Oui ?

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Tranche de vie, duo, M/F, sexualité.

Résumé : Quand elle dit « oui », et qu’il dit « non » (et qu’elle veut le convaincre du contraire).

Oui ?

– Oui ?

Elle s’approche de lui, rampe, se déhanche à la manière de chat, joue des reins… Elle pourrait miauler pour parfaire son avancée lascive.

– Non, grogne-t-il.

Elle s’arrête, se mord les lèvres, progresse plus encore sur le matelas.

– Oui ?

Maintenant, elle est au-dessus de lui, ses mains des deux côtés de son torse, son corps tendu et son ventre planant à quelques centimètres du sien. Il relève les bras et décale légèrement les mains pour remonter son livre face à son visage, lui signifiant clairement à quel point elle le dérange. L’un de ses yeux apparaît au-dessus de la couverture, le sourcil haussé.

– Non…

Vexée, elle se rassoit sur ses talons, faisant rebondir le matelas sous son mouvement brusque.

Dehors, la pluie bat les carreaux, drue et froide, comme si elle grattait à la fenêtre pour demander l’autorisation d’entrer. Peut-être pourrait-elle miauler elle aussi, mais son sifflement tient plus de la menace que de la plainte séductrice.

Le lit bouge de nouveau quand il se réinstalle plus confortablement, sans jamais quitter pour autant sa lecture.

Elle se laisse retomber sur le dos, frustrée.

– Ça fait combien de jours ? lance-t-elle, plus pour elle que pour lui, et elle sait d’ailleurs qu’il ne répondra pas.

Elle compte…

Trois, en fait. Ça ne fait pas tant que ça, mais, pour elle, c’est beaucoup. Pour eux, c’est énorme ! C’est trop ! Elle passerait tout son temps au lit avec lui si elle le pouvait. Toute sa vie, comme ça, à se nourrir d’amour et de chairs en sueur, et de son odeur à lui, aussi, de la chaleur de sa main et du son de son souffle lorsqu’il est en elle. Juste pour oublier qu’elle a passé les vingt premières années de sa vie sans lui, et ça c’est beaucoup, non ?

Elle lance, plaintive :

– Ça fait vingt ans…

Il ne relève pas la bêtise qu’elle vient de sortir. À peine hausse-t-il de nouveau un sourcil depuis l’autre côté de son livre.

Un long étirement délasse ses bras et elle s’étale plus encore sur le matelas. Une jambe s’étend à côté de lui. L’autre se pose… juste, juste, sur son ventre masculin, là où la peau est si glabre et ses muscles si fermes. Le sursaut qu’elle provoque avec ses pieds froids la fait sourire.

Cette fois, il n’attend même pas qu’elle demande.

– Non, dit-il.

Elle ne l’écoute pas vraiment.

Sans le lâcher le moindre instant des yeux, elle plie lentement le genou, de manière à crocheter au passage la couverture et la faire descendre tout doucement, tout doucement.

Il soupire et réinstalle son dos pour se reconcentrer sur sa lecture.

Elle ne s’arrête pas.

Le bas du ventre apparaît, puis la légère pilosité — il en a si peu, cette région de son corps est probablement l’une de celle qui en est le plus fournie, chez lui — puis… elle ne s’attendait pas à autre chose, son sexe mou. Il est joli, pourtant, là, lové sur son aine. Il a l’air de dormir, paisible, légèrement enroulé comme pour se tenir chaud… Et d’inviter l’impudent à le réveiller. Et n’est-elle pas impudente, justement ?

Tout doucement, elle appuie ses orteils froids sur sa rondeur, en éprouve la résistance et le volume.

Un œil réprobateur, cette fois, apparaît au-dessus de la couverture. Elle ne peut s’empêcher de répondre d’un petit rire. Elle prend appui du talon sur l’intérieur de sa cuisse pour caresser son pénis du dessous de ses orteils, longeant sa forme… puis elle descend le pied entre ses cuisses. Cette fois, elle est juste en face de ses testicules et il ne la lâche plus du tout des yeux, méfiant. Normal. Pas sûr qu’une paire de bourses, toute charmante qu’elle puisse être, soit de taille à gagner une bataille contre un pied. Pas sûr non plus que lui puisse gagner contre elle, de toute façon.

