instant, son esprit autant que son regard étaient fixés sur son torse dont il suivait les courbes d’un doigt intéressé. Avec sa sensualité naturelle, son amant pencha le visage sur le côté. Ben fut captivé par le mouvement fluide que décrivit une mèche de ses cheveux blonds… mais plus encore par la langue qui effleura ses lèvres, tel un félin se pourléchant devant son futur festin.

– Tu m’as manqué, murmura Nat avec tendresse.

Son haut de résille glissa le long de ses bras bronzés, passant au-dessus de sa tête en ébouriffant un peu plus sa chevelure. Le regard de Ben fut alors attiré par le large bleu qu’il découvrit sur son flanc. Lentement, il y posa un doigt en remontant le long de ses côtes, suivant la trace du coup qui avait dû être particulièrement violent pour être aussi visible. Il pouvait sentir l’adrénaline pulser à travers la tension qui animait Nat, et l’excitation des combats dont son amant ne se gênait pas de lui faire partager le goût, la sueur et même l’odeur du sang qu’il avait ramenés jusque dans leur lit. Son nez se plissa avec gêne. En relevant son torse, il rechercha la source de ce parfum désagréable. Sa main passa sur la tête blonde et s’accrocha au coin de la nuque sur quelques mèches poisseuses collées entre elles. Il tira dessus.

– Tu as encore du sang. Va te laver.

Nat posa un regard chaud sur lui, mais resta silencieux.

– Allez, insista-t-il.

– Pas envie…

Nat ajouta avec une expression de gamin taquin :

– Juste envie de toi.

S’il s’agaça, Ben ne s’étonna pas de son attitude. En ce qui le concernait, faire preuve d’une hygiène élémentaire avant d’entrer dans le même lit que son compagnon était autant un besoin impérieux qu’un acte de respect, mais Nat était un être brut qui ne s’embarrassait pas de ce genre de considérations. Il n’avait pas l’éducation qu’une famille aurait pu lui donner et se fichait bien que son état puisse déranger. Lorsqu’il rentrait, troublé comme à l’instant, tout ce qu’il cherchait était le contact de son corps, l’odeur de sa peau et le besoin de s’enfouir en lui pour calmer l’excitation des combats dans la sueur du sexe partagé.

De l’intérieur de leur chambre, les éclairages de la ville n’offraient qu’une image pâle. La canicule ambiante était à la limite du supportable. Ben essuya d’une main la moiteur de son front avant de voir Nat sourire en regardant le drap masquant à peine la partie inférieure du corps.

– Je vois que tu es content de me voir.

Ben eut un rire bref à cause de la lourdeur de la remarque et murmura un « imbécile » en se redressant pour quémander un baiser.

Nathanaël l’observa, amusé. Puis il se saisit de sa bouche avec envie, mordant passionnément ses lèvres, se reculant pour les lécher d’une langue taquine tandis que son amant se tendait avec envie, ne parvenant pas à attraper sa chair qui le défiait avec jeu. Nat planta alors ses dents dans sa lèvre rebondie avant de la prendre entre les siennes et de pénétrer enfin dans cet antre dont il aimait tant la saveur. D’une main, Ben retint sa nuque et tous deux se laissèrent aller à partager le désir et la plénitude de se retrouver enfin.

La caresse buccale était excitante, mais Nat se sentait joueur. Des deux mains, il repoussa Ben d’un coup, le faisant rebondir sur le matelas, ce qui l’amusa. Après un moment de surprise, une expression supérieure assombrit les yeux de Ben, disant : « essaye de me faire craquer si tu en es capable ».

Avec plaisir…

Ses cheveux ébène épars autour de son visage, sa bouche entrouverte en une invitation et son corps étendu au milieu des plis des draps, Ben le provoquait dans une position que Nat jugea à se damner. Il se redressa alors sur ses genoux et regarda de sa hauteur cet homme qui, allongé sous lui dans une attitude sauvage, lui semblait pourtant juste à sa merci. Avec jeu, ses doigts glissèrent le long de son propre torse, attisant la lueur de désir des yeux de son amant alors qu’il passait le bout de ses doigts sous la ceinture de son pantalon, faisant sauter, un à un dans un jeu lent, les quelques boutons qui le retenaient encore. Ben se redressa avec envie pour embrasser son torse, mais Nat posa une main ferme au centre de sa poitrine pour le faire retomber d’un coup sur le matelas.

