Porn ? What Porn ? – Du porno ? Définitivement ! (2)

Deux jours plus tard, ses résolutions volèrent en éclats alors même que son front rencontrait une nouvelle fois la surface de son bureau. Ce n’était plus possible. Il prit une longue inspiration, poussa sur ses mains et se mit debout. Il regarda encore quelques instants la petite crevette qui se faisait prendre par le Musclor (alors celui-ci, c’était pile-poil entre les deux styles !) avant de mettre la vidéo sur pause. Il avait beau tourner et retourner le problème dans sa tête, il ne parvenait pas à définir des codes clairs qui lui permettaient de les classer dans une catégorie plus qu’une autre, et plus il en visionnait, plus le problème se complexifiait. Oh, il aurait bien tout collé dans « porno », hein ? Comme ça ç’aurait été plus simple. Mais il savait aussi que qui disait scénar et suggestion, mise en place d’une relation, disait « érotique ». Et que s’il le classait en porno, on viendrait lui reprocher que, non, si on ne voyait pas la pénétration en gros plan et surtout si on n’avait pas une belle éjaculation bien visible, ça n’en était pas. Et que les clients seraient déçus. Et ils allaient en dire quoi les amateurs d’érotique quand on leur proposerait celui dans lequel le minet se prenait un avant-bras dans le… hein ? Ils en diraient quoi ? Que le gars qui faisait le classement avait fait n’importe quoi !

Il était temps d’agir, parce que là, il en avait plein le pompon. Et sexy en diable ou pas, soit Juan lui filait un autre poste, soit il lui disait sur quels critères il se basait pour savoir si une vidéo était érotique ou porno, soit il se les classait lui-même !!! Non mais, oh !

Il ne répondit même pas au « bonjour » de l’une de ses collègues, qui était pourtant bien sympathique, il ne pouvait pas dire le contraire, et se dirigea d’un pas énergique jusqu’à la porte du bureau de Juan. Là, il prit quelques secondes pour tenter de se reprendre un minimum. Il n’allait pas l’agresser non plus. Quand il vit Juan lever la tête vers lui et se mettre debout pour venir à sa rencontre, il respira lentement, essayant de modérer son agacement.

— Oh, Florian, quelle belle surprise, constata Juan d’un ton qui avait quelque chose de mi-professionnel, mi-sucré, en lui ouvrant.

Il se tint ensuite dans l’encadrement de la porte dans une attitude qui semblait tenir autant de l’invitation que de la contemplation rêveuse, un sourire clairement charmeur sur les lèvres. Florian sentit refluer en lui son irritation et poindre tout autre chose. #JAuraisDûMEnDouter.

— Je… Euh…

Allez, il recommençait à être incapable d’aligner deux mots !

— Je pourrais te voir ? demanda-t-il en se reprenant.

— Je suis tout à toi.

Et comme si cette phrase à elle toute seule n’était pas suffisante pour que Florian perde complètement pied, Juan lui sourit avec un naturel qui finit de le déstabiliser. Après quoi, Juan ouvrit la porte en grand, mais ne s’ôta pas pour autant du passage. Et pendant tout ce temps, Florian ne put s’empêcher de contempler ses épaules et les formes de son torse que laissait deviner sa chemise impeccablement repassée, et le sourire joueur qu’il arborait au coin de ses lèvres… et d’imaginer ce que ça ferait d’avoir réellement tout ça rien que pour lui. Mal à l’aise, il releva les yeux pour tomber dans deux orbes le scrutant avec amusement. Juan fit enfin un pas en arrière pour le laisser pénétrer dans la pièce, mais resta suffisamment près pour que Florian ne puisse éviter de le frôler lors de son passage. Il aurait clos les yeux s’il l’avait pu, mais il n’était pas là pour fantasmer sur lui. Il souffla discrètement pour essayer de garder ses esprits.

— Qu’est-ce qui se passe, donc ? demanda Juan après avoir refermé la porte.

Florian prit une longue inspiration en le suivant du regard tandis qu’il retournait vers son bureau.

— Il y a que je n’en peux plus de ces vidéos.

OK, c’était sorti comme ça, d’un coup. Pourquoi pas, après tout ? Juan s’immobilisa. Comme il ne réagit que par un haussement de sourcil, Florian poursuivit :

— Déjà, les perversions habituelles (OK, celui-ci était sorti tout seul aussi !), ça m’use, mais ça va, je dirais au moins que je n’ai pas de difficultés à les classer. Que ce soit les sous-catégories ou la question du porno-érotique, je gère, mais les dernières, là…

Il s’était arrêté pour se pincer l’arête du nez.