Elle sourit, amusée, en caressant doucement du bout de ses orteils ses testicules. Elles ne réagissent pas. Alors elle descend le long de sa cuisse, explore la chair si fine à cet endroit, remonte jusqu’à parvenir, presque, à frôler ce qu’elle convoite le plus intensément, mais… saute de l’autre côté pour jouer avec l’autre jambe, l’autre peau, l’autre partie si sensible dont les muscles dessinent une ligne menant tout juste jusqu’à son sexe.

Il pose son livre sur son torse, soupire, et fixe le plafond.

Si son agacement est évident, lorsqu’elle repose le bout de son pied sur son sexe, elle le sent immédiatement venir à son contact dans un début soudain de raideur, puis plus raide encore à chaque seconde passée derrière, visiblement plus décidé que son propriétaire.

Cette fois, c’est une exclamation susurrée qui sort de ses propres lèvres :

– Ouiii…

Elle se redresse d’un bond, se met à quatre pattes devant lui, le regarde dans les yeux, reporte son attention sur son sexe, l’observe se gonfler plus encore, se réveiller et s’étirer, comme s’il était en possession d’un langage propre. Elle relève de nouveau les yeux sur son visage.

– Il a envie, lui fait-elle remarquer.

– Et moi, je suis à un passage crucial de mon roman.

Elle hausse une épaule. Son sexe est toujours droit devant elle, comme s’il levait la main. S’ils votaient, il serait le premier à se manifester.

– Regarde comme il dit « moi », pourtant, s’amuse-t-elle. Le pauvre, on dirait un premier de la classe qui essaye désespérément d’attirer l’attention de la maîtresse.

Et, alors qu’elle termine, son sexe a un nouveau soubresaut, comme pour acquiescer. Elle en a un petit rire. Lorsqu’elle reporte son attention sur son visage, la moue boudeuse qu’il affiche est plus complice et affectueuse que réellement fâchée.

– Il a peut-être chaud ? demande-t-elle.

Elle tire une longue langue et la pose sur le bout de sa verge, la faisant s’agiter de nouveau et son gland s’élargir plus encore.

Alors, elle n’hésite plus et la prend dans sa bouche. La sentir y gonfler a un quelque chose d’intime et de jouissif. Avec envie, elle fait de longs va-et-vient sur elle, l’attisant et rendant la caresse sur l’intérieur de ses lèvres douce et excitante… Et elle ne retient pas son sourire quand elle sent enfin ses doigts entrer dans ses cheveux.

Elle relève les yeux sur lui, lâche son membre. Elle pourrait se perdre dans son regard…

Et elle éclate de rire quand il balance enfin son livre pour se jeter sur elle.

– Oui ? demande-t-elle.

Il sourit.

– Oui.

Existe aussi en écoute audio

Casting-moi

Autrice : Valéry K. Baran.

Genres : Duo hétérosexuel, érotique.

Résumé : Du culot, Mél n’en manque pas lorsqu’elle se présente pour la première fois au casting d’un tournage porno. Quand un acteur célèbre s’intéresse de très près à sa séance, elle sent cependant que, pour garder son professionnalisme, ce sont bien d’autres ressources qu’elle va devoir trouver en elle…

Casting-moi

La caméra tournait, son objectif dirigé vers le divan sur lequel Mél était assise, inquisiteur.

Debout, le caméraman régla le plan, vérifia l’éclairage et fit la netteté. Puis il leva le nez vers Mél.

– C’est la première fois, alors ?

– Oui.

– Tu es anxieuse ?

Elle jeta un œil à l’acteur qui se trouvait à côté du caméraman. Appuyé du coude à l’épaule de ce dernier, la tête penchée légèrement de côté, il l’observait, mais pas directement : il fixait son image à travers l’écran.