– Nat…

Ben avait murmuré son nom dans une plainte brûlante qui ne fit qu’augmenter son excitation. Lentement, il descendit les doigts le long de sa peau, longeant le côté de son pantalon en le baissant à peine, avant de tomber sur le renflement de sa poche où il avait fourré un morceau de corde à la sortie du club et sur laquelle il se bloqua.

Brusquement, il se rassit, s’amusant de la forme gonflée sur laquelle il venait de retomber en faisant souffler son amant, et sortit l’objet de sa poche.

Ben plissa les yeux, méfiant, en voyant Nat absorbé par cette corde.

– Qu’est-ce que tu fous ? demanda-t-il en le regardant la dérouler avec un sourire prédateur.

– Je ne sais pas…

– Nat…

Le regard que celui-ci releva alors sur lui était empli d’un amusement si vif qu’il l’inquiéta. Il essaya de se redresser, mais son amant enfouit soudainement son nez dans le creux de son cou, respirant son odeur. Une langue douce lapa sa peau, juste sous le lobe de son oreille, le faisant soupirer.

– Tu es encore énervé par le club, fit-il remarquer.

Nathanaël rétorqua lentement :

– J’ai envie de t’avoir à ma merci.

Ben tiqua sur ces paroles, mais la bouche avide qui se posa sur la sienne ne lui laissa pas l’opportunité de rétorquer. Dans l’obscurité de la nuit, il se versa dans ce baiser qu’il savoura de tout son être. Nat pencha son visage en léchant la longueur de sa mâchoire.

– Tu m’excites…

À cause de la chaleur des mots, Ben s’abandonna aux mains qui descendaient le long de ses côtes, longeant sa peau avant de remonter en levant doucement ses bras au-dessus de sa tête. En se rendant compte de la position dans laquelle il venait d’être installé, il eut un temps d’arrêt, mais son esprit embrumé par le sommeil et le désir ne lui permit pas de réagir assez rapidement.

Vivement, une corde s’enroula autour de ses poignets.

D’un coup, Nat tira sur l’objet pour les nouer, et il termina son geste en accrochant la corde à la tête du lit dans un sourire conquérant.

– Qu’est-ce que tu fais ?

Nat serra juste très légèrement sa prise, le faisant siffler entre ses dents.

– J’aime que tu te donnes à moi, répondit-il simplement.

Avec inconfort, Ben tortilla ses poignets et pesta en constatant qu’il ne faisait que resserrer les liens qui l’entravaient.

– Putain, j’y crois pas…

Il porta son regard au-dessus de sa tête pour en chercher la faille, mais les baisers voraces qui saisirent cet instant pour attaquer son cou ne lui laissèrent pas le temps de s’y attarder. De tout son poids, Nathanaël s’allongea sur son corps tendu et lécha le creux de son oreille, y soufflant quelques insanités qui le firent soupirer d’envie. La position était désagréable, bien qu’excitante, et ses mains se tordirent sous leurs attaches dans une vaine tentative de les en dégager.

Ben adressa un regard prometteur de vengeances à Nat, ce qui ne suscita qu’un large sourire avant que son amant effleure ses lèvres, lui faisant tendre le cou pour attraper un baiser qui se déroba à lui.

– Allez…, se plaignit-il.

Volontairement, Nat recula son visage. Le feu des combats brûlait encore en lui et il s’amusait bien trop pour avoir envie de s’arrêter. Poussant le jeu un peu plus loin, il descendit frôler le torse de Ben, soufflant sur ses mamelons érigés, survolant sadiquement son ventre puis son membre durci avant de se relever en emportant avec lui le drap. Alors qu’il se reculait de quelques pas, il savoura la vision de son amant dont le contraste entre la position offerte et l’éclat fier et dangereux des yeux était d’un érotisme effrayant.

D’un geste de pieds, il chassa son pantalon tombé au sol et passa une main au milieu de ses cheveux, dans un geste qui lui fit trouver sans le vouloir la portion encore poisseuse de sang. Tant pis. Il adressa à Ben un regard amusé à ce sujet. Puis il revint se placer au-dessus de son corps, dressé sur ses genoux, et se plut à contempler l’envie qui consumait les yeux de son amant.