— J’ai vu que tu avais demandé la création de catégories supplémentaires, commenta Juan en posant une fesse sur son bureau.

— Déjà, oui.

Maintenant qu’ils parlaient boulot, il se sentait gonflé à bloc. Il n’était pas sûr que ce soit une bonne chose, mais en tout cas, c’était ce qu’il éprouvait. Il sentit son débit de parole s’accélérer alors qu’il poursuivait :

— Mettons pour le tentacle porn, mettons pour tous les trucs bizarres avec les créatures surnaturelles, mettons pour les sexes de la taille d’un tronc d’arbre dans le pire des cas et, dans le meilleur, de mon avant-bras, mettons…

Si quelqu’un lui avait dit un jour qu’il tiendrait de tels propos…

— Mais moi, quand on me demande de dire si le tronc d’arbre qui sodomise le gars fin comme une brindille en lui susurrant des mots d’amour, sans qu’on voie les détails, est de l’érotique ou du porno, là, je suis désolé, mais ça me dépasse ! Si ça s’adresse à des femmes ou des hommes, mystère et boule de gomme, si certains types peuvent trouver leur came dans ce genre de personnages, pour le tronc d’arbre peut-être, pour la brindille ambulante, je ne sais pas…

Il prit une longue inspiration.

— Assieds-toi, lui proposa Juan d’un ton chaleureux, mais qui ne tolérait pas de refus.

Il ne pensait pas pouvoir, mais il prit quand même sur lui pour s’exécuter.

— Ouais…

Il se posa dans le fauteuil qui faisait face au bureau de Juan et essaya de se calmer.

— Je comprends, reprit Juan. J’avoue que je ne m’attendais pas non plus à ce qu’on nous donne ce genre de films. Je n’avais vu que les premiers, plutôt soft. Mais en remarquant les demandes de catégories que tu avais faites, j’ai bien compris que quelque chose clochait.

Florian hocha la tête, content en un sens de savoir que Juan n’y était pour rien.

— J’imagine bien que ça doit être assez perturbant. D’autant que j’ai trouvé les premiers plutôt plaisants à regarder.

— Euh… Oui, c’était euh…

#LeRetourDuEuh.

De nouveau, le sourire amusé fit son apparition sur les lèvres de Juan, à croire qu’il savait pertinemment bien ce qu’il faisait.

— Pour en revenir aux suivants, reprit Florian.

Juan l’invita à poursuivre d’un geste de la main.

— Je mettrais bien tout en porno franchement, mais…

Il haussa les épaules, comme si ce geste voulait tout dire.

Juan hocha la tête.

— Bref, tu n’y arrives pas, conclut ce dernier.

— Ouais.

Ou enfin, non. Bref, Juan l’avait compris. Il ne manquait plus qu’à ajouter qu’il n’en pouvait plus de ce taf et tout serait dit. Juan croisa les bras, l’air pensif.

— Pourtant, tu n’avais pas tant de mal avec les vidéos classiques.

« Classique » était sûrement un grand mot, mais…

— En effet.

— Alors, qu’est-ce qui te pose réellement problème avec celles-ci, en dehors des catégories particulières de certaines, bien sûr ?

Il essaya de réfléchir… La représentation graphique si différente de celle dont il avait l’habitude ? Le mélange des genres ? Le contraste entre les images et les paroles ?

— Je ne sais pas, avoua-t-il en se passant la main dans les cheveux, las. Je n’arrive plus à avoir de repères.

Juan hocha la tête et se leva.

— Et donc, tu aurais besoin d’aide ?

C’était le moment d’annoncer qu’il avait surtout besoin de changer de poste, mais avec le regard profond de Juan sur lui, il était incapable de trouver les mots.

— Oui, admit-il finalement, faute de dire autre chose.

— Bien. Je…

Juan consulta sa montre, avant de se pencher en arrière pour vérifier l’agenda papier qui se trouvait sur son bureau. Florian en profita pour se rincer l’œil. Ce type savait y faire dans le choix de ses chemises, celle-là le mettait une fois de plus particulièrement en valeur. La façon dont ses courtes mèches brunes tombaient tandis que Juan baissait un peu la tête était tout aussi charmante.

