Vintage Gay Men

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo homosexuel, érotique.

Résumé : Chris débarquait toujours à l’improviste. Chris était l’étudiant bohème, parasite de référence. Alex n’aurait même pas su dire comment il avait fait pour s’installer ainsi dans son existence, pas plus que pour devenir un élément de son quotidien.

Vintage gay men

Chris débarquait toujours à l’improviste.

Chris entrait, se servait un café, déambulait pieds nus sur le carrelage du salon et allait se prendre une douche avant de sauter dans la piscine. Alex le trouvait en maillot sur un transat, en train de descendre ses bières, ou avec une bouteille de champagne emmenée « comme ça » — et pourquoi faudrait-il une raison ? — sur son perron, si ce n’était en train de leur préparer un plat au fumet intriguant dans sa cuisine. Puis Chris lui parlait des histoires de cul des autres élèves de leur fac et des profs, et puis des siennes, avant de squatter tout le soir durant la terrasse de sa baraque. Chris lui piquait tous ses cours pour les photocopier et rattraper ainsi ses séances d’amphi séchées. Chris vidait trop souvent son frigo, mais se rattrapait toujours juste avant qu’Alex s’en agace avec des élans de générosité inattendue.

Chris était l’étudiant bohème, parasite de référence. Alex n’aurait même pas su dire comment il avait fait pour s’installer ainsi dans son existence, pas plus que pour devenir un élément de son quotidien, aussi habituel que le ronronnement de sa cafetière ou le reflet de son visage dans la glace vieillie de sa salle de bains. Chris était un mystère ambulant.

Lorsqu’il le vit s’approcher lentement de lui, son pantalon baggy retroussé sous ses genoux et ses poches pleines à craquer — Chris y transportait toujours toute sa vie —, et son habituelle boucle d’oreille tête-de-mort pendant à son lobe gauche, il leva simplement les yeux pour l’observer. Le voir s’asseoir en tailleur à ses côtés ne l’étonna pas. Allongé sur les lattes chaudes de sa terrasse, les oreilles bercées par le clapotis de l’eau de la piscine, il observa sa silhouette se détacher sur le bleu plein du ciel, masquant le soleil qui nimba les mèches blondes de ses cheveux d’or pur. Un temps, il se surprit à y perdre son regard.

– Ce sont des bears, lui fit enfin remarquer Chris en se montrant la photo qu’il tenait dans ses mains.

Alex leva de nouveau cette dernière au-dessus de son visage. La musculature des deux modèles, franche et puissante, témoignait d’un travail physique que ne permettait pas une salle de sport, et leur pilosité, ajoutée à la calvitie de l’homme accroupi, en faisait tout sauf des figures de mode.

– On dirait Robert Hue, marmonna Alex en s’attardant sur la barbe en collier du modèle debout.

Chris émit un léger ricanement. Il étendit ses jambes sur le bois de la terrasse.

– Je ne sais vraiment pas ce que je vais pouvoir en faire, soupira Alex.

– C’est pour quoi ?

– Travail pratique. On est censé proposer quelque chose à partir de ce cliché.

Chris se pencha pour examiner plus attentivement le cliché.

– Une histoire de bûcherons dans les bois ?

Les deux modèles se tenaient en effet devant un arbre, en pleine nature, et ce qui dépassait légèrement des doigts de l’homme accroupi ne pouvait être que l’extrémité du sexe tendu de son partenaire. Du moins, Alex avait assez usé ses yeux dessus pour en avoir acquis une certaine certitude. Chris lui aussi sembla s’y attarder : sur cet arc rebondi qui dépassait de son poing. Le fait que la photo soit en noir et blanc et que sa cuisse épaisse en masque le bas laissait un léger doute.

– Il a le droit de vous faire travailler sur ça ?

– Le prof est un connard, grogna Alex pour toute réponse.

– Tu trouves ?

Alex prit une longue inspiration et essaya de se modérer.

– Cyprien est un connard, corrigea-t-il. S’il avait trouvé mieux à faire qu’insulter son voisin de gauche en le traitant de PD, on n’en serait pas là. Si le prof avait trouvé une meilleure punition que de nous filer ce cliché sur lequel bosser, on n’en serait pas là non plus. Ou au moins une punition individuelle… Il n’y a que cet abruti qui a eu des propos homophobes, autant que je le sache, pas le reste du groupe.

Chris ne dit rien, considérant seulement la photographie avec attention. Lorsqu’Alex dirigea son regard vers lui, il le vit pencher la tête vers l’arrière. La mèche de cheveux plus longue qu’il gardait entourée de ficelles colorées, à la Anakin Skywalker, lui descendit dans le dos et Alex remarqua l’arbre qui se détachait un peu plus loin sur l’azur du ciel, le vent faisant bouger les feuilles de sa cime. Comme sur la photo. Son esprit vagabonda.

– On disait déjà « bear », à l’époque ?

– Bien sûr, commenta Chris.

Alex se demanda comment il pouvait en être si sûr, mais se garda d’en faire la remarque. Chris était gay. Chris devait forcément savoir des choses que lui ignorait, ou du moins avoir une culture plus poussée que lui à ce sujet. Si ça se trouvait, Chris ne bloquait pas comme lui sur l’apparence des deux types du cliché. Peut-être aimait-il les bears ?