– Je te ferai me supplier, promit-il.

Ben ne lui répondit que d’un regard provocateur qui signifiait clairement « essaye seulement pour voir » et Nat s’échappa juste au dernier moment d’un coup de reins qui aurait pu mettre en contact leurs bassins. En voyant Ben reposer sa tête sur le matelas avec une grimace de frustration, il ne put se retenir de rire.

Le jeu lui plaisait.

Il se lécha les lèvres avec provocation puis descendit les mains sur son propre torse, caressant ses abdominaux avant de prendre son membre dressé, y apposant quelques mouvements de paume, paupières fermées sous le plaisir, qui arrachèrent un soupir de trop-plein d’envie à Ben.

– Je me vengerai.

L’expression de Ben était tant frustrée que tendrement râleuse. Nat se pencha pour lui susurrer les mots suivants à l’oreille :

– Alors, en attendant, je vais prendre tout mon temps pour te rendre dingue…

Dans la langueur du moment, il sentit son amant s’abandonner. D’envie, il lui lécha la mâchoire avant de capturer ses lèvres dans un long baiser, tendre et suave, qui lui fit oublier un instant le jeu auquel ils s’adonnaient. Lorsqu’il recula son visage, il prit le temps de détailler l’expression de Ben. Les bras lacés en haut du lit en une position lascive, les mèches brunes éparses autour de son visage et une rougeur bien tentante mettant en valeur sa bouche entrouverte, il lui offrait une image incroyablement désirable. Il descendit lentement le long de son torse glabre, à la pâleur rehaussée par la clarté nocturne et embrassa sa peau découverte, appuyant son front contre ses muscles sans pour autant lâcher du regard les yeux posés sur lui.

Quand il titilla de sa bouche les grains de chair sensibles de sa poitrine, les paupières de Ben se refermèrent, mais Nat voulait plus qu’un simple clignement des yeux. Il mordit alors juste un peu le téton fragile, satisfait de voir son amant se tordre dans un juron. La chair avait un peu rougi et il fit glisser sa langue dessus pour en calmer la brûlure, prenant le temps de suivre de la main ses abdominaux de son amant. Ben échappa un souffle d’envie. Nat poussa plus loin le jeu en naviguant cruellement autour de son membre durci et demandeur. Puis il posa juste son doigt sur le bout de son sexe, y dessinant de fins cercles avant de le relâcher tout aussi vite, suscitant un grognement qui lui plut particulièrement. Il lécha alors avec gourmandise son ventre tout en se délectant des halètements de Ben dont le membre avait été trop vite délaissé.

– Nat…

Ben venait de se tortiller en tirant sur ses liens et avait soupiré son nom d’une façon qu’il trouva délicieuse. Brusquement, il attrapa ses hanches offertes de ses deux mains, les tirant autant que l’attache serrée de la tête du lit lui permettait de le faire vers le bas, et ouvrit ses cuisses dans un geste peu délicat. Un bras passa sous l’un de ses genoux qu’il releva en s’allongeant sur son corps, grognant en faisant rouler leurs érections l’une contre l’autre.

– Tu veux que je te prenne tout de suite ?

Un regard noir bien que déjà troublé d’envie lui répondit, le faisant sourire alors qu’il renforçait l’impact de ses mots en un profond mouvement de reins :

– J’ai envie de te faire crier.

Un temps, Ben se laissa étourdir par la voix rauque de Mat. Puis il le défia :

– Parce que tu t’en crois capable ?

Le regard de Nat s’enfonça dans ses pupilles puis son contact s’évanouit. Ses poignets toujours retenus par la corde, Ben inclina son visage pour observer Nat, qui s’était accroupi sur un côté du lit pour rechercher quelque chose. Il profita de cet instant de répit pour examiner la corde entortillée au-dessus de sa tête. Les nœuds étaient solides et il jura entre ses dents en ne parvenant pas à trouver comment s’en détacher. Le bruit d’un tube dont le couvercle sauta attira son attention.

Avec un fin sourire, Nat venait d’ouvrir le lubrifiant et le laissa couler directement sur son sexe, le faisant sursauter à cause du contact froid. Le gel glissa le long de sa chair, s’immisçant progressivement un peu plus loin. Nat posa l’objet à côté d’eux puis se pencha pour l’embrasser tandis qu’il se saisissait d’une main habile de son sexe gonflé. Ben soupira de satisfaction dans sa bouche. Les premiers mouvements de paume le firent se tendre et il laissa son amant prendre possession de son cou alors que la main lubrifiée descendait plus bas encore entre ses jambes, frôlant une de ses fesses en la remontant vers lui.

