Ainsi sombre la chair – P’tit Ju (partie 2)

J’étais toujours agacée et j’éprouvais aussi une sorte de besoin de sombrer… curieusement majorée, soudain, par le trouble que j’éprouvais. Un instant, je songeais même à aller au bout de ma démarche de délitescence en leur demandant de l’héro, pour dire, mais c’était vraiment juste une idée stupide, comme ça, qui avait vocation à mourir à peine avait-elle surgi dans mon esprit. Je ne l’aurais pas fait. J’avais toujours esquivé les drogues dures, jusque-là, et il était hors de question que j’y touche.

– Ça va ? me demanda Chris.

Je recrachai longuement la fumée.

– Oui.

Loïc se tenait toujours allongé, avec sa queue tendue, et Chris s’était assis sur la table basse. Je me demandais ce qu’il pouvait y avoir entre eux. Je veux dire… C’était des potes, c’était évident, mais quel genre de mec se faisait des plans à trois avec son meilleur ami, comme ça ? Même si tous deux n’avaient pas de contact physique, il y avait forcément une ambigüité qui ne pouvait pas être ignorée.

Je ne trouvais pas ça anodin, en tout cas.

Je tournai la tête vers Chris.

– Tu veux que je te suce ? dis-je.

Ce n’était pas tant que je ne voulais pas que Loïc recommence à pousser ma tête sur sa queue, c’était que je voulais m’occuper de Chris. Et aussi que je pensais me sentir moins mal à l’aise, dans cette configuration. Loïc, lui, saurait s’occuper de moi – ou s’occuper de lui, via moi – durant ce moment. Et j’avais besoin de reprendre la maîtrise de ce qu’il se passait. De retrouver de l’assurance.

– Oui.

J’inspirai une dernière taf puis lui tendis le joint. Et je m’approchai de lui pour déboutonner son jean. Il se laissa faire. Il fumait, toujours assis sur la table basse, pendant que je m’occupais de lui. Cool, la vie. Je pense que j’étais vraiment une fille adorable. Je sortis son sexe, que je trouvai vraiment joli, plutôt large et long, mais pas trop non plus. Juste assez pour être tentant. Et j’attrapai une nouvelle protection pour le couvrir avant d’en lécher le bout. Je sentis au changement de poids derrière moi que Loïc se relevait. Il vint à côté de mon visage et regarda ce que je faisais. Je levai les yeux sur lui. Je m’appliquai à sucer doucement le sexe de Chris, sans pour autant l’enfoncer dans ma bouche aussi profondément que me l’avait fait Loïc, laissant l’excitation de cet acte glisser en moi… et me remplir toute entière. Et les expirations longues de Chris, ainsi que la manière dont il touchait mes cheveux, ma joue, m’indiquaient qu’il appréciait ce que je lui faisais. Chris finit par passer le joint à Loïc. Au bout d’un moment, ce dernier réclama :

– A mon tour.

Je tournai le visage vers lui pour le voir avec sa verge tendue vers moi. Elle était vraiment dure et droite. Ça me plaisait de voir que je lui faisais un tel effet. Ça me plaisait aussi de passer de l’un à l’autre, comme ça. Cette alternance. Je levai les yeux sur son visage et lui écartais mes lèvres. Il vint lui-même entre elles, mais sans aller trop loin, cette fois. Me laissant aussi mener le jeu. Mine de rien, il retenait les leçons. Mais la situation ne m’en excita pas moins. Mon entrejambe était trempé, mon corps fébrile d’envie, et quand Chris me caressa les seins en même temps à travers mes vêtements, mon bas-ventre se contracta dans une tension autant chaude que délicieuse qui me fit crisper les doigts sur les fesses de Loïc et l’attirer plus profondément en moi.

On avait monté en intensité et le changement d’attitude de Loïc, le regard de Chris sur moi, le contact ses mains… Tout m’excitait.