— Écoute, j’ai une conférence téléphonique dans vingt minutes, mais après je passe te voir et nous en parlerons.

— Oui. D’accord.

Lui et Juan enfermés dans son bureau avec des films pornos, en voilà une idée.

— Parfait.

Juan se redressa et le contourna. Quand ses mains se posèrent sur ses épaules, Florian se raidit.

— Nous étudierons tout cela en profondeur.

#ScienceFiction.

Florian se tendit un peu plus en percevant le souffle chaud dans son cou et il n’y avait aucune chance pour que Juan ne le remarque pas. Il se redressa brusquement, quitte à le bousculer.

— OK, eh ben, à tout à l’heure, alors.

Et il s’écarta de Juan dont les yeux pétillaient d’une étrange lueur. Il retint de justesse le coucou de la main qu’il avait été tenté de lui adresser (oh bon sang, il était ridicule…) et se contenta d’un petit sourire, d’un infime hochement de tête et il sortit.

***

Assis à son bureau, Florian attendait que Juan le rejoigne. Une bonne heure et demie s’était déjà écoulée et on approchait doucement du moment de la sortie. Et pendant tout ce temps, avait-il travaillé ? Absolument pas ! Il ne cessait de tourner et retourner dans sa tête les derniers gestes et paroles de Juan.

Son patron était gay. Si Florian n’avait pas réagi tout de suite quand il avait annoncé avoir trouvé excitants les premiers films Boy’s love, à peine était-il sorti de son bureau que l’évidence l’avait frappé de plein fouet.

— Merde, en avait-il murmuré.

Ce fait étant établi (à un moment donné, il fallait bien percuter), la deuxième question qui se posait était : Juan s’intéressait-il à lui ? Franchement, dans un autre cadre, Florian n’aurait eu aucun mal à déterminer que oui, mais là… Il s’agissait quand même de son patron. Personne ne faisait d’avances ouvertement comme ça à l’un de ses subordonnés surtout dans une grande boîte, non ? Juan était peut-être simplement charmeur et tactile, ce qui irait avec ses origines hispaniques…

OK, il était débile à essayer de trouver des justifications.

Mais si c’était le cas, que devait-il faire ? Très honnêtement, si Juan commençait à lui proposer d’aller boire un verre, par exemple, comment devrait-il réagir ? C’était chaud de sortir avec son supérieur… Si jamais ça se passait mal, si ça venait à se savoir ? Il risquait de perdre son job, déjà.

Mouais. D’un autre côté son job, hein ?

Non mais, il allait arrêter de tirer des plans sur la comète et essayer de rester zen… professionnel, oui, c’était ça, le mot (même si sa « profession » consistait à cocher « tentacle porn », « cougar », « infirmière » ou… ouais, « patron », en hésitant comme un âne à y ajouter « érotique » ou « porno »).

Perdu dans ses pensées, il sursauta lorsque la porte s’ouvrit sur Juan. Et s’il espéra que ce dernier ait raté son bond de surprise, le petit rire qui lui échappa lui prouva que non.

— Trop concentré ?

— Euh… oui.

— C’est ta phrase préférée, hein ?

Retenir le « Euh oui », retenir le « Euh oui ».

— Non, pas du tout.

Il avait dû faire quelque chose dans une existence antérieure pour que la vie le déteste à ce point. Ce n’était pas possible, autrement.

Juan posa sur le bureau les deux gobelets qu’il tenait.

— Je nous ai apporté du café. Ça m’a demandé un peu plus de temps que prévu, mais je suis à ta disposition.

Il défit le bouton de sa chemise pour se mettre à l’aise et Florian se serait collé des claques tellement il trouva le geste séduisant. Une fesse sur le bureau plus tard, Juan enchaîna comme si de rien n’était.

— Donc, tu disais que tu as des difficultés de classement.

— Oui.

— Sur quoi tu te bases habituellement ? poursuivit-il.

— Pour faire la différence ?

— Huhum.

— Eh bien… L’existence de scénario, la suggestion des actes, les dialogues, la présence visible d’une éjaculation… Enfin, j’ai pris la petite liste de consignes qu’on m’a remise quand j’ai commencé.

Juan hochait la tête.

— Mets un film en route.

Il plaisantait, n’est-ce pas ? Ils n’allaient pas vraiment regarder un porno ensemble, non ? Si ? Du genre… « si » comme « si » ?

— Vas-y, l’encouragea son boss.