D’un coup, il se tendit de tout son être tandis que deux doigts le pénétraient.
À cause de l’intrusion, il ne put totalement réprimer le gémissement d’inconfort qui franchit ses lèvres. Nat ressortit ses doigts pour caresser doucement l’entrée qu’il venait de profaner.

– Espèce de brute, râla-t-il, mais sa plainte était plus moqueuse que réellement fâchée.

Les mouvements circulaires qui suivirent ne lui permirent plus de continuer à parler. Il posa juste un regard gorgé de plaisir sur celui, joueur, de Nat, avant que ce dernier ne replonge en lui, aussi profondément qu’il le pût.

Tout en l’observant, Nat s’amusa à entrer et ressortir en des rythmes irréguliers, tournant à l’intérieur en étirant la chair. Le visage crispé de Ben témoignait du plaisir qu’il ressentait. À l’opposé de l’expression supérieure qu’il affichait si facilement, ses yeux s’étaient fermés sous ses caresses, sa bouche ouverte comme s’il cherchait à faire entrer davantage d’air dans ses poumons et son cou s’était tendu de côté dans un geste d’abandon… Nat appuya alors soudainement en plein sur sa prostate, lui faisant brusquement arquer le dos avant de geindre faiblement sous la pression des doigts qui s’enfonçaient juste au niveau de cet endroit.

– Nat…

Captivé, il l’observa perdre pied, sans pour autant s’en sentir rassasié. Il ajouta alors à la sensation de ses membres glissant à l’intérieur de lui celle de sa bouche le long de son sexe tendu. Des plaintes mal retenues et autres envolées sonores emplirent la pièce.

– Nat, je…

Tremblant, Ben peinait pour s’exprimer et Nat saisit cet instant de vertige pour joindre un troisième doigt à ceux le pénétrant déjà, le faisant planter les dents dans ses lèvres.

– Qu’est-ce que tu veux ? chuchota-t-il avant de caresser de sa langue son membre dur.

Un halètement lui répondit :

– Plus… Je veux…

– Dis-le, insista Nat en ressortant ses membres pour se contenter d’agacer l’entrée de son corps.

– Allez…

Ben leva des yeux humides au ciel et éclata d’un bref rire avant de râler franchement.

– Ce que tu me fais, là… je te le ferai payer au centuple.

Nat haussa un sourcil, amusé, puis réinséra d’un coup ses doigts en lui, le faisant se cambrer violemment.

– Allez, prends-moi, bon sang, souffla Ben dans une supplique. Arrête de jouer et baise-moi.

Dans un sourire, Nat frotta son visage contre sa peau avec tendresse.

– Je t’aime, tu sais ?

Un pur ronchonnement lui répondit, mais Nat attendit tranquillement la réaction de Ben. Ben laissa alors échapper un rire léger, comme s’il lui en voulait de le pousser à dire ces mots.

– M… ssi…

– Hein ? insista-t-il, hilare.

Ben râla nettement.

– Moi aussi je t’aime, abruti… et les représailles seront terribles.

En réponse, Nat sourit de toutes ses dents. Il se redressa et tira sur les hanches de Ben, tendant ses bras lacés au-dessus de sa tête avant de soulever un genou pour le poser sur son épaule et mordre avec envie dans la chair ferme. Puis il se positionna entre ses jambes. Durant quelques secondes, il prit le temps de savourer le contact de cette entrée ouverte contre son sexe durci.

Puis il poussa.

Longuement, son membre plongea dans le corps serré qui s’offrait à lui, ses yeux se fermant alors que Ben se cambrait sous l’intrusion. La formidable sensation de pression lui donna le vertige et il s’enfonça lentement, ne s’arrêtant qu’une fois sa chair entièrement entrée.

– J’aime te prendre.

Un léger sourire releva le coin de la bouche de Ben, les yeux déjà partis dans les limbes du plaisir et Nat releva les reins de son amant pour se reculer et se renfoncer plus loin encore à l’intérieur de lui.