– Non.

Curieusement non, d’ailleurs. D’une manière surprenante, elle ne se sentait presque pas intimidée.

Lorsque l’acteur leva les yeux sur elle, par-dessus la caméra, elle fut néanmoins pétrifiée.

Elle se garda bien de le montrer.

Elle avait déjà eu l’occasion de voir cet acteur à l’œuvre dans quelques vidéos sur le net, en fait. La mâchoire forte, les mains épaisses, et la clarté de son regard tranchant avec sa peau mate, il représentait l’un de ces mecs inaccessibles auxquels on ne se permet guère de songer qu’en fantasmes. En le voyant de si près, elle pouvait pourtant dire que ses films ne lui faisaient pas tout à fait honneur. Ils magnifiaient sa puissance sexuelle, certes, mais sans offrir de fenêtre sur sa personnalité. Elle n’avait pas vu l’amusement dans le regard avec lequel il la dévisageait, sur l’instant.

Elle n’avait pas perçu l’humain derrière l’icône érotique.

Dès les premières images qui étaient passées de lui sur son écran d’ordinateur, elle avait éprouvé pour lui un attrait inédit. Elle n’était pas spécialement amatrice de cinéma pornographique, mais l’une de ses amies lui avait envoyé des liens par email en la priant de toute urgence de les suivre. Son principal argument, de choc, avait été le fait qu’enfin, il y avait de quoi baver sur un protagoniste masculin, sans que celui-ci ne soit réduit aux seuls gros plans de son sexe, argument dont Mél avait pu vérifier la pertinence avec émoi. Dans le tout premier film, il initiait au sexe hard une jolie brune tatouée de partout. L’image léchée et l’aspect décadent de l’ensemble lui avaient particulièrement plu. Dans le dernier, il se faisait chevaucher alternativement par trois superbes amazones dont les expressions de plaisir n’égalaient pas, en intensité, la sensualité des siennes.

Les jours suivants, elle avait eu des retours d’excitation qui l’avaient fait se liquéfier dans tous les lieux les moins appropriés, jusqu’à la caisse de la supérette, rien qu’en repensant à certaines scènes de ces films. Caïn, parce que là était son nom de hardeur, y était magnifique de prestance et de force érotique ; pas le genre de type qu’elle se serait attendue à rencontrer en se présentant dans cette petite boîte de vidéo, donc, et certainement pas qu’elle aurait imaginé s’arrêter ainsi devant sa prise de vue.

Qu’elle puisse garder sa contenance, sur l’instant, avait même de quoi la sidérer. Quelqu’un pouvait lui expliquer comment on était censé faire face à un type vous ayant offert au moins quatre fabuleux orgasmes par procuration ? Si elle affichait une maîtrise d’elle-même, celle-ci n’était que toute défensive, face à l’individu devant lequel elle se trouvait.

– On va commencer simplement, reprit le caméraman. Tu vas te déshabiller et puis te caresser. Tu peux faire ça ?

Mél répondit oui de la tête, sans lâcher Caïn du regard. Celui-ci leva sa tasse de café à ses lèvres, tout en reportant son attention sur l’écran de la caméra, de l’autre côté de l’objectif, le coude toujours posé sur l’épaule du professionnel qui la filmait.

La situation était inédite pour elle, mais sans s’éloigner trop encore de ce qu’elle connaissait. Cela faisait plusieurs années, déjà, qu’elle s’exhibait pour des photos de nus. Sa rencontre avec le milieu du sexe s’était faite progressivement, d’abord en posant comme modèle auprès d’étudiants aux Beaux-Arts, puis en se dirigeant peu à peu vers des prises de vues moins sages. Elle avait laissé sa campagne natale pour monter poursuivre ses études dans une université parisienne. Les loyers étaient chers, les logements minuscules, et les quelques extras qu’elle se faisait ainsi lui permettaient de vivre décemment. Lorsque l’un de ses photographes habituels lui avait parlé d’un casting vidéo pour une nouvelle production, elle s’était laissée conquérir par la curiosité, sans pour autant déterminer jusqu’où elle voulait aller. Elle avait juste décidé de faire l’essai.