Tout me troublait, aussi, avec toujours ce sentiment curieux d’avoir enfilé, avec eux, une peau dans laquelle je ne me reconnaissais pas tout à fait.

Je finis par libérer ma bouche de sa queue et tourner le regard vers Chris.

Sa main se posa sur mes lèvres, les caressant du pouce.

– Tu veux encore me sucer ?

Tu « veux », pas tu « peux ». Pas tu « vas ». Pas comme Loïc.

– Oui.

J’en avais envie, oui.

Je le fis.

Ça me plut vraiment de la sentir en moi, avec sa différence de forme et de longueur. La manière dont Chris caressa mon visage, aussi, représenta un contraste. Je ne pouvais ignorer leurs singularités réciproques, et je le pus encore moins quand Loïc intervint :

– Tu peux y aller plus fort.

Je crus un instant qu’il s’adressait à moi, mais il parlait à Chris.

– Ça ira, répondit celui-ci.

– Elle aime ça, insista Loïc.

Chris confirma :

– J’ai vu, oui.

Ça me perturba… Pas seulement à cause de leurs mots, bien que cette vision commune, à mon sujet, avait de quoi me troubler. Les entendre parler de moi, ainsi, alors que j’étais juste là, le faisait autant. Je fus sortie de l’acte, du coup.

Je relevai la tête.

– Tu as envie que je te prenne plus loin dans ma gorge ? demandai-je à Chris, songeuse.

Il réagit d’une nouvelle caresse sur ma bouche.

– Comme tu le veux…

C’était doux.

Chris ne me poussait pas mais ne me retenait pas non plus et, finalement, son attitude ne m’interloquait pas moins que celle de Loïc. Peut-être parce qu’il semblait voir au-delà de la façade que je lui offrais, toucher cet autre « moi » que j’aurais préféré garder enfoui, hors de leur atteinte. Je ne savais pas.

Je me rassis sur le canapé, un peu perdue mais le gardant pour moi, et je réclamai le joint. Loïc fuma encore plusieurs tafs en me fixant, comme s’il me sondait – et il me sondait, il n’y avait aucun doute à avoir là-dessus – avant de me le donner. Je le saisis enfin. Tandis que j’inspirai, Chris me demanda :

– Pourquoi est-ce que tu fais ça ?

J’eus une fraction de seconde durant laquelle je me demandais à quoi de référait ce « ça », avant de voir : pourquoi je venais chercher du cul ainsi chez Loïc, pourquoi je le laissais me parler ainsi, pourquoi je ne réagissais à l’évocation d’une fellation plus profonde qu’en lui demandant s’il en avait envie…

La question qui devait sortir à un moment donné, probablement.

Je haussai une épaule. Je n’avais pas de réponse à lui donner, ou rien de simple : rien que je puisse expliquer sans y passer une heure, sans reprendre de trop loin, trop dire. Et je refusais de leur confier quoi que ce soit à ce sujet, de toute façon.

– Parce que ça m’excite.

Au moins, était-ce sincère. Je n’avais pas envie de mentir non plus.

Je fumai de nouveau.

– Parce qu’elle veut que tu la baises, dit Loïc à Chris.

Et il plongea dans mon regard, avec cette lueur dans les yeux qui disait à quel point il savait qu’il m’avait comprise. Il lisait décidément bien en moi, je ne pouvais le nier. Cependant, il ne lisait que la surface.

– Oui, reconnus-je.

– Finis-moi, d’abord.

Je le fixai, toujours appuyée sur le dossier du canapé. Au bout d’un moment, je dis, sans bouger :

– Viens.

Je n’en notais pas moins son « d’abord » : le fait qu’il prenne un rôle d’entremetteur en nous réunissant, Chris et moi. Là, il réclamait clairement son orgasme avant de se mettre en retrait.

Loïc était un type surprenant. Je n’arrivais pas à déterminer s’il se montrait altruiste ou si c’était que ça l’excitait de voir son pote me prendre.