– C’est quoi le thème qu’il a demandé, exactement ? l’interrogea Chris.

Alex eut un rire nerveux.

– « Vintage gay men ».

Chris succomba aussitôt à l’hilarité.

– C’est un connard, je t’ai dit, commenta Alex.

– Je le trouve plutôt culoté, pour le coup.

Chris avait ce petit sourire qu’Alex s’était habitué à lui voir parfois : celui qui, rêveur, semblait toujours voir au-delà de la surface des choses, comme s’il y avait des profondeurs à déceler qui échappait au reste de l’humanité. Un temps, alors qu’il le regardait, le vent balayant ses cheveux qui naviguaient en un désordre artistique autour de sa tête, avec les feuilles bougeant derrière lui et le ciel bleu en fond, il se demanda si Chris pouvait éprouver du trouble auprès de lui… S’il pouvait y avoir du désir, quelque chose au-delà de l’amitié. Il s’en voulut de cette pensée et tâcha de la chasser : il n’avait pas envie de toutes les filles qu’il côtoyait, pourquoi Chris aurait été différent vis-à-vis des hommes ?

– Tu voudrais me servir de modèle ? demanda-t-il toutefois tout de go.

Chris haussa les sourcils.

– Pour ce travail ?

– Oui.

Une jolie moue déforma un instant ses lèvres pleines, puis Chris souffla en reportant son regard sur la piscine.

– O.K.

***

Chris se prostituait. Ou, du moins, quelque chose comme ça. Alex avait toujours du mal à faire se connecter l’image glauque qu’il avait de cette activité avec la légèreté de Chris à ce sujet, qui discutait avec des inconnus sur des sites de rencontre, apprenait brièvement à les connaître, prévoyait des plans cul… jusque-là rien que du très banal. La différence était seulement que, juste au moment où ces derniers pourraient se concrétiser, il annonçait qu’il était tarifé. Il aurait pu coucher avec ces types sans cette précision. Il n’avait pas vraiment besoin d’argent : celui qu’il gagnait — et Alex doutait qu’il soit bien conséquent — lui servait vraisemblablement plus à s’offrir du superflu qu’à autre chose. Mais Chris le faisait quand même. Ça devait l’exciter. Ça devait exciter les types d’en face — du moins, ceux qui acceptaient, forcément. Ça devait ajouter du piment à ses rapports. Alex le supposait, en tout cas. Il ne voyait guère d’autre raison, sinon, pour que Chris se prête à ça.

Toujours était-il que, lorsqu’il avait proposé à Chris de le payer, pour ces photos, celui-ci avait accepté sans sourciller. Ce devait être normal, pour lui. Il le lui rendrait certainement l’un de ces jours en apportant une bouteille de champ’, « comme ça », comme il le disait toujours.

Il y avait un arbre, dans le bois derrière sa maison, qui ressemblait à celui de la photo : un bouleau fin, tordu, dont les taches sombres sur l’écorce rendraient sûrement bien pour des clichés en noir et blanc. Chris n’avait absolument rien de « vintage », à moins que la petite natte à la Anakin soit déjà entrée dans cette catégorie-là, mais il était « gay », c’était un « man », et ils étaient dans un coin de nature désert avec un arbre en fond ; ce serait amplement suffisant pour répondre à la photo qui lui avait été donnée.

– Tu veux que je fasse quoi ? demanda Chris en prenant l’une de ses poses cool dans lesquelles il excellait.

Ce devait être une seconde nature, pour lui. Ou le fruit d’années d’entraînement.

Alex considéra le site.

– Que tu te poses là.

Il lui indiqua le devant de l’arbre. Il y avait de l’herbe sèche, presque jaune à cause de la chaleur ambiante, et la terre avait pris des couleurs de sable. Chris se positionna. Alex chercha l’angle le plus intéressant, puis décida de s’accroupir pour inclure plus de ciel dans son cadrage.

– Tu veux que je me dépoile ? proposa Chris.

Alex eut une seconde d’hésitation.

– Oui.

Chris eut un sourire en coin — cool, toujours, parfaitement cool — et approcha la main de la joue d’Alex pour dégager l’une des mèches bleues de ses cheveux — c’était son excentricité à lui, avec les rangées de piercings de ses oreilles. Alex en fut vaguement perturbé.

– D’accord, dit Chris.

Et il ôta son t-shirt, puis son baggy délavé. Quand il attrapa le rebord de son caleçon pour l’enlever, Alex fut toutefois surpris. Il n’aurait pas dû l’être puisque Chris se contentait de reproduire ce qui apparaissait sur la photo, mais il aurait pu rester juste torse nu, pantalon légèrement baissé. Pour Chris, ça ne devait pas être dérangeant de se dénuder, toutefois. Ou probablement.

– Tu prends des poses ? lui suggéra-t-il.

Il se déplaça ensuite autour de lui avec l’appareil. Chris s’adossa contre l’arbre, leva une main au-dessus de sa tête pour saisir l’écorce, se caressa le torse avec l’autre… Il savait s’y prendre. À aucun moment, il ne lâcha l’objectif du regard.