Sans montrer sa gêne — ses séances de nu répétées avaient fini par la réduire, mais sans jamais l’éteindre pour autant —, Mél se déshabilla. Elle fit passer son t-shirt Hard Rock Café au-dessus de sa tête, déboutonna son jean râpé, désagrafa son soutien-gorge… Lorsqu’elle fit glisser ce dernier le long de ses bras, elle releva la tête, remarquant que le caméraman avait toujours l’œil fixé sur son écran, mais que Caïn s’était mis à la regarder directement. D’un geste rapide, elle ôta son pantalon puis ses derniers vêtements. Elle n’eut pas honte d’exhiber sa légère toison sombre, pas plus que d’écarter les cuisses en se rasseyant sur le fauteuil. Elle poussa même l’audace jusqu’à poser un pied sur l’accoudoir et fut surprise par la mimique appréciatrice qui se peignit sur le visage de Caïn. Son regard la captivait avec tant de force qu’elle ne parvenait plus à s’en détacher.

Ni lui ni le caméraman ne disaient mot, certainement pour ne pas la mettre mal à l’aise, bien qu’il soit évident que Caïn n’avait rien à faire là. Avec sa tasse dans la main et sa tenue décontractée, il paraissait plus être passé pour saluer des connaissances que dans un but professionnel. Comme elle tardait à se lancer, le caméraman l’interrogea :

– Tu veux que Caïn s’en aille ?

Puis il pivota vers ce dernier.

– Caïn, eh, tu n’as pas des trucs à faire, là ?

Mél observa le sourire faussement innocent que l’acteur lui servit, l’air de dire que, non, il n’avait spécialement envie de bouger.

Elle prit la parole :

– C’est bon. Ça ira.

Ce ne serait pas si différent des photos auxquelles elle s’était accoutumée, après tout : il suffirait d’ajouter le mouvement à la pose, et puis elle ne voulait pas sembler manquer de professionnalisme. Cependant, là n’était pas la principale raison de son intervention pour le faire rester : la vérité, c’était que la présence de Caïn la troublait d’une manière trop exaltante pour qu’elle veuille y échapper.

Lentement, elle posa la main sur son sexe, naviguant vers les reliefs connus de son corps sans lâcher l’acteur du regard. Lorsqu’elle commença à effleurer sa chair sensible, ses paupières se fermèrent néanmoins et sa nuque se crispa vers l’arrière tandis que ses doigts plongeaient en l’intimité de son bas-ventre, en recueillant la moiteur avant de remonter sur son clitoris. La pulpe de ses doigts se pressa contre sa chair érigée par l’excitation et elle l’y fit glisser doucement, mordant ses lèvres sous l’afflux soudain de plaisir. Sa conscience du public l’observant majorait ses sensations.

Son épaule se raidit, sa main s’étira comme pour se délier d’un long engourdissement, et elle ouvrit la bouche pour faire entrer plus d’air dans ses poumons, avant de pratiquer de petits cercles du bout des doigts. Les premiers temps, elle n’osa pas rouvrir les yeux, se contentant d’offrir le spectacle qui lui était demandé tout en se concentrant sur ses propres sensations, puis elle trouva le courage d’affronter la caméra, rencontrant son objectif, proche, dans une vision brutale. Son regard partit de réflexe sur Caïn et elle fut surprise en découvrant la manière dont il la fixait. Contre toute attente, elle eut le sentiment qu’il la désirait. Sa main ralentit et elle adressa une expression perdue au caméraman. Caïn intervint :

– Il faut aller l’aider.

Il souriait en disant ça, comme s’il venait de sortir une bonne blague. Troublée, Mél vit le caméraman tourner un visage gentiment réprobateur vers lui.