Il me retira mon joint des lèvres pour le poser dans le cendrier, puis ôta son t-shirt. Je profitai de la vue. Je ne l’ai pas encore dit mais il avait un beau corps, assez fin mais aux muscles joliment dessinés. Mais il ne me laissa pas l’observer bien longtemps. D’un geste, il releva mon visage et puis posa un genou sur le canapé pour approcher son sexe de ma bouche.

Je jetai un dernier œil à Chris, qui s’était rapproché de moi. Il était même si près… Sa queue était toujours sortie, droite, alors qu’il était resté entièrement habillé par ailleurs. Et il posait la tête juste à côté de mon visage, avec un mélange de fascination et d’interrogation dans le regard. Il était si proche de ce qui allait se passer…

– Regarde-moi, dit Loïc.

Je levai les yeux sur les siens, ma tête posée sur le dossier du canapé.

Dans l’attente.

Avec lui, prêt à enfoncer sa queue entre mes lèvres, et Chris qui observait.

Quelle attraction éprouvions-nous tous trois pour ce jeu-là ? Pour cette expérimentation curieuse, cet extrême, que nous partagions ? Je l’ignorais.

Je me promis de ne jamais rien leur raconter plus de moi. Que je reste cette fille dont ils ne savaient rien et qui venait se faire sauter avant de disparaître.

Celle qui leur ouvrait ses cuisses et sa bouche.

Le souffle de Chris, tout contre mon cou, me troublait. Sa main, qu’il posa sur mes seins, aussi. Le frôlement de ses doigts, tandis qu’il déboutonnait mon chemisier.

Loïc passa la main sur ma tête, entrant dans mes cheveux. Puis il poussa pour pénétrer de son sexe l’espace entre mes lèvres, avec lenteur. Profondément, aussi, mais comme il s’y prenait doucement, ça passa. Je le laissai faire, du coup. Le jeu auquel on s’adonnait était intense mais, contrairement à la première fois, Loïc gérait. Quand il se mit à faire des va-et-vient, ce fut fort mais pas insupportable, et putain d’excitant… Je gardai les yeux relevés vers les siens. Et je cherchai de la main le sexe de Chris, le caressant quand je l’eus en paume, ce qui lui arracha un soupir qui résonna comme un souffle brulant dans mon oreille.

Chris attisa mes mamelons et j’eus du mal à ne pas me tendre trop vivement, l’envie m’électrisant. Et quand l’une de ses mains descendit pour plonger entre mes cuisses, je perçus avec violence, plus encore que je ne le savais déjà, à quel point j’étais humide. J’oscillais entre désir de reprendre mon souffle, même juste un peu, et besoin de plus, de la main de Chris dans ma culotte, de son corps dans le mien. Ça finit par arriver. Je pus sentir ses doigts forcer la résistance de mon jean, bien qu’il l’ait déboutonné depuis longtemps, et entrer dans ma culotte, trouver mon sexe, glisser contre ma chair tant elle était humide.

Je posai la main sur le ventre de Loïc mais il ne retira pas sa queue de ma bouche.

– Elle est vraiment trempée, souffla Chris d’une voix chaude.

Encore un échange entre eux… Encore un « elle », pour moi.

Ça restait si bizarre.

Quand Chris fourra ses doigts en moi, je me raidis parce que c’était trop. Trop fort pour moi, trop de sensations, trop vives, et je fus sur le point de réclamer une pause, mais Loïc se mit à ce moment-là à respirer plus vivement, et à me tenir la tête en gémissant, et les longs va-et-vient qu’il fit furent intenses, mais enfin il éclata. Il jouit en fourrant profondément sa queue dans ma bouche et en resserrant ses doigts sur ma tête en une curieuse caresse.

J’étais si saoule d’excitation et de trouble que, quand il me relâcha et que Chris retira ses doigts de ma culotte, je tombais de côté sur le canapé.