Bientôt, tout ne fut plus que chaleur brûlante et, au fond de son esprit, les combats et ses besoins de violence, tout ce qu’il y avait en lui qui le faisait retourner toujours et encore au club, devinrent une brume lointaine, des souvenirs s’effaçant dans l’échange charnel, une image vaporeuse qui s’envolerait bientôt, recouverte de l’odeur de Ben, de la sensation fabuleuse de se mouvoir en lui et de cette complicité qu’il était tellement doux de partager. Il s’accrocha d’une ferme prise à ses hanches et posa son front contre le sien, y déposant quelques gouttes de sueur que la chaleur estivale comme l’acte auquel ils s’adonnaient avaient tirées, tandis qu’il continuait à entrer et ressortir de lui. Leurs bouches se goûtèrent suavement, leurs langues se mêlant dans une longue pénétration qui fit écho à celle qui embrasait leurs corps.

Fiévreux, Nat perdit un regard troublé dans celui maintenant embué de Ben, lui chuchotant à nouveau à quel point il aimait le prendre, puis il se retira brièvement en le regardant… avant de le retourner sur le ventre pour revenir s’enfouir profondément en lui.

– Oh merde, Nat…

– C’est trop bon de te baiser…

Ses mains avides se pressaient sur la taille de son compagnon et il se pencha sur sa nuque où quelques mèches étaient collées de sueur, en embrassant la peau devenue moite.

D’un mouvement tremblant, Ben s’appuya sur ses coudes, le front pressé entre ses bras pliés. De longs soupirs s’échappaient de sa bouche et il frémissait à chacun de ses à-coups.

« Ah… »

« Oh putain… »

Nat se recula pour entrer à nouveau en lui en un profond coup de reins, appuyant sur l’endroit si sensible du corps de Ben qui le fit souffler, grogner et marmonner des jurons non retenus. En voyant les prémices de la jouissance se manifester chez son amant, il glissa la main sous son ventre pour enrouler la main autour de son membre, le caressant vivement, majorant ses gémissements, mais fut gêné d’être privé de la vue sur son visage. Il tira alors brusquement sur l’attache le retenant à la tête de lit, la défaisant sans prêter attention au fait que les poignets de Ben étaient restés liés, et se retira de lui, le laissant retomber sur le matelas avant de le repousser sur le dos. Ses mains se glissèrent sous ses fesses.

– Accroche-toi à moi.

Puis il se releva en vacillant, poussant Ben à passer ses poignets au-dessus de sa tête pour s’agripper dans un ultime effort. Quelques pas titubants suivirent avant qu’il le plaque contre le mur le plus proche, enroulant ses cuisses autour de ses hanches pour se rengainer d’un coup en lui. Dans le plaisir, leurs voix s’étaient mêlées. Son regard plongea alors dans celui de Ben et il fut ébloui par l’image qu’il lui offrait, avec son visage étourdi penché en avant et les mèches humides de sueur qui s’échouaient sur son front.

Son corps était à bout et il n’eut besoin que de quelques mouvements supplémentaires pour parvenir à la délivrance, jouissant de voir celle de Ben se manifester, d’abord, avant de succomber à la sienne.

Un bruit sourd résonna tandis qu’ils s’effondraient sur le parquet. Nat avait accompagné la chute de Ben et le tenait maintenant entre ses bras, sa peau humide se collant contre la sienne.

En de longues respirations, tous deux reprirent leurs souffles.

Le voile de la fenêtre se souleva lentement, un vent léger venant caresser leurs peaux. Nat ouvrit le regard sur celui encore vitreux de son amant, et répondit d’un sourire à la lueur tendrement fâchée qui s’y était affichée. Son regard se posa enfin sur la peau de ses avant-bras.

Et il se rendit compte de l’état dans lequel il les avait mis.

Il grimaça de culpabilité.

Parce qu’il n’avait fait que le tirer et retourner au cours de leurs ébats, la corde s’était tendue à son maximum et n’était pas loin d’entrer dans la chair. Avec gêne, il détacha vivement les liens. Ben se massa douloureusement les poignets dès qu’il en eut la possibilité. De fines traces rouges et peu profondes étaient inscrites sur sa peau pâle et Nat se pencha, penaud, pour en baiser doucement les meurtrissures. Il y aurait des bleus.