– Fous-lui la paix, va.

– Je peux toujours y aller…

Cette fois, l’expression du caméraman se transforma en étonnement.

– Vraiment ?

– Oui.

Caïn paraissait toujours s’amuser. Le caméraman haussa les épaules, plus amical qu’autre chose.

– Vas-y.

Mél était restée coite, suspendue à leur conversation, et elle n’eut même pas le temps d’atterrir que Caïn vidait déjà sa tasse de café pour se diriger vers elle.

– Tu as besoin d’un coup de main ?

Elle ne sut que répondre, impressionnée par la soudaineté de son approche. Elle était à la limite du rictus nerveux, même : on devait lui faire un canular, en fait. Quand le visage de Caïn parvint à quelques centimètres seulement du sien, elle eut un mouvement de recul qui se transforma d’une manière incontrôlable en une tension lascive proche de la liquéfaction, et elle laissa même retomber de côté son genou dans une invitation réflexe à s’étendre sur elle.

Un sourire aux lèvres, Caïn la dévisagea, de ses yeux clairs dans lesquels pointait une note d’amusement. Le reste n’était que faim.

Puis il fit le dernier geste qu’elle aurait attendu sur l’instant : il se pencha brutalement et captura ses lèvres, les pinçant pour attirer son visage à lui, et provoquant en elle un profond affolement alors qu’il l’embrassait avec une fougue aussi vive qu’éphémère.

Elle n’eut même pas la possibilité de se reprendre qu’il saisissait déjà ses deux cuisses pour la tirer d’un coup vers lui, ramenant ses fesses vers le rebord du canapé avant d’embrasser brusquement ses seins, puis son ventre, puis de lui relever tout aussi vite les jambes. Sa bouche fut alors sur son sexe et le gémissement profond qu’elle exhala témoigna autant de sa surprise que de la force du plaisir qui s’empara d’elle.

Le contact de sa langue la fit se cambrer, et sa chair se couvrir de frémissements, tant et si bien que, lorsqu’il la relâcha, elle était moite et offerte entre ses bras, et elle aurait même pu oublier la présence de la vidéo si le caméraman ne s’était pas rappelé à elle.

– Vous voulez aller plus loin ?

Caïn répondit à sa place :

– Oui.

Non seulement elle fut incapable de réagir, mais la vision soudaine de son torse, surgissant de sous son t-shirt enlevé précipitamment, acheva de la projeter dans le vertige.

– Tu as déjà couché avec un mec comme moi ? lui demanda-t-il en continuant à se déshabiller.

Elle le vit défaire sa ceinture, déboutonner son jean, l’ôter, puis exhiber de son boxer un sexe dressé dont elle n’avait guère vu de semblable que de l’autre côté d’un écran. La situation était stupéfiante sur tous les plans… Une seule réponse lui vint :

– Non…

Il l’embrassa de nouveau, saisit son cou d’une main avant de glisser les doigts tout au bas de son ventre pour la pénétrer doucement. Elle se pinça les lèvres.

Le visage de Caïn était tout contre le sien et son souffle lui chatouillait la joue.

– Tu veux ? poursuivit-il.

Elle déglutit. L’excitation se fit plus pressante en elle.

Le caméraman tournait autour d’eux, sa présence devenant envahissante, soudain.

– On peut essayer de faire quelques plans, commenta-t-il.

Elle le regarda, trouvant, sur l’instant, plus facile de lui répondre… plus aisé de se raccrocher aux exigences professionnelles quand les actes de Caïn, dans leur intégralité, l’ébranlaient.

– Oui, dit-elle.

– Tu n’as vraiment jamais eu de sexe pour une vidéo ? insista le caméraman.