– Change un peu.

Chris sourit.

– Comme quoi ?

Alex haussa une épaule. Il ne savait décidément pas comment aborder ce travail.

– Je ne peux pas faire comme les types de la photo. Je suis seul, lui fit remarquer Chris. Et je ne suis pas un bear.

– Pas grave.

Chris semblait réfléchir. Calculer comment il pourrait faire pour répondre au travail qu’avait demandé le prof d’Alex.

– Ton sujet, c’est bien « vintage », hein ?

– Oui. Mais j’ai déjà pensé à comment résoudre le problème. Ce n’est que des détails techniques à arranger.

Des règlements à faire avec son appareil, des retouches numériques derrière. Il y avait toujours la possibilité de donner un faux aspect vieilli à la photo pour faire comme si elle datait de plusieurs décennies.

Chris leva les yeux au ciel, pensif, et attrapa ses attributs sexuels d’un geste qui sembla rêveur pour les caresser doucement.

Alex ne sut comment réagir. La situation était inhabituelle. Il commença à se sentir véritablement mal à l’aise.

– Ne fais pas des trucs trop pornos, dit-il seulement. Sinon, je ne pourrais pas les exploiter.

Un sourire goguenard s’afficha sur les lèvres de Chris.

– Tu n’auras qu’à cadrer l’image pour que ça passe. C’est bien le cas de la photo sur laquelle tu dois te baser, d’ailleurs, non ?

Chris n’avait pas tort.

Alex resta quelques secondes dubitatif, puis il lui demanda :

– Tu comptes faire quoi ?

– Quand j’étais gamin, il y avait des images qui me fascinaient…

Chris sembla partir dans ses souvenirs, le regard au loin.

– Toutes ces statues de Dieux grecs, poursuivit-il. Avec ces positions précieuses et ces corps exposés. Peut-être qu’on peut…

Il se rapprocha de l’arbre pour y saisir un pan de lierre qu’il arracha avec force. Il l’enroula ensuite en plusieurs cercles autour de sa tête. Il avait déjà l’air plus « vintage », en effet : un aspect Bacchus, à la fois décadent et bucolique. Puis il s’adossa contre le tronc. Sa main se repositionna sur son sexe et Alex ne put s’empêcher de remarquer qu’il était légèrement redressé.

– Ça va, comme ça ? souffla Chris en fermant les paupières.

– Oui.

Il commença à prendre quelques clichés. Il fit semblant de ne pas voir que le sexe de Chris gonflait doucement, cadrant avec précision son visage ou le haut de son corps, ou effleurant à peine l’endroit où sa main rencontrait sa verge tendue. Chris renversa la tête en arrière, respirant plus fort. Tandis qu’il entrouvrait les lèvres dans l’expression d’une excitation évidente, Alex se surprit à dire :

– Continue.

Alors, il captura contre lui-même les images troublantes de cette scène à laquelle il ne se serait pas attendu à participer.

***

Lorsqu’Alex rentra de la supérette, le lendemain, Chris était allongé sur un transat du bord de sa piscine, des écouteurs dans les oreilles et son bras replié sur ses yeux pour les protéger du soleil. Alex posa ses cabas au milieu du coin cuisine et commença à les vider sans lui prêter attention.

Chris alla se poser dans l’ouverture de la baie vitrée. Il prit appui sur le montant en un déhanché digne d’un modèle de magazine.

– Alors ? Comment ça s’est passé avec le prof ?

Alex fit une moue rapide.

– On n’en a pas parlé.

Chris haussa un sourcil.

La vérité était qu’il n’avait pas rendu son travail. Que de nombreux étudiants avaient fait de même. Que l’aspect tendancieux du cliché avait été critiqué, et vertement par des étudiants qui avaient eu assez de la veille pour finir bien remontés. Et que le prof s’était contenté de répondre d’un sourire énigmatique avant de passer à autre chose. Alex avait eu l’impression de s’être fait avoir en se prêtant au jeu, pour sa part.

Il rangea sa dernière bouteille de lait dans son placard.

– Tu t’es baigné ?

– Oui, répondit Chris.

– Je vais faire pareil.

Alors qu’il allait rejoindre l’étage pour chercher son maillot, Alex se retourna cependant pour regarder le dos de Chris qui s’éloignait.

Et il se demanda si le trouble qui l’avait désormais gagné allait persister indéfiniment ou s’il finirait par s’effacer.

Attache-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Érotique, M/M, bondage.

Résumé : Se trouver face à un homme encore excité par la chaleur des combats qu’il a livrés cette nuit est loin d’être synonyme de doux réveil nocturne… mais, si le premier le sait, son compagnon semble bien s’en moquer totalement.

Attache-moi

Un œil au bleu profond…

Ben ferma une seconde les paupières avant de les rouvrir sur le regard amusé qui était posé sur lui. Un léger sourire jouait au coin des lèvres pleines et les mèches blondes qui caressaient ses joues semblaient capter la lueur pâle de la nuit.

Nathanaël était rentré.