– Tu te déshabilles ? me lança Chris.

La tête me tournait mais je n’hésitai pas sur la réponse :

– Oui.

Sa queue était toujours tendue, en attente de délivrance. Et lui toujours habillé. Je voulais qu’il se dévête. Je voulais qu’il enfonce son sexe en moi. Immédiatement.

– Toi aussi ? lui demandais-je.

Je me sentais plus à l’aise avec Chris. Peut-être parce que Loïc était celui qui menait la danse et que ça nous mettait plus ou moins sur un niveau parallèle, tous deux, mais c’était difficile à définir. Ce que je vivais avec ces deux mecs restait curieux, vraiment. Chris était aussi doux que Loïc se montrait brute, et pourtant les choses étaient claires, entre nous. Je me donnais à eux, et eux se donnaient aussi ; à mes fantasmes. Rien de plus simple. C’était comme si on s’était retrouvés dans une scène, mais qu’aucun de nous ne maîtrisait réellement : par laquelle on se laissait tous emporter, au gré d’un script changeant et toujours inattendu, si ce n’était sa finalité.

J’enlevai mes vêtements avec peine et observai, toujours allongée sur le canapé, Chris se dessaper.

Loïc, de son côté, se rhabilla. J’en fus interloquée mais bien moins que lorsque, après avoir enfilé son t-shirt, il prit son téléphone portable pour passer un appel.

– Ouais, dit-il une fois que son interlocuteur eut décroché, en guise de présentation, et il s’éloigna.

Je n’entendis guère la suite, sinon qu’il appelait quelqu’un d’assez proche pour s’adresser à lui avec familiarité. Il passa rapidement une veste, puis franchit la porte-fenêtre menant à la terrasse de son appartement. Et il la repoussa derrière lui.

– Ça va ? me demanda Chris en attirant mon attention vers lui.

Mes battements de cœur s’étaient intensifiés. Je finis d’ôter mes derniers habits.

– Oui, dis-je.

Il me sembla que Chris savait ce qui allait se produire. Ou… en tout cas, je me mis à le penser. Parce que j’étais stressée mais que lui ne le semblait pas. Il avait l’air beaucoup plus à l’aise que moi par rapport à la situation, en tout cas.

Il me surplomba et m’embrassa. Lui comme Loïc exigeaient décidément beaucoup de baisers. Je ne les rejetais plus. Ils étaient les amorces qui amenaient à cette « autre chose » que je désirais : cette suite à laquelle était ouvert mon corps, qui l’aidaient à s’échauffer et à se préparer à tout ce qui s’ensuivrait. Et j’accueillis avec une envie douloureuse les doigts que Chris enfonça de nouveau en moi. Il pressa avec force, comme me saisissant par-là, me sondant, tandis que je me peinais à conserver mon souffle.

Chris n’abordait pas mon corps comme quelque chose de fragile, mais il ne me brusquait pas pour autant, et j’accueillis ses gestes, pleine du désir que j’éprouvais sous son corps pressant. Et je les accueillis avec plus d’envie encore lorsqu’il écarta mes cuisses pour se présenter entre elles. Et enfin me pénétrer. Plonger en moi.

Je me fondis dans la sensation de ce sexe qui creusait sa place dans mon être, et de ce corps lourd, puissant, qui me clouait sous lui.

Je perdis tout de suite pied.

Il me prit longtemps.

Et il devait en avoir eu envie, beaucoup, parce qu’il n’arrêta pas de me tourner et me retourner, de déplacer mes jambes, de faire pivoter mon bassin, de changer de position pour me baiser plus encore.