– Désolé…

Ben lui lança un regard assassin avant de grogner distinctement.

– Tu peux le dire…

Mais il ne tint guère longtemps à ronchonner. Dans un sourire mordant, Ben posa les mains sur ses épaules et il le plaqua au sol.

– La prochaine fois, c’est moi qui t’attache.

– Sérieux ? s’étonna-t-il.

– Et je te montrerai ce que ça veut vraiment dire de « faire crier quelqu’un ».

– Vantard.

Nat ne cacha pas son amusement. Ben renchérit avec une expression supérieure.

– C’est ce qu’on verra.

Un dernier sourire tendre et joueur plana sur leurs lèvres puis Ben se redressa en pestant pour la forme.

– Ce coup-ci ce n’est plus discutable : on va se doucher.

Le ton autoritaire ne laissait aucune place à un éventuel refus. Nat tira seulement la langue en ébouriffant d’une main sa chevelure.

Alors qu’ils se dirigeaient vers la salle d’eau, il observa le corps qui le précédait et… sentit l’appétit le tenailler en songeant que les dernières paroles de Ben sonnaient comme une bien agréable proposition.

Ainsi sombre la chair – Prologue

Auteur : Valéry K. Baran.

Genres : Érotique, M/F, angst, dark, psychologique.

Résumé : Ce n’est pas une belle histoire d’amour. Ce n’est pas non plus juste une histoire de cul, sans psychologie, sans contexte et sans analyse.
C’est une histoire d’êtres humains.

Avertissement de l’autrice

A la différence des histoires présentes majoritairement sur ce site, celle-ci est très sombre, et aborde des sujets qui peuvent mettre mal à l’aise.

Personnellement, j’aime beaucoup cette histoire mais voilà : sachez donc qu’on n’est pas dans le style fun et léger que vous pourriez trouver dans les autres. Le prologue est d’ailleurs écrit pour y préparer les lecteurs et lectrices.

Prologue

A toi qui t’apprêtes à lire ce roman.

A toi qui, curieux mais pas encore convaincu, ne sachant pas si tu as vraiment envie de la lire. On ne sait jamais vraiment avant de commencer.

Je te dirai ceci :

J’ai mis longtemps avant de savoir comment entamer cette histoire. Tout ce que je savais, c’est qu’elle était là, que je l’avais dans la tête, dans les tripes, et qu’elle devait sortir. Je savais qu’elle ne serait pas « belle ». Je savais de quoi elle parlerait mais pas comment la qualifier. – Tu écris quoi ? – Un truc… Je disais ça, quand on me posait la question. Je savais ce qu’elle ne serait pas.

Et toi aussi, tu dois le savoir avant de commencer ta lecture.

Ce que tu t’apprêtes à lire ne sera pas une belle histoire d’amour. Pourtant elle parle quand même d’amour – toutes les histoires le font, non ? – mais pas comme tu l’imagines, et peut-être pas comme tu voudrais le lire. Si tu veux une belle romance qui fait rêver, il te faudra passer ton chemin. Si tu veux même juste une histoire de cul, sans psychologie, sans contexte et sans analyse, parce qu’il y en a aussi, dedans (du cul, mais surtout de la psychologie et de l’analyse), passe-le aussi. Si tu veux une histoire mettant en scène de vrais personnages, avec de vraies envies, et de vraies aspirations, et de vrais rêves, et de vrais obstacles, et de vraies désillusions… Oui, cette histoire est pour toi. C’est une histoire d’êtres humains, c’est une histoire de sexe, c’est une histoire de besoin de liberté, c’est aussi une histoire qui te poussera, peut-être, à te demander quelle est ta place dans ta vie, et ce que tu as fait de tes rêves, et ce que tu veux en faire maintenant. Et qui tu veux être. Qui tu es, au fond de toi-même, quelles parts de toi tu noies, tu écrases, tu enfouis, tu tues.

C’est une histoire qui parle de souffrance, de peines et de pertes dans des chemins boueux et sans issues, et d’espoirs impossibles à atteindre mais impossibles à repousser, aussi.

Ce ne sera pas une belle histoire, mais c’est quand même une histoire d’amour, dans le fond. Quelque part, là-dedans. C’est celle de héroïne de ce livre. Et c’est peut-être la tienne, aussi. Ce que tu as, au creux de toi, là, caché.