Sur son t-shirt trônaient quelques traces de sang séché, et un léger effluve de sueur se dégageait de sa peau, témoignant de son retour précipité du club. Ce n’était pas la première fois que Nat faisait ça : revenir sans même se changer. Ses mains, marquées par les combats de la nuit, glissaient lentement sur son torse, provoquant des frissons sur leur passage.

– Je dormais, se plaignit Ben.

– Plus maintenant.

Une lueur rieuse avait pris place dans les yeux de Nat. Ben tourna le visage vers la fenêtre ouverte, observant l’obscurité qui régnait à l’extérieur et témoignait de la profondeur de la nuit. Un vent léger soulevait le voile blanc cachant la vue sur la ruelle en contrebas.

Installé de tout son poids sur lui, Nathanaël semblait perdu dans la contemplation de ses traits ensommeillés. Quand il appuya sur sa pommette du bout du doigt, la tirant vers le haut pour y dessiner un sourire, Ben grogna, ce qui fit ouvrir les lèvres à Nat dans un rire silencieux. Même s’il apparaissait troublé, comme toujours lorsqu’il rentrait du club, le regard de Nat brillait d’une malice que Ben connaissait bien, tout comme la façon dont ses dents blanches venaient de glisser sur sa lèvre inférieure. Il savait de quoi ces gestes auguraient.

Il se frotta les paupières, ayant encore du mal à se réveiller. Il s’était couché entièrement dévêtu, ne se couvrant que d’un simple drap à cause de la torpeur estivale. En avalant sa salive, il grimaça. Sa gorge sèche le brûlait. D’un coup, il lança le bras sur le côté pour attraper la bouteille d’eau qu’il avait laissée à proximité du futon et il remarqua la manière dont Nat suivit du regard le roulement de ses épaules : comme fasciné. Il se releva sur un coude et étira son cou pour se désaltérer. Lorsqu’il sortit un bout de langue pour s’attarder sur le bord de ses lèvres humides et les débarrasser de l’eau y étant restée, quelque chose de plus charnel brilla dans les yeux de Nat. L’excitation de sa nuit de combats était encore présente, Ben pouvait le voir à chaque instant. Nat le contemplait comme s’il avait été un adversaire à battre, mais dans un affrontement d’une toute autre nature que ceux qu’il avait menés juste avant ; plus sensuelle. Un infime sourire étira un coin de sa bouche. Il appréciait la façon conquérante et bestiale avec laquelle son amant le considérait.

Sa main passa dans sa chevelure emmêlée par la nuit.

– Il est quelle heure ?

Le son bref qui sortit des lèvres de Nat et l’expression taquine qui prit place sur son visage lui en dirent long sur la façon dont il se moquait de ce détail. Un temps, Ben crut revoir le gamin qu’il avait connu, plus jeune, et dont Nat avait gardé le goût de l’amusement malgré les années s’étant écoulées depuis. Les souvenirs de cette époque où tous deux traînaient plus souvent dans la rue que dans un foyer se rappelèrent à lui et il repensa à quel point il avait de la chance de s’en être sorti pour être là et partager ses nuits avec cet homme qui comptait tellement pour lui.

Il bâilla largement, une petite larme de sommeil perlant au coin de ses yeux alors qu’il levait la main devant son visage.

– Ça a été, au club ?

Sa question ne suscita qu’un haussement d’épaules. Il ne jugea pas utile d’insister : Nat en parlerait s’il le voulait et, pour l’instant, son esprit autant que son regard étaient fixés sur son torse dont il suivait les courbes d’un doigt intéressé. Avec sa sensualité naturelle, son amant pencha le visage sur le côté. Ben fut captivé par le mouvement fluide que décrivit une mèche de ses cheveux blonds… mais plus encore par la langue qui effleura ses lèvres, tel un félin se pourléchant devant son futur festin.

– Tu m’as manqué, murmura Nat avec tendresse.

Son haut de résille glissa le long de ses bras bronzés, passant au-dessus de sa tête en ébouriffant un peu plus sa chevelure. Le regard de Ben fut alors attiré par le large bleu qu’il découvrit sur son flanc. Lentement, il y posa un doigt en remontant le long de ses côtes, suivant la trace du coup qui avait dû être particulièrement violent pour être aussi visible. Il pouvait sentir l’adrénaline pulser à travers la tension qui animait Nat, et l’excitation des combats dont son amant ne se gênait pas de lui faire partager le goût, la sueur et même l’odeur du sang qu’il avait ramenés jusque dans leur lit. Son nez se plissa avec gêne. En relevant son torse, il rechercha la source de ce parfum désagréable. Sa main passa sur la tête blonde et s’accrocha au coin de la nuque sur quelques mèches poisseuses collées entre elles. Il tira dessus.

– Tu as encore du sang. Va te laver.

Nat posa un regard chaud sur lui, mais resta silencieux.

– Allez, insista-t-il.

– Pas envie…

Nat ajouta avec une expression de gamin taquin :

– Juste envie de toi.