Celle par derrière fut celle qui m’emporta le plus pleinement. La sensation de son sexe plongeant en moi était vive, celle de ses mains serrées sur mes hanches aussi, mais ce ne fut pas ce qui joua le plus à ce sujet. Ce fut le sentiment de liberté et d’apaisement que je me mis à éprouver dans le fait d’être possédée ainsi, dans cet acte sexuel qui ne comportait ni contraintes ni enjeux, qui ne me demandait pas de penser et surtout pas d’aimer, sans rien qui ne m’entrave sinon la soumission éphémère aux désirs de mon corps. Captive de l’émoi de ma chair, je ne me rendis plus compte de rien, si ce ne fut, à un instant, une image floue que je n’intégrai pas tout de suite mais qui me resta ensuite, une fois l’acte fini : la sonnerie du téléphone de Loïc et la façon dont, revenu au sein du salon, il décrocha pour se ré-éloigner direct sur la terrasse, comme s’il s’attendait déjà à cet appel.

Chris me baisa jusqu’à atteindre l’orgasme et me faire frôler le mien… que je n’atteins pas. Qui me brûla intérieurement tandis que Chris retombait lourdement contre moi, haletant, nous faisant nous retrouver si collés sur le canapé qu’il aurait pu me faire tomber. La vision de Loïc et de son téléphone me revint alors, mais je ne sus pas la traiter.

Je regardai par la porte-fenêtre : il était toujours dehors, en pleine conversation.

Je me laissai glisser au sol.

Chris retira sa capote en m’adressant l’un de ses sourires craquants. Je lui répondis à peine. Je ne voulais pas encore sortir de la brume.

Lorsque Loïc rentra enfin, j’étais en train de regarder au sol pour rechercher mes vêtements, mais il ne me laissa pas m’en emparer.

– Pas maintenant, dit-il seulement.

– Pourquoi ?

Loïc haussa une épaule et il eut même un petit sourire en coin à ce moment-là, avec un quelque chose de dérangeant dedans : comme s’il savourait son impression de m’avoir « cernée ».

Je me sentis mal. D’un coup.

Je répétai :

– Pourquoi ?

– Un pote va arriver.

Ça me fit l’effet d’une douche froide. Pas seulement par ce que ça sous-entendait. Par son sourire relatif à cette idée.

– Et dans quel but ?

Je n’étais pas complètement conne, bien sûr : je me doutais, mais j’avais besoin de l’entendre le dire, d’avoir sa confirmation.

Il ne me répondit pas, alors j’enchainai :

– Pour que lui aussi puisse me baiser ?

Je ne savais pas si je devais être choquée ou bien interloquée par cette proposition. Il ne m’avait pas demandé mon avis, surtout.

– Pourquoi pas ? Ce n’est pas ce dont tu as envie ?

J’hésitai sur ce que répondre.

« Non » était le premier mot qui me venait parce que, bien sûr, c’était ce que l’autre « moi » aurait répondu, et que celui-ci se manifestait alors clairement. Je restais quelqu’un avec une forme de morale, ou de jugement… Normal, juste. Et mon premier réflexe était forcément celui-ci. Mais, en même temps, cette proposition répondait effectivement à mes envies. A mes fantasmes. A mes désirs enfouis, que j’exhumais avec force, ces derniers temps. Que j’arrachais à la pelleteuse. Mais qu’il était toujours difficile d’assumer. Je n’allais pas lui dire « bingo, fais venir tes potes, je ne demande que ça », même si Loïc disait vrai, au fond. Et je ne lui dirais pas non plus que même cette manière de me traiter, si elle avait tendance à me révolter, était ce que j’attendais de lui, aussi.

– Ça dépend qui, objectais-je.

– Qu’est-ce que ça peut te faire ? Une queue c’est toujours une queue, non ?

J’oscillai entre le considérer plus encore comme un connard et approuver sa pertinence. Loïc me prenait de haut, mais il me cernait avec une acuité stupéfiante, et il disait juste, aussi. C’était peut-être juste cette vérité, mise en mots, soudain, qui était dérangeante.

– Tu n’auras qu’à mettre ta tête dans les coussins.