– Non…

Elle avait presque perdu l’habitude d’en avoir, en réalité… Du moins, à deux. Ça paraissait fou d’en prendre conscience d’un coup, mais oui : elle se déshabillait pour les photos, elle usait même de sex-toys, parfois, mais dans des images immobiles. Le temps passant, son activité sexuelle annexe avait fini par la couper jusqu’aux rencontres qu’elle aurait pu faire. Il y avait ses études, d’un côté, ses petits boulots de l’autre, et elle était tant prise par l’un et par l’autre qu’elle avait fini par ne même plus se dénuder devant un homme sans que ce soit régi par un intérêt pécuniaire.

Pas que ce soit différent cette fois-ci, cependant. Non ? Elle attendait bien de cette séance qu’elle lui ouvre des portes sur le plan professionnel…

Elle se rendit compte qu’elle ne savait plus. Le fait de se retrouver dans cette séquence d’essai, soit pour laquelle aucune rémunération n’avait été évoquée, la sortait déjà de son cadre usuel ; l’attitude de Caïn avec elle, aussi…

Surtout l’attitude de Caïn, en réalité.

Lorsqu’il se remit à caresser son clitoris, elle gémit plus fortement, les mouvements de ses doigts la projetant au bord de l’explosion. Le caméraman dit quelque chose à ce moment-là, mais elle ne le comprit pas, tant le plaisir la possédait. Elle accueillit juste les lèvres qui plongèrent avec voracité dans son cou comme elle accueillit le déferlement de l’orgasme : avec envie, trouble et abandon, et laissa ses gémissements d’extase s’évader vers les micros qui l’enregistraient.

Elle cherchait encore à reprendre son souffle quand Caïn se retourna vers le caméraman.

– Tu veux quoi ? demanda-t-il.

– Comme tu le veux ! répondit celui-ci avant de s’adresser à Mél : comme tu le veux, toi, aussi.

Elle hocha de la tête, même si elle aurait été bien en peine, alors, de prendre la moindre initiative.

– Tu veux me caresser ? lui proposa Caïn.

Elle baissa le regard sur son sexe, ses yeux s’élargissant aussitôt sous la vision. Ça aurait été une honte de refuser une telle proposition.

– Oui.

Ses doigts s’y dirigèrent même seuls.

Le contact du gland doux, sous son épiderme, suscita un certain émoi dans sa poitrine. Celui de la pesanteur de son membre en induit un qui alla se nicher directement dans son bas-ventre. Lorsqu’elle releva la tête sur le visage de Caïn, elle fut happée par son expression d’envie. Doucement, elle se mit à caresser sa verge, sans lâcher des yeux son regard. Les vagues de plaisir qui le traversaient par intermittence étaient d’un érotisme captivant.

Quand les mains de Caïn se posèrent sur ses épaules pour la renverser sur le canapé, elle se laissa faire avec complaisance. Quand il tira sur ses hanches pour rapprocher son bassin de l’accoudoir, elle n’opposa pas plus de résistance. Elle le suivit juste du regard tandis qu’il allait s’emparer d’une protection et l’enfilait sur son sexe. Le sourire qu’il lui adressa avant de reprendre la parole fut intensément séduisant.

– Je vais y aller doucement.

Elle acquiesça, la gorge serrée.

– Tu as un mec ? lui demanda-t-il soudain.

La surprise l’envahit.

– Non.

– Tu as des aventures ?

Ce questionnement la perturba et elle sentit la gêne crisper ses lèvres. La prise de conscience de la misère sexuelle de sa vie la mettait mal à l’aise.

– Je crois que j’ai perdu l’habitude d’avoir des rapports non tarifés. Enfin…

En se rendant compte du sens de ses mots, elle voulut se rattraper, affligée.

– Je veux dire, je… ne me prostitue pas…

Elle n’insista pas. Elle avait atteint son quota de bêtises sorties pour la journée.

Caïn la fixait plus gravement, les sourcils foncés. Après un temps de silence, il caressa ses seins, suivant leur forme du bout de son doigt. De par la position dans laquelle il l’avait installée, le bassin de Mél était surélevé par l’accoudoir et son corps reposait, abandonné, sur l’assise du canapé.

– Dis-moi si je te fais mal, chuchota-t-il.