S’il s’agaça, Ben ne s’étonna pas de son attitude. En ce qui le concernait, faire preuve d’une hygiène élémentaire avant d’entrer dans le même lit que son compagnon était autant un besoin impérieux qu’un acte de respect, mais Nat était un être brut qui ne s’embarrassait pas de ce genre de considérations. Il n’avait pas l’éducation qu’une famille aurait pu lui donner et se fichait bien que son état puisse déranger. Lorsqu’il rentrait, troublé comme à l’instant, tout ce qu’il cherchait était le contact de son corps, l’odeur de sa peau et le besoin de s’enfouir en lui pour calmer l’excitation des combats dans la sueur du sexe partagé.

De l’intérieur de leur chambre, les éclairages de la ville n’offraient qu’une image pâle. La canicule ambiante était à la limite du supportable. Ben essuya d’une main la moiteur de son front avant de voir Nat sourire en regardant le drap masquant à peine la partie inférieure du corps.

– Je vois que tu es content de me voir.

Ben eut un rire bref à cause de la lourdeur de la remarque et murmura un « imbécile » en se redressant pour quémander un baiser.

Nathanaël l’observa, amusé. Puis il se saisit de sa bouche avec envie, mordant passionnément ses lèvres, se reculant pour les lécher d’une langue taquine tandis que son amant se tendait avec envie, ne parvenant pas à attraper sa chair qui le défiait avec jeu. Nat planta alors ses dents dans sa lèvre rebondie avant de la prendre entre les siennes et de pénétrer enfin dans cet antre dont il aimait tant la saveur. D’une main, Ben retint sa nuque et tous deux se laissèrent aller à partager le désir et la plénitude de se retrouver enfin.

La caresse buccale était excitante, mais Nat se sentait joueur. Des deux mains, il repoussa Ben d’un coup, le faisant rebondir sur le matelas, ce qui l’amusa. Après un moment de surprise, une expression supérieure assombrit les yeux de Ben, disant : « essaye de me faire craquer si tu en es capable ».

Avec plaisir…

Ses cheveux ébène épars autour de son visage, sa bouche entrouverte en une invitation et son corps étendu au milieu des plis des draps, Ben le provoquait dans une position que Nat jugea à se damner. Il se redressa alors sur ses genoux et regarda de sa hauteur cet homme qui, allongé sous lui dans une attitude sauvage, lui semblait pourtant juste à sa merci. Avec jeu, ses doigts glissèrent le long de son propre torse, attisant la lueur de désir des yeux de son amant alors qu’il passait le bout de ses doigts sous la ceinture de son pantalon, faisant sauter, un à un dans un jeu lent, les quelques boutons qui le retenaient encore. Ben se redressa avec envie pour embrasser son torse, mais Nat posa une main ferme au centre de sa poitrine pour le faire retomber d’un coup sur le matelas.

– Nat…

Ben avait murmuré son nom dans une plainte brûlante qui ne fit qu’augmenter son excitation. Lentement, il descendit les doigts le long de sa peau, longeant le côté de son pantalon en le baissant à peine, avant de tomber sur le renflement de sa poche où il avait fourré un morceau de corde à la sortie du club et sur laquelle il se bloqua.

Brusquement, il se rassit, s’amusant de la forme gonflée sur laquelle il venait de retomber en faisant souffler son amant, et sortit l’objet de sa poche.

Ben plissa les yeux, méfiant, en voyant Nat absorbé par cette corde.

– Qu’est-ce que tu fous ? demanda-t-il en le regardant la dérouler avec un sourire prédateur.

– Je ne sais pas…

– Nat…

Le regard que celui-ci releva alors sur lui était empli d’un amusement si vif qu’il l’inquiéta. Il essaya de se redresser, mais son amant enfouit soudainement son nez dans le creux de son cou, respirant son odeur. Une langue douce lapa sa peau, juste sous le lobe de son oreille, le faisant soupirer.

– Tu es encore énervé par le club, fit-il remarquer.

Nathanaël rétorqua lentement :

– J’ai envie de t’avoir à ma merci.

Ben tiqua sur ces paroles, mais la bouche avide qui se posa sur la sienne ne lui laissa pas l’opportunité de rétorquer. Dans l’obscurité de la nuit, il se versa dans ce baiser qu’il savoura de tout son être. Nat pencha son visage en léchant la longueur de sa mâchoire.

– Tu m’excites…

À cause de la chaleur des mots, Ben s’abandonna aux mains qui descendaient le long de ses côtes, longeant sa peau avant de remonter en levant doucement ses bras au-dessus de sa tête. En se rendant compte de la position dans laquelle il venait d’être installé, il eut un temps d’arrêt, mais son esprit embrumé par le sommeil et le désir ne lui permit pas de réagir assez rapidement.

Vivement, une corde s’enroula autour de ses poignets.

D’un coup, Nat tira sur l’objet pour les nouer, et il termina son geste en accrochant la corde à la tête du lit dans un sourire conquérant.

– Qu’est-ce que tu fais ?

Nat serra juste très légèrement sa prise, le faisant siffler entre ses dents.

– J’aime que tu te donnes à moi, répondit-il simplement.

Avec inconfort, Ben tortilla ses poignets et pesta en constatant qu’il ne faisait que resserrer les liens qui l’entravaient.