Florian modéra le haussement de ses sourcils et obtempéra en relançant une des vidéos.

  1. Alors, celle-ci, c’était parfait : un truc japonais avec « Sexual harassment» dans le titree graphisme était plutôt pas mal et les mecs dedans fichus correctement : un peu fins (mais ça, il commençait à s’y habituer, c’était le style asiatique), mais avec des corps pas trop mal proportionnés. Et, effectivement, ça débutait par un scénario… quoique, tout était relatif à ce sujet. Ça aussi, ça aurait pu être un débat en soi. Mais contrairement à un porno plus conventionnel, il y avait un scénario.

— C’est érotique, jugea Juan au bout de plusieurs minutes.

— Non, c’est porno… quand même.

Ben oui.

Il avança la vidéo jusqu’à la première scène de sexe, non loin d’ailleurs. On y voyait le gars tout fin se faire sodomiser avec un sex-toy. Enfin… pas en gros plan : la vue était prise du côté de la tête, mais bon.

— Pas si tu t’en tiens à ta liste, insista Juan.

— Oui, mais cette liste, elle ne tient pas la route, je ne peux pas coller ça en érotique. Ce n’est pas…

Il regarda à nouveau la vidéo : certes, on ne voyait aucun gros plan sur les parties génitales, mais le gars était ligoté et… en train de subir un viol (même s’il en rougissait d’émoi, mais ça, c’était le n’importe quoi habituel). Du genre : érotique, vraiment ?

Il réfléchit à comment expliquer ça à Juan rapidement et se frotta le front en soupirant.

— C’est…, commença-t-il.

Il croisa les bras sur son torse et releva le regard sur Juan :

— À un moment donné, il se prend un épi de maïs gonflé à l’aide de traitements transgéniques façon Monsanto dans le fondement.

OK, celui-ci aussi était sorti tout seul ! Mais il fallait bien finir par dire les choses, non ?

Un éclat de rire retentit dans la pièce.  À la vision de Juan en partie plié en deux, il ne put s’empêcher d’être gagné par l’hilarité à son tour. Quand enfin, ils se calmèrent, Juan essuya ses yeux humides de larmes. Florian lui sourit avant de se passer de nouveau la main dans les cheveux, à la fois gêné et amusé de sa tirade. Au moins, la tension était tombée. Du moins était-ce ce qu’il pensa jusqu’à ce que Juan se lève. Un détail dans son sourire, dans sa démarche, dans ses pas lents et mesurés le fit se tendre à nouveau, dans l’attente de quelque chose qu’il ne voulait ni tout à fait voir venir, ni tout à fait manquer.

— OK, il faut donc que nous définissions ce que tu considères comme érotique et pornographique, reprit Juan.

— Huhum.

Retour au point de départ. Florian attendit. Pas que ça le gênait : le fessier de Juan, alors qu’il lui tournait le dos, était un spectacle suffisamment captivant pour l’occuper. Lorsque Juan tendit la main pour saisir son gobelet de café et le porter à ses lèvres, il fut incapable de détacher ses yeux de la silhouette qui se présenta à lui de profil : de la courbure masculine de ses reins que soulignaient les plis de sa chemise aux détails de sa gorge quand il déglutit doucement. Après s’être essuyé la bouche d’un geste léger du pouce que Florian ne put s’empêcher de trouver éminemment suggestif, Juan lui adressa un regard amusé.

— Ça, là, par exemple : tu trouves que c’est érotique ?

La question le tira de sa rêverie à la manière d’une claque.

— Quoi ?

— Quand je bois devant ce bureau. Ou quand je m’essuie d’une main.

Son sourire était autant moqueur que séducteur.

— Euh… Non, c’est potentiellement charmant, mais ça n’a rien d’érotique.

La réponse était pourtant « oui ».

Pour toute réaction, Juan se contenta de relever un sourcil.

— D’accord. Il faut donc qu’il y ait plus que cela.

Durant quelques secondes, plus aucun d’eux ne parla et Florian éprouva avec force le besoin de s’enfuir… Ou de fermer les yeux pour tester si, cette fois encore, Juan se rapprocherait. Il était incapable de décider. Lorsque Juan s’appuya au rebord du bureau et le fixa d’un regard pénétrant, il parvint encore moins à réfléchir. La main de Juan se leva, glissa sur la courbe de son cou, en suivant la ligne douce, parvint au col de la chemise, laissant apparaître les volumes de ses clavicules en tirant légèrement dessus…

Au moment où Juan défit un bouton en le fixant, Florian savait déjà quelle serait la prochaine question. Il en avait la gorge sèche.