– Oui…

Elle le contempla avec fascination alors qu’il glissait les mains sur ses cuisses pour les lui remonter plus haut. L’appréhension se fit en elle en sentant son sexe se positionner à l’entrée de sa chair humide, et elle respira plus rapidement jusqu’à ce que, d’un coup, il commence à la pénétrer. L’intrusion, forte, la fit renverser le visage en arrière en exhalant un souffle de surprise. Caïn engagea cependant son sexe jusqu’au bout et ils se retrouvèrent tous deux, la respiration hachée, à marquer une pause au plus fort de leurs corps mêlés. Puis Caïn se recula et, lorsqu’il se renfonça d’un coup, Mél éprouva une si forte excitation à sentir sa verge ainsi en elle, l’étirant et la comblant, qu’elle ouvrit sur lui un regard dans lequel s’exprimait toute l’intensité de son émoi.

Des va-et-vient suivirent et, si la tension resta particulièrement importante, le plaisir l’accompagna très vite, une sensation massive, autant mentale que physique, qui alla grandissant, la faisant trembler, gémir, alors que les mouvements de Caïn s’accéléraient, faisant s’élever aussi la voix de ce dernier : ces gémissements qu’elle avait entendus dans les vidéos, mais qui lui paraissaient alors si vrais, si purs, si différents, comme s’il vibrait vraiment d’extase à être en elle, comme si la jouissance ne se trouvait plus pour lui qu’à quelques coups de reins. Alors, elle se redressa sur un coude et chercha son contact, lança la main vers l’avant pour tenter de le toucher, elle aussi, et hoqueta en le sentant la soulever brusquement par les fesses. Dans un réflexe, elle s’accrocha à son cou pour ne pas tomber et se retint avec difficulté tandis qu’il allait encore vivement en elle, étirant sa chair de son membre dur et se mouvant plus vite, l’appuyant sur le dossier du canapé où elle peina à trouver un appui pour sa main tandis qu’il s’enfonçait encore et encore en elle. Puis leurs bouches se trouvèrent dans un baiser entrecoupé de râles, et le visage de Caïn ne s’écarta qu’au tout dernier instant pour haleter sa jouissance, tremblant contre ses lèvres sous la force de son orgasme. Il ne ralentit ses mouvements que progressivement. Alors qu’il se retirait d’elle, Mél s’agrippa de son mieux au sofa pour ne pas se casser la figure et accueillit avec stupeur le rire du caméraman ; elle était parvenue à oublier sa présence.

– Tu parles d’un pro, s’esclaffait celui-ci.

Caïn se mit à rire de concert.

– Non, mais je te rappelle que je ne suis pas censé bosser ici !

– Ouais ouais… N’empêche que je t’ai connu plus endurant !

– C’est sûr…

Tous deux furent pris d’une hilarité si forte, et si complice, que Mél put voir des larmes de rire s’échapper des yeux de Caïn.

– Toute une carrière à reconstruire, commenta ce dernier en se débarrassant de son préservatif.

– Au moins…

Le caméraman reporta son attention sur son matériel. Son expression redevint sérieuse et, même, épatée.

– N’empêche que c’était chaud !!! Oh putain !

– Ouais, confirma Caïn, l’air rêveur.

Et, lorsqu’il se tourna vers elle pour lui adresser un sourire, ses yeux brillaient d’une lueur qui la toucha profondément. Elle commençait vraiment à se sentir stupide d’avoir mis tout ce temps sa propre vie sexuelle entre parenthèses.

Elle commençait à se sentir, aussi, stupide de rêver aussi fort, d’un coup, qu’il puisse se passer plus entre eux que cette seule rencontre.

– Va falloir en faire quelque chose, de cette vidéo, reprit le caméraman. On ne peut pas la laisser comme ça.

Mais Caïn ne regardait plus qu’elle, et elle ne pouvait plus se détourner de ses yeux.

– Tu permets qu’on se prenne une douche ? intervint-il.