OK, j’optai pour « pire connard encore » et j’hésitai à lui foutre un pain. Je me remis donc à chercher mes vêtements, nerveusement, sans savoir vraiment ce que je voulais, alors, mais, à ce moment-là, la sonnerie de la porte d’entrée retentit. Loïc alla ouvrir. Chris était resté assis, observateur de la scène mais ne se mêlant pas à notre altercation. Je remarquai son sexe à demi-relevé, encore, comme si son excitation ne s’était pas vraiment fanée, et ses mains croisées tranquillement derrière sa tête. Lui ne chercha pas à se couvrir. Je le trouvais impudique, comme lors de la fête quand il avait fait ce strip tease bourré, peu soucieux de montrer son corps même en érection. Et toujours avec cet air de tout prendre par-dessus la jambe qui m’interrogeait, parfois, et me dérangeait sur le moment. Comme si c’était normal que Loïc profite du fait que je sois en train de me faire sauter par son pote pour en inviter un autre à prendre son tour. Comme si tout ça était normal pour tout le monde, et que je n’avais qu’à dire « oui ».

Chris répondit à mon regard en relevant les yeux sur moi.

– Ne stresse pas comme ça, souffla-t-il.

Je haussais les sourcils, éberluée.

– Facile à dire, murmurai-je.

Il se leva et se rapprocha de moi pour tourner mon visage vers lui d’une main sur ma joue. Et il m’embrassa, mais d’une manière différente des précédentes. Comme un baiser d’amoureux : quelque chose de bien trop tendre pour ce qu’on avait fait, déjà, et ce qu’on s’apprêtait à faire ; pas quelque chose d’un mec qui est en train de se partager une fille inconnue avec ses amis. Et puisqu’il occupa ainsi ma vue – enfin, me fit fermer les paupières, en tout cas –, je n’aperçus le nouvel arrivant qu’une fois qu’il fut vraiment devant moi. Et, sans surprise, c’était leur troisième pote : Ptit Ju, comme le nommaient les autres. Un nom mignon pour un mec qui ne l’était pas. Je tâchais de ne pas montrer à quel point le voir me rebutait. J’avais encore des règles de comportement social. J’étais pourtant tout sauf prête à lui donner mon corps. Et la colère revint avec force.

– Ce n’est pas comme ça que ça marche, dis-je à Loïc, agressive.

– Ah bon, c’est comment ?

– Je ne sais pas mais pas comme ça…

J’étais nue, tous me regardaient, j’avais deux mecs qui étaient déjà passés entre mes cuisses autour de moi, et j’étais stressée. Rien pour me permettre d’être moins mal à l’aise, donc. J’aurais voulu au moins avoir de quoi me couvrir.

– Allez, insista Chris en se penchant vers lui pour baiser mon cou.

On aurait dit une demande d’être « sympa » envers leur pote… Une espèce de relation amicale bizarre dans lesquels ils invitaient leur ami qui ne devait pas baiser souvent à profiter de la fille avec qui il y « avait moyen », tout en restant protecteur envers elle, du moins pour Chris. Comme avoir Chris contre moi atténuait mon sentiment de nudité, je le laissai faire, et il caressa mes seins, joua avec mes mamelons. C’était comme une façon de me dire « vas-y, fais ça pour moi, pour nous… » Je me tendis en réaction, honteuse de ma réceptivité mais, en  même temps, je n’avais pas joui et mon corps n’en pouvait plus. Je ne jouissais désespérément pas avec eux, n’épanchant mon besoin que dans la solitude de ma chambre, et mon corps sur l’instant en était comme usé, douloureusement sensible, prêt à céder à la moindre des promesses à ce sujet.

– Viens sur moi, dit Chris, en s’allongeant sur le canapé.