— Et ça, demanda Juan, c’est érotique ?

La réponse était « oui », mais sans doute parce que tout en Juan criait l’érotisme. Si Paul, l’un de ses collègues, en avait fait autant, il aurait dit « non ».

— Peut-être, consentit-il à reconnaître, selon la personne. Mais là encore…

Ne jouait-il pas à un jeu dangereux ? Juan allait-il…

Un deuxième bouton suivit.

OK, la réponse était oui : Juan allait poursuivre.

Puis un troisième.

#AuSecours.

#LeQuatrièmeAussiParPitié.

Florian ne savait pas ce qu’il souhaitait le plus ardemment : que cette situation s’arrête ou continue. Par ailleurs, les mouvements de doigts de Juan et les encarts de peau mate qui se dessinaient progressivement au sein de la chemise blanche, pigmentés d’une pilosité sombre, lui grillaient désespérément le cerveau. Il devait être vraiment en manque : gavé de sexe virtuel et de fantasmes ambulants de son patron au point de finir par avoir des hallucinations.

Catégories : boss, voyeurisme, gay, striptease, bureau… masturbation, fellation, huile, latex, sodomie, switch… OK, là, il délirait.

Imperturbable, Juan poursuivait.

— Et ça ?

Juan fit glisser ses doigts sur la peau entre les pans de la chemise. Celle-ci était désormais défaite jusqu’en son milieu. Puis il les fit remonter lentement vers sa gorge.

— Oui, c’est érotique, avoua-t-il.

Un sourire léger se peignit sur les lèvres de Juan et il finit de déboutonner sa chemise avec moins de cérémonie. Le spectacle de sa chair dévoilée à son regard, puis du torse devant lequel s’écartèrent les deux pans de tissu, n’en fut pas moins captivant.

— Nous sommes toujours en érotique, là ? Pas de pornographique ?

— Non, pas de porno, répondit-il.

— Bien.

Juan sembla réfléchir avant de reprendre :

— C’est le mélange des genres qui te pose souci, hein ? Dans l’hétéro, ça ne te posait pas de problème. Dans le gay sex non plus.

Florian essaya de se concentrer sur ce que disait son patron. Oui, son patron ! Patron qui lui faisait un méchant gringue, là. Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il déraillait complet : qu’il avait bu trop de café, passé trop de mois sans rapports sexuels, vu trop de vidéos de pénétrations en tout genre, trop fantasmé sur Juan, et que, la prochaine fois qu’il clignerait des yeux, ce dernier aurait sa chemise bien boutonnée et serait assis devant son bureau et il n’aurait qu’à se mettre une claque mentale. Ou serait encore torse nu et à quelques centimètres de lui. Ou allongé sur le bureau, à sa portée… Peut-être devrait-il essayer…

— Florian.

— Ouais ?

Vous pouvez répéter la question ?

— C’est le mélange ?

— Oui… Oui, confirma-t-il enfin, plus sûr de lui.

— OK, donc si je te dis : j’ai tellement envie de t’enculer maintenant sur ce bureau, c’est quoi ?

OK, c’était mort, Juan ne voulait pas vraiment qu’il réponde à ça. Et ses joues brûlantes devaient le faire pour lui. Genre… la réponse demandée, c’est « oui, moi aussi, je veux » ?

— Alors ? Pornographique ou érotique ?

Il déglutit, les yeux rivés sur le torse de Juan.

— É… érotique ?

Après tout, le vocabulaire était cru, mais Juan n’était qu’à moitié nu et encore.

— Approche, réclama ensuite Juan.

Florian ne bougea pas. Bien sûr. Il n’allait pas se diriger de lui-même vers ce qu’il pressentait être sa perte ! Enfin, ce fut surtout ce qu’il se dit parce qu’en réalité, il s’avança comme le papillon attiré par la lumière, dans un acte totalement irréfléchi… Et il ne reprit son contrôle qu’une fois qu’ils ne furent qu’à quelques pas l’un de l’autre.

— Continuons. Ça, par exemple…

Florian le vit caresser son torse, sensuellement, jusqu’à frôler et faire se plier son fin téton.