– Putain, j’y crois pas…

Il porta son regard au-dessus de sa tête pour en chercher la faille, mais les baisers voraces qui saisirent cet instant pour attaquer son cou ne lui laissèrent pas le temps de s’y attarder. De tout son poids, Nathanaël s’allongea sur son corps tendu et lécha le creux de son oreille, y soufflant quelques insanités qui le firent soupirer d’envie. La position était désagréable, bien qu’excitante, et ses mains se tordirent sous leurs attaches dans une vaine tentative de les en dégager.

Ben adressa un regard prometteur de vengeances à Nat, ce qui ne suscita qu’un large sourire avant que son amant effleure ses lèvres, lui faisant tendre le cou pour attraper un baiser qui se déroba à lui.

– Allez…, se plaignit-il.

Volontairement, Nat recula son visage. Le feu des combats brûlait encore en lui et il s’amusait bien trop pour avoir envie de s’arrêter. Poussant le jeu un peu plus loin, il descendit frôler le torse de Ben, soufflant sur ses mamelons érigés, survolant sadiquement son ventre puis son membre durci avant de se relever en emportant avec lui le drap. Alors qu’il se reculait de quelques pas, il savoura la vision de son amant dont le contraste entre la position offerte et l’éclat fier et dangereux des yeux était d’un érotisme effrayant.

D’un geste de pieds, il chassa son pantalon tombé au sol et passa une main au milieu de ses cheveux, dans un geste qui lui fit trouver sans le vouloir la portion encore poisseuse de sang. Tant pis. Il adressa à Ben un regard amusé à ce sujet. Puis il revint se placer au-dessus de son corps, dressé sur ses genoux, et se plut à contempler l’envie qui consumait les yeux de son amant.

– Je te ferai me supplier, promit-il.

Ben ne lui répondit que d’un regard provocateur qui signifiait clairement « essaye seulement pour voir » et Nat s’échappa juste au dernier moment d’un coup de reins qui aurait pu mettre en contact leurs bassins. En voyant Ben reposer sa tête sur le matelas avec une grimace de frustration, il ne put se retenir de rire.

Le jeu lui plaisait.

Il se lécha les lèvres avec provocation puis descendit les mains sur son propre torse, caressant ses abdominaux avant de prendre son membre dressé, y apposant quelques mouvements de paume, paupières fermées sous le plaisir, qui arrachèrent un soupir de trop-plein d’envie à Ben.

– Je me vengerai.

L’expression de Ben était tant frustrée que tendrement râleuse. Nat se pencha pour lui susurrer les mots suivants à l’oreille :

– Alors, en attendant, je vais prendre tout mon temps pour te rendre dingue…

Dans la langueur du moment, il sentit son amant s’abandonner. D’envie, il lui lécha la mâchoire avant de capturer ses lèvres dans un long baiser, tendre et suave, qui lui fit oublier un instant le jeu auquel ils s’adonnaient. Lorsqu’il recula son visage, il prit le temps de détailler l’expression de Ben. Les bras lacés en haut du lit en une position lascive, les mèches brunes éparses autour de son visage et une rougeur bien tentante mettant en valeur sa bouche entrouverte, il lui offrait une image incroyablement désirable. Il descendit lentement le long de son torse glabre, à la pâleur rehaussée par la clarté nocturne et embrassa sa peau découverte, appuyant son front contre ses muscles sans pour autant lâcher du regard les yeux posés sur lui.

Quand il titilla de sa bouche les grains de chair sensibles de sa poitrine, les paupières de Ben se refermèrent, mais Nat voulait plus qu’un simple clignement des yeux. Il mordit alors juste un peu le téton fragile, satisfait de voir son amant se tordre dans un juron. La chair avait un peu rougi et il fit glisser sa langue dessus pour en calmer la brûlure, prenant le temps de suivre de la main ses abdominaux de son amant. Ben échappa un souffle d’envie. Nat poussa plus loin le jeu en naviguant cruellement autour de son membre durci et demandeur. Puis il posa juste son doigt sur le bout de son sexe, y dessinant de fins cercles avant de le relâcher tout aussi vite, suscitant un grognement qui lui plut particulièrement. Il lécha alors avec gourmandise son ventre tout en se délectant des halètements de Ben dont le membre avait été trop vite délaissé.

– Nat…

Ben venait de se tortiller en tirant sur ses liens et avait soupiré son nom d’une façon qu’il trouva délicieuse. Brusquement, il attrapa ses hanches offertes de ses deux mains, les tirant autant que l’attache serrée de la tête du lit lui permettait de le faire vers le bas, et ouvrit ses cuisses dans un geste peu délicat. Un bras passa sous l’un de ses genoux qu’il releva en s’allongeant sur son corps, grognant en faisant rouler leurs érections l’une contre l’autre.

– Tu veux que je te prenne tout de suite ?

Un regard noir bien que déjà troublé d’envie lui répondit, le faisant sourire alors qu’il renforçait l’impact de ses mots en un profond mouvement de reins :

– J’ai envie de te faire crier.

Un temps, Ben se laissa étourdir par la voix rauque de Mat. Puis il le défia :

– Parce que tu t’en crois capable ?