– Ouais, accepta le caméraman, concentré par la séquence qu’il était en train de repasser, et depuis laquelle Mél pouvait entendre leurs gémissements mêlés.

Elle attrapa dans un élan instinctif la main que Caïn lui tendit.

Il lui sourit.

– Tu viens avec moi dans la douche ?

Mél le contempla, autant captivée par la douceur de son expression qu’hésitante sur ce qu’elle devait répondre. Il n’y avait pas besoin de réfléchir, toutefois. Une seule réponse s’imposait.

– Oui.

Elle lui rendit son sourire.

Et, alors que Caïn lui tendait un peignoir, elle songea que, peut-être, cette douche ne serait pas innocente. Et qu’elle non plus ne serait pas tarifée. Et que c’était bien, aussi, finalement.

Et que c’était très bien comme ça.

Ainsi sombre la chair – Prologue

Auteur : Valéry K. Baran.

Genres : Érotique, M/F, angst, dark, psychologique.

Résumé : Ce n’est pas une belle histoire d’amour. Ce n’est pas non plus juste une histoire de cul, sans psychologie, sans contexte et sans analyse.
C’est une histoire d’êtres humains.

Avertissement de l’autrice

A la différence des histoires présentes majoritairement sur ce site, celle-ci est très sombre, et aborde des sujets qui peuvent mettre mal à l’aise.

Personnellement, j’aime beaucoup cette histoire mais voilà : sachez donc qu’on n’est pas dans le style fun et léger que vous pourriez trouver dans les autres. Le prologue est d’ailleurs écrit pour y préparer les lecteurs et lectrices.

Prologue

A toi qui t’apprêtes à lire ce roman.

A toi qui, curieux mais pas encore convaincu, ne sachant pas si tu as vraiment envie de la lire. On ne sait jamais vraiment avant de commencer.

Je te dirai ceci :

J’ai mis longtemps avant de savoir comment entamer cette histoire. Tout ce que je savais, c’est qu’elle était là, que je l’avais dans la tête, dans les tripes, et qu’elle devait sortir. Je savais qu’elle ne serait pas « belle ». Je savais de quoi elle parlerait mais pas comment la qualifier. – Tu écris quoi ? – Un truc… Je disais ça, quand on me posait la question. Je savais ce qu’elle ne serait pas.

Et toi aussi, tu dois le savoir avant de commencer ta lecture.

Ce que tu t’apprêtes à lire ne sera pas une belle histoire d’amour. Pourtant elle parle quand même d’amour – toutes les histoires le font, non ? – mais pas comme tu l’imagines, et peut-être pas comme tu voudrais le lire. Si tu veux une belle romance qui fait rêver, il te faudra passer ton chemin. Si tu veux même juste une histoire de cul, sans psychologie, sans contexte et sans analyse, parce qu’il y en a aussi, dedans (du cul, mais surtout de la psychologie et de l’analyse), passe-le aussi. Si tu veux une histoire mettant en scène de vrais personnages, avec de vraies envies, et de vraies aspirations, et de vrais rêves, et de vrais obstacles, et de vraies désillusions… Oui, cette histoire est pour toi. C’est une histoire d’êtres humains, c’est une histoire de sexe, c’est une histoire de besoin de liberté, c’est aussi une histoire qui te poussera, peut-être, à te demander quelle est ta place dans ta vie, et ce que tu as fait de tes rêves, et ce que tu veux en faire maintenant. Et qui tu veux être. Qui tu es, au fond de toi-même, quelles parts de toi tu noies, tu écrases, tu enfouis, tu tues.

C’est une histoire qui parle de souffrance, de peines et de pertes dans des chemins boueux et sans issues, et d’espoirs impossibles à atteindre mais impossibles à repousser, aussi.

Ce ne sera pas une belle histoire, mais c’est quand même une histoire d’amour, dans le fond. Quelque part, là-dedans. C’est celle de héroïne de ce livre. Et c’est peut-être la tienne, aussi. Ce que tu as, au creux de toi, là, caché.