Il n’eut pas besoin que Juan l’interroge pour donner la réponse. Il savait déjà ce qu’il voulait :

— Érotique, déclara-t-il.

Juan descendit la main sur son ventre, et Florian la suivit des yeux, et plus le mouvement se poursuivait vers le bas, plus son regard se trouvait attiré par le pli du pantalon en dessous et… plus il dut se retenir de le détailler, peu sûr que la forme qui était devant lui soit seulement due à la raideur du tissu.

Il releva les yeux sur Juan.

— Je suis gay, dit-il.

Et il le dit comme ça, sans préambule, parce qu’il fallait bien l’avouer en de telles circonstances, avant que Juan aille trop loin ou que…

— Je sais, répondit ce dernier.

Florian essaya d’encaisser cette information, bien qu’hypnotisé par la manière dont Juan déboutonna lentement son pantalon, centimètre après centimètre… Que son patron ne se soit pas arrêté après sa déclaration le rendait encore plus incertain quant à la suite.

Juan renversa légèrement la tête en arrière, lui exposant la rondeur de son cou dans une image lascive, et se mit à respirer plus fort.

— Et ça ?

— Érotique, répondit-il sans tergiverser.

Et putain d’érotique quand Juan se mit à frotter doucement, par l’ouverture de son pantalon, son sexe qui, cette fois sans l’ombre d’une hésitation, était raide et dressé. Juan n’aurait eu qu’un mot à dire pour qu’il vienne l’aider.

Florian releva les yeux sur le visage de Juan, qui le fixait avec un regard amusé et tentateur. Visiblement l’un d’eux savait parfaitement à quoi il jouait et ce n’était pas lui.

— Aide-moi, exigea doucement son boss en ôtant la main de son sexe pour la poser sur le rebord de la table, s’y appuyant.

Florian ne se fit pas prier.

Il franchit la courte distance qui les séparait et frôla aussitôt son torse, percevant la force du courant électrique émanant de leur soudaine proximité. Un parfum se dégageait du cou de Juan et du col de sa chemise… Une odeur ambrée et masculine, légère mais entêtante.

Il faisait quoi, là, exactement ?

— À deux, ce sera plus explicite, précisa Juan.

Si celui-ci le disait, il n’irait pas le contredire. Grand Dieu, il se sentait tellement perdu et Juan avait l’air de tellement maîtriser la situation qu’il était tout prêt à se faire guider et à voir où cela les mènerait.

— Touche-moi, réclama son patron.

Le tout dit avec une autorité si naturelle…

Devait-il vraiment le faire ? Mais Juan avait dit « touche-moi » et là était le seul élément que son cerveau voulait bien intégrer. Le reste n’était que futilité, à oublier, à renvoyer au néant.

Le cœur battant, il leva la main, contempla le torse solide et sculpté de Juan, en approcha ses doigts et puis, doucement, il les y posa, suscitant un frémissement qu’il sentit se répercuter jusqu’au plus profond de lui. Juan aurait pu tout lui demander à cet instant. Il lui aurait dit de le sucer qu’il se serait jeté à ses genoux pour s’empresser de le faire. Pourquoi Juan ne le lui réclamait-il pas encore ?

— Plus bas.

Il obtempéra sans hésiter. Lentement, il descendit sa paume, suivant tous les reliefs des abdominaux défilant sous ses doigts, savourant la sensation des poils s’y frottant, avant de trouver enfin la rondeur qu’il attendait… et d’y poser la main. Le contact l’excita avec force, et plus encore en sentant le sexe de Juan tressauter en retour, mais celui-ci ne bougea pas pour autant.

— Et là ? demanda Juan.

Ce dernier ne pouvait pas vraiment vouloir une réponse à cette question… Un rictus de sidération monta aux lèvres de Florian parce que parler était la dernière chose dont il avait envie, là, tout de suite. Pourtant, et sa curiosité était à blâmer, il répondit :

— Érotique.

Et il attendit de voir quelle serait la suite des événements.

Juan hocha doucement la tête, puis murmura :

— D’accord.

Collé à lui et le regard insondable, Juan était tellement sexy que Florian n’en revenait pas. Quelle serait sa demande suivante ? Jusqu’où mènerait-il le jeu ? Rien qu’à cette idée, il se sentait plus dur que jamais. Quand Juan glissa la main dans ses cheveux jusqu’à l’arrière de son crâne et le rapprocha de lui avec une lenteur qui était autant torture que plaisir, il en vibra tout entier.

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