Un hamburger, des frites et mon cœur avec (5)

Chapitre 5

Dimanche

Le corps de Mathieu s’enfonça un peu plus dans la couette comme il se détendait. Nu sur son lit, il savourait les effets de son orgasme, fermant les yeux pour prolonger un peu plus longtemps le plaisir qu’il avait ressenti. Ce n’était pas vraiment comparable avec le fait de s’envoyer en l’air avec quelqu’un mais la masturbation permettait aussi de se plonger plus facilement dans ses fantasmes. Il n’avait encore jamais eu besoin de penser à un autre pendant qu’il couchait avec quelqu’un, préférant pour cela les plaisirs solitaires. Il considérait que lorsqu’on en était là, c’est qu’il y avait un problème. Enfin, sans doute que certains avaient de bonnes raisons et chacun voyait midi à sa porte. En ce qui le concernait, celui qu’il aurait aimé voir à la sienne était Ludovic. La petite conversation du vendredi n’avait cessé de tourner dans son esprit et plus que cela, la façon dont il s’était approché de lui. Il avait cru à un moment qu’il allait tenter de l’embrasser et, bureau ou pas, il n’était pas certain qu’il l’en aurait empêché.

Il était clair que fermer la porte n’avait guère été une bonne idée. Il l’avait fait au départ pour ne pas déranger ses collègues mais la relative protection qu’elle offrait et le charme de Ludovic avait suffi à avoir raison de lui, très rapidement. Sans doute beaucoup trop rapidement. Ils commençaient à manquer de discrétion et si personne ne suspectait quoi que ce soit, Sonia s’était quand même amusée à lui faire une réflexion, profitant qu’ils soient seuls dans son bureau. Il avait démenti mais son visage avait affiché une expression clairement dubitative avant qu’elle n’enchaine sur un : « N’empêche, s’il était gay, je suis sûre que tu craquerais et, si ça se trouve, il l’est. Il l’est ? ». Il avait répondu ne rien en savoir et ne pas avoir abordé ce genre de thèmes très personnels avec lui. Elle n’avait eu l’air que moyennement convaincue et il lui avait alors rappelé que cette chère Emeline – paix à son âme, avait complété sa collègue, elle admettait être une vraie langue de pute quand elle le voulait – pensait avoir toutes ses chances. Cela avait paru d’apaiser un peu les soupçons de Sonia. Et fort heureusement pour lui, une fois son repas avalé et la pause-café arrivée, les misères de Nadia du service paie avaient assez occupé son amie pour qu’elle ne revienne pas sur le sujet.

Quoi qu’il en soit, il lui faudrait être plus discret et plus distant, physiquement en tout cas. L’avoir là, sur le coin de son bureau, à porter de mains et de bouche était beaucoup trop tentant. Suffisamment pour que l’idée de balancer tout ce qui se trouvait dessus pour le rapprocher de lui et le prendre là sans autre forme de procès lui effleure l’esprit plusieurs fois au cours de leurs vingt minutes de conversation. C’était beaucoup en si peu de temps. Dans la réalité, il ne l’aurait jamais fait, bonjour le boulot de tri pour récupérer les pièces comptables qui jonchaient son espace de travail. Il fondait littéralement sur son physique, mais aussi sur son esprit et sa capacité à rebondir sur ce qu’il lui disait. L’espèce de petit ping-pong auquel ils jouaient lui plaisait particulièrement. C’était sans doute ce qui l’avait retenu de renchérir quand Ludovic avait parlé de dégustation. Et en soi, le dialogue avait été à ce point amusant qu’il ne le regrettait pas. Mais, il savait aussi qu’il ne tiendrait plus très longtemps et qu’un lapsus finirait par passer ses lèvres. Il était certain que Ludovic ne serait pas surpris, et qu’il savait à quoi s’en tenir quant à son attirance envers lui. Il lui semblait être terriblement transparent dans leurs échanges. Heureusement pour lui, il ne restait que trois jours à résister, après quoi, il pourrait l’inviter tout à loisir à dîner et pourrait l’attirer jusqu’à son lit.

Et cette idée, terrible idée l’avait titillé sans cesse au cours du week-end. Même son footing matinal n’était pas parvenu à faire redescendre son excitation et si tôt sorti de sa douche, il s’était retrouvé sur son lit, son sexe fermement en main à penser au jeune homme et à tout ce qu’il aimerait lui faire et il y avait beaucoup de choses.

Il poussa un soupir de satisfaction. Au moins, se sentait-il maintenant rassasié. Il tendit paresseusement le bras et attrapa un des mouchoirs se trouvant sur sa table de nuit pour essuyer sa main et son ventre, après quoi, il le lança nonchalamment à côté de ses camarades propres. Il le jetterait plus tard, pour l’heure, il voulait savourer la petite brise qui pénétrait par sa fenêtre ouverte.

Il s’était presque endormi lorsqu’on sonna à sa porte. Il grogna. Qui pouvait bien venir chez lui à près de midi ? La sonnerie retentit de nouveau et son visage se ferma. D’un bond, il sauta du lit et passa rapidement un jean et un polo, avant de se rendre à sa porte. La sonnette avait déjà retenti pour la troisième fois quand il y parvint et il savait déjà qui il allait y trouver. Et l’envie de ne pas répondre était forte mais il l’ouvrit quand même.

– Bonjour, madame Rochas !

Son regard se baissa pour voir l’horrible vieille, qui portait à son habitude une de ses tuniques immondes.

– Il faudrait baisser votre musique, c’est insupportable, c’est tous les dimanches, hein ! C’est quand même incroyable ça. Vous n’êtes pas tout seul…

Mains sur les hanches, elle se lança dans sa diatribe sur le boucan de cette musique de fous et le respect qu’on devait avoir en collectivité. Avant qu’elle ne puisse enchainer sur le « Vous, les homos, vous ne respectez rien, même pas le mariage » qui la démangeait sûrement, il l’arrêta.

– Madame Rochas, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, trop occupée que vous êtes à parler, il n’y a aucune musique dans mon appartement. Je la plains d’avance, mais je crois que le bruit provient de la jeune étudiante du studio. Alors, je vous laisse régler vos comptes avec elle et la musique imaginaire qui monte chez vous, hein ! alors que personnellement je n’entends rien une fois ma porte close.

Et il referma ladite porte. Non, parce qu’il voulait bien être poli, mais il y avait des limites quand même.

Et il ne voulait pas être poli de toute façon.

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