Mais il se reprit tout de suite et se releva. Il jeta au sol tout ce qu’il trouva de mou et de souple : le plaid épais de l’un des fauteuils, une sorte de couverture molletonnée, tout ce qu’il y avait de coussins autour de nous, et il s’allongea sur le dos. Il bandait maintenant vraiment dur et son sourire était à la fois séducteur et empli de désir.

– J’ai envie de te lécher, dit-il en me tendant la main. Viens.

Soit juste la proposition qui avait le plus de chances de me faire craquer.

Il mit un coussin sous sa tête et m’appela de nouveau.

J’hésitai… Merde. Franchement. Loïc me faisait un sale coup en faisant venir son pote comme ça sans me demander mon avis. Et en même temps, je devais reconnaître que seule l’apparence de Ptit Ju me dérangeait. Dans le fond, Loïc ne m’offrait que ce que j’attendais de lui et j’aurais accepté avec beaucoup plus de facilités n’importe quel autre mec… J’aurais accepté n’importe qui d’autre, en fait.

Je cédai.

L’envie me submergeait trop. L’idée d’avoir la langue de Chris sur mon sexe faisait vibrer mon corps frustré et la situation m’excitait, aussi, dans une pulsion interne qui m’était encore mystérieuse mais que je ne pouvais pas restreindre. Et puis Chris me plaisait, aussi, pas comme un mec avec qui on pouvait envisager véritablement quelque chose derrière – si ça avait été le cas, je me serais barrée en courant – mais comme quelqu’un que je pouvais suivre, sur l’instant, qui me donnait envie de me fier à lui. Je m’agenouillai à ses côtés, avec mon cœur qui tapait fort, mais il m’arrêta tout de suite.

– Non non, pas comme ça.

Il eut même une tête bizarre, comme s’il était surpris que je ne l’ai fait pas de moi-même.

– Dans l’autre sens, précisa-t-il.

Et il m’accompagna de manière à me faire positionner sur lui en 69. Là, ce fut autant excitant qu’obscène. Parce que j’avais sa queue, bien dure, à ma portée, et sa bouche prête à s’occuper de mon sexe, et que mon cul était terriblement exposé aux deux observateurs qui nous surplombaient, debout. Drôle de scène, vraiment. Plus drôle encore quand Loïc me tendit un préservatif pour que le déroule sur le sexe de Chris. Il s’était vraiment adapté à mes exigences

Quand Chris se mit à me lécher, je cessai de penser. Ou presque. Parce que ce fut tellement fort ! Et tellement bon, et j’avais tellement été en manque de ça, et ce fut comme un vertige, soudain, qui m’emporta, me faisant trembler, feuler, et tâcher de drainer l’émoi de mon corps en engloutissant profondément sa queue dans ma bouche. Et je sentis, aux frémissements de Chris, à quel point il aimait ce que je lui faisais. La façon dont il cessa plusieurs fois de me lécher pour échapper un souffle lourd l’indiqua également, tout comme marquant la manière dont il se retenait pour ne pas jouir avant moi.

Je finis par succomber. L’orgasme me dévasta, mon corps secoué de spasmes, des gémissements lourds s’arrachant de ma gorge, des larmes, même, embuant mes yeux, tant tout mon être était bouleversé, remué.

– Doucement, murmura juste Chris alors que je me remettais à le sucer pour le faire jouir.

Je pris en compte sa demande en sachant ce qui allait alors se passer.

Je ne me retournai pas. Je le laissai hausser plus haut mon bassin, et redescendre son visage – je sentis qu’il retirait le coussin sur lequel il avait posé sa tête –, laissant en hiatus sa propre envie de jouir tandis que j’essayai de reprendre mon souffle. Et, surtout, de ne pas penser.

Alors qu’un sexe se présentait derrière moi, je lançais juste la main derrière mon bassin pour vérifier ça : qu’il était bien recouvert d’une capote, et je levais les yeux pour voir Loïc, pour voir qu’il observait non pas son pote enfonçant sa queue en moi mais mon visage tandis qu’il le faisait.


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