Le regard de Nat s’enfonça dans ses pupilles puis son contact s’évanouit. Ses poignets toujours retenus par la corde, Ben inclina son visage pour observer Nat, qui s’était accroupi sur un côté du lit pour rechercher quelque chose. Il profita de cet instant de répit pour examiner la corde entortillée au-dessus de sa tête. Les nœuds étaient solides et il jura entre ses dents en ne parvenant pas à trouver comment s’en détacher. Le bruit d’un tube dont le couvercle sauta attira son attention.

Avec un fin sourire, Nat venait d’ouvrir le lubrifiant et le laissa couler directement sur son sexe, le faisant sursauter à cause du contact froid. Le gel glissa le long de sa chair, s’immisçant progressivement un peu plus loin. Nat posa l’objet à côté d’eux puis se pencha pour l’embrasser tandis qu’il se saisissait d’une main habile de son sexe gonflé. Ben soupira de satisfaction dans sa bouche. Les premiers mouvements de paume le firent se tendre et il laissa son amant prendre possession de son cou alors que la main lubrifiée descendait plus bas encore entre ses jambes, frôlant une de ses fesses en la remontant vers lui.

D’un coup, il se tendit de tout son être tandis que deux doigts le pénétraient.
À cause de l’intrusion, il ne put totalement réprimer le gémissement d’inconfort qui franchit ses lèvres. Nat ressortit ses doigts pour caresser doucement l’entrée qu’il venait de profaner.

– Espèce de brute, râla-t-il, mais sa plainte était plus moqueuse que réellement fâchée.

Les mouvements circulaires qui suivirent ne lui permirent plus de continuer à parler. Il posa juste un regard gorgé de plaisir sur celui, joueur, de Nat, avant que ce dernier ne replonge en lui, aussi profondément qu’il le pût.

Tout en l’observant, Nat s’amusa à entrer et ressortir en des rythmes irréguliers, tournant à l’intérieur en étirant la chair. Le visage crispé de Ben témoignait du plaisir qu’il ressentait. À l’opposé de l’expression supérieure qu’il affichait si facilement, ses yeux s’étaient fermés sous ses caresses, sa bouche ouverte comme s’il cherchait à faire entrer davantage d’air dans ses poumons et son cou s’était tendu de côté dans un geste d’abandon… Nat appuya alors soudainement en plein sur sa prostate, lui faisant brusquement arquer le dos avant de geindre faiblement sous la pression des doigts qui s’enfonçaient juste au niveau de cet endroit.

– Nat…

Captivé, il l’observa perdre pied, sans pour autant s’en sentir rassasié. Il ajouta alors à la sensation de ses membres glissant à l’intérieur de lui celle de sa bouche le long de son sexe tendu. Des plaintes mal retenues et autres envolées sonores emplirent la pièce.

– Nat, je…

Tremblant, Ben peinait pour s’exprimer et Nat saisit cet instant de vertige pour joindre un troisième doigt à ceux le pénétrant déjà, le faisant planter les dents dans ses lèvres.

– Qu’est-ce que tu veux ? chuchota-t-il avant de caresser de sa langue son membre dur.

Un halètement lui répondit :

– Plus… Je veux…

– Dis-le, insista Nat en ressortant ses membres pour se contenter d’agacer l’entrée de son corps.

– Allez…

Ben leva des yeux humides au ciel et éclata d’un bref rire avant de râler franchement.

– Ce que tu me fais, là… je te le ferai payer au centuple.

Nat haussa un sourcil, amusé, puis réinséra d’un coup ses doigts en lui, le faisant se cambrer violemment.

– Allez, prends-moi, bon sang, souffla Ben dans une supplique. Arrête de jouer et baise-moi.

Dans un sourire, Nat frotta son visage contre sa peau avec tendresse.

– Je t’aime, tu sais ?

Un pur ronchonnement lui répondit, mais Nat attendit tranquillement la réaction de Ben. Ben laissa alors échapper un rire léger, comme s’il lui en voulait de le pousser à dire ces mots.

– M… ssi…

– Hein ? insista-t-il, hilare.

Ben râla nettement.

– Moi aussi je t’aime, abruti… et les représailles seront terribles.

En réponse, Nat sourit de toutes ses dents. Il se redressa et tira sur les hanches de Ben, tendant ses bras lacés au-dessus de sa tête avant de soulever un genou pour le poser sur son épaule et mordre avec envie dans la chair ferme. Puis il se positionna entre ses jambes. Durant quelques secondes, il prit le temps de savourer le contact de cette entrée ouverte contre son sexe durci.

Puis il poussa.

Longuement, son membre plongea dans le corps serré qui s’offrait à lui, ses yeux se fermant alors que Ben se cambrait sous l’intrusion. La formidable sensation de pression lui donna le vertige et il s’enfonça lentement, ne s’arrêtant qu’une fois sa chair entièrement entrée.

– J’aime te prendre.

Un léger sourire releva le coin de la bouche de Ben, les yeux déjà partis dans les limbes du plaisir et Nat releva les reins de son amant pour se reculer et se renfoncer plus loin encore à l’intérieur de lui.

Bientôt, tout ne fut plus que chaleur brûlante et, au fond de son esprit, les combats et ses besoins de violence, tout ce qu’il y avait en lui qui le faisait retourner toujours et encore au club, devinrent une brume lointaine, des souvenirs s’effaçant dans l’échange charnel, une image vaporeuse qui s’envolerait bientôt, recouverte de l’odeur de Ben, de la sensation fabuleuse de se mouvoir en lui et de cette complicité qu’il était tellement doux de partager. Il s’accrocha d’une ferme prise à ses hanches et posa son front contre le sien, y déposant quelques gouttes de sueur que la chaleur estivale comme l’acte auquel ils s’adonnaient avaient tirées, tandis qu’il continuait à entrer et ressortir de lui. Leurs bouches se goûtèrent suavement, leurs langues se mêlant dans une longue pénétration qui fit écho à celle qui embrasait leurs corps.

Fiévreux, Nat perdit un regard troublé dans celui maintenant embué de Ben, lui chuchotant à nouveau à quel point il aimait le prendre, puis il se retira brièvement en le regardant… avant de le retourner sur le ventre pour revenir s’enfouir profondément en lui.

– Oh merde, Nat…

– C’est trop bon de te baiser…

Ses mains avides se pressaient sur la taille de son compagnon et il se pencha sur sa nuque où quelques mèches étaient collées de sueur, en embrassant la peau devenue moite.

D’un mouvement tremblant, Ben s’appuya sur ses coudes, le front pressé entre ses bras pliés. De longs soupirs s’échappaient de sa bouche et il frémissait à chacun de ses à-coups.

« Ah… »

« Oh putain… »

Nat se recula pour entrer à nouveau en lui en un profond coup de reins, appuyant sur l’endroit si sensible du corps de Ben qui le fit souffler, grogner et marmonner des jurons non retenus. En voyant les prémices de la jouissance se manifester chez son amant, il glissa la main sous son ventre pour enrouler la main autour de son membre, le caressant vivement, majorant ses gémissements, mais fut gêné d’être privé de la vue sur son visage. Il tira alors brusquement sur l’attache le retenant à la tête de lit, la défaisant sans prêter attention au fait que les poignets de Ben étaient restés liés, et se retira de lui, le laissant retomber sur le matelas avant de le repousser sur le dos. Ses mains se glissèrent sous ses fesses.

– Accroche-toi à moi.

Puis il se releva en vacillant, poussant Ben à passer ses poignets au-dessus de sa tête pour s’agripper dans un ultime effort. Quelques pas titubants suivirent avant qu’il le plaque contre le mur le plus proche, enroulant ses cuisses autour de ses hanches pour se rengainer d’un coup en lui. Dans le plaisir, leurs voix s’étaient mêlées. Son regard plongea alors dans celui de Ben et il fut ébloui par l’image qu’il lui offrait, avec son visage étourdi penché en avant et les mèches humides de sueur qui s’échouaient sur son front.

Son corps était à bout et il n’eut besoin que de quelques mouvements supplémentaires pour parvenir à la délivrance, jouissant de voir celle de Ben se manifester, d’abord, avant de succomber à la sienne.

Un bruit sourd résonna tandis qu’ils s’effondraient sur le parquet. Nat avait accompagné la chute de Ben et le tenait maintenant entre ses bras, sa peau humide se collant contre la sienne.

En de longues respirations, tous deux reprirent leurs souffles.

Le voile de la fenêtre se souleva lentement, un vent léger venant caresser leurs peaux. Nat ouvrit le regard sur celui encore vitreux de son amant, et répondit d’un sourire à la lueur tendrement fâchée qui s’y était affichée. Son regard se posa enfin sur la peau de ses avant-bras.

Et il se rendit compte de l’état dans lequel il les avait mis.

Il grimaça de culpabilité.

Parce qu’il n’avait fait que le tirer et retourner au cours de leurs ébats, la corde s’était tendue à son maximum et n’était pas loin d’entrer dans la chair. Avec gêne, il détacha vivement les liens. Ben se massa douloureusement les poignets dès qu’il en eut la possibilité. De fines traces rouges et peu profondes étaient inscrites sur sa peau pâle et Nat se pencha, penaud, pour en baiser doucement les meurtrissures. Il y aurait des bleus.

– Désolé…

Ben lui lança un regard assassin avant de grogner distinctement.

– Tu peux le dire…

Mais il ne tint guère longtemps à ronchonner. Dans un sourire mordant, Ben posa les mains sur ses épaules et il le plaqua au sol.

– La prochaine fois, c’est moi qui t’attache.

– Sérieux ? s’étonna-t-il.

– Et je te montrerai ce que ça veut vraiment dire de « faire crier quelqu’un ».

– Vantard.

Nat ne cacha pas son amusement. Ben renchérit avec une expression supérieure.

– C’est ce qu’on verra.

Un dernier sourire tendre et joueur plana sur leurs lèvres puis Ben se redressa en pestant pour la forme.

– Ce coup-ci ce n’est plus discutable : on va se doucher.

Le ton autoritaire ne laissait aucune place à un éventuel refus. Nat tira seulement la langue en ébouriffant d’une main sa chevelure.

Alors qu’ils se dirigeaient vers la salle d’eau, il observa le corps qui le précédait et… sentit l’appétit le tenailler en songeant que les dernières paroles de Ben sonnaient comme une bien agréable proposition.